The angel next door spoils me rotten chapitre 17

Une visite des parents et la première au temple

Traducteur: linkfet
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« Pourrions-nous visiter ton appartement demain, Amane ? »

                Le père d’Amane, Shuuto, avait envoyé ce message à vingt-deux heures, le 3 janvier, après le dîner et après que Mahiru soit rentrée chez elle.

                « Ça ne fait rien si tu n’es pas rentré pour les fêtes, mais je tiens à te voir. En plus, j’ai entendu parler d’elle par ta mère, mais je pense qu’il vaut mieux que je salue moi-même ta voisine. »

                Son père voulait probablement rencontrer la personne qui prenait si bien soin de son fils. Et puisque la mère d’Amane avait déjà découvert sa relation avec Mahiru, et était même en contact régulier avec elle, Amane ne voyait pas grand intérêt à refuser.

                Il n’avait plus rien à cacher, et il ne voulait pas non plus rejeter ses parents après ne pas être rentré pour les fêtes. De plus, Amane estimait que la présence de son père pourrait aider à calmer sa mère et éviter qu’elle ne fasse une scène. Au minimum, il comptait sur lui pour empêcher une répétition de la dernière visite, si épuisante.

                D’ailleurs, Amane avait l’impression que même s’il refusait, sa mère viendrait tout de même voir Mahiru. Ainsi, après avoir convenu d’une heure avec son père (qui avait eu l’amabilité de prévenir), Amane envoya un message à Mahiru pour la prévenir.

***

« Est-ce que c’est vraiment bien que je sois là pendant ton moment en famille ? Je ne vais pas m’imposer ? »

                Le lendemain, Mahiru arriva tôt dans l’appartement d’Amane. Elle semblait nerveuse.

                Dans un sens, ce n’était pas vraiment surprenant. Mahiru s’occupait beaucoup de lui… Bien que formulé ainsi, cela pouvait prêter à confusion. En-tout-cas, elle passait beaucoup de temps avec lui, et maintenant, ses parents voulaient la rencontrer.

                Elle avait déjà l’habitude de parler avec sa mère, ou du moins de l’écouter, mais cette fois, le père d’Amane serait également présent. Pas étonnant qu’elle soit tendue.

                « Bon, puisque Papa veut te saluer, et que Maman t’apprécie tant, j’aimerais que tu sois là. Franchement, j’ai besoin de toi. »

                « T-tu dis ça, mais… »

                « Je sais que tu préférerais éviter, mais ça m’aiderait beaucoup si tu pouvais supporter ça juste un petit moment. »

                C’était un peu surréaliste de la présenter à ses parents, mais puisqu’ils l’avaient demandé, il n’y avait plus moyen d’y échapper.

                Il s’en voulait de prendre du temps à Mahiru, mais il savait que son père ne se reposerait pas tant qu’il ne l’aurait pas rencontrée. Il espérait donc qu’elle ne le prenne pas trop mal.

                « … Je me demande ce que Shihoko lui a raconté à mon sujet. »

                « Détends-toi. J’ai bien précisé à mon père que tu es une personne qui m’aide beaucoup. Même s’il se fait de fausses idées, je lui ai déjà dit que les délires de ma mère à ton sujet sont totalement infondés. »

                La mère d’Amane semblait déjà avoir décidé que Mahiru était sa future belle-fille. Amane avait pris soin de nier fermement toutes les affirmations farfelues qu’elle avait pu faire. Son père avait ri et répondu : « Shihoko a toujours eu ce vilain défaut de laisser son imagination galoper. » Apparemment, il comprenait la situation.

                Mahiru parut soulagée en entendant cela, et Amane lui sourit avec un mélange de gêne et d’amusement pendant qu’ils attendaient. « Désolé pour tout ça. »

                Puis, comme par hasard, l’interphone sonna.

                Ses parents étaient déjà passés par le hall grâce à un double des clés, alors il s’attendait à ce qu’ils soient directement à sa porte.

                Au son de la sonnette, Mahiru tressaillit de surprise. Amane lui adressa un petit sourire pour la rassurer avant de se diriger vers la porte. Il ôta la chaîne et déverrouilla la serrure.

                En ouvrant la porte, il retrouva ses parents, exactement comme dans son souvenir.

                « Cela fait six mois, Amane. »

                « Ça faisait longtemps, Papa. »

                Amane accueillit le sourire bienveillant de Shuuto avec un soupir de soulagement et un léger sourire.

                Avec sa personnalité douce, Shuuto avait le don d’apaiser les choses rien qu’en étant là. Rien qu’à sa vue, Amane se sentit un peu plus détendu.

                « Tu n’avais pas l’air aussi content de voir ta mère… » Remarqua Shihoko.

                « C’est parce que ma mère s’est imposée sans prévenir. Si tu me donnais un minimum d’avertissement, je réagirais normalement. »

                La dernière fois que Shihoko était venue, Mahiru se trouvait chez lui, et il avait essayé de la repousser. S’il avait été seul, il l’aurait sans doute accueillie un peu plus gentiment.

                « Enfin bref, entrez. C’est quoi ce paquet ? »

                « Oh, nous t’avons apporté toutes sortes de choses. Mais on verra ça plus tard. Où est Mahiru ? »

                « À l’intérieur. » Répondit-il brièvement. Après que ses parents aient retiré leurs chaussures, il les conduisit au salon.

                Mahiru semblait anxieuse, les regardant avec de grands yeux surpris, ce qui était compréhensible.

                Le père d’Amane paraissait remarquablement jeune. On aurait dit qu’il n’avait guère plus de trente ans, surtout si on oubliait qu’il avait un fils adolescent. Avec ses traits délicats et son visage attrayant, il ressemblait davantage à un jeune homme bien élevé qu’à un homme d’âge mûr. Plus d’une fois, Amane avait souhaité tenir davantage de lui.

                « Mahiru, ma chère, ça faisait longtemps. » Lança Shihoko avec un grand sourire.

                « Longtemps ? Ça ne fait à peine qu’un mois ! » Rétorqua Amane.

                « Ça compte. » Répondit Shihoko, en s’approchant de Mahiru, toujours rayonnante.

                Mahiru se redressa légèrement et la salua d’un formel « Ravie de vous revoir », arborant le léger sourire qui faisait partie intégrante de son attitude en public.

                Mais ses yeux déconcertés continuaient à dériver vers le père d’Amane, debout à côté de Shihoko. Shuuto, remarquant le regard de Mahiru, lui adressa un sourire chaleureux.

                « Enchanté. Je suis Shuuto Fujimiya, le père d’Amane. J’ai beaucoup entendu parler de toi par Shihoko, Mademoiselle Shiina. Merci de prendre si bien soin de notre fils. »

                « Enchantée. Je suis Mahiru Shiina. Et je suis également reconnaissante pour tout ce qu’Amane fait pour moi. »

                Shuuto s’inclina poliment, et Mahiru se présenta avec courtoisie.

                Mahiru avait probablement craint que le père d’Amane ne soit semblable à sa mère, mais Shuuto était un homme doux et posé, qui faisait de son mieux pour la mettre à l’aise.

                Shuuto était généralement celui qui modérait les tendances extravagantes de Shihoko. En réalité, il était la seule personne à qui elle obéissait, preuve de l’amour qu’elle lui portait.

                « Voyons, tu n’as pas besoin d’être si modeste ! » Intervint Shihoko. « Amane est un vrai flemmard, après tout. »

                « Merci de l’encouragement, Maman… » Marmonna Amane.

                « Allons, Shihoko, ne dis pas des choses pareilles. » Dit son père. « Et toi, Amane, cette jeune fille prend soin de toi au quotidien, alors j’espère que tu lui exprimes bien ta gratitude. »

                « Autant que possible. »

                « Voilà ce que je voulais entendre. »

                Shuuto, qui avait appris à son fils à respecter les femmes, semblait soucieux qu’il soit suffisamment attentionné. Évidemment, Amane n’aurait pas supporté de se reposer sur Mahiru sans rien faire, alors il faisait tout ce qu’il pouvait pour l’aider.

                Shuuto, rassuré par la réponse de son fils, tourna de nouveau son regard vers Mahiru.

                « … Je dois vraiment te remercier. J’ai entendu dire que tu préparais les repas de mon fils tous les jours, et que tu as même eu la gentillesse de cuisiner des plats d’osechi pour les fêtes… »

                « Je la remercie tout le temps pour ça. J’essaie aussi de lui montrer ma reconnaissance à chaque occasion. »

                « C’est vrai… » Acquiesça Mahiru. « Amane est étonnamment attentionné. »

                « Étonnamment ? » Demanda Amane. « Et qu’y a-t-il de si surprenant là-dedans ? »

                « C-c’est-à-dire… Euh… Tu parais… Un peu négligent au premier abord, mais finalement, tu fais vraiment attention aux détails. »

                Amane, incapable de réfuter ce qu’elle disait, resta sans voix.

                « L’essentiel, c’est que vous vous entendez bien. » Dit Shuuto avec un sourire doux. « Amane, veille à ne pas trop embêter Mademoiselle Shiina. »

                « … Je sais. »

                « Et toi, Mademoiselle Shiina, je t’invite à nous prévenir immédiatement si Amane te cause le moindre souci. Mon fils ne le montre pas, mais c’est un jeune homme très sérieux, alors je suis sûr qu’il fera de son mieux pour régler tout problème. »

                « Amane est gentil. Je ne vois rien de problématique chez lui… Enfin, presque rien… »

                « Il n’est pas très adroit, hein ? »

                « Non… Il n’est pas désagréable… Disons plutôt qu’il est juste un peu désespérant. »

                Mahiru, visiblement embarrassée, hésitait à exprimer ce qu’elle pensait vraiment, ce qui donnait à Amane une envie irrépressible de lui poser des questions précises.

                Qu’est-ce qui est si désespérant pour que tu le formules ainsi ?

                Pour une raison qu’Amane ne comprenait pas, Shihoko semblait avoir saisi ce que Mahiru voulait dire. Elle lui lança un large sourire. « Ah-ha ! »

                Amane ne put que fusiller sa mère du regard, exaspéré.

