The angel next door spoils me rotten chapitre 15

Passer la fin d’année avec l’ange

Traducteur: linkfet
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Une fois Noël passé, le monde entier pouvait sentir la fin de l’année approcher.

                Le lendemain de son Noël avec Mahiru, Amane sortit faire quelques courses seul. Lorsqu’il termina, il remarqua que son environnement avait radicalement changé, et il admira le nouveau paysage sur le chemin du retour.

                Les guirlandes lumineuses étaient toujours accrochées dans la ville, mais les sapins ornés et les décorations de Noël avaient déjà été remplacés par des ornements traditionnels japonais. Les magasins avaient aussi renouvelé leurs produits, proposant des décorations et des aliments pour le Nouvel An. S’il restait encore des articles de Noël, ils étaient soldés et étiquetés en “RUPTURE DE STOCK”.

                Amane enfouit son visage un peu plus dans les plis doux de son écharpe en pensant à ce changement soudain. Mahiru lui avait offert cette écharpe à motif pied-de-poule monochrome pour Noël. Elle était à la fois pratique et élégante, belle au toucher et, surtout, elle protégeait du vent froid de l’hiver.

                Amane n’avait jamais vraiment porté d’écharpe auparavant, donc il appréciait vraiment celle-ci tout en vérifiant les sacs de courses qu’il tenait à la main.

                Bien que ce soit une tâche qu’ils étaient censés partager—afin de soulager Mahiru qui faisait toute la cuisine—Amane allait généralement faire les courses, armé d’une liste d’ingrédients.

                Ce jour-là était froid, et les sacs d’Amane étaient remplis de légumes, de champignons et de viande—Mahiru devait avoir l’intention de préparer un pot-au-feu. La grande quantité de légumes était sa façon silencieuse d’encourager Amane à avoir une alimentation plus équilibrée et nutritive.

                Il rit doucement, amusé par le fait que Mahiru prenne toujours soin de lui, même en son absence.

                Après avoir vérifié une dernière fois qu’il avait tout ce qu’il fallait, il rentra rapidement chez lui, frissonnant face au froid mordant.

                « Bon retour. »

                C’était déjà le soir lorsqu’Amane entra dans son appartement, et Mahiru l’accueillait.

                C’était un peu étrange d’être accueilli dans son propre appartement, mais il s’était habitué à cette situation récemment.

                « Je suis de retour… J’ai acheté du mochi finement tranché, j’espère que ça ira ? »

                « Tu veux le mettre dans le pot-au-feu, n’est-ce pas ? »

                « Oui. J’ai aussi pris des ramens pour finir le repas. »

                « … Tu sais que je ne pourrais jamais manger autant, n’est-ce pas ? »

                « Ne t’inquiète pas, je m’assurerai qu’il n’y ait pas de gaspillage. »

                Amane n’avait jamais été du genre à manger des repas copieux, mais grâce à la cuisine de Mahiru, il appréciait désormais des portions plus généreuses. En fait, il trouvait cette nouvelle habitude un peu inquiétante et avait décidé de commencer un entraînement de musculation.

                Mahiru faisait également attention à son alimentation, et elle préparait rarement des plats riches. Cependant, elle semblait penser qu’Amane, assez mince, pourrait prendre un peu de poids.

                « Eh bien, si tu finis, ça va. Tiens, donne-moi les sacs. Je vais ranger les courses au frigo. Va te laver les mains. »

                « Ouais, ouais, je sais. »

                Amane lui tendit les sacs de courses pleins et se dirigea obéissant vers l’évier.

***

« Au fait, que fais-tu pour le Nouvel An, Mahiru ? »

                Après avoir savouré chaque bouchée du délicieux repas, comme d’habitude, Amane posa soudainement la question qui le préoccupait.

                « Le Nouvel An… Eh bien, ça ne sert à rien de rentrer chez moi, donc je resterai ici. »

                Il se rendit compte de sa maladresse en entendant son ton indifférent, mais Mahiru ne semblait pas vraiment perturbée.

