Traducteur: Ych
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A/N : Cela fait quatre semaines que le tome 10 est terminé et c’est la première fois que je fais une pause aussi longue (sans compter mes problèmes de santé d’il y a quelques années). Alors que beaucoup d’entre vous ont exprimé que je devrais garder mon Patreon actif malgré mon hiatus, et m’ont même dit de prendre une pause plus longue, j’ai choisi de ne pas le faire pour pouvoir me sentir moins coupable pendant ma pause haha. Même ainsi, je suis tellement reconnaissant que mes fans les plus fidèles soient si patients et compréhensifs (même si je vous vois tous avoir des symptômes de manque dans le chat discord) et je suis heureux d’être de retour. Profitez du chapitre et j’espère vous voir ici tout au long de ce voyage qu’est TBATE.Love,
TurtleMe
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SERIS VRITRA :
Cela s’est passé lentement au début.
De larges yeux injectés de sang se tournaient vers moi, sondant l’obscurité à la recherche de la source de l’aura qu’ils sentaient émousser leurs sens et saisir leurs cœurs.
En me voyant, leurs regards stupéfaits, un par un, étaient inévitablement attirés vers le bas par l’artefact sanglant que je serrais dans ma main droite. Des bouches s’ouvraient d’horreur, mais les mots qu’elles auraient pu dire restaient coincés dans des gorges serrées.
Des outils glissaient de doigts mous pour s’écraser sur le sol, oubliés, et un tremblement parcourait la conscience collective d’un peuple incapable de comprendre ce qu’il voyait.
Au centre de cette tempête d’attention, je me déplaçais sans me presser, le chemin rugueux craquant sous mes pieds, mes robes blanches flottantes brillant comme un phare dans la morosité industrielle. Chaque mineur, ouvrier et fermier wogart que je croisais se figeait, avant de s’écarter rapidement devant moi.
Ceux qui étaient les plus proches reculaient, mettant instinctivement de la distance entre eux et la force palpable qui émanait de moi, tandis que d’autres étaient attirés par elle comme des papillons de nuit par la flamme, oubliant leurs tâches banales alors que la curiosité et l’admiration submergeaient leur sens de l’auto-préservation.
Une femme corpulente aux cheveux clairsemés et au visage sali par la poussière grise poussa un cri rauque.
Quand mes yeux se posèrent sur elle, ceux qui étaient les plus proches se dépêchèrent de reculer. Je ne souris pas mais je lui accordai une seconde de contact visuel, plongeant mon regard dans le sien, lui assurant qu’elle avait été vue.
D’autres ne pouvaient pas cacher l’hostilité sur leurs visages – ceux qui étaient loyaux envers Agrona ou qui croyaient à la propagande mal conçue qui était diffusée à mon sujet – mais aucun d’entre eux n’avait le courage d’exprimer leurs sentiments ou d’entraver ma progression.
Quelques-uns, les plus intelligents d’entre eux, s’enfuirent.
Quand j’atteignis les portails menant au deuxième niveau, ils étaient déjà dans le chaos.
Les gardes se précipitaient pour trouver leurs groupes de combat et maintenir quelque chose qui ressemblait à une formation.
Ils se criaient dessus, personne n’étant apparemment prêt à assumer la responsabilité du commandement.
Les officiels des Relictombs – les greffiers et les préposés qui étaient chargés de surveiller les portails – se tenaient à l’écart, se tordant les mains et regardant nerveusement.
Quand mon intention se répandit sur eux, ils s’arrêtèrent tous. Quelqu’un murmura une prière au Vritra.
Voulant qu’ils m’entendent et me comprennent, je contins mon aura et m’approchai à une distance facilement audible.
La chose dans ma main se tordit légèrement, alors que je m’arrêtais, lançant un regard moqueur aux soldats et aux gardes.
La moitié d’entre eux me fixaient, leurs armes tenues nerveusement devant eux, mais l’autre moitié ne pouvaient pas détacher leurs yeux de l’artefact.
L’un des préposés, un homme plus âgé avec une tête chauve et une longue moustache grise et portant la robe officielle d’un greffier des Relictombs, trouva son courage.
Il fit quelques pas tremblants vers moi et leva le menton, ses yeux évitant soigneusement ma main. “F-faux Seris Vritra.” Il marqua une pause, avalant difficilement. “Vous êtes en état d’a-arrestation pour crimes contre Alacrya, par ordre du Haut Souverain !” Il termina plus fort, prenant confiance en parlant.
