Traducteur: TheCounterspell
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“Quelle attitude pour quelqu’un qui a failli être éclipsé par un sale traître et un pauvre roturier.” Libea fit claquer sa langue en signe de dégoût.
“Le traître et le roturier, comme tu les appels, valent mille fois mieux que toi. J’aimerais que mon ami Lith soit là. Il sait s’y prendre avec les monstres, ce qui n’est pas mon cas.”
Libea s’apprêtait à répliquer quand soudain la pièce devint sombre et vide. Elle se retourna juste à temps pour apercevoir une ombre aux yeux flamboyants de mana bleu qui s’approchait d’elle.
“Mon cher Yurial, je t’ai toujours dit de faire de grandes choses lorsque tu fais un vœu. Sinon, si l’un d’entre eux se réalise, c’est plus une pitié qu’un soulagement.”
“Il est juste derrière toi, bien sûr.” dit Yurial avec un sourire en coin.
“Tu as une sacrée attitude pour quelqu’un de ce rang… Je me suis trompé, j’avais oublié que tu n’avais pas de rang. C’est juste que mon esprit refuse l’idée que quelqu’un qui n’a pas un iota de pouvoir magique puisse être aussi arrogant.”
En temps normal, Lith aurait ignoré les calomnies de Libea. À l’académie, il entendait quotidiennement des paroles bien plus cruelles, mais il n’y prêtait pas attention. Lith venait de connaître trois mois de paix et son lien renouvelé avec Solus l’avait rendu plus calme que jamais.
La raison de son comportement anormal était les instructions précises que la Marquise Distar lui avait données.
‘Cela fait longtemps que je n’ai pas donné de leçon à un connard arrogant. Cela va être amusant !’ pensa-t-il.
“Il vaut mieux que vous surveilliez votre langue, jeune fille. Un jour, même un pauvre roturier pourrait atteindre un statut plus élevé que le vôtre. Sans votre titre de noblesse, vous n’êtes rien de plus qu’un chien de salon gâté.”
“Vous devriez savoir que les créatures stupides qui continuent d’aboyer au mauvais arbre sont… sujettes aux accidents.”
Lith garda ses distances, pointant son doigt vers elle pendant qu’il parlait. C’était un acte incroyablement grossier envers une personne d’une classe sociale plus élevée. En d’autres circonstances, Libea aurait fustigé Lith pour son comportement inacceptable.
Elle voulait parler, mais n’y parvenait pas. Quelque chose l’empêchait même de détourner son regard de l’index de Lith. Pour elle, c’était comme une épée pointée sur sa gorge, dégageant une aura glaciale qui lui piquait la peau comme d’innombrables aiguilles de glace.
À chaque pas que faisait Lith, l’estomac de Libea se nouait l’un après l’autre. Elle avait soudain envie de se cacher derrière Yurial, mais celui-ci était introuvable. Le monde entier avait disparu, la laissant seule face à une bête folle.
Contrairement à la perception de Libea, Yurial était juste à côté d’elle, la pièce était parfaitement éclairée, et Mogar continuait à tourner sur son axe sans se soucier de rien, comme toujours.
‘Je ne sais pas pourquoi Lith est si susceptible et honnêtement, je m’en fiche.’ pensa Yurial. ‘Qu’elle soit obligée de se taire pour une fois, c’est libérateur.’
Habitué à l’aura de Lith et doté d’un puissant flux de mana inné, Yurial n’était pas en mesure de percevoir la pression exercée par Lith, aussi fut-il encore plus surpris par l’attitude docile de Libea.
Du moins jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’elle n’était pas docile du tout. Sa fiancée était tout simplement incapable de respirer.
Yurial reconnut les symptômes trop familiers de l’agression mentale d’une aura magique. Le front de Libea était couvert de sueur, son visage passait du blanc pâle au bleu cyanosé à cause du manque d’oxygène.
“Bon, ça suffit.” Yurial saisit la main de Lith, s’interposant entre les deux pour rompre le contact visuel. Libea pouvait à nouveau respirer. Elle se retrouva dans la salle à manger de la Marquise, les gens autour d’eux observaient la scène avec une expression amusée.