***

« Voilà pour vous. »

                Bien que ses parents soient ses invités, il était naturel de les traiter comme tels. Cependant, Mahiru avait insisté pour s’occuper du thé, alors Amane lui avait confié cette tâche.

                Mahiru avait apporté son service à thé chez lui pour pouvoir l’utiliser à chaque visite. Amane n’aurait jamais imaginé qu’il servirait dans une telle situation.

                Ses parents, assis sur le canapé où Amane et Mahiru s’installaient habituellement ensemble, affichaient de chaleureux sourires.

                « Merci beaucoup, ma chère Mahiru. Tu as un véritable talent pour recevoir des invités, n’est-ce pas ? »

                « M-merci. »

                « Pourtant, c’est le rôle d’Amane, tu sais ? »

                Mahiru s’en occupait parce que lorsqu’Amane essayait de préparer du thé, il le faisait souvent bien trop amer.

                Cela n’empêcha pas Shihoko de le regarder avec une légère désapprobation.

                « Non, je voulais le faire, mais… »

                « Eh bien, je suppose que c’est mieux ainsi, puisqu’Amane n’arrive jamais à régler correctement la température de l’eau. »

                Elle avait raison, mais le fait qu’elle le souligne aussi directement l’agaçait un peu.

                Cependant, il ne pouvait pas le nier, alors il garda stoïquement le silence pendant que Shihoko lui lançait un sourire taquin.

                « À propos, Amane, tu as enfin commencé à appeler la petite Mahiru par son prénom, n’est-ce pas ? »

                À cette remarque soudaine, Amane et Mahiru se figèrent.

                Ils étaient devenus si à l’aise l’un avec l’autre qu’ils n’y avaient même pas prêté attention. La dernière fois qu’ils avaient vu la mère d’Amane, ils s’adressaient encore l’un à l’autre de manière très formelle.

                « … Et alors ? »

                « Je trouve ça génial ! » S’exclama sa mère avec enthousiasme. « C’est agréable de voir que vous devenez plus proches. » Sans insister davantage, Shihoko resta assise, rayonnante.

                Amane sentit sa joue tressaillir. Il aurait presque préféré qu’elle se moque de lui ouvertement. Ce serait plus facile à gérer que ses suppositions extravagantes et ses récits imaginaires.

                « Shihoko, ne taquine pas tant Amane. » Intervint le père d’Amane. « C’est une vilaine habitude. »

                « Très bien, chéri. Tu sais que je ne peux pas m’en empêcher. » Shihoko se rangea à l’avis de son mari sans grande résistance, ce qui soulagea profondément leur fils exaspéré. « Mais c’est merveilleux, non ? Voir notre fils s’entendre si bien avec une fille mignonne ? »

                « Ce qui m’inquiète, c’est de savoir si tu ne vas pas encore t’emballer, ma chère Shihoko. »

                « Si cela arrive, tu seras là pour m’arrêter, n’est-ce pas, mon cher Shuuto ? »

                « À vrai dire, j’aimerais que tu travailles un peu là-dessus, puisque tu reconnais que c’est un problème… Mais c’est aussi une partie de ce qui m’a fait tomber amoureux de toi, alors je suppose qu’il n’y a rien à faire. »

                « Ho-ho… Quel petit renard rusé, tu fais. »

                Bien qu’Amane fût soulagé que Shihoko ait fini par le lâcher, il ne put s’empêcher de soupirer en voyant ses parents s’égarer dans leur petit monde à eux.

                Son père, bien que fondamentalement raisonnable, avait l’habitude malheureuse d’adorer sa femme avec tant d’enthousiasme que cela rendait parfois l’atmosphère un peu gênante pour les autres présents.

                Heureusement, ce genre de comportement ne se produisait qu’en famille, en public, ils se montraient bien plus réservés. Mais là, il s’agissait de l’appartement d’Amane, et il aurait apprécié qu’ils fassent preuve d’un peu plus de retenue. Certes, il était heureux que ses parents aient une relation aussi forte après toutes ces années, mais un peu de considération n’aurait pas été de trop.

                Lorsqu’ils se comportaient ainsi, Amane préférait ne pas s’interposer. Il alla s’asseoir sur la chaise qu’il avait ramenée de la salle à manger et poussa un nouveau soupir, résigné.

                Mahiru s’installa également sur une chaise qu’Amane avait placée près de la sienne et lui demanda à voix basse : « … Tes parents s’entendent très bien, n’est-ce pas ? »

                « Plutôt, oui. Enfin, ils ne sont pas comme ça à l’extérieur, mais c’est exactement leur dynamique à la maison. »

                « Je vois » Répondit Mahiru avec un sourire étrange, tout en regardant Shihoko et Shuuto.

                Elle ne semblait pas mal à l’aise du tout —au contraire. Mahiru avait l’air d’observer quelque chose de précieux et éblouissant. Amane crut même percevoir une touche d’envie dans son regard. Elle souriait si peu que le mot légèrement semblait encore trop fort. Sans réfléchir, Amane tendit une main vers la sienne—

                « Oh, Amane, qu’est-ce que tu fais ? »

                Il retira aussitôt sa main en entendant la voix de Shihoko, ce qui le ramena brutalement à la réalité.

                « Rien, vous étiez tellement dans votre monde que nous, on ne savait plus où se mettre. »

                « Oh, tu es jaloux ? »

                « Pas du tout. Je pensais juste que vous devriez vous trouver une pièce. Chez vous, de préférence. »

                Sa mère ne sembla pas remarquer qu’il avait été sur le point de saisir la main de Mahiru. Cette dernière, visiblement embarrassée, força un sourire en entendant la réplique d’Amane.

                Il ne comprenait pas pourquoi il avait instinctivement voulu tendre la main vers elle. Pour une raison inexpliquée, il ne supportait pas l’idée de la laisser seule dans sa solitude.

                Mahiru ayant retrouvé son comportement habituel, Amane se sentit légèrement soulagé. Il reprit son air boudeur habituel pour éviter que quiconque ne devine ce qu’il ressentait.

                « Alors, vous êtes satisfaits, maintenant que vous avez vu le visage de votre fils ? » Lança Amane.

                « Je suis plus satisfaite d’avoir vu la douce Mahiru que toi, Amane… » Répondit sa mère avec un sourire en coin.

                « Hé… »

                « Je plaisante. Mais nous n’avons pas encore accompli notre vraie mission, tu sais. »

                « Votre… Quoi ? »

                Amane avait supposé qu’ils étaient venus simplement pour présenter leurs vœux du Nouvel An et rencontrer Mahiru, mais sa mère semblait avoir une autre idée en tête.

                « Vous n’êtes pas encore allés au sanctuaire pour votre première visite de l’année, n’est-ce pas ? »

                « On comptait y aller une fois que la foule se serait calmée. »

                « Je m’en doutais ! Et toi non plus, Mahiru, n’est-ce pas ? Je t’ai posé la question dans mon message. »

                « En effet. » Acquiesça Mahiru.

                « Je m’en doutais, alors j’ai apporté des kimonos ! »

                Apparemment, sa mère souhaitait aller au sanctuaire avec Mahiru.

                Shihoko affichait un grand sourire tandis qu’Amane comprenait enfin pourquoi elle avait apporté un sac si volumineux. Il poussa un énième soupir, ne comptant plus combien de fois il l’avait fait ce jour-là.

                Shihoko adorait les choses mignonnes et aimait jouer à la poupée, alors elle devait attendre cette occasion avec impatience.

                Amane se souvenait que sa mère possédait une grande collection de kimonos. Visiblement, elle en avait apporté quelques-uns.

                « J’ai toujours rêvé d’habiller une fille en kimono et d’aller avec elle au sanctuaire… Oh, je suis sûre que celui-ci ira parfaitement à Mahiru. »

                « Maman, tu veux juste une poupée à habiller. »

                « Ce n’est pas vrai ! Mais j’ai vraiment envie d’habiller Mahiru. Regarde, celui-ci lui irait à merveille ! » Shihoko débordait de confiance, et elle avait probablement raison : Mahiru était ravissante dans tout ce qu’elle portait.

                Amane se souvenait l’avoir vue dans des tenues masculines, des habits sophistiqués, et ses vêtements habituels ornés de froufrous et de dentelle. Chaque style semblait lui convenir à la perfection. Les gens beaux n’avaient décidément pas besoin d’être exigeants avec leurs tenues. Il n’était pas difficile d’imaginer que des vêtements traditionnels japonais lui iraient aussi très bien.

                Amane étant fils unique, sa mère n’allait certainement pas manquer l’occasion de réaliser son rêve d’habiller une fille.

                « … Bon, si Mahiru est d’accord, pourquoi ne pas l’habiller et y aller ? »

                « Pourquoi parles-tu comme si tu ne venais pas, Amane ? »

                « Je ne peux pas, ça poserait problème si des camarades de classe me voyaient avec Mahiru. »

                Si seuls ses parents et Mahiru y allaient, ils ressembleraient à une famille ordinaire, et personne ne soupçonnerait quoi que ce soit. Mais si Amane les accompagnait, et qu’un de leurs camarades les voyait ensemble au sanctuaire, il pouvait déjà imaginer à quel point le début du trimestre d’hiver deviendrait un cauchemar.

                Aucune visite au sanctuaire ne valait un tel risque.

                « Donc, tant que personne ne te voit, ça va ? »

                « Je suppose, mais je sens que ça ne va pas dans la bonne direction, Maman… »

                « He-he ! J’ai tout prévu pour ce genre de situation ! »

                « Prévu quoi exactement ?! »

                Amane avait remarqué qu’elle avait emporté bien plus que des kimonos, des sous-vêtements et des accessoires. Apparemment, elle avait aussi apporté de quoi l’habiller lui.

                « Ton père est également très enthousiaste, tu sais. »

                « Papa… »

                « Nous sortons rarement tous ensemble. » Répondit son père. « Et c’est une tradition familiale, après tout. J’aimerais que nous y allions tous ensemble. »

                Dit ainsi, il était difficile de refuser.