Lorsque je lui ai souri, cette confiance se brisa comme des dents sous un maillet. Il recula, essayant de se perdre parmi les autres officiels, mais ils reculèrent aussi, le sacrifiant au bûcher de mon attention.
Mais je n’étais pas là pour intimider ou assassiner des mages de basse naissance, même ceux qui étaient trop aveugles pour voir que j’étais de leur côté.
“Je ne suis pas venu ici pour verser le sang. Aucun de vous ne mourra ici, à moins que vous n’y teniez. Partez. Fuyez les Relictombs et retournez chez vous auprès de votre sang.”
Pourtant, je ne pouvais pas me sentir juste quant au choix que je leur donnais.
J’avais été une Faux trop longtemps pour ne pas voir le piège qu’il y avait dedans.
En réalité, c’était un choix dans la façon de mourir.
Soit ils restaient et me combattaient dans un affrontement désespérément inégal, soit ils fuyaient et attendaient d’être traqués et exécutés par les forces loyalistes.
Les non-combattants s’enfuirent tous en courant, se précipitant comme des insectes soudainement et inopinément exposés à la lumière.
Les gardes échangèrent des regards sombres, mais ils restèrent.
Ils comprenaient le choix.
Un grand homme cria, et les soldats se reformèrent en leurs groupes de combat.
Des boucliers, magiques et ordinaires, furent levés contre moi.
J’ai gardé ma position. Un autre cri, et des sorts commencèrent à voler, illuminant la zone sombre de bleus, jaunes et rouges éclatants.
Des éclairs de feu et des lames de vent heurtèrent la barrière de mana qui recouvrait ma peau et mes robes, se déviant sans dommage.
Mon mana ondula avec une ombre crépusculaire, rendant le contour de mon corps gris.
Le feu des sorts ralentit, puis s’arrêta.
Je laissai passer un battement de cœur, puis tendis ma main libre vers l’avant. Un nuage noir jaillit de mes paumes, déferlant sur mes agresseurs en un instant.
Il pénétra en eux et à travers eux, ma magie du vide brûlant le mana à l’intérieur d’eux.
Ils s’effondrèrent tous comme un seul homme, le contrecoup d’avoir expulsé tout leur mana les assommant pour la plupart.
Quelques-uns me regardèrent du sol, gémissant ou suffoquant. S’attendant à mourir.
Je passai devant eux, les laissant où ils gisaient. Leur donner un choix seulement dans la façon de mourir me semblait mal. C’était ainsi qu’Agrona opérait.
Ils avaient choisi de tenir leur position. Peut-être étaient-ils aveuglément loyaux envers Agrona, mais peut-être étaient-ils aussi désespérément pris au piège dans un système dans lequel ils étaient nés et avaient vécu chaque seconde de leur vie.
Savaient-ils seulement qu’il y avait un monde en dehors des murs trop proches qui les pressaient ?
Je me suis dit qu’ils ne pouvaient probablement pas le voir. Mais moi, je pouvais. Et je pouvais aussi choisir.
Jetant un rapide coup d’œil en arrière vers le champ de mages tombés – tombés, mais vivants – j’ai activé l’un des portails menant au deuxième niveau et je l’ai franchi.
Le deuxième niveau est exactement comme je m’y attendais.
La cour contenant les portails d’ascension et de descente, qui couronnait l’extrémité du long boulevard qui traversait le cœur de la zone, était une ruée d’activité organisée.
Une centaine de mages, peut-être plus, encerclaient la cour, armes dégainées et sorts actifs, bouclant les portails.
Une vingtaine d’autres s’empressaient d’installer une série de dispositifs en arc devant les portails.
De petits groupes de personnes se tenaient à l’écart de la cour, à l’extérieur du cordon, et dans l’ombre des bâtiments les plus proches.
Les dispositifs étaient constitués de boîtiers métalliques ternes et bleutés contenant de gros cristaux de mana qui avaient été soigneusement taillés en coupelles concaves.
De lourds câbles reliaient les uns aux autres, les chaînant tous ensemble, et finalement à un réservoir de verre rempli d’un liquide bleu bouillonnant.
Plusieurs des mages sursautèrent à mon apparition, braquant leurs armes sur moi.
“Faux Seris Vritra !” aboya un mage aux cheveux noirs et à la barbe bien taillée en faisant un salut. Les autres se mirent au garde-à-vous et firent de même.
Je balayai la formalité d’un geste. “Sulla, tout s’est passé comme prévu.”
Le Haut Hage du Hall des Ascendants de Cargidan acquiesça vigoureusement.
