Traducteur: Ych
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ARTHUR LEYWIN
L’histoire de Mordain avait suscité une mélancolie gênante qui s’était installée comme une pierre dans mon estomac. Mon interaction avec le seigneur Eccleiah avait été étrange des premiers aux derniers instants, et je n’arrivais toujours pas à comprendre tout ce qu’il avait dit et fait, surtout en connaissant ce nouveau contexte. Il était clair que le vieil asura attendait quelque chose de moi, mais quel échange vaudrait le coût des larmes de deuil ?
Les théories se bousculaient dans mes pensées, mais je n’avais aucun moyen de les confirmer, ni même l’envie de le faire. Même si je savais qu’un jeu de politique asuran susceptible de changer le monde – avec moi en son centre – se déroulait à Epheotus, j’avais des préoccupations immédiates à prendre en compte ici même à Dicathen.
La nouvelle de la présence de Cecilia n’était pas la bienvenue. Tout ce dans quoi elle était impliquée risquait d’être suffisamment important pour changer le visage de la guerre, mais ce n’était pas la seule raison pour laquelle j’étais mal à l’aise. Je ne me réjouissais pas à l’idée d’une bataille entre l’Héritage et les dragons, et je ne savais pas quelle issue je craignais le plus : que Cecilia se révèle assez forte pour tuer même des guerriers asurans de plein sang ou qu’elle tombe et que Tessia soit détruite avec elle.
Il me semblait dangereux de ne pas chercher à la retrouver immédiatement, mais sans connaître le destin, je ne savais pas en quoi une deuxième bataille se révélerait différente de la première.
“Viens, Arthur, laissons Chul se reposer et achever son rétablissement”, dit Mordain en tapotant les cheveux de Chul inconscient d’un air de grand-père. “Avier, me ferais-tu la gentillesse de veiller sur lui jusqu’à ce qu’il se réveille ?”.
Le hibou vert dodeline de sa tête cornue. “Bien sûr.”
Mordain remercia et congédia les deux autres phénix avant de me conduire hors de la petite pièce. En jetant un dernier coup d’œil à Chul, dont le corps nageait désormais dans le mana, je l’ai suivi.
Mordain nous conduisit vers le bas, longeant le fond des larges tunnels, manifestement conçus pour le vol. Nous avons laissé derrière nous le nid central et sommes entrés dans des tunnels plus petits et plus anciens, et j’ai réalisé qu’il m’emmenait sur le même chemin que celui que nous avions utilisé pour atteindre le portail brisé des Relictombs auparavant. Plusieurs minutes plus tard, nous sommes de nouveau entrés dans la grotte recouverte de mousse, éclairée par des cristaux lumineux qui poussaient comme des stalactites depuis le plafond. Contrairement à avant, aucun portail ne brillait dans le cadre rectangulaire en pierre au centre de la grotte, la magie éthérée s’étant estompée.
“Qu’est-ce qu’on fait ici ?” Demandai-je finalement alors que Mordain s’agenouillait et effleurait de ses doigts la mousse verte et dorée.
” Parler là où nous ne serons pas entendus “, dit simplement Mordain. Se tournant pour me faire face, il se laissa tomber sur la mousse, une action et une posture étrangement banales pour quelqu’un d’aussi vieux et d’aussi inhumain. “Tu viens d’arriver d’Epheotus. Je peux encore sentir l’énergie qui s’accroche à toi.”
Appuyé contre la paroi de la grotte, je croisai les bras et examinai Mordain de près. ” En effet. ”
“Avec tant d’éléments face à toi, tu es revenu d’Éphéotus et tu as choisi de venir directement à moi. Aussi fortuit que ce soit, je ne vois qu’une seule raison qui t’ait poussé à agir ainsi”, dit-il en parlant lentement. “Tu sais que j’ai la clé de voûte.”
Je sentis mes yeux s’écarquiller, incapable de dissimuler la surprise sur mon visage. “Alors tu l’admets ? L’un des djinns rebelles a volé la troisième clé de voûte et te l’a donnée ?”
Mordain sembla vieillir sous mes yeux, tandis qu’il contemplait quelque vision obsédante de son passé. “Quelques très rares djinns pensaient pouvoir changer le destin de leur civilisation. Même parmi ceux qui ont cherché refuge auprès de mon peuple, cette opinion était rare. Les Relictombs n’étaient pas seulement une grande bibliothèque contenant toutes les connaissances collectées par les djinns, mais elles contenaient des morceaux de connaissances éthérées qui, lorsqu’elles étaient résolues comme un puzzle, pouvaient permettre d’influencer le destin lui-même. Les djinns, collectivement, stockaient ces connaissances dans l’espoir que quelqu’un finirait par se montrer capable de les utiliser d’une manière qu’ils n’avaient pas, mais ceux qui cherchaient à se défendre étaient prêts à tenter l’exploit eux-mêmes, même si cela les tuait.