                « Mais regarde… »

                « Ça va, mon chéri. Laisse ta mère s’en occuper. Je vais te transformer en un jeune homme stylé. Je te promets que tu ne ressembleras plus du tout à l’ancien Amane ! »

                « Est-ce que ça veut dire que tu trouves que je ne suis pas stylé maintenant ? »

                « Bien sûr, tu as de bons traits parce que tu tiens de ton père, mais ta coupe de cheveux et tes vêtements sont tellement démodés. Je dirais même que tu fais un peu morose. »

                « Je n’ai rien demandé. »

                Amane était bien conscient de son apparence terne, mais c’était ainsi qu’il l’aimait, et il n’appréciait pas les critiques.

                « On pourrait penser que quelqu’un d’aussi beau aurait facilement l’air cool, mais toi, Amane, tu es un cas compliqué… »

                « Ça ne te regarde pas. »

                « C’est un gâchis… N’est-ce pas, Mahiru ? Tu n’aimerais pas voir Amane tout bien habillé ? »

                « Hein ? »

                La conversation se tourna brusquement vers Mahiru, qui se troubla immédiatement.

                Amane souhaitait que sa mère ne pousse pas Mahiru à réagir ainsi, mais elle continua à la titiller.

                « Une fois qu’Amane sera bien habillé, je suis sûre que tu le verras sous un autre jour, Mahiru. Il ne paie peut-être pas de mine, mais Amane a un visage plutôt beau, tu sais ? Niveau personnalité, il a encore du travail, mais il ressemble à Shuuto, et il sait se comporter en gentleman. Si tu l’éduques bien, je suis sûre qu’il pourrait devenir assez charmant. »

                « Ah, euh… Je… Suppose que oui… ? » Balbutia Mahiru.

                « Et tu n’aimerais pas aller ensemble à la première visite du sanctuaire de l’année ? »

                « Euh… Ben je… J’aimerais y aller, mais… »

                « Hé, comment tu peux me trahir comme ça ? » Amane gémit.

                Il comptait sur Mahiru pour réfléchir à ce qui pourrait mal tourner et rejeter la proposition de ses parents.

                Mahiru lança un regard à Amane, qui semblait accablé. « … Si Amane ne veut pas, ce n’est pas grave. » Dit-elle d’une voix discrète, légèrement découragée, en fronçant les sourcils.

                Amane s’étouffa. Elle essayait de cacher sa déception, mais il pouvait lire dans son regard qu’elle était attristée. Ce n’était rien de dramatique, juste un léger changement dans son expression. En la voyant détourner les yeux et ses longs cils frémir, Amane sentit un nœud de culpabilité se resserrer dans sa poitrine.

                Sa mère lui lança un regard de reproche, comme pour dire : Tu as rendu la douce Mahiru triste ! et son père arborait une expression qui semblait dire : Ce serait plus simple si tu cédais, là.

                Amane grogna et soupira : « … D’accord. »

                Quand Mahiru faisait une telle tête, il n’y avait plus d’autres choix que de céder.

***

« Voilà, tout est prêt. »

                Shihoko avait passé un bon moment à jouer avec les cheveux et les vêtements d’Amane, jusqu’à ce qu’il soit épuisé, mais au moment où elle le laissa enfin partir, il se rendit compte que sa souffrance en valait la peine. En se regardant dans le miroir, il aperçut un jeune homme élégant, complètement différent du Amane habituel.

                L’ensemble qu’avait choisi Shihoko pour lui était un manteau Chesterfield gris foncé, avec un col roulé blanc et un pantalon noir—un look à la fois sobre et élégant.

                Comme il s’agissait d’un événement de début d’année, elle avait estimé qu’il était essentiel de le faire un peu plus habiller. Amane n’aimait pas les vêtements trop colorés, donc cette tenue monochrome et discrète lui plaisait bien.

                Il vérifia également sa coiffure, et se rendit compte que le travail de Shihoko avec un fer à lisser et un peu de cire avait vraiment fait des merveilles sur ses longues mèches. Ses yeux, habituellement cachés derrière ses cheveux, étaient désormais visibles, et il semblait beaucoup plus lumineux avec un visage dégagé. La coupe de cheveux, plus volumineuse et bien soignée, lui donnait un air plus digne et raffiné.

                L’image dans le miroir n’était pas celle du Amane moqué par sa mère et Itsuki pour son air morose, mais d’un jeune homme souriant qu’Amane n’avait jamais vu auparavant.

                « Tu peux vraiment devenir un beau jeune homme avec juste un peu d’effort, alors je me demande pourquoi tu ne le fais pas. »

                « Parce que je n’ai pas envie. »

                « Tu peux être vraiment de mauvaise humeur parfois. Ton visage est souvent si fermé que, à moins de sourire, tu n’as pas l’air bien, tu sais ? »

                Être traité de « morose » le piqua, mais Amane ne pouvait pas contredire la réalité.

                « Bon, je vais m’occuper de Mahiru, alors va attendre dans le salon. »

                Amane, occupé dans sa chambre, n’avait aucune idée de la façon dont Mahiru se préparait. Elle était probablement retournée dans son appartement pour se préparer avec beaucoup de soin.

                Il regarda sa mère quitter la pièce, puis se regarda à nouveau dans le miroir.

                Il n’avait pas porté de tenue aussi soignée depuis longtemps, et il ne se reconnaissait même plus.

                « … Bon, ça va. »

                Il savait qu’il aurait toujours l’air un peu négligé à côté de Mahiru, mais cette transformation était un grand progrès.

                En jouant un peu avec ses mèches, maintenant qu’elles ne tombaient plus sur ses yeux, Amane murmura pour lui-même que se donner un peu de temps pour se soigner de temps en temps ne serait peut-être pas une mauvaise idée.

***

Après avoir attendu dans le salon avec son père pendant une bonne heure, Amane entendit enfin la porte d’entrée s’ouvrir.

                Il avait entendu dire que les préparatifs des femmes pouvaient prendre beaucoup de temps, donc il n’avait pas été trop frustré par l’attente elle-même, mais il se faisait un peu de souci pour Mahiru, se demandant si sa mère avait franchi les limites.

                Enfin, pensa Amane en se levant du canapé et en jetant un regard vers l’entrée, Mahiru arriva tranquillement dans le salon.

                Dès qu’il la vit, il resta figé.

                Mahiru ne portait normalement pas de vêtements traditionnels japonais, et il n’avait jamais eu l’occasion de la voir ainsi.

                Il avait toujours pensé qu’un kimono lui irait bien, mais là… Il ne s’attendait pas à ça.

                D’après sa mère, il serait difficile de se déplacer dans la foule avec un kimono à longues manches, alors elle avait choisi quelque chose de plus court. D’un rose pâle léger, avec un motif répété de petites fleurs de prunier, le kimono s’adaptait à Mahiru à la perfection, au point qu’il était difficile de croire qu’il ne lui appartenait pas en réalité.

                Mahiru ne portait normalement pas beaucoup de rose, mais cette couleur lui donnait une allure de raffinement et de féminité.

                Ses cheveux clairs étaient laissés en longues mèches sur les côtés, tandis que le reste était rassemblé en un chignon décoré d’un kanzashi, un bijou de cheveux traditionnel. L’accessoire, qui se balançait doucement sur la nuque d’un blanc immaculé, accentuait le côté gracieux de l’ensemble et s’ajoutait à son charme féminin.

                La tenue élégante, complétée par un maquillage subtilement appliqué pour sublimer ses traits naturels, élevait Mahiru au sommet de la grâce et de la beauté.

                « Alors ? » S’exclama la mère d’Amane, rayonnante. « Je trouve qu’on l’a rendue encore plus mignonne. La douce Mahiru est déjà si jolie, et la coiffer ainsi a vraiment fait effet. »

                « Oui, c’est vrai, elle est ravissante. » Acquiesça rapidement son père.

                Mahiru baissa les yeux, visiblement gênée par tous ces compliments. Même ce petit mouvement avait quelque chose de captivant.

                La beauté peut vraiment être effrayante, parfois.

                « Allez, Amane, dis quelque chose. »

                « Je trouve que ça lui va bien. »

                Il n’y avait évidemment aucune chance qu’il dise ce qu’il pensait réellement, surtout devant ses parents, aussi se contenta-t-il de compliments mesurés.

                Sa mère parut extrêmement mécontente.

                « Ce n’est pas suffisant ! » Insista-t-elle.

                « Oh, tais-toi. » Amane détourna la tête. Il n’avait aucune envie de continuer à discuter avec sa mère.

                Shihoko soupira de frustration, mais peut-être parce qu’elle le connaissait bien, elle se résigna à laisser passer la remarque.

                « Bon sang. Bref, Mahiru chérie, qu’en penses-tu ? Amane a vraiment l’air d’un tout autre homme, non ? »

                « O-oui. C’est complètement différent… »

                « Et dire qu’il serait tellement populaire s’il mettait un peu d’effort pour avoir l’air comme ça tout le temps, mais non, il ne fait jamais rien. C’est vraiment dommage pour lui. »

                Amane pensa que cela ne la regardait pas, mais sa mère soupira de nouveau, comme si elle regrettait réellement ce potentiel gâché.

                « Quel dommage, Amane… Il a la chance de tenir de son père, et pourtant, il ne fait même pas l’effort d’en profiter. Quel gâchis ! »

                « Allons, Shihoko. » Dit son père d’une voix calme. « Amane grandit à sa manière. »

                « S’il grandit, alors il devrait vouloir être populaire, non ? »

                « Si je devais deviner, je dirais qu’Amane est le genre de personne parfaitement heureuse de passer du temps avec juste une autre personne, plutôt que de s’embêter avec une foule. »

                « Je suppose. »

                Le père d’Amane avait essayé de calmer Shihoko, mais cela ne fit que nourrir ses illusions.

                C’était vrai qu’Amane préférait les moments en tête-à-tête plutôt que de se joindre à un groupe, mais cela venait manifestement de son père, et il pensait que c’était mieux ainsi. Cependant, s’il disait cela maintenant, cela ressemblerait à un aveu que la personne qu’il préférait le plus était Mahiru…

                Le sourire éclatant de sa mère se transforma en une grimace, et elle se détourna.

                Amane se demanda pourquoi il devait supporter un tel cynisme injuste, mais au fond, il savait que les autres le regardaient souvent de la même manière.

