Traducteur: linkfet
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Lorsqu’Amane se réveilla ce matin-là, tout était calme.
Il entendait les oiseaux chanter à l’extérieur, mais il n’y avait aucun signe indiquant que Mahiru s’était levée dans sa chambre.
Le jour était déjà bien avancé, mais Mahiru, sans doute encore épuisée par la soirée de la veille, semblait dormir profondément.
Amane, lui, n’avait réussi qu’à somnoler un peu –imaginé Mahiru dans son lit l’avait empêché de trouver un vrai repos– et il avait fini par dériver à la frontière du sommeil avant de décider de se lever.
Même si cette nuit agitée ne l’avait pas trop affecté physiquement, la situation dans son ensemble était autrement éprouvante. C’était la première fois qu’il laissait une fille passer la nuit chez lui, sans parler du fait qu’elle dormait dans son lit. Naturellement, cela le rendait incroyablement nerveux.
… Qu’est-ce que je suis censé faire dans une situation pareille ?
Il était presque sûr que Mahiru s’était permise de s’endormir parce qu’elle le voyait comme un garçon inoffensif et sûr, mais Amane restait un garçon malgré tout, une vérité qu’il souhaitait qu’elle prenne plus souvent en compte.
Il regrettait sincèrement de ne pas l’avoir réveillée pour la renvoyer chez elle, mais à ce stade, c’était trop tard.
Amane poussa un soupir, s’étira pour dénouer les tensions de son corps après une nuit passée sur le canapé, puis se leva lentement.
Pour l’instant, il décida d’aller jeter un œil sur Mahiru. Enfin, son but principal était surtout de récupérer des vêtements, mais il profiterait de l’occasion pour vérifier qu’elle allait bien.
Il ouvrit la porte de la chambre avec la plus grande précaution.
À l’intérieur, tout était calme. Mahiru était exactement comme il l’avait laissée, toujours profondément endormie dans son lit.
Le seul changement notable était qu’elle avait dû se tourner plusieurs fois dans son sommeil, car elle était maintenant allongée sur le côté, et ses cheveux s’étalaient sur les draps comme une rivière d’or fluide.
Amane s’agenouilla pour l’observer de plus près. Sa respiration était calme et régulière.
Elle a l’air si innocente quand elle dort.
Mahiru avait souvent une expression sereine, probablement parce qu’elle était constamment sur ses gardes, mais son visage endormi respirait la tranquillité. Une fois de plus, Amane ressentit l’envie irrésistible de la caresser.
… Elle est vraiment adorable comme ça…
Bien sûr, elle était indéniablement belle à tout moment de la journée, mais la voir dans cet état de vulnérabilité touchait Amane d’une manière différente.
Il avait envie de glisser sa main dans ses cheveux soyeux ou de tapoter doucement ses joues.
Elle était d’ordinaire si posée et réservée, si parfaite, qu’il était presque tentant de profiter de ce moment où elle baissait complètement sa garde.
Sans réfléchir, Amane tendit une main vers elle et pressa le bout de son doigt contre sa joue qui semblait si douce. La peau de Mahiru était aussi soyeuse que la veille. Il avait presque envie de continuer à la toucher éternellement.
Mahiru, qui dormait tranquillement jusque-là, laissa échapper un petit gémissement rauque mais attendrissant, puis ouvrit ses yeux couleur caramel, encore embrumés de sommeil… Ou du moins, elle sembla diriger son regard vers Amane. Son visage, semblable à celui d’un ange, paraissait encore plus innocent au réveil. Elle resta immobile un moment, son regard vide et embué, avant de froncer légèrement les sourcils et de se rendormir.
Quand Amane tenta de retirer sa main, Mahiru bougea et sa joue effleura de nouveau ses doigts. « … Mmm… » Un soupir délicat s’échappa de sa gorge.
Amane eut presque l’impression qu’elle murmurait : Ne pars pas.