“J’ai essayé de les en dissuader, en prêchant la sagesse de leur collectif, mais ayant écarté leurs proches même dans l’effort de les sauver, ils n’étaient pas prêts à entendre une telle chose, même de ma part. Mais, plus ils étaient nombreux à entrer dans les Relictombs et à ne pas en revenir, plus leur quête devenait sombre et désespérée.”
Mordain fit une pause dans son récit, ses yeux se fermant comme s’ils lui faisaient mal. “Ils avaient l’intention d’utiliser ce pouvoir caché pour rompre le lien de ce monde avec Epheotus afin de mettre fin au génocide.”
“Est-ce que ça aurait marché ?” demandai-je, mon propre esprit se tournant pour la première fois vers la façon exacte dont on pourrait utiliser l’aspect du Destin pour résoudre les nombreux problèmes auxquels je devais maintenant faire face.
Les yeux de Mordain s’ouvrirent, brillants de colère. Je reculai instinctivement, mais l’émotion fut étouffée aussi vite qu’elle était apparue, et il laissa échapper un long soupir de lassitude. “Epheotus était autrefois un morceau de ce monde, et d’une manière très réelle, ça l’est toujours. Si la… bulle qui l’entoure était coupée de ce monde, Epheotus se priverait lentement de mana. Le monde que le peuple asura s’est construit s’effriterait et s’estomperait, et les murs qui le séparent de la dimension dans laquelle il se trouve finiraient par disparaître. Je ne pense pas avoir besoin d’extrapoler sur ce qui se passerait alors.”
J’ai dégluti lourdement, comprenant pourquoi ce sujet serait délicat pour le phénix. “Il s’agirait d’un génocide d’un tout autre type. Et tu ne pouvais pas le permettre.”
“Non, je ne pouvais pas”, dit-il, son comportement simultanément tendu et mélancolique. “Lorsqu’ils ont réussi à revendiquer cette clé de voûte, j’ai détruit leur chemin vers les Relictombs – le même portail, ironiquement, que tu as réparé plus tard. Ceux qui ont été mis sur leur chemin sont partis, décidant que nos objectifs n’étaient plus alignés, mais la plupart sont restés et ont vécu le reste de leur vie ici, en paix. Comme le père de Chul.”
J’ai considéré ce guerrier au tempérament fougueux, né de deux représentants de clans pacifiques. Il était si différent de tous les autres membres du clan Asclépius. Ou des djinns que j’avais vus. “Est-ce qu’il tient son tempérament de sa mère ou de son père ?” demandai-je, me méfiant soudain de quelque chose.
La bouche de Mordain se retroussa en un sourire ironique. “Les deux. C’est un tel couple. C’est justement ce feu intérieur qui les a rapprochés, je crois. Aurore était une grande guerrière. Elle aurait préféré, je crois, que tout notre clan périsse dans une glorieuse bataille contre les Indraths, mais elle était tout aussi loyale, et quand j’ai décidé d’emmener tous ceux qui voulaient venir et quitter Epheotus, elle a aussi été la première à se ranger derrière moi. Et le père de Chul… n’était pas exactement un membre ordinaire de la race des djinns.”
“C’est le père de Chul qui a pris la clé de voûte, n’est-ce pas ?”
Mordain ne semblait pas surpris par ma supposition. “C’est vrai.”
“Mais il n’est pas parti en même temps que les autres ?”
Mordain est resté pensif pendant plusieurs longs instants. “Je l’ai convaincu qu’il y avait plus à vivre que les ténèbres grandissantes au sein de ses compagnons. On a bien failli en arriver à la violence lorsqu’il a décidé de rester et de garder la clé de voûte, mais Aurore… a convaincu les autres qu’une telle action ne serait pas judicieuse.”
“A-t-il jamais réussi à résoudre la clé de voûte ?”
Mordain répondit par un petit hochement de tête, et nous retombâmes dans le silence. Mes pensées étaient obstinément silencieuses ; je me sentais comme un enfant à qui l’on lit une histoire à l’heure du coucher, à moitié endormi et ne parvenant plus à suivre complètement ce qui se passait.