                La relation qu’elle avait avec ses parents n’était pas bonne, donc elle affichait toujours une attitude froide lorsque le sujet de sa famille était abordé.

                Mais dans ce cas, Mahiru passera-t-elle les fêtes seule ?

                Amane devait respecter la promesse qu’il avait faite à ses parents et devait revenir chez lui tous les six mois, donc il avait prévu de rentrer pendant la longue pause, avant de rencontrer Mahiru.

                « Tu rentres chez toi, n’est-ce pas, Amane ? »

                « Oui, je suis en quelque sorte obligé d’y aller. »

                Il la regarda et vit que l’expression dans ses yeux était un peu plus froide que d’habitude. Elle semblait s’être résignée à passer les fêtes seule, puisqu’Amane allait partir.

                « … Oh non, quand je rentrerai, je vais me faire cuisiner à ton propos. »

                « Quelle horreur… »

                « Mon père se contentera probablement des grandes lignes, mais ma mère voudra sûrement beaucoup plus de détails. »

                « C’est curieux, étant donné que je parle souvent avec elle. »

                « Tu es vraiment devenue proche de ma mère en un rien de temps… »

                Pour une raison quelconque, Mahiru s’était rapidement liée d’amitié avec la mère d’Amane et, sans qu’il ne s’en rende compte, lui envoyait des photos et des anecdotes personnelles… Ce qui le mettait légèrement mal à l’aise. Mais Mahiru semblait apprécier cela, alors Amane n’y voyait pas de mal. Il espérait juste qu’elle ne lui raconte pas plus qu’il n’était nécessaire.

                En se rappelant de l’expression distante et solitaire qui apparaissait parfois sur le visage de Mahiru, Amane décida qu’il ne voulait pas la laisser seule ici.

                « Eh bien, je viens de voir ma mère, il y a peu de temps… Mon père va me manquer, mais je me demande si ce serait possible de ne pas rentrer pour le Nouvel An… De toute façon, je suis censé rentrer pendant les vacances de printemps donc… »

                Amane pensait que s’il restait ici pour les fêtes, ils pourraient continuer à dîner ensemble comme toujours… Du moins, si cela ne dérangeait pas Mahiru.

                « … Oh ? »

                « Hmm. En plus, j’ai envie de goûter tes nouilles du Nouvel An. »

                « Quel glouton tu fais. »

                « C’est à cause de ta cuisine. »

                « … Même quand c’est du pré-fait ? »

                « Exactement. »

                Même si elle ne faisait que réchauffer les nouilles soba précuits, Amane était certain qu’il les apprécierait tout autant, car le plus important dans leurs repas partagés était le temps qu’ils passaient ensemble.

                « … Tu es vraiment quelqu’un de bizarre. » Remarqua Mahiru.

                « Oh, tais-toi. »

                Il la vit esquisser un léger sourire.

                « … Merci. »

                « Pour quoi ? »

                « Pour tout et n’importe quoi. »

                Mahiru ne dit rien de plus, mais son visage s’illumina quelque peu, et elle serra contre elle son coussin préféré.

***

Puis arriva le 31 décembre. La Saint-Sylvestre marquait la fin de l’année. Pour beaucoup, c’était une journée chargée, consacrée au ménage et aux préparatifs pour l’année à venir, mais…

                « Dis, Mahiru ? »

                « Quoi ? »

                « … Tu es sûre que tu ne veux pas que je t’aide avec quelque chose ? »

                Depuis son canapé, Amane regardait Mahiru de dos, qui se tenait, en tablier, dans sa cuisine. Elle y était depuis le matin, préparant de l’osechi, la cuisine traditionnelle pour les fêtes du Nouvel An.

                Comme ils avaient décidé de passer le Nouvel An ensemble, il fallait bien prévoir de quoi nourrir deux personnes.

                Amane avait pensé qu’ils achèteraient des plats tout prêts, mais apparemment, Mahiru comptait tout préparer elle-même. C’était une tâche ardue, même pour une personne expérimentée, alors il était impressionnant de voir une lycéenne talentueuse s’y atteler seule.