Bien sûr, Mahiru était encore à moitié endormie. Jamais elle n’agirait de la sorte en temps normal.
Même ainsi, ses mouvements rappelaient à Amane un chaton affectueux. La journée venait à peine de commencer, et son esprit était déjà en ébullition. Il ne savait pas s’il devait retirer sa main ou continuer à lui caresser la joue. Son cœur, lui, penchait fortement pour la deuxième option. Après tout, c’était rare de voir Mahiru dans cet état, et il avait envie de tester jusqu’où il pouvait aller.
Mais Amane savait que si Mahiru le surprenait en train d’agir ainsi, elle ne l’écouterait pas une seconde. Il savait pertinemment que cela la mettrait très mal à l’aise, alors il s’arrêta net.
Mahiru semblait peu à peu émerger de son sommeil, mais elle n’était manifestement pas encore pleinement réveillée. Sa joue, elle, restait pressée contre les doigts d’Amane.
Il était entré dans la pièce pour vérifier comment elle allait et peut-être attraper des vêtements de rechange en passant. Comment en était-il arrivé à faire quelque chose comme ça ? Amane sentit ses joues s’empourprer en réalisant pleinement à quel point son comportement pouvait sembler dérangeant.
« Nn-ngh… »
Au bout d’un moment, les paupières de Mahiru commencèrent à papillonner…
« … Ah. »
Leurs regards se croisèrent.
Le regard de Mahiru passa d’Amane, qui se penchait au-dessus d’elle, à son doigt tendu. Elle se redressa aussitôt d’un bond.
« S-salut. » Balbutia Amane.
« … B-bonjour… »
« Tu t’es endormie chez moi, alors je t’ai laissé passer la nuit ici, mais je n’avais aucune intention derrière tout ça, je te jure que je n’ai rien fait. J’espère vraiment que tu comprendras… » Expliqua Amane d’une traite, les mots se bousculant dans sa bouche alors qu’il tentait de s’expliquer.
Pendant qu’Amane livrait ce récit confus, Mahiru resta silencieuse, mais ses joues s’empourprèrent rapidement en réalisant où elle avait dormi. Elle attrapa un coin du futon et tenta presque de s’y cacher. Trouvant ce simple geste adorable, Amane détourna rapidement les yeux.
Qu’est-ce qui se passe, là ?
Même s’il lui avait prêté un lit pour la nuit, il commençait à se sentir mal. Il savait qu’il avait eu tort de la toucher sans permission. Mais ça n’avait duré qu’un instant, et il n’avait absolument aucune intention d’aller plus loin.
Amane regarda de nouveau Mahiru. Son cœur battait à tout rompre. Était-ce parce qu’il était sous son charme ou à cause de la culpabilité ? Il remarqua que ses joues étaient toujours teintées de rouge et qu’elle le fixait avec un regard… agacé ? Non, pas tout à fait. On aurait dit qu’elle voulait lui dire quelque chose.
« … Amane, t’aimes tant que ça toucher mes joues ? »
« Hein ? »
« Je veux dire, tu m’as touchée à Noël, et encore hier quand je me suis endormie, non ? »
« … Alors tu étais éveillée tout ce temps ? »
L’autre soir, quand il lui avait caressé la joue… Il avait cru qu’elle dormait profondément et qu’elle ne saurait jamais qu’il l’avait touchée. Mais elle le savait, car elle avait en fait été réveillée à ce moment-là.
« Eh bien, tu vois, je me suis brièvement réveillée juste au moment où on me mettait au lit… Et dans une situation pareille, que pouvais-je faire d’autres ? »
« Tu n’avais pas peur que je… Fasse quelque chose ? » Demanda Amane.
« … Je n’ai jamais pensé que tu ferais quelque chose de ce genre, mais… Pour confirmer mes soupçons, j’ai fait semblant de dormir. »
Apparemment, s’endormir devant lui avait été une sorte de test pour déterminer s’il méritait vraiment sa confiance. Finalement, il semblait qu’elle penchait plutôt pour un oui que pour un non, ce qui le soulagea.