                Au moins, Mahiru était un cas particulier. C’était la vérité, mais—

                Il jeta un coup d’œil furtif à Mahiru, rapidement, pour qu’elle ne le remarque pas, et poussa un léger soupir.

                Je suppose que je l’aime bien, pensa-t-il. Je veux dire, qu’est-ce qu’il n’y a pas à aimer chez elle ?

                Cependant, intérieurement, il savait que ce n’était pas dans un quelconque sens amoureux.

                « Maman, il n’y a absolument rien qui se passe, je te dis. Alors, pourquoi ne cesses-tu pas de t’imaginer des trucs et d’aller préparer la voiture ? »

                « Quel enfant ingrat… Vraiment ! Bon, d’accord, je suppose. Shuuto, préparons la voiture, d’accord ? »

                « Ça me va. »

                Amane sembla réussir à changer de sujet, car ses parents partirent se préparer pour leur départ.

                Il laissa à ses parents le soin de choisir le sanctuaire qu’ils allaient visiter, et les regarda partir en direction du parking.

                « … J’ai tout ce qu’il me faut dans mon sac, donc je n’ai pas besoin de plus de préparation. Et toi, Mahiru ? »

                « J’ai tout ce dont j’ai besoin dans ce sac à main, donc je suis prête aussi. »

                « D’accord. »

                Ils étaient à nouveau seuls, et avec une légère appréhension, Amane verrouilla les fenêtres et débrancha les appareils non-essentiels.

                Une fois la lumière du salon éteinte, il jeta à nouveau un regard à Mahiru.

                Comme toujours, il était immédiatement évident qu’elle était magnifique. Il doutait qu’il y ait une autre fille qui puisse être aussi belle dans un kimono.

                Il n’avait pas été à l’aise de la complimenter devant ses parents, mais Amane était sûr que toute personne qui la verrait serait d’accord pour dire que Mahiru était particulièrement belle dans une tenue traditionnelle japonaise.

                « Il y a un problème, Amane ? »

                « Oh, non, je pensais juste que ça te va vraiment bien. Tu ressembles à une beauté ancienne sortie d’un tableau ou quelque chose comme ça. La tenue est mignonne, et je te trouve vraiment ravissante. »

                Il avait appris de son père que lorsqu’une fille était bien habillée, les compliments étaient de mise. Il savait qu’il aurait dû la complimenter dès qu’il l’avait vue, mais il avait été trop gêné de le faire devant ses parents.

                Dès qu’Amane eut exprimé son avis honnête, Mahiru cligna des yeux plusieurs fois, puis rougit et pinça ses lèvres.

                Se souvenant de la dernière fois où elle avait réagi de cette manière, Amane sourit tristement.

                « Ah, c’est vrai, tu n’aimes pas qu’on te fasse des compliments, n’est-ce pas ? Désolé. »

                « C-ce n’est pas ça, mais… Amane, tu es plutôt— »

                « Plutôt quoi ? »

                « … Ce n’est rien. »

                Elle se détourna brusquement.

                Amane se demanda ce qui lui arrivait, mais elle ne semblait pas vouloir en parler, alors il termina tranquillement de fermer l’appartement et accompagna Mahiru jusqu’à la porte.

                Elle semblait avoir réfléchi au fait qu’ils allaient marcher, car elle portait des bottes au lieu des sandales traditionnelles. Son choix de chaussures mélangeait des éléments japonais et occidentaux dans sa tenue, et cela la rendait encore plus adorable.

                Mahiru réussit à enfiler ses bottes, tandis que son accessoire pour cheveux se balançait d’un côté à l’autre avec un bruit de froissement, et Amane, qui était sorti en premier pour tenir la porte, se retrouva soudainement assez proche d’elle.

                Mahiru le surprit en se hissant sur la pointe des pieds et en se penchant délicatement encore plus près de lui.

                Pensant qu’elle voulait peut-être lui dire quelque chose, Amane ferma la porte et la verrouilla, puis se pencha pour prêter attention à ce qu’elle avait à lui chuchoter. Mahiru enveloppa sa bouche de ses mains et murmura à son oreille.

                « Amane— »

                « Hmm ? »

                « Euh… Tu es bien aussi, tu sais ? »

                C’était tout ce qu’elle dit avant de passer rapidement devant lui et de se diriger d’un pas vif vers l’ascenseur. Amane se retrouva à frapper son front contre la porte d’entrée.

                « … Ce n’est pas juste. »

                Le cœur d’Amane battait à tout rompre, comme une alarme dans sa poitrine, son visage était en feu, et son front lui faisait mal. Mahiru l’avait mis dans tous ses états en un seul souffle. C’était sa revanche.

                Ses parents le regardèrent avec méfiance alors qu’il se précipitait pour les rattraper dans le parking.

***

Lorsqu’ils arrivèrent à un célèbre sanctuaire situé à moins d’une heure de route, il n’y avait pas autant de monde qu’ils en avaient vu à la télévision, mais la foule semblait tout de même pratiquement infinie.

                « Eh bien, c’est un peu plus calme, mais je dirais qu’il y a encore du monde, non ? » Remarqua la mère d’Amane.

                « C’est clair… » Acquiesça Amane.

                « Mahiru chérie, fais attention à ne pas t’égarer. On va te surveiller aussi, et on a tous des smartphones, donc je pense que ce sera facile de se retrouver. Mais malgré tout, j’aimerais qu’on visite tous ensemble le sanctuaire, bien sûr. »

                « D’accord. »

                Vêtue d’un kimono, Mahiru avait le plus de mal à se déplacer parmi eux. Le vêtement restrictif l’obligeait à faire de petits pas et à avancer lentement. Au moins, elle portait des bottes plutôt que des sandales.

                Ils n’avaient pas nécessairement à se frayer un chemin à travers la foule, mais l’espace était assez restreint pour qu’il soit facile de bousculer les gens, ils devaient donc avancer avec prudence.

                « Très bien, on y va ? »

                Shihoko ouvrait la marche à travers la foule et se dirigea d’abord vers le pavillon des ablutions pour qu’ils puissent purifier leurs mains et leur bouche avec de l’eau. Comme prévu, Mahiru attirait déjà l’attention de nombreux passants.

                Beaucoup de personnes portaient des kimonos, donc le sien ne la faisait pas particulièrement ressortir… Mais ce n’était pas cela qui captait les regards.

                Elle attirait l’attention même en uniforme scolaire, alors qu’elle n’était pas apprêtée. Maintenant, vêtue comme une beauté aristocratique dans une tenue traditionnelle japonaise, elle était forcément au centre de toutes les attentions. Même ses gestes, lorsqu’elle se rinçait la bouche, avaient une élégance naturelle. Presque tout le monde dans le sanctuaire la regardait.

                « … Il y a un problème ? »

                « Non, rien. »

                Bien qu’Amane trouvât la situation assez amusante, il se garda de le dire et imita ses parents pour se purifier les mains et la bouche avant de les suivre.

                Il essayait de marcher au même rythme que Mahiru, mais comme on pouvait s’y attendre de quelqu’un qui n’avait pas l’habitude de porter des vêtements traditionnels, l’ourlet long de son kimono lui posait des difficultés. Ajoutée à la foule compacte, elle avançait beaucoup plus lentement que d’ordinaire.

                « Mahiru, ça va ? »

                « Oui, c’est… Aaah ! »

                Elle était bousculée par les autres visiteurs, perdant parfois l’équilibre au point de presque tomber. Amane tendit un bras pour l’aider.

                « Tu n’as pas l’air d’aller si bien que ça. »

                Il était évident qu’elle n’était pas à l’aise dans cette tenue complexe et inhabituelle.

                « … Désolée. »

                « Tiens, donne-moi ta main. »

                Amane tendit la main vers la sienne, qui dépassait légèrement de la manche de son kimono. Mahiru leva les yeux vers lui, et il faillit retirer sa main, mais elle pressa rapidement sa paume contre la sienne, le fixant tout du long. Il la regarda en retour, sans trop savoir pourquoi.

                Mahiru serra fermement la main d’Amane avant de détourner le regard.

                Lui, perplexe, inclina légèrement la tête, puis ils suivirent le flot de la foule jusqu’à se retrouver presque devant la boîte à offrandes. Il mit de côté ses doutes et se concentra sur la sensation de sa main dans la sienne.

***

« Tu as prié longtemps. Qu’est-ce que tu as demandé ? »

                Une fois leur visite terminée et éloignés des autres fidèles, il posa la question à Mahiru, qui avait prié plus longuement que lui. Elle avait semblé incarner un modèle parfait de dévotion au sanctuaire. Après avoir sonné la cloche, elle avait joint ses mains presque deux fois plus longtemps qu’Amane. Il avait été fasciné par la grâce de ses gestes, mais sa curiosité sur le contenu de sa prière l’avait finalement emporté.

                « La santé. »

                « Un choix très sûr. »

                Cela ressemblait tout à fait à Mahiru.

                Elle ne souhaitait pas grand-chose, donc il s’était demandé ce qu’elle pourrait bien avoir à demander, mais sa réponse, prévisible, lui sembla presque décevante.

                « Ça, et… »

                « Et ? »

                « … Et pouvoir continuer à passer des journées paisibles, comme celles qu’on vit en ce moment. »

                Encore un souhait typiquement Mahiru.

                Elle n’appréciait ni l’agitation ni les changements, et c’était tout à fait dans son caractère de chérir la tranquillité et le calme.

                « On n’aura pas beaucoup de ça tant que ma mère est là, pourtant. »

                « C’est quelque chose dont on peut profiter à sa manière. »

                Vraiment ?

                Amane n’en était pas sûr, mais Mahiru semblait satisfaite, alors il n’insista pas et lui prit doucement la main avec un sourire.

                Ils étaient encore au milieu de la foule, et Amane se disait qu’il aurait des ennuis s’il la laissait trébucher maintenant. Il aperçut ses parents qui les attendaient à quelques pas, leur propre visite au sanctuaire déjà terminé. C’est pourquoi, se dit-il, il tenait la main de Mahiru. Les cils de Mahiru battirent légèrement, et elle gardait les yeux baissés, visiblement gênée, mais elle serra à nouveau sa main.