En me secouant un peu, j’ai essayé de me forcer à vivre l’instant présent en regardant fixement Mordain dans les yeux. “Tu savais que je cherchais les clés de voûte, et tu en avais une depuis tout ce temps. Pourquoi me la cacher ?”
Son expression n’a pas changé tandis qu’il réfléchissait à ma question. “Ce n’est pas une chose facile que de donner à une personne – n’importe laquelle – la capacité de réécrire la vérité du pouvoir dans ce monde. Comment un être pourrait-il tenir entre ses mains la clé du destin et ne pas succomber à l’inévitable corruption d’une telle chose ? Je pensais alors qu’il valait mieux que les clés de voûte ne soient jamais résolues, et je ne suis pas sûr que mon opinion ait beaucoup changé, mais…”
Il s’est redressé et m’a jeté un regard sérieux. “Deux mondes au moins sont pris entre les machinations de Kezess et d’Agrona. J’ai commencé à croire qu’un changement dans l’équilibre des pouvoirs est exactement ce dont ce monde a besoin, et pourtant…”
Je n’ai pas pu empêcher le sourire en coin qui a traversé mon visage. “Comment peux-tu savoir si je suis vraiment celui qui doit exercer ce pouvoir ?”
” En effet, comment ? “, songe Mordain, dont les yeux dérivent vers le cadre du portail. “C’est, en partie, la raison pour laquelle j’ai permis à Chul de t’accompagner. C’est un esprit pur, passionné mais parfois presque… enfantin. J’ai pensé que si quelqu’un pouvait voir jusqu’au fond de toi, ce serait Chul. Il ne le savait pas”, ajoute-t-il rapidement. “Je ne l’ai pas envoyé pour t’espionner, mais seulement pour apprendre à te connaître. À travers ses yeux, je voulais voir qui tu étais vraiment, Arthur Leywin. Et… maintenant, c’est fait.”
J’attendis qu’il continue, peu surpris par ce qu’il avait à dire sur Chul mais curieux de savoir où cela allait nous mener.
“Tu es venu me voir ce jour avec des affaires d’une importance capitale pesant sur tes épaules, et pourtant, bien que ne connaissant pas Chul depuis longtemps, tu as mis de côté toutes tes autres préoccupations et n’as eu de pensée que pour lui, offrant sans hésiter tout ce qui était à ta disposition pour le sauver, même un artefact d’une richesse tout à fait incalculable.” La voix de Mordain s’est légèrement enrouée, et il a marqué une pause. “En sentant le conflit entre les Wraiths et les dragons, je savais que les choses s’envenimaient. Il m’a soudain semblé urgent de parler à Chul, de le regarder dans ses yeux et de comprendre la vérité de son expérience. Parce que seule une personne aussi concentrée et désintéressée a une chance de toucher le destin lui-même et de ne pas succomber au désir interne de pouvoir.
“Pourtant, même en cela, nous pouvons voir les rouages du destin, car si je n’avais pas fait appel à Chul, cette attaque n’aurait pas eu lieu, et toi, Arthur, tu n’aurais pas pu faire tes preuves. En retour, je n’aurais peut-être pas eu suffisamment confiance en toi pour te confier la clé de voûte… et c’est en cela que je vois la preuve dont j’ai besoin. Le destin lui-même semble vouloir que tu la trouves, Arthur. Mais avant de pouvoir, en toute bonne conscience, contribuer à ton succès dans cette quête, je dois savoir une chose : que feras-tu de ce pouvoir, si tu peux le revendiquer ?”.
Je me suis détaché du mur et me suis approché de Mordain, m’enfonçant dans une position de jambes croisées à ses pieds. Il a modifié sa propre posture, me faisant écho.
“Comment puis-je répondre à cette question ?” demandai-je, la voix posée, l’esprit clair. “Te dire ce que je vais faire de l’aspect du Destin serait le comprendre, mais ce n’est pas le cas. Je ne peux pas me prononcer tant que je n’ai pas acquis la compréhension vers laquelle ces clés de voûte me conduisent.” J’ai soutenu fermement le regard de Mordain, comme si j’étais l’ancien et qu’il était suspendu à chacun de mes mots. “Tu en demandes trop et, ce faisant, tu condamnes le monde à succomber à la vision de Kezess Indrath ou d’Agrona Vritra. Ta peur t’a paralysé, et donc au lieu de prendre un risque et d’échouer, tu choisirais d’échouer sans essayer. C’est ce qu’il en coûte de choisir d’être passif dans une guerre où la perte signifie la fin de tout.”