                Amane était sincèrement impressionné, mais Mahiru avait dit : « Eh bien, c’est impossible d’avoir de l’osechi du magasin maintenant. Il faut le commander bien à l’avance. »

                Elle avait absolument raison, mais Amane admirait quand même Mahiru pour sa décision de tout préparer elle-même.

                Bien sûr, elle prenait des raccourcis où elle le pouvait. Par exemple, préparer soi-même des haricots noirs aurait pris beaucoup de temps et monopolisé une plaque, alors ils en avaient acheté des déjà préparés.

                « Amane, tu sembles mal à l’aise quand je te dis que tu n’as rien à faire, mais as-tu seulement une idée de comment tu pourrais m’aider ? »

                « … Honnêtement, aucune. »

                « Je m’en doutais. C’est plus simple si tu restes à l’écart. »

                Amane ne pouvait vraiment pas contredire l’avis sévère de Mahiru, alors il tenta de rester tranquillement assis sur le canapé, mais il trouvait difficile de ne rien faire.

                Ce n’était pas comme s’il n’avait rien fait du tout—il avait nettoyé son appartement la veille et avait fait une grosse course pour les ingrédients de l’osechi et d’autres provisions. Il avait donc pris en charge les tâches physiques, mais pour l’instant, c’était Mahiru qui s’activait, et lui ne faisait pas grand-chose.

                « Tu dois être fatigué d’avoir déplacé tous les meubles et appareils hier pour nettoyer, alors repose-toi. » Dit Mahiru sans se retourner, mais Amane crut entendre une note d’inquiétude dans sa voix.

                Mahiru avait déjà terminé son propre nettoyage du Nouvel An. Apparemment, cela n’avait pas demandé beaucoup de travail, car elle gardait toujours son appartement impeccablement propre.

                Voilà donc la différence entre quelqu’un qui a l’habitude de garder les lieux propres et quelqu’un qui ne l’a pas, se dit Amane. J’aurais dû m’en rendre compte plus tôt…

                « Même si c’est le cas, je me sens mal à l’aise. »

                « J’aime vraiment cuisiner, donc ce n’est pas un problème. »

                « Mais quand même… »

                « Ça va, j’y prends plaisir. »

                Amane ne savait pas comment réagir face à Mahiru, qui le rejetait gentiment, mais fermement, absorbée dans son travail.

                « Mahiru, j’ai acheté le déjeuner. »

                Il aurait été injuste d’attendre que Mahiru prépare le déjeuner alors qu’elle avait déjà les mains pleines avec l’osechi, alors Amane était allé au magasin. Il avait pensé qu’un simple repas de sandwichs ferait l’affaire, car Mahiru ne mangeait pas beaucoup de toute façon.

                Mahiru avait déjà enlevé son tablier. Elle devait prévoir de faire une pause, donc le timing semblait parfait.

                « Merci de t’être donné cette peine. » Dit Mahiru en entrant dans le salon. Elle allait prendre une pause pour déjeuner. « Je suis vraiment désolée de ne pas avoir eu le temps de préparer le déjeuner. »

                « Voyons, c’est moi qui devrais m’excuser, puisque tu fais tout cet osechi. Allez, mangeons. Un sandwich et un café au lait, ça te va ? »

                « Oui, merci. » Répondit Mahiru en acceptant la nourriture, puis elle s’assit à côté de lui sur le canapé.

                « Alors, tu en es où dans tes préparatifs ? » Demanda Amane.

                « Eh bien, j’utilise pas mal d’ingrédients prêts, et j’essaie de ne pas limiter le nombre de plats, donc… je dirais que j’ai presque fini. Après ça, il y a pas mal de choses qui doivent reposer ou refroidir au frigo. Tu sembles aimer les omelettes roulées sucrées, Amane, alors je les ai faites à la main. »

                « Comment tu as su ? »

                « Tu aimes tous les autres plats à base d’œufs que je prépare. Du coup, je me disais simplement que les omelettes roulées ne feraient certainement pas exception. »

                Il supposa qu’elle les avait faites spécialement au four. Il avait entendu le bruit du four plus tôt et se demandait ce qu’elle préparait.