                « Vous deux, par ici ! »

                La voix claire et joyeuse de sa mère était facile à distinguer dans la foule.

                Ils se dirigèrent donc vers les parents d’Amane. Les yeux de Shihoko s’écarquillèrent en les voyant, puis elle porta une main à sa bouche, souriante.

                « Oh là là, mais alors là ! »

                « Quoi ? »

                « Vous vous tenez la main si naturellement. »

                Ce n’est qu’à cet instant qu’Amane réalisa son erreur : tenir la main de Mahiru devant sa mère. C’était bien le genre de chose que feraient des couples, non ? Il détestait les soupçons de Shihoko et encore plus ses sourires malicieux qui semblaient toujours dirigés contre lui.

                « … C’est évidemment pour qu’on ne se perde pas de vue. De plus, c’est facile pour elle de trébucher en portant un kimono. »

                « Il a raison. C’est difficile de marcher en kimono, et il fait bien de l’accompagner. Moi, je fais la même chose pour toi, ma chère Shihoko. » Approuva le père d’Amane. D’un mouvement fluide, il prit la main de sa femme.

                La vie d’Amane serait plus facile s’il pouvait prendre la main d’une fille aussi naturellement que son père, mais il savait que c’était impossible vu sa personnalité, alors il était secrètement reconnaissant que Mahiru ait été directe en prenant sa main à la place.

                Soulagé que l’attention de sa mère soit occupée, Amane tenta de lâcher doucement la main de Mahiru, mais elle ne desserra pas sa prise.

                Il comprit, à la manière dont elle serrait sa main, qu’elle n’avait aucune intention de s’en séparer, alors il lui demanda doucement ce qui n’allait pas, mais il n’eut pas de réponse. Ses doigts délicats tenaient fermement les siens.

                « Mahiru, Mahiru chérie, on pensait aller acheter des boissons chaudes. Tu veux de la soupe de haricots rouges sucrée, ou du saké sucré ? »

                « Oh, je prendrai de la soupe de haricots rouges, s’il vous plaît. »

                L’interruption de sa mère gâcha tout espoir d’interroger davantage Mahiru ou de récupérer sa main.

                « Et toi, mon cher Amane ? »

                « … D’accord, je prendrai du saké sucré. »

                « C’est noté. »

                Tant que Mahiru n’y voit pas de mal, je suppose que c’est bon, non ?

                Amane tenta de calmer les battements de son cœur en ajustant sa main dans celle de la jeune fille.

***

Peu après, Shihoko revint de la buvette et distribua les boissons à tout le monde. À ce moment-là, il aurait été vraiment gênant de continuer à se tenir par la main, alors Mahiru lâcha prise, et Amane eut enfin l’occasion de respirer.

                Ses parents se souriaient, l’un à l’autre, doucement en savourant leur saké sucré.

                Ils n’étaient pas tout à fait dans leur propre monde, mais ils devenaient un peu plus câlins, et Amane n’avait aucune envie de leur parler pour le moment. Il se concentra donc sur son propre saké sucré.

                Ce saké sucré était réputé pour être tellement nutritif qu’on pourrait presque le considérer comme une perfusion, et à mesure que la douceur riche du riz fermenté se répandait en lui, il laissa échapper un soupir qui était un mélange de stupéfaction et de soulagement.

                Amane n’avait pas vraiment de penchant pour les sucreries, bien qu’il aimât assez la pâte de haricots rouges, c’est pourquoi il avait été tenté de choisir la soupe de haricots rouges. Cependant, il avait opté pour le saké, car il lui semblait plus approprié pour le Nouvel An, et il était convaincu que c’était le bon choix.

                Lorsqu’il jeta un coup d’œil à Mahiru, il la vit siroter sa soupe de haricots rouges sucrée dans un gobelet en papier avec une expression calme. Elle la rendait absolument délicieuse, et soudainement, il regretta sa décision.

                Je me demande si je peux lui demander de me donner une gorgée ?

                Il la regardait, se demandant si elle lui en offrirait s’il le demandait, quand Mahiru remarqua son regard et inclina la tête avec curiosité. Son ornement capillaire se balançait rythmiquement avec ses mouvements gracieux.

                « La soupe de haricots rouges est bonne ? » Demanda Amane.

                « C’est délicieux. » Répondit-elle en hochant la tête.

                « Est-ce que je peux en goûter un peu ? »

                Mahiru parut surprise par sa question. Il était presque comique de voir à quelle vitesse elle se redressa.

                « Ah, d-d’accord, mais… »

                Elle ne parvint pas à cacher son embarras, levant les yeux vers lui timidement.

                « Si tu ne veux pas, ce n’est pas grave… »

                « Ce n’est pas que je ne veux pas, mais… Enfin— »

                « Enfin ? »

                « N-non, rien, c’est bon. Voilà. Est-ce que je peux avoir un peu de ton saké aussi ? »

                « D-d’accord. »

                Mahiru saisit rapidement son gobelet. Elle semblait soudainement très agitée pour une raison quelconque. Amane accepta son gobelet de soupe de haricots rouges.

                À l’intérieur, il y avait un liquide épais, d’une couleur qui était bien celle du haricot.

                Lorsqu’il porta le gobelet à ses lèvres, le parfum unique des haricots rouges sucrés monta doucement vers lui et remplissait ses narines tandis qu’une saveur riche se répandait sur sa langue. Amane n’avait pas beaucoup de penchant pour les sucreries, donc même la légèreté sucrée de la soupe de haricots lui semblait forte.

                C’était délicieux et cela évoquait clairement dans son esprit la manière dont la pâte de haricots rouges sucrée se mariait parfaitement avec le thé vert amer.

                Comme Mahiru semblait apprécier les sucreries, il pensait que cette soupe était probablement juste parfaite pour ses goûts.

                Lorsqu’il tourna de nouveau les yeux vers Mahiru, peut-être à cause du saké sucré qu’elle avait bu, ses joues étaient légèrement rosées. Elle semblait presque anxieuse.

                « Tu n’aimes pas ça ? »

                « Ce n’est pas ça… Amane, tu avais tellement insisté pour partager un morceau de gâteau. Pourquoi ça ne te dérange-t-il pas ? »

                « … Ah. »

                C’est alors qu’il réalisa pourquoi Mahiru avait réagi ainsi. Amane se figea.

                Nous ne nous nourrissons pas l’un l’autre, mais je suppose que c’est quand même un baiser indirect, hein ?

                Il avait été concentré sur la soupe de haricots rouges sucrée et, sans s’en rendre compte, il avait suggéré qu’ils partagent un baiser indirect. Il ne l’avait peut-être pas réalisé, mais il ne faisait aucun doute qu’il avait mis Mahiru dans une position gênante. Cela devait être la raison pour laquelle elle avait agi ainsi.

                « D-désolé. C’était vraiment irréfléchi. Je suis sûr que ça t’a déplu… »

                « P-pourquoi est-ce que tu es toujours comme ça, Amane ? J’étais juste… J’étais embarrassée, d’accord ? C’est tout. »

                « Je—Je ferai plus attention à l’avenir. Désolé. »

                Quoi qu’elle ait ressenti, toujours était-il qu’il l’avait mise mal à l’aise. Amane baissa légèrement la tête, et Mahiru agita frénétiquement sa main devant son visage.

                « R-rien du tout, ce n’est pas grave ! »

                « Tu es sûre ? Eh bien, je suis désolé quand même. Je ne devrais pas te traiter comme mes autres amis. »

                Itsuki et Chitose étaient du genre à ne pas se soucier de ces choses-là, et ils prenaient des gorgées de ses boissons et des bouchées de sa nourriture, insistant sur le fait que tout allait bien parce qu’ils étaient amis.

                Itsuki était du même sexe qu’Amane, et Chitose était de sexe opposé, mais il n’avait jamais porté le moindre intérêt romantique envers l’un ou l’autre, donc ça ne lui semblait pas être un baiser indirect lorsqu’ils partageaient de la nourriture. Il se fâchait juste lorsqu’ils lui piquaient ses en-cas.

                Mais avec Mahiru, c’était évidemment différent. Il avait tort de ne pas l’avoir réalisé plus tôt.

                « Est-ce que Itsuki et Chitose font souvent ce genre de choses ? »

                « O-ouais, je veux dire, on est amis après tout… »

                « Ah bon ? »

                Mahiru acquiesça en hochant la tête, son expression complexe pouvant être à la fois de la compréhension ou de la consternation. Puis elle baissa les yeux sur le saké doux et porta de nouveau la tasse à ses lèvres.

                « … Je suppose, Amane, que toi et moi sommes aussi amis, donc c’est bon. »

                « O-Oui… Mais t’as tout bu, non ? »

                Les joues de Mahiru rougirent, bien qu’il n’y eût pas d’alcool dans la boisson. « Il n’en restait pas beaucoup ! » Elle détourna vivement le regard.

                En guise de revanche, Amane engloutit ce qui restait de la soupe sucrée aux haricots rouges de Mahiru. Il s’attendait à ce qu’elle soit froide, mais elle était encore chaude et semblait même plus sucrée qu’avant.

***

« Mahiru, ma chère, tu es vraiment une bonne cuisinière ! »

                Lorsqu’ils revinrent de leur visite au sanctuaire, la soirée était déjà entamée. Mahiru avait changé de vêtements et commencé à préparer le dîner comme à son habitude, mais… La mère d’Amane, Shihoko, était aussi dans la cuisine, apparemment pour observer les talents culinaires de Mahiru.

                Ses parents avaient décidé de passer la nuit. Leur maison était à plusieurs heures en voiture, et ils étaient fatigués. Il semblait qu’ils avaient prévu de rester dès le départ. Amane aurait préféré qu’ils demandent d’abord à la personne vivant ici, mais son père était techniquement le propriétaire de l’appartement, il savait donc qu’il n’avait pas son mot à dire.

                Heureusement, il avait un futon supplémentaire au cas où il aurait quelqu’un chez lui, donc il se disait qu’ils pourraient le partager. Ils dormaient dans le même lit à la maison, donc ce ne serait pas si différent.

                « Merci beaucoup. » Dit Mahiru avec grâce.