“Oui, Faux Seris. La résistance a été limitée.”
Il hocha la tête vers quelques corps étendus à proximité.
“Les combats ont été pires ailleurs, je le sais, mais nos efforts pour mettre en place votre… quoi que ce soit… n’ont pas été entravés, et c’est presque terminé.”
Un autre homme, qui ne portait ni armure ni robe de combat et qui était torse nu, affichant fièrement sa peau bronzée et sa forme ciselée, accourut et s’inclina rapidement.
“Un timing parfait, comme prévu”, dit Djimon du Sang Nomé Gwede, Haut Mage à Itri, avec sa netteté habituelle.
“Toutes les plateformes de distorsion tempus de la ville ont été détruites, comme vous l’avez ordonné, sauf une qui est actuellement défendue par le Sang Haut Rynhorn. Les combats y sont féroces, mais ils ne peuvent pas tenir. Dix minutes de plus et les corps de leurs soldats joncheront le sol des Relictombs tandis que mes Casters s’occuperont de la plateforme.”
“Avec les plateformes réceptrices détruites, ce sera notre seul moyen d’entrer et de sortir”, ajouta Sulla, désignant l’alignement de portails permanents qui permettaient le transit entre le premier et le deuxième niveau.
Je pouvais dire qu’il cherchait à s’assurer que le plan ne nous conduirait pas à être piégés ou submergés.
“Ce n’est pas le seul moyen”, dis-je au lieu d’essayer d’apaiser l’homme. Mon regard a suivi la ligne du boulevard central jusqu’à ce que je puisse voir la lueur lointaine du portail d’ascension primaire, même d’ici.
Le bruit des pas de l’armure qui s’approchaient m’a fait tourner la tête, surtout à cause du léger décalage entre chaque pas. Cylrit s’inclina légèrement et les deux ascendeurs reculèrent d’un pas, nous laissant de l’espace, les yeux rivés sur le sol. Mon serviteur avait le visage et l’armure éclaboussés de sang.
“Voulez-vous que je prenne ça, faux Seris ?” demanda-t-il, le ton égal. J’étais certaine d’être la seule à remarquer la raideur pincée à la fois dans sa voix et dans sa posture.
J’ai tendu l’objet que j’avais transporté au premier niveau des Relictombs : une tête coupée, la mâchoire gelée par la rigidité cadavérique, la langue noire et ratatinée comme une limace salée.
Cylrit n’a pas bronché en acceptant l’appendice qui lui était offert. Il le souleva pour regarder les yeux morts et fixes, puis se dirigea vers la batterie de mana qui alimenterait les artefacts que j’avais conçus.
Les autres mages se sont retirés, leur travail terminé. Tout était prêt.
Cylrit abaissa la tête dans le liquide, qui se mit immédiatement à briller, puis se retira rapidement de la batterie.
Les cristaux sculptés de chaque appareil commencèrent à émettre un bourdonnement résonnant, puis à briller d’une teinte assortie au liquide bleu, et enfin à projeter des vagues visibles de mana dans l’air, bombardant les portails d’énergie brute.
L’effet fut immédiat. Les portails scintillants sautèrent et tressaillirent, leurs surfaces subtilement changeantes s’animant soudain d’ondes de choc et de stries multicolores. Les ondulations et les vagues s’éloignaient du cadre du portail, se heurtaient et rebondissaient dans toutes les directions à la fois à travers tous les portails.
“Et vous êtes sûr que—” Djimon se coupa en plein milieu de la question.
Je savais que nous n’aurions pas à attendre longtemps pour avoir la preuve que les artefacts fonctionnaient. Les ascendeurs qui nous entouraient ont tourné leurs regards vers l’intérieur, observant. J’ai été rejoint par quelques autres individus de haut rang – Anvald de Sang nommé Torpor, Harlow de Sang élevé Edevane, qui étaient tous deux Hauts Mages de leurs factions respectives de l’Association des Ascendants à Aedegard et Nirmala, ainsi que le Haut Seigneur Frost et sa petite fille Enola – mais ils sont restés silencieux, se contentant d’observer, d’attendre.
En quelques minutes, l’un des portails changea. Il s’étira, se lissa momentanément, les ondulations se dissipant, et une silhouette apparut à l’intérieur.
Dragoth, dont la forme large remplissait tout le portail, jeta un coup d’œil, le visage tendu par le bombardement de mana, mais il disparut presque aussi vite qu’il était apparu. Une minute s’écoula et il réapparut, passant d’un portail à l’autre si rapidement que cligner des yeux aurait signifié le rater.