                « Tu préfères celles qui sont légèrement sucrées, non ? »

                « Tu me connais trop bien. »

                « Ce n’est pas surprenant que j’apprenne tes goûts après plusieurs mois. » Répondit Mahiru en mordant dans son sandwich au jambon et à la laitue. Cela rendit Amane très heureux de l’entendre.

                Tout en mangeant la boulette de riz qu’il s’était achetée, Amane jeta un coup d’œil vers la cuisine. Son regard se posa sur les petites boîtes à plusieurs niveaux que Mahiru avait apportées avec elle.

                Elle prévoyait sûrement d’y ranger les plats.

                Il ne s’était pas attendu à ce qu’elle sorte des boîtes spéciales pour la nourriture—après tout, elle vivait seule, tout comme lui—alors il avait été un peu surpris de voir ces récipients élégants, laqués et décorés de feuilles d’or.

                « Sérieusement, je ne te remercierai jamais assez. Comment dire… ? Cette année, j’ai redécouvert le plaisir de manger, un plaisir auquel je n’aurais jamais pensé en vivant seul. »

                « Et moi qui pensais que tu te débrouillais très bien tout seul. »

                « Pas sympa. Tu sais mieux que quiconque que je vivais de plats de supermarché. »

                « Ce n’était certainement pas sain, ça, c’est sûr. » Soupira Mahiru d’un air exaspéré, mais avec un sourire complice, surprenant Amane. « Maintenant que je suis là. » Ajouta-t-elle. « Je ne te laisserai plus jamais retomber dans tes mauvaises habitudes, d’accord ? »

                « Tu te prends pour ma mère ? »

                « C’est de ta faute si tu vivait de cette manière. L’année prochaine, tu vas vraiment apprendre à manger correctement. Je suis claire ? » Les yeux de Mahiru brillaient d’un enthousiasme soudain.

                Amane comprit qu’elle venait de lui annoncer son intention de passer l’année à venir avec lui aussi. Cette pensée le rendit étrangement conscient de lui-même, et il détourna le regard.

                Mais Mahiru dut interpréter ce geste comme une réticence à renoncer à ses habitudes paresseuses, car elle fronça les sourcils en le regardant, ce qui l’obligea à s’expliquer maladroitement.

***

Mahiru termina de préparer et d’emballer tous les plats de l’osechi vers le coucher du soleil, puis elle se mit à préparer les nouilles de fin d’année. Il suffisait de les faire bouillir et d’ajouter les garnitures, puisqu’ils avaient acheté des nouilles fraîches déjà coupées.

                Elle avait des restes de kamaboko, du gâteau de poisson de l’osechi, parfait pour accompagner les nouilles. Il ne restait plus qu’à blanchir les épinards et à couper l’oignon vert.

                La tâche la plus laborieuse était les tempuras de crevettes, mais Mahiru semblait s’en sortir sans aucun problème en les faisant frire.

                « J’avais aussi un peu de kabocha en rab, alors je vais le faire frire en même temps. »

                « Eh bien… Ces nouilles de fin d’année vont être sérieuses. »

                « C’est amusant de préparer ce genre de choses de temps en temps. » Dit Mahiru en terminant de servir les nouilles. Elles avaient l’air bien plus somptueuses que ce que la plupart des gens auraient préparé à la maison.

                Elle avait fait deux grandes tempuras de crevettes par bol, et le kabocha était parfaitement croustillant. Il y avait aussi beaucoup d’épinards et d’oignon vert, et le kamaboko était joliment découpé en forme d’éventail.

                Amane remarqua que Mahiru aimait garder ses tempuras croustillants, car ils avaient été servis sur une assiette séparée plutôt que dans le bol. Il apprécia ce petit geste attentionné.

                « Woh ! »

                « Allez, mange. »

                Peut-être inquiète que les nouilles ne soient pas suffisantes pour rassasier Amane, Mahiru avait aussi servi tous les restes de l’osechi sur une petite assiette.