                « Vraiment, tu es très douée pour une lycéenne. À ton âge, il n’y a aucun moyen que j’aie pu faire tout ça. »

                « Ta cuisine n’arrive pas à la cheville de celle de Mahiru, maman. »

                « Tu as dit quelque chose, mon cher ? »

                « Rien du tout. »

                Une voix grave lui était parvenue de la cuisine, alors Amane feignit l’innocence et se blottit contre le canapé. Son père se détendait sur le canapé à côté de lui et le gronda : « Allez, Amane, ne taquine pas ta mère. »

                Mais elle le taquinait toujours, alors il trouvait que c’était un juste retour des choses.

                Amane entendait sa mère discuter joyeusement avec Mahiru.

                Mahiru suivait calmement la conversation, indifférente à l’énergie intense et à l’attention que lui portait cette femme. Elle semblait s’habituer à la personnalité énergique de sa mère.

                En les observant de loin, Amane regardait les deux femmes préparer le dîner et semblait voir qu’elles s’entendaient bien. Il poussa un léger soupir de soulagement.

                « Ta mère semble vraiment apprécier la compagnie de Mademoiselle Shiina, n’est-ce pas ? »

                Le père d’Amane les observait de la même manière, et il semblait satisfait.

                « Eh bien, elle est belle, douce et a une personnalité agréable, donc je ne suis pas surpris que maman l’aime. »

                « Et toi, Amane ? »

                « … Oh, je veux dire, je pense qu’elle est une bonne personne, et je la trouve mignonne. »

                « Je vois. »

                C’était une question apparemment banale, mais le père d’Amane n’était pas du genre à trop insister, donc il l’avait probablement posée par simple curiosité. Il ne poussa pas plus loin la question.

                « J’ai hâte de goûter à cette nourriture que tu apprécies tous les jours, Amane. »

                « Je peux en garantir le goût. À condition que maman n’intervienne pas trop, bien sûr. »

                « Ne t’inquiète pas. C’est Shihoko qui voulait goûter à la cuisine de Mademoiselle Shiina, alors je suis sûr qu’elle se contentera de l’aider un peu. »

                « Tant mieux, si c’est vrai. »

                Sa mère n’était pas une mauvaise cuisinière, mais la plupart de ses plats étaient très relevés, contrairement aux assaisonnements subtils de Mahiru. Les saveurs délicates étaient la spécialité de son père, tandis que sa mère préférait la quantité et la facilité de préparation.

                Bien sûr, c’était important pour une femme au foyer qui devait satisfaire l’appétit d’un garçon en pleine croissance, mais Amane préférait les saveurs minutieusement équilibrées des plats que préparait Mahiru. Il frissonna à l’idée que quelqu’un puisse toucher aux assaisonnements exquis de Mahiru.

                Heureusement, sa mère semblait se contenter d’être l’assistante de Mahiru, comme l’avait dit son père, alors il poussa un soupir de soulagement et continua à les regarder cuisiner.

***

« Oh oui, c’est très bon. » Dit le père d’Amane.

                Il n’y avait aucune chance que les quatre puissent tenir autour de la table à manger pour deux personnes d’Amane, alors il avait sorti le grand bureau pliant qui avait été rangé dans la pièce de stockage pour le dîner.

                « Merci beaucoup. » Mahiru semblait soulagée par l’évaluation franche de Shuuto et se détendit un peu.

                Apparemment, elle n’avait laissé personne d’autre qu’Amane goûter à sa cuisine maison, à l’exception des cours de cuisine à l’école, et elle était un peu nerveuse à ce sujet… Mais enfin, cette nervosité se dissipa lorsqu’elle vit le sourire doux de Shuuto.

                « C’est vraiment délicieux. » Ajouta la mère d’Amane. « Si elle sait cuisiner comme ça, elle n’aura aucun mal à vivre seule—ou à se marier. »

                Shihoko murmura doucement en regardant Amane. Il sentit sa joue sur le point de se contracter, mais il maintint de force une expression neutre et but une gorgée de sa soupe miso.

                La saveur riche, infusée de dashi, lui était maintenant très familière. Il s’était vraiment habitué à la manière dont Mahiru préparait ses plats et, après avoir mangé sa cuisine tous les jours, il avait pratiquement perdu toute envie de manger autre chose.

                « Amane, qu’en penses-tu ? » Demanda sa mère.

                « C’est délicieux, bien sûr. Merci encore de cuisiner, Mahiru. »

                Il avait prévu de dire cela de toute façon. Mais maintenant que sa mère l’avait incité à le dire, cela semblait peut-être comme s’il ne le pensait pas vraiment. Amane n’avait jamais oublié de dire à Mahiru que sa cuisine était délicieuse chaque jour lorsqu’ils mangeaient ensemble, mais comme ses parents étaient là, il avait retenu son enthousiasme. Et c’était manifestement la mauvaise décision.

                Sa reconnaissance n’était pas différente maintenant, mais pour une raison quelconque, Mahiru semblait mal à l’aise, se tortillant d’inconfort. « … D’accord. » répondit-elle d’une voix douce. Ses joues étaient légèrement rouges.

                C’était probablement à cause de la présence de ses parents. Il ne faisait aucun doute que Mahiru se sentait un peu timide, même si ce n’était que légèrement. Elle était habituée à entendre les éloges d’Amane sur sa cuisine, mais maintenant, trois personnes l’avaient complimentée.

                « Tu es vraiment mignonne, Mahiru. »

                « Shihoko, ne la taquine pas. »

                « Ce n’est pas ce que je voulais dire ! Je pensais juste qu’elle est une fille bien et digne, ce qui est si rare de nos jours. »

                « C-C’est… Ce n’est vraiment pas… »

                « Oui, je peux être d’accord avec ça. Mahiru est vraiment… Pure, on pourrait dire. »

                « Amane ?! »

                Mahiru était définitivement un peu naïve. Son visage était devenu tout rouge rien qu’en voyant un garçon —pas particulièrement attirant— avec le devant de sa chemise ouverte.

                « Oh là là, il s’est passé quelque chose entre vous deux pendant qu’on ne regardait pas ? »

                « Non. »

                « Rien du tout. »

                Le déni avait pratiquement jailli de la bouche de Mahiru.

                Être innocent ou naïf n’était pas la pire chose au monde, mais Mahiru semblait détester qu’on l’appelle ainsi. Amane n’avait pas l’intention de dire quoi que ce soit de plus.

                « Eh bien, je pense qu’ils devraient faire ce qu’ils veulent, tant qu’Amane ne fait pas de mal à Mademoiselle Shiina. » Dit le père d’Amane. « Mais ne la taquine pas trop, Amane. »

                « Je sais, je sais. »

                « … Eh bien, n’étais-tu pas justement en train de la taquiner ? »

                « Hé, c’était une description juste— »

                Amane sentit quelque chose le frapper à la cuisse sous la table. Le visage de Mahiru était rouge écarlate, et elle le fixait d’un regard furieux.

                « Désolé, désolé. » Dit-il.

                Une expression boudeuse traversa ses traits magnifiques. Mais cela la rendait encore plus adorable, et Amane ne put s’empêcher de sourire. Il espérait juste que Mahiru ne resterait pas en colère trop longtemps.

                « … Tu sais, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’on dirait un miroir. Qu’en penses-tu, chère Shihoko ? »

                « Je pense que c’est tout à fait ça, chère Shuuto. Pourquoi, même notre Amane porte une expression étonnamment douce. »

                « De quoi vous parlez, là-bas ? »

                « De rien, mon cher ! »

                Amane aurait juré entendre quelques chuchotements bas et conspirateurs venant de l’autre côté de la table, mais ses parents maintenaient des expressions d’innocence parfaite.

***

« Désolé que tu aies dû en faire pour mes parents aussi. »

                Après le dîner, et après avoir discuté agréablement pendant encore quelques heures, il était enfin temps de mettre fin à la soirée.

                Bien sûr, puisque les parents d’Amane allaient dormir dans son salon, Mahiru était la seule à rentrer chez elle.

                Amane avait envoyé ses parents se baigner, donc c’était lui qui sortait pour accompagner Mahiru.

                Il n’était pas obligé de le faire, mais il voulait saisir l’occasion de s’excuser au nom de ses parents, juste au cas où.

                « Non, ça va. C’était amusant. »

                « Vraiment ? »

                Il était soulagé de la voir ne pas sembler contrariée.

                Elle semblait même avoir apprécié.

                « Et puis— »

                « Oui ? »

                « … J’ai eu un petit goût de bonheur, donc— »

                La voix délicate de Mahiru ressemblait presque à un soupir. Elle sourit, mais son regard devint soudainement très solitaire. Ce fut un sourire fugace, qui semblait pouvoir être emporté par la brise. Amane commençait à reconstituer une image de sa situation chez elle, alors il pensa reconnaître la lointaine lueur de désir dans ses yeux.

                D’une manière ou d’une autre, il ne pouvait pas laisser ça comme ça, et Amane posa sa paume sur sa tête et lui caressa les cheveux.

                Mahiru le regarda avec surprise, mais elle ne semblait pas détester cela.

                « Q-Qu’est-ce que tu fais ? »

                « Rien. »

                « Ce n’est pas rien… Mes cheveux sont tout en désordre. »

                « Tu vas de toute façon prendre un bain, non ? »

                « C’est vrai, mais— »

                « … Tu as détesté ça ? »

                « Je—Je n’ai pas détesté, mais… Tu pourrais au moins dire quelque chose avant. »

                « … Voilà. »

                « C’est facile de le dire après. »

                Alors je peux la toucher, tant que je dis quelque chose d’abord ? pensa Amane, mais il savait qu’il valait mieux ne pas le dire à voix haute.

                « Désolé. »

                Mahiru poussa un petit soupir.

                « Tu n’es pas croyable… Ça ne me dérange pas, mais ce n’est vraiment pas approprié de caresser la tête d’une fille aussi facilement. »

                « Mais je ne le fais pas avec n’importe qui… »

                Amane comprenait que le seul moment où c’était acceptable de toucher une personne du sexe opposé, c’était lorsqu’on avait une relation proche. Ce n’était pas le genre de gars à aller frotter n’importe quelle fille ou quoi que ce soit du genre. Le plus proche qu’il ait fait, c’était de donner une claque à Chitose chaque fois qu’elle faisait une mauvaise blague.