Il répéta ses vaines tentatives avec chaque portail à tour de rôle, mais les portails étaient déstabilisés par le bombardement de mana et ne maintenaient pas une connexion assez forte pour achever la transition. À peine arrivé au deuxième niveau, il était déjà ramené au premier.
Il n’y avait aucun moyen de franchir les portails tant que mes artefacts restaient en place, renforcés par le reste du mana d’Orlaeth.
D’autres ont commencé à apparaître aussi, plusieurs à la fois dans chaque cadre de portail. Au bout d’une minute, une ondulation parcourant la surface de l’un des portails traversa un homme juste au moment où il apparaissait, écorchant la peau du côté droit de son visage. Il disparut en un instant et les tentatives de franchissement des portails cessèrent brusquement.
Une acclamation s’éleva, menée par Enola de Haut Sang Frost .
Je suis restée près des portails un certain temps après, félicitant tous ceux qui venaient faire leur rapport et donnant des ordres si nécessaire. Une lente procession de hauts-lords de mes alliés de haut sang est arrivée lorsqu’ils ont eu la certitude que les combats étaient terminés et que les portails étaient désactivés, cherchant à exprimer leur gratitude avec la même poignée de platitudes tout en me demandant de leur assurer que je savais effectivement ce que je faisais.
Finalement, on a appris que les dernières plates-formes de réception avaient été détruites, ce qui rendait impossible l’utilisation d’un tempus warp ou d’un portail dédié pour nous rejoindre. Mon plan avait été couronné de succès.
J’ai tourné mon visage vers le ciel sans soleil, appréciant la chaleur qu’il projetait sur ma peau. J’avais passé une si grande partie de ces derniers mois sous terre, dans des laboratoires ou des abris fortifiés, qu’il était bon de se tenir sous un ciel ouvert, même s’il s’agissait d’une construction magique.
Une poignée d’Imbuers resta avec l’équipement, ainsi que dix groupes de combat pour s’assurer que personne ne tentait un quelconque sabotage. Finalement, il ne restait plus que ces gardes, moi-même et Cylrit patient dans la cour, les ascendants et les hauts sangs ayant vaqué à d’autres occupations ou s’étant retirés dans leurs domaines et leurs auberges pour fêter et se reposer.
Cylrit traînait sur sa jambe douloureuse, visiblement mal à l’aise. J’ai attendu qu’il rompe le silence entre nous. “Es-tu certain de cela ?” demanda-t-il finalement, la voix basse.
J’ai commencé à marcher et lui ai fait signe de me suivre. Nous avons avancé dans la grande avenue centrale qui se poursuivait sans interruption jusqu’au portail d’ascension primaire vers le reste des Relictombs. Les gens nous regardaient passer depuis les vitrines des magasins et les balcons des auberges, incertains de ce qui se passait.
Nous n’avions pas pu nous assurer que seuls mes partisans se trouvaient dans la zone, bien sûr. Mon peuple avait fait de son mieux, l’Association des Ascendants ralentissant volontairement la circulation tandis que les hauts sangs répandaient des rumeurs encourageant ceux qui n’étaient pas affiliés à nous à partir, même temporairement, mais beaucoup de gens qui vivaient dans la zone, ceux qui servaient dans l’économie qui s’était développée autour des ascendants, étaient neutres ou même ignorants de nos efforts contre Agrona.
Certains finiraient par nous être carrément hostiles, je le savais.
“Il y a trop de choses ici qui échappent à notre contrôle”, poursuivit Cylrit, son attention se déplaçant constamment tandis que, par habitude, il surveillait les menaces potentielles. “Il y a des façons dont cela peut mal tourner que nous n’avons même pas encore envisagées.”
“Je sais”, répondis-je. Si cet argument avait été avancé par quelqu’un d’autre, je l’aurais assuré que chaque variable avait été prise en compte, que chaque couche du plan avait été conçue pour être infaillible, mais Cylrit comprenait tout aussi bien que moi ce à quoi nous étions confrontés. “Peut-être qu’avec dix ans de plus pour planifier, nous aurions pu perfectionner ce stratagème. Mais c’est la guerre, Cylrit. Et quand tu combats des dieux, le temps n’est pas de ton côté.”
“Tout se résume à cela, n’est-ce pas ? Le temps…” Cylrit a fait une pause, et je me suis arrêté pour le regarder. “Combien de temps pouvons-nous alimenter l’artefact de perturbation ? Quand Caera reviendra-t-elle avec Arthur ? Pouvons-nous tenir plus longtemps qu’il ne faudra à Agrona pour trouver un moyen d’entrer ?”