Le regard de Mordain se posa sur la mousse dorée et verte qui se trouvait entre nous. Avec insouciance, ses doigts ont effleuré la surface rugueuse. Puis, de façon inattendue, il a émis un petit rire. “Tu profères des insultes alors qu’il te conviendrait d’être politique, même si tu dois inventer ton raisonnement. Un homme moins honnête prétendrait œuvrer pour la paix et la prospérité de tous ou quelque autre prétention calculée mais sans poids. Mais toi… tu dis ta propre vérité, et tu parles avec sagesse. Je me suis tenu à l’écart pendant trop longtemps. Je ne mènerai pas cette bataille à ta place, Arthur, mais je ne me mettrai plus en travers de ton chemin. Tu peux prendre la clé de voûte.”
Il fit un signe de la main, et le mana creusa le sol à la base du portail. Ne sachant pas trop à quoi m’attendre, je fus néanmoins surpris lorsque le mana déterra un squelette enfoui à plusieurs mètres sous le rectangle de pierre. Les os avaient une teinte bleue qui les identifiait comme n’étant pas humains.
Un cube sombre et mat, identique aux autres clés de voûte, se dégagea doucement des doigts du squelette et sortit du trou, puis la terre se réinstalla sur la tombe cachée et la clé de voûte tomba dans mes mains.
Malgré son poids, sa surface froide et légèrement rugueuse, j’étais méfiant. Malgré tout, obtenir aussi facilement l’objet que j’avais passé tant de temps à chercher… je devais m’en assurer.
D’une vrille d’éther, j’ai imprégné la relique cubique.
Mon esprit s’est engouffré dans la clé de voûte, descendant en flèche et pénétrant dans le voile d’énergie violette attendu. Je me suis appuyé dessus, poussant à travers le mur jusqu’à ce que je me manifeste de l’autre côté. À l’intérieur du royaume de la clé de voûte, je me suis retrouvé entouré de… je n’étais pas tout à fait sûr de quoi.
Cela ressemblait à des égratignures dans l’air, des marques éthérées qui brûlaient sur les bords. Chacune était différente, les rayures s’entrecroisant comme des runes, mais lorsque je concentrais mon attention sur l’une d’entre elles, elle fondait, révélant encore plus de choses à la périphérie de ma vision.
Mon esprit conscient désincarné tournait autour, révélant que le royaume de la clé de voûte était plein de ces marques éthérées, mais partout où je me concentrais, elles disparaissaient, tandis que celles qui se trouvaient à la périphérie brillaient encore plus fort.
En faisant une pause, j’ai pris un moment pour laisser mon esprit se mettre en place, en lui permettant activement de se déconcentrer. En regardant au hasard, j’ai cherché à comprendre les marques qui se trouvaient aux limites extérieures de mon espace visible. J’ai d’abord lutté, incapable de les focaliser sans les regarder directement. Ce n’était guère plus que des formes floues flottant dans l’air éthéré du royaume de la clé de voûte.
Faisant appel à mes années d’expérience de la méditation, j’ai laissé mon esprit s’enfoncer plus profondément dans cet état de relaxation, me laissant voir sans regarder, n’essayant pas activement de comprendre mais attendant que la compréhension vienne à moi tandis que mon subconscient décryptait les formes.
Famille, ai-je réalisé, reconnaissant l’une des formes comme une rune gravée. Protéger. Encourager. Former. Futur…
Ce sont toutes des runes. Alors que je m’en rendais compte, mon regard s’est porté sur la rune qui indiquait “Futur”, et celle-ci a fondu. J’ai recommencé, me glissant dans cet état méditatif et lisant les runes. Certaines se répétaient, et il y en avait beaucoup d’autres en plus de ces premières, mais je me trouvais dans l’incertitude. Lorsque j’avais terminé la première clé de voûte, l’énigme – l’action que je devais entreprendre – m’avait semblé relativement simple, même si la solution ne l’était pas. Mais ici, je voyais les pièces assez clairement, mais je n’avais pas de contexte sur ce qu’il fallait faire ou sur la façon d’aller de l’avant.
La comparaison surprenante entre l’espace vide devant moi et la deuxième clé de voûte a interrompu mon état méditatif et j’ai ressenti un soubresaut d’inquiétude. Et si je ne voyais pas tout le puzzle et que, comme avant, il me manquait quelque chose parce qu’il me manquait un sens que les djinns avaient ? Cependant, mon sens du mana était revenu au fur et à mesure que ma compréhension de Realmheart se renforçait, et de toute façon, je me suis rendu compte que cela semblait intentionnel. Il ne me restait plus qu’à découvrir quelle était cette intention.