                Amane observa Mahiru prendre place, puis ils joignirent leurs mains pour remercier la nourriture avant de déguster leurs nouilles.

                Bien que Mahiru ait dit que les soba étaient prêtes à l’emploi, elle avait dû choisir des nouilles de haute qualité. Amane pouvait sentir le riche parfum du sarrasin à chaque bouchée. Le bouillon n’était ni trop épais ni trop léger, parfaitement assaisonné. Il soupira de contentement, réchauffé de l’intérieur. Le plat idéal pour une journée froide.

                « Ah… Voilà ce que devrait être la fin de l’année… »

                Il prit une gorgée de bouillon et soupira, murmurant pour lui-même.

                Il appréciait l’occasion de s’asseoir et de regarder la télévision tout en mangeant ses nouilles, attendant l’arrivée de la nouvelle année.

                C’était aussi une tradition familiale de manger des nouilles de fin d’année tout en regardant les émissions musicales de fin d’année à la télévision, alors Amane était heureux de perpétuer cette coutume.

                Mais ce soir, il n’était pas assis avec sa famille—à la place, il y avait une belle jeune fille à ses côtés.

« Quand on mange les nouilles de fin d’année, on se rend compte que l’année est vraiment sur le point de finir, pas vrai ? »                 Demanda Mahiru.

                « Je vois ce que tu veux dire… » Répondit Amane. « Il s’est passé tellement de choses cette année. »

                Il pensait surtout à sa relation naissante avec Mahiru.

                Quand il avait commencé à vivre seul, il n’aurait jamais pu imaginer qu’une fille aussi belle lui préparerait de si délicieux repas.

                « Oh, parce que c’est cette année que tu as commencé à vivre seul, pas vrai, Amane ? Ça a dû être difficile. »

                « Toi, par contre, tu sembles ne jamais avoir eu de souci, n’est-ce pas ? »

                « Eh bien, c’est parce que je peux à peu près tout faire moi-même. C’est une catastrophe pour quelqu’un comme toi de vivre seul alors que tu ne sais rien faire. »

                « Euh… C’est pas faux, mais… »

                « Tu es vraiment le parfait exemple du cas désespéré, n’est-ce pas ? »

                L’expression de Mahiru était douce malgré ses remontrances, plus charmante qu’exaspérée. Elle ne semblait pas débordée en s’occupant d’Amane, elle avait l’air… Satisfaite.

                « … Je te suis reconnaissant pour tout ce que tu as fait cette année. »

                Il répéta les mots de remerciement qu’il lui avait adressés à Noël, et Mahiru esquissa un léger sourire.

                « Et n’oublie jamais ça. »

                Son accord rapide et sans condition lui piqua légèrement le cœur, mais sa chance était que Mahiru ne semblait rien y voir de significatif.

                « … J’espère que tu m’aideras aussi l’année prochaine. »

                « Je sais que j’en aurai besoin. Si je n’étais pas là, tu replongerais tête baissée dans ton style de vie malsain et désordonné en un rien de temps. »

                « Je ne peux pas le nier. »

                « … Si tu en es conscient, tu devrais faire des efforts… »

                « J’aspire à en faire l’année prochaine. »

                Même s’il y mettait du sien, Amane avait le pressentiment que les soins constants de Mahiru éroderaient rapidement tout désir de se débrouiller seul. Bien sûr, il ne pouvait pas dire ça à voix haute, alors il refoula cette pensée.

                Il ferait de son mieux pour garder son appartement en ordre, mais il savait qu’il dépendrait encore d’elle pour les repas. Il était devenu complètement domestiqué, et le fait qu’il en soit douloureusement conscient n’y changeait rien. De plus, Mahiru riait toujours quand il disait qu’il allait essayer de s’améliorer.

                Amane fit une grimace, mais Mahiru sourit légèrement, comme si elle savourait ce moment.

***

« La nouvelle année approche à grands pas. »

                « Oui, on dirait bien. »

                Ils avaient fini de manger leurs nouilles de fin d’année et étaient assis sur le canapé, regardant l’émission musicale annuelle de fin d’année à la télévision. Avant même qu’ils s’en rendent compte, la nouvelle année était sur le point d’arriver.

