Kamila n’avait jamais été convoquée dans le bureau d’un commandant, sauf lorsqu’elle avait été promue de sous-lieutenant à premier lieutenant. Après des années de travail acharné, elle espérait que Berion lui donnerait l’occasion de prouver sa valeur.
‘Je ne veux pas passer ma vie à être une analyste et une manipulatrice.’ Pensa-t-elle en le saluant.
Le commandant Berion était un homme d’une trentaine d’années, mesurant 1,8 mètre, aux cheveux et aux yeux noirs. Son uniforme bleu pâle pouvait ressembler à un manteau haut de gamme avec un col montant sur un pantalon de la même qualité et de la même couleur.
Les seuls signes distinctifs sont les épaulettes argentées du commandant sur ses épaules et les insignes au-dessus de son cœur.
“Repos, lieutenant.” Dit Berion en l’invitant à s’asseoir.
Il ne mâcha pas ses mots pour décrire la gravité de la crise d’Othre et l’importance pour l’armée de ne pas perdre dans le jeu de pouvoir en cours.
“J’ai besoin de quelqu’un qui me tienne constamment au courant de la situation. J’ai besoin de quelqu’un qui ait la sensibilité et la compétence nécessaires pour profiter de la moindre occasion de rétablir l’équilibre en notre faveur.”
“Je ne peux pas compter uniquement sur le Ranger Verhen. Il est à peine capable de faire trois rapports par jour et je crains que son jugement sur cette question ne soit compromis. J’ai déjà commis l’erreur de me fier à des informations de seconde main et j’en ai payé le prix.”
“Pensez-vous pouvoir être à la hauteur de la situation ?”
“Bien sûr, Monsieur.” Acquiesça-elle avec assurance, même si elle avait envie de vomir.
‘Ce n’est pas ce que j’espérais, c’est de la politique. L’armée et l’Association sont plus préoccupées par leur concours de mesure que par la vie des habitants d’Othre. Si je refuse, je peux dire adieu à toute chance de promotion future.’ Soupire intérieurement Kamila.
Kamila quitta Belius pour se rendre au quartier général de l’armée à Othre. Elle y trouva une diligence qui l’attendait et qui se dirigeait tout droit vers la bordure extérieure.
“Je crois qu’il y a une erreur.” Dit-elle au sergent de bureau qui l’accompagnait.
“Ne devrions-nous pas nous rendre à l’antenne de l’Association ?”
“Non, madame. Nos ordres sont de vous emmener dans les quartiers du Ranger Verhen. Vous serez débriefés ensemble lorsque le reste de l’équipe arrivera.”
‘Fils de…’, maugréa intérieurement Kamila. Le commandant n’a pas besoin d’un officier de liaison avec l’Association. Il veut exploiter notre relation. Je comprends maintenant pourquoi il m’a choisie et pourquoi il a prétendu que le jugement de Lith était compromis.’
‘Je ne suis qu’un putain de piège à miel ! Je me souviens de quelque chose à propos d’un chéri de l’Académie, probablement que l’Association joue le même jeu. Je n’ai jamais été aussi humiliée de toute ma vie.’
Jamais auparavant Kamila n’avait éprouvé de ressentiment à l’égard de l’armée. Ses collègues étaient sa famille et son travail d’analyste était tout ce qu’elle avait. Mais maintenant, dans sa tête, les images de sa mère et du commandant se superposaient.
Tous deux ne se souciaient ni de ses sentiments ni de sa carrière et ne cherchaient qu’à l’exploiter à leurs fins. Elle voulait pleurer, mais à part le fait qu’elle était devenue plus pâle, son visage n’affichait aucune émotion.
‘Mon Dieu, je suis si stupide. J’aurais dû le comprendre plus tôt et décliner l’offre. Maintenant, soit j’aide le commandant à manipuler Lith, soit je lui dis la vérité et je risque de perdre mon emploi.’
Bien que bref, le voyage sembla ne jamais prendre fin. Kamila était déchirée entre son instinct de conservation et sa volonté de s’élever au-dessus de ce gâchis en faisant ce qu’il fallait. Lorsque la diligence atteignit le Chant du Cygne, elle n’avait pas encore pris sa décision.
“Excusez-moi, quelle est la chambre du Ranger Verhen ?” Demanda-t-elle au réceptionniste, un petit homme de l’âge de Lith qui la regardait d’un drôle d’air.
“Chambre 201, la suite nuptiale. Il est sur le point de déjeuner avec sa femme. Qui dois-je annoncer ?” Répondit l’homme.
À ces mots, Kamila en eu vraiment assez des conneries pour la journée. Elle ignora la question du réceptionniste et se dirigea directement vers la suite. Elle frappa à la porte avec frénésie, au point qu’elle faillit tomber en avant lorsqu’on l’ouvrit brusquement.