Je ne lui ai pas rappelé ce que nous avions déjà accompli – reprise de la moitié de Sehz-Clar, évasion des armées d’Agrona, embarras de son animal de compagnie l’Héritage, meurtre d’un de ses souverains du clan Vritra, et maintenant blocage des Relictombs elles-mêmes – et je l’ai plutôt laissé évacuer ses craintes.
“Nous avons pris beaucoup de risques ces dernières décennies, Seris, mais là… j’ai trop l’impression que nous nous sommes mis au pied du mur sans pouvoir en sortir.” Cylrit prit une profonde inspiration, puis ajouta : ” Mes excuses. Je ne doute pas de toi, je…”
J’ai levé la main et il s’est tu. “N’oublie pas que nous n’essayons pas de gagner cette guerre. Seulement de nous opposer à un tyran. Mais je ne pense pas que ce sera notre dernier combat. Aie confiance.”
“En Arthur ?” demanda-t-il, ses sourcils se plissant dans la rare manifestation d’une véritable frustration.
“En l’humanité. En le destin. En moi. Fais ton choix.” J’ai souri et j’ai effleuré son visage d’un air taquin, comme si je pouvais effacer son froncement de sourcils. “Tout le monde a besoin de foi. Ces “dieux”, les asuras, s’appuient sur elle pour maintenir leur contrôle sur ceux qu’ils appellent les inférieurs. Et les gens en ont besoin aussi – ils ont besoin de croire en quelque chose. Si nous voulons vraiment briser l’emprise d’Agrona sur eux, nous devons leur donner un autre endroit où placer leur foi, même si ce n’est que pour une courte période. Juste pour les faire passer dans le nouveau monde que nous essayons de construire.”
“Et si nous mourons en essayant ?” demanda Cylrit, l’émotion le quittant.
“Alors nous mourrons bien.”
CECILIA
Où suis-je ? Je me suis demandé, en reculant devant quelque chose qui bougeait sous moi.
Un lit de lianes et de racines enchevêtrées se tordait sur un sol de pierre vierge, me bousculant et me donnant des vertiges à l’estomac. Mes yeux s’écarquillèrent lorsque je traçai le chemin des lianes : elles poussaient sur le sol, les murs et le plafond sans début ni fin, m’encerclant complètement. Et en se tortillant, elles se resserraient autour de moi.
Seule la voie vers l’avant était ouverte, mais elle diminuait d’instant en instant. J’ai commencé à me débattre au-dessus des lianes, mais mes mains et mes pieds étaient constamment tirés vers le sol du salon, et à chaque fois, les lianes s’agrippaient à moi, menaçant de m’attraper et de ne pas me lâcher.
J’ai perdu toute notion du temps en me précipitant d’abord sur les mains et les pieds, puis sur les genoux, et enfin en rampant sur le ventre comme un ver. Les lianes et les racines m’écrasaient, m’étouffaient, et mon cœur battait contre ma poitrine tandis que mes poumons luttaient pour respirer, et soudain, j’eus la certitude que j’allais mourir là, étranglé par les lianes.
Un phare vert émeraude brilla quelque part devant moi. Désespérément, j’ai tiré vers elle, maintenant pressée à plat par un poing vert géant. Chaque centimètre en avant me demandait tellement d’efforts et d’énergie que j’étais sûr de ne pas y arriver. Et je n’y suis pas arrivé, pas loin. Une liane s’est enroulée autour de ma cheville, une autre autour de mon bras droit, puis une liane noire couverte d’épines a atteint ma gorge.
Une main est sortie de la lumière. Sa force délicate me semblait familière – comme si je me regardais dans un miroir – et je l’ai saisie avec une force frénétique.
En revanche, la main avait la force calme et inexorable que j’associais à Agrona. Cette assurance pure et inébranlable de la confiance. Elle aurait dû écraser ma propre main, mais au lieu de cela, elle m’a tirée à travers les lianes jusqu’à ce que je me faufile sur une parcelle d’herbe chauffée par le soleil.
La main m’a tiré sur mes pieds.
Lentement, par peur de regarder, mes yeux ont suivi le bras mince jusqu’à l’arc gracieux d’une épaule et la peau lisse et sans tache d’un cou, à moitié caché sous des cheveux gris argenté. Finalement, j’ai rencontré les yeux turquoise.
Tessia Eralith. Mon vaisseau.