En réalisant ce qui s’était passé, elle se sentit humiliée comme si cela ne s’était jamais produit de toute sa vie. La famille Fintyr n’avait jamais donné naissance à un seul mage, mais elle était l’une des plus anciennes familles nobles du Royaume du Griffon.
Même les Archimages les traitaient avec respect, à condition que les Fintyr fassent de même, bien sûr. Libea voulut crier et appeler ses gardes personnels, pour donner une leçon à ce paysan.
Ce qu’elle fit à la place, c’est qu’elle se dirigea vers la salle de bain la plus proche, avançant à pas furieux mais courts. La frayeur soudaine avait presque fait perdre à Libea le contrôle de ses intestins, elle n’avait que peu de temps avant de se couvrir de honte à vie.
De plus, faire une scène devant tant d’invités ne ferait que la faire passer pour une idiote. La seule chose qu’elle pouvait reprocher à Lith était son impolitesse. Il ne lui avait pas jeté un seul sort et ne lui avait pas laissé la moindre égratignure.
Dès qu’elle fut partie, Lith serra la main de Yurial.
” Si c’est avec cette femme que tu vas passer ta vie, aucune quantité d’alcool ne rendra sa présence supportable. Tu dois fixer des limites, ou elle te rendra fou. Ça ou tu peux la tuer.”
Le sourire de loup de Lith fit comprendre à Yurial qu’il ne plaisantait pas du tout.
“J’aimerais que les choses soient aussi simples.” Soupira Yurial.
“Tuer Libea ne ferait que m’obliger à épouser l’une de ses sœurs et à subir une enquête approfondie. Crois-le ou non, c’est la moins ennuyeuse de la bande. Puisque tu connais déjà lady Ernas, tu dois pouvoir imaginer ce que cela signifie d’avoir un gendarme royal à tes trousses.”
“Non, je n’ai que trois chemins devant moi. Accepter mon destin, m’émanciper de la maison Deirus après la cinquième année, ou convaincre mon père d’annuler le mariage. M’émanciper signifierait gâcher tout ce que j’ai fait jusqu’à présent et probablement condamner la maison Deirus.”
“Sans héritier, si quelque chose arrive à mon père, notre lignée est terminée. Mais annuler le mariage est encore plus improbable. Cela nous ferait perdre beaucoup de face, notre prestige serait détruit.”
“Entre cela et le fait de se mettre à dos les Fintyr, cela mettrait fin à tous nos projets d’amélioration pour au moins dix ans. Comme tu peux le voir, je suis pratiquement condamné.”
Un long moment de silence gênant s’ensuivit avant que Yurial ne décide de passer à un sujet moins déprimant.
“Le smoking te va bien”. Contrairement à Yurial, Lith ne portait pas son uniforme, mais l’équivalent d’un smoking noir dans le nouveau monde. La chemise blanche était apparemment en soie, tandis que le pantalon et la veste étaient faits d’une laine semblable à la vigogne de la Terre.
Lith portait en réalité son armure de Marcheur de peau. Il avait stocké la véritable armure dans la pierre précieuse bleue incrustée à la base du cou, ce qui permettait à l’objet enchanté de l’imiter à la perfection. L’épingle blanche du griffon brillait sur la poche au-dessus de son cœur.
“Tu n’en as pas assez de cet uniforme ? De plus, tu sembles avoir perdu du poids depuis notre dernière rencontre.”
“Oui, aux deux. Mais qu’est-ce que je peux y faire ?” Yurial haussa les épaules.
“Depuis que les classements ont été publiés, ma famille s’est vue attribuer les terres qui accueillent l’académie du Griffon Noir. Cela signifie beaucoup plus d’autorité et de prestige, mais aussi beaucoup plus de responsabilités.”
“De ce fait, mon père est obligé de passer la plupart de ses journées à accorder des audiences à nos nouveaux serviteurs, pour faire le tri entre ceux qu’il faut garder et ceux qu’il faut remplacer. Je l’aide, bien sûr. En tant qu’héritier, il me montre les ficelles du métier tout en me présentant mes futurs sujets.”