                Le temps avait passé beaucoup plus vite qu’Amane ne l’avait imaginé, tout absorbé qu’il était à observer Mahiru profiter tranquillement de l’émission. Elle ne semblait pas très familière avec la musique pop actuelle, probablement parce qu’elle ne regardait pas souvent la télévision.

                L’écran passa à une scène de cloche de temple, signe évident de la fin imminente de l’année. La grande cloche commença à résonner. Assise à côté de lui, Mahiru écoutait les sons, les yeux baissés, en silence.

                Au cent-septième coup de cloche, à l’instant précis où le jour nouveau se levait, Mahiru se tourna vers lui, se redressa et s’inclina. « Bonne année. » Dit-elle.

                Pris par l’instant, Amane se redressa aussi et lui rendit la même salutation. « Bonne année… Ça fait un peu bizarre, non ? De la passer ensemble, je veux dire. »

                « Oui, je suppose que c’est le cas. » Répondit Mahiru avec un sourire. « J’espère que tu prendras soin de moi cette année aussi. »

                « Bien sûr… Bien que, pour être honnête, c’est moi qui devrais dire ça, non ? »

                « Je ne peux pas dire le contraire. »

                Répondit Mahiru avec un petit rire, et Amane esquissa un sourire légèrement gêné. Son téléphone vibra alors sur ses genoux. Il venait de recevoir des messages de vœux de Nouvel An de la part d’Itsuki et de Chitose.

                Le téléphone de Mahiru vibra également. Elle ne connaissait pas Chitose depuis longtemps et n’avait pas encore échangé son numéro avec elle, donc elle devait recevoir des messages d’autres amis.

                « Je vais juste répondre à ça. »

                « Moi aussi. »

                Amane supposa que Mahiru avait probablement reçu beaucoup de messages, bien qu’il avait l’impression qu’elle ne donnait pas son numéro aux garçons très souvent.

                Il observa les doigts agiles de Mahiru pianoter sur son téléphone pour répondre à ses messages. « C’est dans ces moments-là qu’on te voit enfin comme une lycéenne normale. » Remarqua-t-il avant de vérifier son propre téléphone.

                Les messages d’Itsuki et de Chitose étaient les habituels « Bonne année » suivis de questions indiscrètes. « Tu as passé les fêtes avec Mademoiselle Shiina ? » Comme d’habitude, Itsuki avait une perception déconcertante de la situation.

                Amane envoya une réponse pour démentir.

                Il reçut immédiatement une réponse moqueuse d’Itsuki, l’accusant de mentir. Ils continuèrent ainsi leur conversation animée par messages, Itsuki lançant des suppositions qu’Amane démentait chaque fois. Puis, soudain, il sentit un poids se poser sur son bras.

                Un doux parfum flotta vers lui.

                La surprise le fit sursauter, et il regarda timidement sur le côté… Pour constater que Mahiru s’était endormie contre lui, appuyée sur son épaule.

                —Mais… quoi ?!

                Amane ne dit rien à haute voix, mais il commença à paniquer intérieurement.

                Mahiru s’était déjà endormie chez lui auparavant, mais jamais dans une situation comme celle-ci, juste à côté de lui, pressée contre son épaule.

                Ce qui c’était passé était évident.

                Ils étaient restés éveillés tard, bien au-delà de minuit. Mahiru, qui avait une routine stricte, n’était probablement pas habituée à veiller si tard. En plus, elle avait passé la journée à préparer les plats de l’osechi et devait être épuisée, même si elle n’en montrait rien. Elle n’avait simplement pas eu la force de lutter contre le sommeil plus longtemps.

                S’appuyant contre l’épaule d’Amane, Mahiru arborait une expression véritablement paisible, complètement inconsciente de sa confusion et de son désarroi. Ses longs cils, son nez adorable et ses lèvres rosées avaient une douceur vulnérable qu’Amane n’avait jamais remarquée auparavant.