“Qu’est-ce qui se passe ?” demandai-je, frustrée par la faiblesse de ma propre voix. J’avais l’impression d’être une enfant pleurnicharde devant elle, mais la femme elfe était tout à fait à l’aise dans cette clairière au cœur d’une tempête de lianes et de racines étrangleuses. “Où sommes-nous ?”
“Dans ton esprit”, répondit-elle simplement. “Tu es en train de rêver, et ton subconscient essaie de te transmettre ce qui se passe à l’intérieur de nous”.
Une bobine vert foncé, semblable à un serpent, s’est heurtée contre moi, et j’ai fait un pas nerveux vers le centre de la clairière, ce qui m’a obligée à me tenir à moins d’une longueur de bras de Tessia pour ne pas toucher les murs en mouvement. J’ai écarté une mèche de cheveux bruns poussiéreux de mon visage, ne sachant pas trop quoi dire.
“C’est le gardien d’elderwood”, poursuivit-elle en jetant une sorte de regard pensif et triste autour d’elle. “Notre corps a absorbé son noyau de mana. L’intégration… je ne l’ai jamais su.” Elle secoua la tête, émerveillée. “Lorsque le noyau s’est dissous, la volonté bestiale du gardien d’elderwood s’est libérée. Tout comme moi, je suppose.” Elle haussa les épaules, comme si ce deuxième point ne signifiait pas grand-chose pour elle. “La volonté sans contrainte se nourrit du mana désormais intégré à notre corps. Elle nous déchire.”
“Mon corps”, ai-je marmonné, le mot “notre” se plantant comme un poignard dans mon esprit à chaque fois qu’elle le prononçait.
Un sourire sans humour s’est dessiné au bord de ses lèvres, mais je n’ai pas pu lire l’intention qui se cachait derrière son expression. Alors même que nous parlions, la clairière dans laquelle nous nous trouvions se rétrécissait. Une pulsation semblable à un lent battement de cœur les parcourait toutes les quelques secondes, et à chaque battement, elles grandissaient.
J’ai essayé de fermer les yeux, de me concentrer, mais je n’y arrivais pas. Je me suis souvenu que c’était un rêve. “Comment puis-je l’arrêter ?”
Il y avait du feu froid dans les yeux de l’elfe lorsqu’elle répondit. “Tu le contrôles. Seulement…” Elle s’est arrêtée, observant une vrille de vigne feuillue se dérouler à côté de mon visage. “Tu ne peux pas. La volonté de la bête du gardien d’elderwood n’est pas seulement du mana que tu peux dominer. Il faut du temps, de la concentration et un peu de chance. Nous n’avons pas le temps. Ce corps sera mort d’ici une heure.”
Je grinçai des dents et m’avançai vers elle d’un pas menaçant. Lorsqu’elle m’a regardé avec un amusement plein de pitié, je me suis soudain senti comme un enfant qui mettait son poing en boule face à un adulte. Et j’ai détesté ça. “Tu mourras aussi alors”, ai-je martelé, luttant pour conserver mes sens et ne pas céder au désespoir. “Je ne pense pas que tu…” Les mots se sont coincés dans ma gorge quand je me suis souvenue de sa lutte pour le contrôle de mon corps quand Grey m’avait attaquée à la Victoriade.
“Je ne veux pas mourir,” admit-elle. Alors que les lianes pulsaient et grandissaient, elle s’est mise à genoux et s’est détendue, s’asseyant confortablement parmi les plantes qui se tortillaient. Au lieu de la regarder de haut, je me suis rendu compte que j’étais moi aussi assise, même si je n’avais pas fait l’effort conscient de le faire. “Mais je suis prête pour cela. Nous sommes des combattants ennemis, Cecilia. Si nous nous rencontrions dans des camps opposés sur le champ de bataille, je serais prêt à donner ma vie pour te vaincre. Ici, si je pouvais échanger ma vie contre la tienne, cela n’en vaudrait-il pas la peine ?”.
“Ce n’est pas…” Je commençai, puis m’arrêtai à nouveau, me mordillant la lèvre alors que je luttais pour trouver mes mots.