                Amane avait pensé que lui et Mahiru étaient assez proches, alors il l’avait caressée prudemment, espérant qu’elle ne détesterait pas ça. Mais il n’y aurait même pas pensé si ça avait été quelqu’un d’autre.

                Mahiru était restée silencieuse, mais elle n’avait pas enlevé sa tête de sa main.

                « … Je suis sûre que tu le vois. » Dit-elle. « Mais tu es vraiment le portrait craché de ton père, Amane. C’est évident pour moi, même si je ne l’ai connu que peu de temps. »

                « En quoi ? Je ne pense vraiment pas lui ressembler tant que ça, ni physiquement ni dans ma personnalité. »

                « … T’es exactement comme lui. Vraiment. »

                Mahiru soupira plus lourdement cette fois, et Amane lui caressa de nouveau la tête. Elle ne semblait toujours pas contre.

                … Est-ce que je lui ressemble vraiment autant ?

                Bien sûr, il leur était arrivé une ou deux fois d’être pris pour des frères séparés par un grand écart d’âge, mais Amane avait l’impression d’avoir une énergie totalement différente de celle de son père. Leurs personnalités, bien qu’elles ne soient pas des opposés exacts, étaient néanmoins assez différentes.

                Qu’est-ce qu’elle a voulu dire en disant que je lui ressemblais, malgré ces différences évidentes ?

                Une foule de doutes surgit dans l’esprit d’Amane, mais Mahiru ne semblait pas vouloir en dire plus. Ses yeux se plissèrent un peu, et elle laissa tomber la question.

                Après avoir caressé ses cheveux encore un peu, Amane retira sa main, et Mahiru sembla soudainement revenir à elle-même. Elle le regarda, légèrement déconcertée.

                « Quoi, tu voulais que je continue ? » Demanda-t-il en la taquinant.

                Mahiru devint de nouveau rouge. « S’il te plaît, ne te moque pas de moi. » Dit-elle d’une voix douce, ce qui amena Amane à décider de s’arrêter là.

                Apparemment, elle était de mauvaise humeur maintenant, car elle ne tenta même pas de cacher son mécontentement lorsqu’elle ouvrit la porte de son appartement et s’y glissa à l’intérieur.

                Pendant un instant, Amane regretta ce qu’il venait de faire, se demandant s’il n’avait pas un peu exagéré, quand Mahiru entrouvrit sa porte et le regarda à travers l’ouverture.

                « Amane. »

                Ses joues étaient toujours roses, et sa voix, bien que boudeuse, portait néanmoins une légère touche de tendresse.

                « Quoi ? »

                « … Idiot. »

                Et tout aussi soudainement, Mahiru ferma la porte.

                … Eh bien, je suppose qu’on est deux alors.

                Ce n’était pas de sa faute si son cœur venait de se mettre à bondir dans sa poitrine.

                Amane soupira discrètement, puis s’adossa contre le mur du couloir non chauffé, essayant de laisser la chaleur soudaine dans sa poitrine se refroidir un peu. C’est alors qu’il remarqua qu’il pouvait voir sa propre respiration dans l’air glacial.

***

Un moment après qu’Amane ait dit bonne nuit à Mahiru et soit retourné dans son appartement, ses parents finirent leur bain. Lorsqu’Amane leva les yeux de la télévision en entendant des claquements de chaussons approcher, il les vit là, dans leurs vêtements de nuit, se tenant la main comme s’ils ne se l’étaient jamais lâchée.

                Eh bien, ça doit venir naturellement quand on a déjà pris un bain ensemble.

                « On a pris notre bain, Amane. À toi maintenant. »

                « D’accord… Attendez, comment vous avez fait pour tenir tous les deux dans ma baignoire ? Elle est à peine assez grande pour une seule personne. »

                Pour quelqu’un qui vit seul, cet appartement était plutôt spacieux et bien conçu, mais ça ne voulait pas dire que la baignoire était particulièrement grande. Elle n’était certainement pas assez vaste pour qu’un homme et une femme adultes s’y installent confortablement ensemble.

                « Oh non, ça va ! Il n’y a pas de problème à se serrer un peu. N’est-ce pas, mon cher Shuuto ? »

                Sa mère sourit et s’approcha de son mari, tandis que son père hocha la tête en signe d’accord avec un sourire doux. Cela faisait presque vingt ans qu’ils étaient mariés, mais ils agissaient encore comme des jeunes mariés. Amane n’eut d’autre choix que de sourire amèrement.

                « Toujours aussi amoureux, je vois. »

                « Tu es jaloux ? »

                « Pas vraiment. Je me détends mieux tout seul dans le bain de toute façon. »

                « Et Mahiru… ? »

                « Bon, écoute, il n’y a rien entre nous. »

                Il ne comprenait pas pourquoi sa mère tenait tant à lui trouver une petite amie parmi les filles qu’il fréquentait.

                Ce n’était pas totalement un mystère, puisqu’elle plaisantait en disant qu’elle voulait Mahiru comme belle-fille depuis le jour où elle l’avait rencontrée, mais Amane était certain que sa mère avait pris la confiance que Mahiru lui accordait pour de l’affection amoureuse.

                « Ah bon ? »

                « Allez, allez, Shihoko. Amane est à un âge délicat, alors soyons le un peu. »

                « Mais je parle sérieusement… »

                « Quoi que tu dises, maman. »

                Amane ne prêta pas attention aux paroles de sa mère en se levant pour se préparer à son bain, mais il s’arrêta quand son père l’appela.

                « Amane. » Il utilisait un ton sérieux, pas celui qu’il employait pour réprimander sa femme ou celui qu’il avait lorsqu’il souriait. Lorsqu’Amane le regarda, se demandant ce qui n’allait pas, il croisa un regard doux, mais ferme.

                « Amane, es-tu content d’avoir déménagé ici ? »

                Bien qu’il ait été pris par surprise, après un instant, Amane soutint le regard de son père et répondit avec un sourire facile.

                « … Ouais, je le suis. La vie est devenue plus facile. »

                Ses parents devaient sûrement s’inquiéter pour lui. Assez pour venir vérifier fréquemment comment il allait, assez pour essayer de le voir à chaque occasion.

                Tout cela, c’était pour s’assurer qu’Amane vivait confortablement.

                « C’est vrai ? Je suis content. »

                « T’inquiètes pas, il y a quelqu’un ici sur qui je peux vraiment compter. »

                Contrairement à avant—

                Il avala ces mots et se contenta de garder sa réponse simple et nette.

                Sa mère sourit largement. « Oh, tu dois parler du petit Itsuki ! Je ne l’ai jamais rencontré en personne, donc j’aimerais bien aller lui dire bonjour, vu qu’on est venus jusqu’ici. »

                « Arrête un peu, s’il te plaît, tu vas encore faire quelque chose de bizarre. »

                « Ce n’est pas bizarre du tout. Je vais lui dire à quel point tu étais mignon quand tu étais petit, et… »

                « Voilà, c’est exactement ce dont je parle. Sérieusement, arrête… »

                Si ça concernait Itsuki, ça toucherait sûrement Chitose aussi. C’était la dernière chose qu’Amane voulait à tout prix éviter. Il ne voulait pas avoir à gérer ses taquineries incessantes ni à supporter ses supplications pour obtenir de vieilles photos de son passé.

                Amane ressemblait tellement à une petite fille mignonne quand il était petit, et ce n’était pas mieux que sa mère l’habillait parfois en vêtements de fille. Si des preuves photographiques de cela se retrouvaient quelque part, sa vie serait un vrai calvaire.

                « Mais je ne peux pas m’empêcher de vouloir lui dire bonjour, d’accord ? Il est un si bon ami avec toi, Amane. »

                « C’est vrai, mais— »

                « Je parie qu’il est vraiment un garçon bien, hein ? Il a l’aval d’Amane, après tout. »

                « … C’est un bon gars. Un si bon gars qu’il mérite mieux que moi. »

                Ce n’était pas quelque chose qu’il dirait en face d’Itsuki, mais Amane avait toujours apprécié son ami, qui un jour avait pris l’initiative de lui adresser la parole d’une manière amicale, alors qu’il était ce garçon morose qui ne parlait à personne et restait tranquillement assis dans un coin de la classe à écouter de la musique.

                « Je vais prendre un bain. »

                Il se sentait gêné après avoir ouvertement fait l’éloge d’Itsuki, même s’il n’était pas là, et pour cacher son inconfort, il se précipita vers sa chambre pour prendre des vêtements de rechange.

                Il entendit un petit rire derrière lui, ce qui le poussa à se précipiter dans sa chambre, en bougonnant et en marmonnant tout du long.

***

Le lendemain matin, lorsqu’Amane sortit dans le salon après s’être réveillé et habillé, il trouva ses parents déjà levés, avec le petit-déjeuner sur la table.

                « Bonjour. Le petit-déjeuner est prêt, alors assieds-toi. »

                Amane s’assit à la table, esquissant un léger sourire en voyant son père, qui l’appelait depuis la cuisine, portant l’un des tabliers d’Amane, posé sur une chaise.

                Il venait tout juste d’arriver dans cet appartement et s’était déjà installé dans une cuisine qu’il ne connaissait pas, probablement parce qu’il avait l’habitude de cuisiner. À la maison, les parents d’Amane se relayaient pour préparer les repas, donc Amane était habitué à voir son père dans un tablier, et ce n’était rien d’inhabituel.

                Sa mère, quant à elle, attendait déjà à table, visiblement impatiente. Elle voulait probablement l’aider, mais son père avait sûrement insisté pour qu’elle le laisse faire.

                Amane envisagea de l’aider et se leva de sa chaise, mais il s’arrêta lorsqu’il vit son père arrivé avec du riz chaud et de la soupe miso sur un plateau, ce qui coupa immédiatement son élan.