Amane espérait qu’elle n’essaierait plus ce genre de test. Il n’était vraiment pas sûr de pouvoir se contrôler à nouveau dans une telle situation.
« … Eh bien, je suis content que tu n’aies pas décidé que j’étais complètement louche. Mais s’il te plaît, ne refais pas ça. Je suis un homme, après tout. »
« Euh, je sais bien, mais— »
« Ou peut-être que tu t’attendais à ce que je tente quelque chose ? »
« Absolument pas ! » Réfuta fermement Mahiru en remontant la couverture autour d’elle. Elle tremblait presque, et Amane pensa avoir vu ses joues s’empourprer un peu. Il se retint sagement de plaisanter sur le fait qu’elle était dans son lit.
Pour l’instant, il valait probablement mieux donner un peu d’espace à Mahiru jusqu’à ce qu’elle reprenne ses esprits.
***
Après cet échange inexplicablement maladroit, Mahiru retourna dans son appartement pour se rafraîchir avant de revenir. Mais il était évident qu’elle était encore gênée, car elle refusait de croiser le regard d’Amane. Chaque fois qu’il essayait d’accrocher son regard, elle le détournait. Même assise sur le canapé juste à côté de lui, elle semblait à des kilomètres.
« … Je suis désolé. » Dit Amane, l’estomac noué.
Mahiru jeta rapidement un coup d’œil dans sa direction, puis soupira doucement. Peut-être n’était-elle plus aussi énervée, car elle affichait son expression sereine habituelle. « Je ne suis pas en colère. Tu n’as pas besoin de t’excuser, Amane. »
« Eh bien, je pense— »
« Je suppose que je suis surtout énervée contre moi-même d’avoir été si négligente, c’est tout. J’aurais vraiment préféré que tu ne me voies pas comme ça. »
« Comme… quoi ? Je t’ai trouvée vraiment adorable… »
Le visage endormi de Mahiru lui avait rappelé pourquoi les gens la surnommaient l’ange, mais plus encore, il avait découvert qu’à son réveil, entre le sommeil et l’éveil, son habituel calme olympien laissait place à une innocence juvénile qu’il trouvait extrêmement charmante.
Amane voulait vraiment la revoir comme ça.
Mais il était clair que Mahiru n’était pas contente qu’il l’ait vue sans défense. Avant qu’Amane ne puisse argumenter davantage, elle mordilla sa lèvre, puis lui asséna soudainement un coup de coussin. Ça ne faisait pas mal, bien sûr—Mahiru ne semblait pas y mettre beaucoup de force—mais cela surprit Amane.
« Qu’est-ce que c’était que ça ? »
« … Tu sais, c’est ce genre de choses que je déteste chez toi, Amane. »
« Déteste quoi ? Dis-moi au moins ce que j’ai fait de mal. »
« Ce que tu as dit… Ce n’est pas le genre de chose qu’on dit à une fille aussi facilement, tu sais ? »
« Eh bien, ce n’est pas comme si je disais ce genre de choses à quelqu’un d’autre… »
Les seules filles qu’Amane connaissait étaient Mahiru et Chitose. Et même si Chitose était mignonne, Amane la trouvait plus agaçante qu’autre chose, et il n’avait aucune raison de la complimenter en face. À qui d’autre aurait-il pu dire ça ?
Amane remarqua que Mahiru se montrait défensive. Il observa attentivement ses réactions en poursuivant. « Et puis, tu dois être habituée à ce qu’on te dise ce genre de choses, non ? Pourquoi ça te dérange maintenant ? »
Après tout, il avait dit à Mahiru de nombreuses fois qu’il la trouvait mignonne. Ça ne semblait pas être quelque chose qui deviendrait soudain un problème. Elle savait à quel point elle était belle.