D’un point de vue stratégique, elle avait raison. Elle n’était personne, juste le vaisseau de ma réincarnation, alors que j’étais l’Héritage. Si elle se sacrifiait ici pour me détruire…
“S’il te plaît…” Je l’ai suppliée dans un murmure rauque, en lui tendant les mains. “On m’a volé ma vie, tout ça à cause d’un accident de naissance, quelque chose que je ne pouvais pas contrôler. Je n’ai jamais rien demandé de tout cela. Je veux juste retrouver ma vie. Tu peux comprendre ça, n’est-ce pas ?” J’ai attrapé une idée et j’ai commencé à parler plus vite. “Agrona finira par me renvoyer dans mon propre monde, moi et Nico. Toi… tu pourras récupérer ce corps quand je serai parti ! Je te le promets. Je ferai en sorte qu’Agrona…”
Tessia a laissé échapper un petit rire mélodieux, puis s’est couverte la bouche et m’a regardée avec une fusion écœurante d’hilarité et de pitié. ” Les étoiles au-dessus, tu ne vois même pas l’ironie, n’est-ce pas ? “.
Je me suis redressée et j’ai lancé un regard à l’elfe. “Tu ne comprends rien. Tu n’as aucune idée de ce que j’ai vécu.”
Ses sourcils se sont froncés alors que l’amusement de son sourire s’est évanoui, ne laissant place qu’à de la tristesse. “Rien de ce que tu as fait, aucune pensée que tu as eue, n’est un secret pour moi.”
Je déglutis lourdement, incapable d’expliquer l’effroi soudain, froid et sans espoir, qui m’étreint la poitrine.
“Tant de choses à propos d’Arthur ont un sens, maintenant, en sachant… tout.” Une liane aussi épaisse que mon bras s’est enroulée autour de la taille de Tessia comme une étreinte, et elle en a cueilli une fleur dorée qu’elle a fait tourner entre ses doigts tout en parlant. “Sa maturité, sa confiance, même lorsqu’il était enfant… et je pensais que tu serais pareil, ayant vécu deux vies, mais…”.
Elle a rencontré mes yeux et les a fixés. “Tu es un enfant. Rabougri.” J’ai commencé à claquer une réplique, mais elle a continué à parler. “Tu n’as pas eu deux vies. Même pas une. C’est pourquoi tu ne peux pas voir ce qu’on te fait. Tu le sais, bien sûr. Mais tu ne le vois pas.”
J’ai tenté d’atteindre mon mana, ne voulant rien d’autre que brûler l’âme de l’elfe de mon esprit, mais ma magie avait disparu. J’étais sans défense, vide. C’était mon pire cauchemar qui se réalisait.
Dans mon désespoir, je n’ai pas remarqué la liane qui s’enroulait autour de mon bras droit. Quand j’ai enfin compris ce qui se passait, j’ai reculé, mais la liane m’a retenu. Puis elles m’ont envahie, ces vrilles d’un vert éclatant qui s’épanouissaient en fleurs cramoisies, me bloquant les bras et les jambes, s’enroulant autour de ma gorge….
Et Tessia se contentait de me regarder avec cette tristesse distante. Je voulais la maudire, la supplier, mais je ne pouvais rien faire. J’étais paralysée. Le gardien d’elderwood était en train d’étouffer la vie qui m’habitait, aussi bien dans le rêve qu’en dehors. J’étais en train de mourir.
Je n’arrivais pas à y croire. Je me sentais si dépourvu de but, si vide de sens. Au moins, ma mort sur Terre avait été mon choix. La seule façon pour moi de prendre le contrôle. Mais ça, c’était…
Je me suis réveillée.
La pièce était sombre, et dans la lumière légèrement vacillante d’une torche allumée, les ombres ressemblaient à des lianes rampant le long des murs. J’ai reculé devant elles et mon corps a brûlé. J’ai haleté sous l’effet de la douleur, et une main à la peau de marbre a caressé mes cheveux tandis qu’un visage se profilait au-dessus de moi.
Il y avait une intensité effrayante dans la façon dont Agrona m’inspectait, mais je ne pouvais pas comprendre l’émotion qui se cachait derrière ce regard.
“Qu’est-ce… ?” J’ai essayé de demander, mais ma gorge était sèche, les muscles de mon cou encore endoloris par l’endroit où les lianes m’avaient étranglée… sauf que ce n’était qu’un rêve. Seulement un rêve.
“Chut, ma chère Cecil. Ton corps a eu du mal à supporter à la fois l’intégration et la libération de la volonté de la bête, mais tu as passé le pire.” Agrona me caressa la tête, parlant d’un ton bas et apaisant tout en me poussant avec des doigts invisibles de mana, massant mon esprit pour m’aider à me calmer. “Ne doute pas de toi. Tu t’es merveilleusement bien débrouillée.”