                « Merci, Papa. »

                « De rien. D’ailleurs, mademoiselle Shiina a eu la gentillesse de mettre les restes d’hier dans des boîtes, donc je les ai juste réchauffés, cuisiné du riz, fait de la soupe miso et des omelettes roulées. »

                Prendre un vrai petit-déjeuner était quasiment un slogan dans la maison des Fujimiya, donc ils ne sautaient jamais leur repas du matin.

                Le père d’Amane avait joyeusement intégré les restes dans le menu, mais s’ils n’avaient pas eu de restes, il n’y avait aucun doute qu’il aurait préparé quelque chose d’autre.

                Avec un sourire, Shuuto posa le riz et la soupe miso devant chacun d’eux.

                L’attention d’Amane se porta sur les omelettes roulées de son père, qu’il n’avait pas goûtées depuis un moment, et avant qu’il ne s’en rende compte, la table était mise et son père avait pris place.

                « Bon, on peut y aller, non ? »

                « Bien sûr. Merci, chéri. »

                « Merci pour ce repas. »

                Chacun exprima sa gratitude, puis Amane saisit ses baguettes pour prendre les omelettes roulées devant lui.

                C’était la première fois qu’Amane mangeait la cuisine de son père depuis qu’il était rentré pour les vacances d’été, il attendait donc avec impatience la nostalgie du goût en prenant la première bouchée et en mâchant lentement.

                Le goût du dashi, une touche de douceur, l’œuf légèrement sous-cuit —c’était le goût de la maison— mais en même temps, Amane sentit qu’il manquait quelque chose.

                « Il y a un problème ? »

                Son père sembla remarquer qu’Amane mâchait avec une expression sérieuse et sonna un peu inquiet.

                « Hmm… Non, rien. »

                « J’ai peut-être raté l’assaisonnement ? »

                « N-non, ce n’est pas ça, c’est bon, mais… Je pensais juste que le goût est différent de la manière dont Mahiru fait ses omelettes. »

                « Ah, je vois. »

                Il n’avait pas mangé la cuisine de son père depuis près de six mois, donc même si ça aurait dû être familier, il s’était en réalité plus habitué aux plats de Mahiru après en avoir mangé tous les jours. Même Amane en fut surpris.

                Bien sûr, cela ne signifiait pas que la cuisine de son père était mauvaise, mais simplement que les assaisonnements de Mahiru étaient plus à son goût. Mais malgré tout, il se sentait un peu gêné que son palais se soit si bien adapté à la cuisine de Mahiru, alors qu’il ne l’avait rencontrée que quelques mois plus tôt.

                « T’es vraiment tombé amoureux de mademoiselle Shiina, hein ? » Demanda son père.

                « Pour sa cuisine, oui. »

                « Eh bien, alors. » Intervint sa mère. « Tu veux dire que tu n’es pas intéressé par Mahiru elle-même ? »

                « Personne ne dit ça, et je ne vais pas tomber dans une question aussi tendancieuse. »

                Amane n’était pas prêt à laisser sa mère diriger la conversation dans cette direction une fois de plus.

                Shihoko fronça les sourcils —évidemment, son but était exactement ce qu’Amane avait imaginé. Il renifla par le nez et refusa de mordre à l’hameçon.

***

Ses parents partirent avant le déjeuner.

                Apparemment, ils avaient tous deux du travail le lendemain, alors Amane leur avait suggéré qu’il serait difficile pour eux de ne pas rentrer tôt et de se reposer. Ils avaient un long trajet devant eux, ce qui serait épuisant, il valait donc mieux qu’ils se hâtent de partir.

                « Mais j’avais envie de passer plus de temps avec ma chère Mahiru et de rencontrer Itsuki… » Murmura sa mère après être sortie dans le hall de l’immeuble.

                « Alors fais ça la prochaine fois… De toute façon, tu devras prendre rendez-vous pour voir Itsuki. Il n’a pas beaucoup de temps libre. »

                « Très bien, tu l’organises pour moi, Amane. »

                « Si j’en ai envie. »

                Il était évident pour tout le monde qu’Amane n’avait aucune intention de faire quoi que ce soit dans ce sens. Sa mère devint un peu maussade, mais son père la consola et réussit à restaurer son humeur.

                Alors qu’Amane observait ses parents, la porte de l’appartement voisin s’ouvrit discrètement. Par la mince fente, il aperçut une touffe de cheveux dorés et le visage de Mahiru qui jetait un coup d’œil.

                Elle avait dû sortir parce qu’elle avait entendu la voix de sa mère. Pour le meilleur ou pour le pire, la voix de sa mère portait bien.

                « Oh, parfait, je pensais justement venir vous dire au revoir ! »

                Les deux parents d’Amane remarquèrent Mahiru et s’approchèrent pour se tenir devant son appartement tandis qu’elle enfilait ses chaussures et sortait dans le hall. Sa mère affichait un large sourire et semblait déterminée à se rapprocher de Mahiru. Mahiru se recroquevilla, mais ne se retira pas complètement.

                « Vous partez déjà ? »

                « J’aimerais bien que ce ne soit pas le cas. Vraiment, on aimerait rester un jour ou deux de plus, mais on a du travail. »

                « Si on était arrivés un peu plus tôt, ça aurait été différent, mais… C’est tout le temps qu’on a. »

                Mahiru sourit paisiblement aux parents d’Amane.

                « Eh bien, ce sera pour la prochaine fois. » Dit sa mère. « Mais la prochaine fois, c’est à Amane de venir chez nous. »

                « Ouais, ouais. Je serai chez vous pendant les vacances d’été. »

                Amane sentit le regard de sa mère peser sur lui. Il savait immédiatement qu’elle espérait qu’il amène Mahiru avec lui.

                Il n’empêcha cependant pas son esprit de vagabonder, se demandant si ce n’était pas une bonne idée. Après tout, elle passait ses vacances scolaires seule. Peut-être qu’elle ne serait pas si opposée à cette idée, pensa-t-il distraitement.

                « Tu n’as vraiment aucun charme, Amane. » Dit sa mère. « N’est-ce pas, Mahiru ? »

                « Euh, je… Je ne suis pas sûr de comment… »

                « Allons, Shihoko, ne la mets pas dans l’embarras. » Réprimanda le père d’Amane. « … C’est vrai qu’Amane est devenu moins direct à mesure qu’il grandit, n’est-ce pas ? »

                Amane n’avait pas d’allié ici, alors il fit semblant d’ignorer ses parents en silence. Shuuto se tourna vers Mahiru avec un sourire doux, différent de celui de Shihoko.

                « Comme tu peux le voir, notre Amane a du mal à exprimer ses sentiments, mais si tu regardes de près, tu pourras voir qu’il est un jeune homme bienveillant. Je serais très heureux si tu continuais à être une bonne amie pour lui. »

                « Ugh, je suis juste là, vous savez. C’est tellement embarrassant… »

                Son père l’avait complimenté, mais Amane se sentait plus comme si on l’avait provoqué par un ennemi plutôt que soutenu par un allié.

                Il ne se considérait certainement pas comme une personne particulièrement bienveillante. Il montrait simplement aux gens proches de lui le respect et l’affection qu’il pensait qu’ils méritaient. Il trouvait cela incorrect d’associer cela à de la gentillesse.

                Tentant maladroitement de chercher un autre endroit où regarder, Amane tourna les yeux vers Mahiru et la vit cligner des yeux rapidement avant de sourire.

                « … J’ai toujours pensé qu’Amane était une personne honnête et gentille. À tel point que c’est moi qui devrais lui demander de rester son amie. »

                « Eh bien, c’est merveilleux. Cela me rassure. »

                Amane aurait voulu faire une remarque sur le fait que l’esprit de son père était apaisé, mais il était tellement perturbé par ce que Mahiru venait de dire qu’il ne parvint pas à trouver quoi que ce soit à dire.

                C’était tellement embarrassant de l’entendre le décrire ainsi. Il n’arrivait même pas à la regarder.

                Sa mère rit en le voyant se tortiller, mais Amane ne pouvait même pas répondre. Il ne pouvait que se mordiller la lèvre dans un silence douloureux.

***

« Tu n’as vraiment pas besoin de me flatter, tu sais. »

                Une fois que les parents d’Amane étaient enfin partis, il parla à Mahiru d’une voix basse alors qu’ils se retrouvaient seuls dans le hall.

                Amane avait fait cette remarque pour alléger l’atmosphère, mais, pour une raison quelconque, Mahiru haussa les sourcils et le fixa.

                Son expression était calme, mais il y avait un léger tranchant qui lui semblait intimidant.

                « Est-ce que je ressemble à quelqu’un qui dirait des mots en l’air que je ne pense pas ? »

                « Eh bien, tu ne me mentirais pas… Mais peut-être devant mes parents ? »

                Elle semblait contester le fait qu’il qualifie ça de flatterie.

                Mahiru souffla puis laissa échapper un soupir d’exaspération.

                « … Voyons, je te fais confiance parce que je pense que tu as un bon cœur, et j’aime vraiment passer du temps avec toi. Je te le promets : je n’essayais pas de te flatter. »

                « O-Oh… »

                Amane sentit la chaleur lui monter aux joues. L’entendre parler aussi directement était terriblement embarrassant. Heureusement, Mahiru ne sembla pas remarquer son malaise, et il hocha la tête timidement.

                Mahiru semblait satisfaite. « Tant que tu comprends. Bon, je suppose que je vais commencer à préparer le déjeuner. »

                Apparemment, Mahiru allait lui préparer le déjeuner aujourd’hui, comme elle l’avait fait chaque jour des vacances du Nouvel An. Ressentant un mélange de gratitude et de honte, Amane baissa les yeux sur les cheveux dorés de Mahiru alors qu’elle posait une main sur la porte de son appartement.

                Quelqu’un en qui elle peut avoir confiance, hein… C’est ce que j’allais dire.

                Mahiru ignorait le fait qu’Amane la voyait comme un ange. Pour elle, il était un voisin ordinaire. Mais elle lui faisait confiance. C’était ce pour quoi il était le plus reconnaissant.

                « Je suis tellement content d’avoir déménagé ici. »

                Mahiru avait dû entendre son murmure silencieux, car elle se tourna et lui demanda : « Tu as dit quelque chose ? »

                « Non, rien. » Répondit Amane rapidement, la suivant dans son appartement.

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