J’ai envisagé de me retirer de la clé de voûte et de revenir à ma conversation avec Mordain, mais le sens semblait rester à la limite de ma compréhension. Juste quelques minutes, me suis-je dit en me replongeant dans la méditation.
Fardeau. Réflexion. Évolution. Famille. Apprendre.
J’ai lu chaque mot un par un sans me concentrer sur les runes, à la recherche d’un modèle ou d’une signification. Protéger la famille. Apprendre à comprendre. Former l’avenir, pensai-je, en essayant de les associer au cas où mes pensées déclencheraient un changement dans mon environnement, mais rien ne se produisit. Ensuite, reprenant ce que j’avais appris de la première clé de voûte, j’ai envoyé des doigts d’éther vers les runes jumelées, essayant peut-être de les relier par mon pouvoir, mais lorsque mon éther a effleuré les runes, elles ont disparu.
J’ai tenté cette expérience plusieurs fois avec différentes paires de mots, puis avec des mots appariés, et enfin avec une séquence de runes totalement aléatoire, mais chaque tentative a abouti au même résultat.
Mettant cela de côté, je suis retourné à la méditation pour me remettre les idées en place. Encore une minute, et je partirai, me suis-je assuré.
Sans prendre la décision consciente de le faire, mes pensées se sont tournées vers Ellie et maman. La rune de la famille dérivait autour de moi et brûlait contre les ténèbres, je suppose que ce n’était pas étonnant. Mais alors que je pensais à elles, espérant qu’elles allaient bien et me demandant quel genre d’entraînement Ellie avait fait avec Gideon et Emily, mes pensées se projetèrent visiblement dans l’espace vide où le centre non focalisé de ma vue était orienté.
Ma mère et Ellie, toutes deux apparaissant telles que je les voyais dans mon esprit, une sorte de mélange entre ce à quoi elles ressemblaient il y a dix ans et leur apparence actuelle, planaient dans cet espace central, encadrées par des runes. Mais certaines des runes s’effaçaient, et il m’a fallu un effort de volonté concentré pour ne pas détourner mon regard afin de voir lesquelles.
En revanche, j’ai gardé cette image clairement dans mes pensées et j’ai essayé de fixer mon regard pour pouvoir tirer la signification des runes flottantes de la périphérie de ma vision, comme je l’avais fait auparavant.
Famille. Protéger. Guider. Aimer. Comprendre. Encourager. Grandir. Apprendre. Fardeau.
Mon attention s’est portée sur cette dernière rune, et elle a disparu, tout comme l’image d’Ellie et de maman. Tous les mots manquants sont réapparus à la périphérie de ma vue.
Fardeau, ai-je lu, le mot sortant de l’obscurité plus brillant que tous les autres. Un lien subconscient, me suis-je demandé, ou la clé de voûte réagissant à mes propres émotions ? Ma famille n’est pas un fardeau, pensai-je avec force, sans attendre de réponse de la part de la clé de voûte.
Mais j’avais appris quelque chose, et je devais voir si je pouvais le répéter.
En fouillant les runes dans ma périphérie, j’ai laissé mon esprit vagabonder jusqu’au point nodal de leur signification. Cette fois, j’ai fait apparaître une image des Lances restantes : Mica Earthborn, Bairon Wykes et Varay Auray. Sur l’image, ils portaient leurs uniformes, le blanc, l’or et le rouge n’étant pas encore ensanglantés par des années de bataille, leurs traits n’étant pas marqués. Tout comme ils l’avaient été lorsque leurs images avaient été projetées au-dessus des rues de Xyrus pour que tout le monde puisse les voir.
Et tandis que je gardais la pensée d’eux dans ma conscience centrale, je regardais certaines runes s’effacer et d’autres se préciser dans ma vision périphérique.
Protéger. Grandir. Vaincre. Former. Échouer. Bouclier. Apprendre. Supporter.
Cette fois, je me suis concentrée, sans me laisser distraire par la signification superficielle de l’une ou l’autre rune. Je ne pouvais pas interagir avec les runes par l’intermédiaire de l’éther, mais il devait y avoir une autre méthode pour interagir avec la clé de voûte.