Elle ne peut pas être gênée juste à cause d’un petit compliment, si ?
C’est ce que pensait Amane, mais pour une raison quelconque, Mahiru affichait toujours une mine contrariée.
« Sérieusement, qu’est-ce qu’il y a ? »
« … Rien. »
Elle lui asséna une dernière attaque avec le coussin avant de se retourner brusquement et de déclarer : « Je vais faire de la soupe au mochi. » Elle enfila son tablier et se dirigea vers la cuisine.
Amane ne put que serrer le coussin entre ses mains et regarder le dos de Mahiru alors qu’elle quittait précipitamment la pièce.
***
Lorsqu’ils eurent fini de manger la soupe au mochi, Mahiru avait retrouvé son comportement habituel. Le début du repas avait été quelque peu gênant, mais la soupe ainsi que les divers plats d’osechi étaient si délicieux qu’Amane avait rapidement oublié tout le reste. Avant qu’il ne s’en rende compte, l’ambiance s’était apaisée.
Alors qu’ils passaient de la table au canapé pour s’asseoir à nouveau ensemble, Amane demanda : « Au fait, est-ce que tu prévois d’aller faire une visite au sanctuaire pour commencer la nouvelle année, Mahiru ? »
« Une visite au sanctuaire ? Je n’avais pas vraiment prévu d’y aller… Je n’aime pas trop les foules, tu sais. Les gens me regardent tout le temps. »
« C’est parce que tu es… »
Il s’apprêtait à dire «… Parce que tu es si belle », mais l’atmosphère venait à peine de se détendre après son précédent faux pas. Il ravala ses mots et dit simplement : « Eh bien, je suppose qu’il n’y a pas grand-chose à y faire… »
« Tu comptes y aller, toi, Amane ? »
« J’y allais toujours avec mes parents quand j’étais chez eux, mais je me demandais si ça valait le coup d’y aller cette année. Je pense qu’il vaut mieux éviter, au moins pour le jour de l’An. »
« Je suis d’accord. »
« Chitose et Itsuki passent du temps tranquille chez elle, donc ils ne sont pas dans le coin. Et de nos jours, les jeunes ne s’intéressent plus autant à la première visite au sanctuaire de l’année. Je pense qu’on peut s’en passer. »
Par rapport à avant, les jeunes, surtout ceux dans la vingtaine, accordaient de moins en moins d’importance à cette tradition. Qu’Amane et Mahiru n’y aillent pas n’avait rien d’étrange.
Ce n’était pas qu’il n’avait pas envie d’y aller, mais il savait qu’il y aurait trop de monde pour s’y déplacer confortablement et que l’expérience finirait par être épuisante. Il pensait donc qu’il valait mieux attendre que la foule se calme un peu.
« Et puis… » Continua Amane « Je veux passer les trois premiers jours de la nouvelle année à me détendre. Je ne m’intéresse pas vraiment aux soldes ou à quoi que ce soit d’autre. »
« À vrai dire, je suis un peu curieuse des sacs surprises que certaines boutiques proposent. » Mentionna Mahiru.
« Tu comptes aller dans un centre commercial ou ailleurs ? »
Elle secoua la tête. « … Je ne suis pas assez courageuse pour affronter ces foules. »
« Je suis d’accord. »
Amane répondit exactement de la même façon que Mahiru quelques instants plus tôt et s’enfonça dans le canapé.
Il n’y avait définitivement aucune raison de sortir, juste parce que c’était le jour de l’An.
Amane était parfaitement heureux de prendre les choses avec calme à la maison. Il préférait éviter les situations stressantes, après tout. Et puisqu’ils passaient les fêtes ensemble, il n’allait certainement pas manquer de bonne nourriture ni de conversation.
Se disant que c’était une façon particulièrement agréable de célébrer la nouvelle année, Amane jeta un coup d’œil à Mahiru assise à côté de lui, tandis qu’un léger sourire apparaissait sur son visage.