                Ce n’était pas la première fois qu’il voyait son visage endormi, mais jamais de si près, et cette vision l’avait figé sur place.

                « Mahiru… » Dit-il hésitant. « Mahiru, réveille-toi. »

                Aucune réponse.

                Mahiru devait être incroyablement fatiguée. Il semblait que son épuisement l’avait entraînée dans les profondeurs d’un sommeil sans fond. Il l’appela et lui donna un léger coup d’épaule, mais elle ne montra aucun signe de réveil.

                Même lorsqu’il tapota son épaule et secoua doucement son corps, Mahiru ne bougea pas.

                Ses tentatives pour la réveiller la firent commencer à pencher en avant, glissant de son bras. Dans un moment de panique, Amane la rattrapa et la ramena vers lui… Ce qui était bien, mais à présent, il se retrouvait à l’enlacer. Son trouble ne faisait que grandir.

                … Wow, elle sent incroyablement bon…

                Après le dîner, Mahiru était brièvement retournée chez elle pour se rafraîchir, et le parfum floral de son shampooing, mêlé à son odeur naturelle, mettait Amane dans un grand inconfort. Et il ne pouvait s’empêcher de remarquer à quel point elle était douce, pressée contre lui.

                Amane ne gérait pas très bien la situation.

                Il avait essayé de la réveiller, mais elle était trop profondément endormie, et il hésitait à tenter de la secouer plus vigoureusement.

                Qu’est-ce que je suis censé faire ?

                La nouvelle année venait à peine de commencer, et Amane se retrouvait déjà face à un dilemme inouï.

                Il baissa les yeux, la détermination sévère, sur la jeune fille endormie dans ses bras. Elle dormait toujours profondément. Elle devait vraiment lui faire confiance pour s’endormir ainsi, sans inquiétude, réalisa-t-il. C’était suffisant pour lui donner envie de se frapper la tête contre le mur de frustration et de gêne alors que sa raison commençait à l’abandonner.

                Malgré ses efforts, son attention revenait sans cesse à la sensation distincte de son corps mince pressé contre le sien. Elle était fine, mais avec une douceur féminine, et une volupté particulièrement enivrante là où leurs poitrines se touchaient…

                —Mais qu’est-ce que je suis censé faire ?

                Non seulement Amane était complètement pris au dépourvu par la situation actuelle, mais la douceur inimaginable qui le frôlait commençait à éroder le peu de maîtrise qu’il pensait posséder.

                C’était la première fois qu’il réalisait à quel point une fille pouvait être douce, souple et agréablement parfumée… Et même le simple fait de penser à ce qu’il ressentait suffisait à plonger son esprit dans le chaos. C’était comme une boucle sans fin.

                Pourtant, il sentait qu’il devait faire quelque chose. Il avait le pressentiment qu’il n’y aurait pas de solution facile pour s’en sortir, alors Amane tenta de calmer son esprit et de rassembler son courage.

                À cet instant, trois solutions lui venaient à l’esprit :

                1. Réveiller Mahiru fermement.

                2. Ramener Mahiru chez elle.

                3. Laisser Mahiru dormir dans son propre lit, et passer la nuit sur le canapé.

                La première option le laissait perplexe. Il n’aimait pas l’idée de secouer Mahiru pour la réveiller alors qu’elle semblait tellement épuisée. De plus, c’était lui qui l’avait fatiguée, alors, si possible, il voulait la laisser se reposer.

                À première vue, la deuxième option semblait être la moins gênante, mais il n’était pas à l’aise à l’idée de chercher la clé de l’appartement de Mahiru dans ses poches et d’entrer chez elle sans permission. Il soupçonnait également que Mahiru n’apprécierait pas de découvrir qu’il avait pris une telle décision de son propre chef.

                La troisième option, la laisser passer la nuit chez lui, semblait être un choix plus sûr et facile à exécuter, mais… il n’était absolument pas prêt, émotionnellement, à ce qu’une jolie fille dorme dans son lit. Peu importait leur relation habituelle, Amane sentait que le charme innocent du visage endormi de la fille le rendait fou.