“Kamila ? Qu’est-ce que tu fais là ?” Elle remarqua à peine que Lith semblait surpris et heureux de la voir avant que l’enfer ne se déchaîne.
Assise sur le grand lit défait, il y avait la femme la plus magnifique qu’elle ait jamais vue. Elle mesurait 1mètre 76 et avait des cheveux auburn de plusieurs tons de rouge qui lui arrivaient à la taille.
Le visage ovale de Tista et ses traits délicats ne faisaient que souligner les proportions parfaites de son corps galbé. Kamila resta sans voix, incapable de décider si elle devait être en colère, envieuse, ou simplement espérer se réveiller et découvrir que tout cela n’était qu’un cauchemar.
“Oh, mon Dieu ! Est-ce vraiment cette Kamila ?” La fée semblait heureuse de la voir.
“Enchantée, Kamila. Je suis Tista, la sœur de Lith.” A ces mots, Kamila découvrit qu’elle pouvait à nouveau respirer, ses poumons commençaient à peine à brûler.
“Sa sœur ? Il ne m’a jamais dit que tu étais si…” Elle n’avait aucune idée de comment l’exprimer sans que cela ne ressemble à une phrase de drague.
“Merci.” Gloussa Tista. “Tu es identique à l’image qu’il nous a montrée, c’est comme ça que je t’ai reconnue.”
Lith agita les bras dans le dos de Kamila tout en demandant à Tista de se taire.
“Nous qui ?” Kamila fit de son mieux pour sourire et ne pas rougir.
“Toute la famille. Notre nièce, Leria, a même demandé si tu étais une princesse.”
Lith fit une grimace tandis que Kamila devenait toute rouge.
“Merci.” Bégaya-t-elle. “Alors, Lith peut créer des images de personnes, pas seulement des fleurs ?” demanda-t-elle, désireuse de changer de sujet.
“Des fleurs ? Il t’a offert le camélia ?” Demanda Tista, aggravant encore la situation. Un nouveau facepalm s’ensuivit.
“A-t-il vraiment donné mon nom à cette fleur?” Lith et Kamila ne parviennent pas à se regarder dans les yeux.
“En fait oui, mais non”. Tista essaya de corriger le désordre qu’elle venait de créer.
“C’est comme ça que je l’appelle parce que j’aime beaucoup ton nom et que je pense qu’il convient à la fleur magique.”
“Merci, tu es trop aimable. Je peux utiliser la salle de bain une seconde ?” Dès que Lith lui a indiqué le chemin, Kamila a fermé la porte derrière elle et s’est assise sur le rebord de la baignoire, ne sachant pas si elle devait rire ou pleurer.
“Au moins, il n’est pas marié.” Marmonna-t-elle pour elle-même.
“Bien joué.” Chuchota Lith d’une voix qui suintait le sarcasme. “Pourquoi tu ne lui as pas dit que maman ne verrait pas d’inconvénient à la différence d’âge si on lui donnait un petit-enfant, pendant que tu y étais ?”
“Je suis désolé, mais c’est la première fois depuis Phloria que je rencontre ta petite amie. Je me suis laissé emporter.” Chuchota Tista en essayant de se défendre.
“Pour l’amour de… Ne l’appelle pas ma petite amie.” Lith luttait contre l’envie d’étrangler sa propre sœur. “Si elle entend ça, elle va me larguer comme une mauvaise habitude.”
Ils commandèrent une autre portion et consommèrent leur repas dans un silence gênant jusqu’à ce qu’ils reçoivent un appel du Mage Felhorn les invitant au siège de l’Association pour un débriefing de la crise avec le reste de l’équipe.
Dorian les conduisit à la morgue du sous-sol, où des dizaines de cadavres occupaient de longues lignes d’échafaudages métalliques. Ils appartiennent à des personnes d’âge, de sexe et de classe sociale différents. La seule chose qu’ils avaient en commun était l’absence de toute blessure.
Les filles sursautèrent tandis que l’attention de Lith fut attirée par un personnage familier d’une vingtaine d’années, aux cheveux noirs et aux reflets argentés. Il mesurait environ 1 mètre 75 et était de corpulence mince.
Il se tenait près d’une civière métallique dont l’occupant est recouvert d’une lourde couverture.
“Professeur Manohar.” Lith était heureux de rompre le silence. “Enchanté de vous rencontrer à nouveau. Comment se fait-il que cette fois-ci vous n’ayez pas disparu ?”
Manohar tenta de répondre, mais quelqu’un d’autre le devança.
“Crois-moi, il a essayé.” Le coupa Jirni Ernas en levant son bras droit et en révélant les menottes qui les reliaient tous les deux.