Grandir. Apprendre. J’ai retenu le sens de ces mots dans mon esprit, je les ai reliés aux lances. Leur signification, leur lien, était évident. Les Lances devaient grandir et apprendre si elles voulaient être capables de mener les batailles à venir, mais elles avaient également joué un rôle important dans ma croissance et mon apprentissage. Les runes pouvaient être lues dans les deux sens.
Comme rien ne se passait, j’ai changé de tactique. Vaincre. Échouer. Ces mots s’appliquaient tous deux aux Lances, mais ils étaient contraires, opposés l’un à l’autre. Les Lances n’avaient pas réussi à défendre le continent contre les forces supérieures d’Agrona ; les mages du noyau blanc n’avaient aucune chance de vaincre les Faux ou même les Wraiths. Mais ils avaient surmonté leurs limites et n’avaient jamais cessé d’essayer de se développer.
Quelque chose a changé dans l’atmosphère, une sorte de charge résonnant entre les runes Vaincre et Échouer.
J’ai tenté de manipuler les runes avec de l’éther et de les attirer vers moi. Cette fois, elles ne disparurent pas, mais furent attirées du bord de ma vision directement au centre de mon esprit conscient immatériel, envoyant des éclairs de perspicacité à travers mon cerveau.
J’ai soudain compris. C’était presque simple, un défi auquel je m’étais préparé par inadvertance en m’entraînant avec les lames d’éther, en élargissant ma conscience vers l’extérieur alors que je contrôlais et réagissais à plusieurs données à la fois. Grâce à l’effort de toutes ces fausses morts, alors que j’apprenais à manipuler et à contrôler plusieurs lames à la fois sur un vaste champ de bataille, j’avais appris à me concentrer d’une manière entièrement nouvelle.
Et j’ai cru voir ce vers quoi je me dirigeais.
Rapidement, j’ai commencé à parcourir les pensées qui semblaient se former à la jonction de plusieurs significations runiques, en me forgeant une image solide, puis en reliant les runes opposées avec les significations qui leur sont attachées. Il fallait non seulement considérer des idées opposées simultanément, mais aussi diviser activement mes pensées pour voir une image différemment à partir de plusieurs perspectives, tout en gardant plusieurs pensées dans ma tête en même temps.
C’est comme si je maniais cinq lames à deux mains.
Les idées ont coulé comme un robinet ouvert. Deux ou trois à la fois, les runes s’estompèrent et le royaume de la clé de voûte devint plus vide tandis que mon esprit semblait se gonfler de compréhension.
Avec une soudaineté déconcertante, le royaume de la clé de voûte était vide et j’étais aspiré à travers le mur d’énergie violette. Mes yeux se sont ouverts en un clin d’œil alors qu’une fine poussière noire coulait entre mes doigts, se répandant dans le dense tapis de mousse.
Une paire d’yeux jaune vif rencontra les miens, et Mordain recula d’un pas. “Arthur ? Mais qu’est-ce que… ?”
J’ai serré les poings et tenté de calmer ma respiration alors que mon pouls s’accélérait.
De dos, je le sentais – le nouveau godrune lourd dans mon esprit. Comme auparavant, un nom et une histoire se présentèrent à moi, des siècles de conception, de but et d’intention tissés dans la perspicacité comme une tapisserie.
J’ai tendu la main vers le sol pour me hisser sur mes pieds, puis j’ai réalisé que je flottais au-dessus du sol moussu. L’éther atmosphérique semblait se presser contre moi, comme si j’y étais intégré, me maintenant contre la force de gravité. Bougeant comme en transe, je me dépliai et me tins fermement sur mes pieds, un soudain sentiment de nostalgie se mêlant à la confusion excitée de ma réussite dans la clé de voûte.
“Que s’est-il passé ?” demanda Mordain, la voix serré, incertain. Pour lui, réalisai-je, j’ai dû donner l’impression d’être devenu subitement catatonique alors que je flottais dans les airs.
“Je l’ai résolu”, répondis-je, la voix pleine d’incrédulité. Après les longues épreuves des deux premières clés de voûte, je n’aurais pas osé espérer que la troisième puisse être dénouée aussi rapidement. “Je l’ai, Mordain. Le troisième pouvoir de la clé de voûte, un autre godrune…”
J’ai poussé l’éther le long de ma colonne vertébrale et dans la godrune. Une lueur dorée a envahi la grotte tandis que mon esprit s’illuminait comme une toile infinie d’étoiles ramifiées se répandant sur l’éternité de mes propres pensées.