                L’idée d’une beauté aussi éblouissante endormie sur son oreiller était presque insupportable pour ce jeune homme en pleine croissance. Certaines images qui lui traversaient l’esprit lui faisaient même ressentir de la culpabilité.

                Pourtant, il ne pouvait nier que c’était l’option la plus prometteuse et le compromis le plus respectueux auquel Amane pouvait penser.

                Il se prépara pour la tâche, puis entoura doucement Mahiru de ses bras, glissant une main sous son dos et l’autre sous ses genoux, la soulevant lentement.

                Elle dormait profondément et paraissait aussi légère qu’une plume. Bien sûr, il ne le dirait jamais à voix haute, mais Mahiru lui semblait presque éthérée dans ses bras.

                Il savait maintenant qu’elle ne se réveillerait probablement pas facilement, mais, par précaution, Amane essayait de la maintenir aussi stable que possible en la portant doucement jusqu’à sa chambre. Avec les deux mains occupées à la tenir, ouvrir la porte fut un véritable défi, mais Amane réussit finalement à allonger Mahiru sur son lit.

                Son corps délicat s’enfonça dans le matelas.

                Une fois qu’Amane l’eut recouverte d’une couverture et d’un édredon, elle était prête pour la nuit. Elle ne montrait aucun signe de réveil, et tout ce qu’il pouvait entendre, c’était sa respiration régulière et rythmée. Son visage était toujours aussi beau, mais le voir si angélique et reposé dans son sommeil faisait bondir le cœur d’Amane dans sa poitrine.

                Il la borda avec soin, puis s’accroupit près du lit.

                … Non, vraiment, trop, c’est trop, là.

                Avoir une fille qui dormait dans son lit, se rappeler la douceur de son corps contre le sien, voir son visage adorable et vulnérable, puis réaliser à quel point elle devait lui faire confiance pour s’endormir ainsi dans son appartement—toutes ces pensées tourbillonnaient dans son esprit.

                Bien sûr, il était reconnaissant de cette confiance, mais il ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle ne le voyait que comme une présence sûre et inoffensive, un garçon sans danger, presque insignifiant.

                Amane jeta un regard à son visage endormi, notant l’expression paisible qu’elle affichait. Elle était totalement inconsciente de son tourment intérieur.

                Elle n’a aucune idée de ce que je ressens.

                Et elle a vraiment baissé sa garde.

                … Je pourrais monter dans ce lit en ce moment si je le voulais…

                La pensée ne dura qu’un instant avant qu’il ne la chasse de son esprit. Ce serait évidemment mal, à bien des égards. Et il savait que si Mahiru se réveillait et le trouvait à ses côtés, dans le même lit, elle ne lui parlerait plus jamais. Il frissonna à l’idée que son doux regard se transforme en une froideur méprisante.

                C’est définitivement une mauvaise idée.

                Mais peut-être, au lieu de cela, si… Juste un peu… Ça irait, non ?

                Il tendit une main vers la tête de Mahiru.

                Lisse, soyeux, brillant—voilà les mots qui lui venaient à l’esprit alors qu’il passait ses doigts sur ses longs cheveux doux et vibrants sans rencontrer le moindre nœud.

                Elle doit y apporter beaucoup de soins pour les entretenir, hein… ?

                Ressentant à la fois de l’admiration et un léger vertige face aux exigences de la féminité, Amane laissa le bout de ses doigts glisser doucement sur la joue de Mahiru. Sa peau de porcelaine était étonnamment fraîche, du moins comparée à celle d’Amane. Quand la brève caresse fut terminée, Amane remarqua qu’un léger sourire s’était dessiné sur le visage paisible de Mahiru.

                « Bonne nuit. »

                Je suis sûr qu’elle sera surprise en se réveillant demain matin… Enfin, techniquement, ce matin. Après tout ce qu’il venait de traverser, il pensait qu’elle pourrait vivre avec une petite surprise.

                Je suis vraiment sans espoir…

                Amane esquissa un sourire troublé, puis tendit doucement la main pour caresser une dernière fois la joue douce de Mahiru.

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