“Une couronne”, dit doucement Mordain, son regard se concentrant sur le sommet de ma tête, là où je me rendis compte que la lumière dorée rayonnait principalement. “Une couronne de lumière…”
En tâtant timidement l’émanation qu’il voyait, j’ai compris. “Le Gambit du Roi…”
J’ai relâché la godrune, clignant des yeux les séquelles de son utilisation, à bout de souffle. Il me faudrait du temps pour bien la comprendre et savoir ce que ça peut faire, mais si cette brève activation était une indication….
“Je dois y aller.” Je me suis tourné vers la porte, distrait. “S’il te plaît, fais en sorte que Chul soit ramené sain et sauf à Vildorial une fois qu’il aura…”
Une main puissante a saisi mon poignet, m’arrêtant. “Arthur, avant que tu ne partes… il y a quelque chose que tu dois savoir.” L’attitude de Mordain est soudain devenue grave.
Je me suis forcé à vivre le moment présent – difficile après ce que je venais de vivre – et je lui ai accordé toute mon attention.
“Tu dois te méfier. Les djinns n’ont pas révélé grand-chose sur ces clés de voûte, mais il y a une chose que j’ai apprise du père de Chul dans les années qui ont suivi. La quatrième clé de voûte… quand tu y entreras, Arthur, tu ne pourras plus en sortir tant que tu n’auras pas acquis les connaissances qu’elle tente de t’enseigner. Une sorte de… sécurité. Si la tâche s’avère impossible, alors ton esprit sera pris à l’intérieur de la clé de voûte pour toujours. Et pendant que tu chercheras à comprendre, ton corps physique sera vulnérable.”
J’ai réfléchi à ce qu’il avait dit, ma mâchoire se serrant tandis que je luttais contre la tension qui montait sous ma peau. Finalement, je lui ai fait un signe de tête rigide, puis je me suis détourné.
CECILIA
Clés de voûte, godrunes, éther… le destin.
Tant de choses avaient été révélées, tant de détails dont j’ignorais tout auparavant. Sur le passé, et même sur les futurs possibles… mais tout cela n’avait pas d’importance. Non, je me suis concentré sur les parties les plus importantes.
Arthur est à la recherche d’un pouvoir qui lui permettra de changer le “destin” lui-même, mais même lui ne semble pas savoir ce que cela signifie vraiment. ” Mais il sera vulnérable lorsqu’il utilisera la dernière ‘clé de voûte’ “, dis-je doucement, m’adressant à moitié à moi-même, à moitié à Tessia, que je sentais vibrer attentivement, tout aussi investie que moi dans ce que nous avions appris.
‘C’est peut-être ça’, dit Tessia, son excitation se doublant d’une peur aiguë. ‘Tu dois voir ça, n’est-ce pas Cecilia ? Nous devons aider Arthur à comprendre ce que c’est, quoi que ce soit. Il pourrait…
J’ai ri malgré moi, puis je me suis rapidement tue, me souvenant de l’endroit où je me trouvais. L’aider ? Pourquoi le ferais-je ? J’ai décollé du sol, volant rapidement mais prudemment à travers les branches basses des arbres. C’est ma chance de le vaincre pendant qu’il ne peut pas se défendre.
L’excitation montait en moi, vibrant juste sous la surface. J’ai réalisé à quel point j’avais espéré éviter une nouvelle confrontation avec Grey, et maintenant j’avais découvert la réponse à la façon dont je pouvais le vaincre sans avoir à me tester à nouveau contre sa magie.
‘Le destin lui-même, Cecilia. Tu crois qu’Agrona peut te renvoyer à une sorte de vie sur Terre, mais qu’Arthur ne le pourrait pas, même avec ce nouveau pouvoir ?’ demande Tessia, d’un ton incrédule.
Je me suis légèrement assagie, une sensation de nausée et de culpabilité se tordant à l’intérieur de moi comme les lianes du gardien Elderwood. ‘Je sais qu’il ne le ferait pas. Après tout ce que Nico et moi avons fait, pourquoi le ferait-il ?’
‘Je sais que ce n’est pas vrai, je sais… Je…” Les assurances de Tessia se sont évanouies, et je pouvais sentir ses doutes.
Agrona voulait peut-être me voir me battre contre Grey pour accroître notre force à tous les deux, mais il ne permettra jamais à Grey de s’approprier ce pouvoir.
‘Je suis dans ta tête’, me rappelle inutilement Tessia. ‘Je sais que tu sais que ce n’est pas bien. Ce n’est pas ce que tu voulais être. En deux vies, combien de personnes t’ont montré de la gentillesse, Cécilia ? Pas ceux qui voulaient faire de toi une arme, un monstre sous leur contrôle. Mais Arthur-Grey-il et Nico étaient là pour toi, ils pourraient encore l’être, Nico veut…
“Tu ne sais pas ce qu’il veut !” J’ai claqué, ma voix résonnant sinistrement dans la forêt silencieuse. ‘Nico me comprend, il comprend ce qu’on me demande, ce que je dois faire, et il me soutiendra. Il a dû prendre des décisions difficiles tout comme moi, et je lui pardonne ! Tout comme il me pardonne…’
Il y avait quelque chose d’autre auquel je n’osais pas donner voix, quelque chose de nouveau qui me faisait peur alors même que je pensais à Nico. Avant, sur Terre, j’avais fait ce que j’avais fait pour qu’ils n’utilisent pas Nico contre moi, parce que je savais qu’on finirait par en arriver là. Et si je me retournais contre Agrona, il ferait de même. Il pourrait faire passer toutes ces expériences tortueuses pour une promenade de santé en comparaison, j’en étais certain.
Agrona est… il est ma seule chance d’obtenir ce que je veux.
‘Mais il ne l’est pas, tu as juste…’
“Ça suffit !” J’ai crié à nouveau, plus fort, et une explosion de mana s’est répandue autour de moi, arrachant plusieurs arbres par leurs racines et les projetant au loin.
Une bête de mana insectoïde gargantuesque a surgi du sol, sa tête pincée claquant dans tous les sens à la recherche de la perturbation. Instinctivement, j’ai donné un coup de fouet de mana, et celle-ci s’est ouverte de la tête jusqu’au long tronc qui constituait son corps. Elle a poussé un gargouillement et s’est effondrée en un tas humide.
Respirant difficilement, j’ai accéléré encore plus, laissant mon esprit se vider de tout sentiment et de toute pensée, à l’exception du souffle de l’ouragan dans mes stupides cheveux gris. À l’intérieur de mon crâne, il y avait un silence béni.
Malgré leur affinité pour se cacher, les Wraiths ne pouvaient pas complètement me dissimuler leur présence, et il était assez facile de les retrouver, ainsi que Nico.
Je n’ai pas atterri, gardant plusieurs pieds entre moi et le sol détrempé des marais où ils attendaient. “Nico, nous devons retourner à Alacrya immédiatement. Il y a des nouvelles qu’Agrona doit-”
“Je crois que j’ai trouvé ce qu’il nous faut !” Nico éclata d’excitation, comme un enfant le jour de son anniversaire. Il grimaça, inconscient. “J’ai décidé de fouiller un donjon de plus pendant ton absence, et…”
“Plus tard”, ai-je craqué, impatiente de rejoindre Agrona alors que toutes ces informations étaient encore relativement fraîches dans mon esprit.
Les yeux de Nico brillaient de douleur, et je me rendis compte que mon ton avait été beaucoup plus dur que je ne l’avais voulu.
“Je suis désolée”, dis-je rapidement, en dérivant vers l’endroit où il se tenait et me fixait. “Nico, j’ai appris des choses. La faille, le plan, tout le reste devra attendre maintenant. Nous devons nous rendre à Agrona.”
Hochant la tête, il a retiré son tempus warp de l’artefact dimensionnel qu’il portait. “Bien sûr, Cecil.”
Oh là là ! ça annonce du lourd pour la suite !
Rdv dans deux semaines et merci pour la trad ych !
Derien bg ^^
Mordain !!!!
très bon chapitre comme d’habitude
Très bon chapitre encore une fois, merci pour la traduction
Déçu de revoir l’illogique Cécilia mais bon …
les informations sur la clé de voûte compense
J’ai commencé TBATE il y a quelques semaines et la je viens de terminer le dernier chapitre, c’était vraiment du lourd ! Impatient de lire la suite !
Pleins de choses en suspens, je me demande si il va utiliser l’artefact Léviathan et si ça va réparer son noyau de mana ou « juste » soigner la cicatrice sur son noyau d’éther en plus d’un power up ! Perso le voir réutiliser le mana en combinaison de l’éther me chaufferait de fou !
En tout cas merci beaucoup pour la trad !
Avec plaisir, merci pour ton commentaire
Quand sort le prochain chapitre?
Salut l’auteur est en pause, le novel reprend dans 2 semaines
Ok merci
OK thanks pour l’infos
On voit bien que Cecilia c’est encore qu’une enfant elle comprend rien