Je me suis penchée sur le sondage mental de son pouvoir comme un félin qui supplie qu’on le caresse. Reconnaître ce fait me rendait malade, mais j’étais trop faible et trop fatiguée pour résister. Au lieu de cela, mon regard a dérivé dans la pièce et j’ai réalisé que nous n’étions pas seuls. Plusieurs autres mages se tenaient autour de la table ou s’attardaient dans l’ombre. Nous étions dans un laboratoire ou un atelier d’Imbuers quelconque, mais je ne le reconnaissais pas.
“Qui…où… ?” Encore une fois, mes pensées et ma voix m’abandonnèrent avant que je puisse créer une pensée complète.
Agrona fit un signe de la main et les autres mages commencèrent rapidement à sortir par l’unique porte. “Nous nous efforcions de maintenir ton corps ensemble pendant que tu te battais pour contrôler le mana qui était en toi.”
J’ai froncé les sourcils, essayant de me souvenir du rêve, de la sensation de mon corps écartelé par la volonté du gardien d’elderwood, de ce que Tessia avait dit, mais tout commençait à s’estomper maintenant. Pourtant, je n’arrivais pas à me débarrasser de la sensation que quelque chose n’allait pas.
“Tu ne me dis pas quelque chose”, dis-je en regardant les derniers mages disparaître comme les lambeaux de mon rêve.
L’expression d’Agrona s’est adoucie et il m’a regardé comme je pensais qu’un père était censé regarder sa fille. “Tu es troublée, Cecil, et ce n’est pas étonnant. Tu as besoin de temps pour te reposer et récupérer.”
Je ne pouvais pas le contredire, pas maintenant, pas à ce sujet.
Quelque chose s’est mis à bouger à l’intérieur de moi. Je sentais sa conscience présente juste sous la surface, observant, attendant, simultanément curieuse et gardée. Il y avait aussi le gardien d’elderwoord, maintenant docile. L’esprit de Tessia se pressait contre le mien comme une migraine qui s’installait, mais la volonté de la bête restait lourde dans mon estomac et me donnait envie de vomir.
Pourquoi l’as-tu empêchée de me tuer ? demandai-je, incertaine que l’esprit désincarné de Tessia soit capable de répondre.
Il y a eu une longue pause, et j’ai pensé qu’elle ne pouvait ou ne voulait peut-être pas me répondre. Puis sa voix a retenti dans ma tête, claire et brillante comme une cloche d’argent : “J’ai une promesse à tenir”.
J’ai dégluti, mais je ne pouvais pas en rester là. Quand tu luttais pour le contrôle, tout à l’heure, tu essayais de nous faire tuer. Où était cette promesse alors ?
Elle n’a pas répondu.
“Viens maintenant, on va te conduire à ta chambre”, dit Agrona, ce qui me fit tressaillir. J’avais presque oublié sa présence. “Ce que tu as accompli est incroyable, un exploit qu’aucun autre inférieur n’a réussi depuis très, très longtemps. Et bientôt, tu auras l’occasion de tester à quel point tu es devenu puissante.”
La tête douloureuse et l’estomac grondant, je me laissai aider à me lever de la table, dont je réalisai seulement alors qu’elle était couverte de runes indéchiffrables. J’ai cligné des yeux plusieurs fois et j’ai essayé de les lire à nouveau, mais elles ne ressemblaient à rien de ce que j’avais vu auparavant. J’ai eu la chair de poule en les regardant. Quelque chose ne va pas, me dis-je encore. Le ton d’Agrona, les runes, les rêves…
Subtilement, j’ai retiré une partie du mana qui restait dans la table gravée de runes, la chargeant de garder la mémoire de ces runes et de leur but. Je n’avais pas de noyau pour canaliser le mana, mais je ne semblais pas en avoir besoin.
Le mana coulait en moi aussi facilement que le sang dans mes veines. Instinctivement, il infusait mes muscles, offrant à mon corps tremblant de la force. J’en étais consciente comme jamais auparavant, comme si mes sens s’étendaient directement à l’atmosphère, englobant l’air, les murs, le sol, et même la table sur laquelle je m’étais réveillée. Je ressentais tout cela comme si cela faisait partie de moi.
Agrona a tendu le bras en souriant chaleureusement.
Je l’ai dépassé, évitant sa main tout en enveloppant fermement mon esprit et mes pensées de mana.
Tout comme mon bienfaiteur, les runes non déchiffrées pesaient lourdement sur mon esprit, leur véritable intention étant également cachée sous une façade.
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Note: Le prochain chapitre sera publié soit le samedi, soit le dimanche, selon l’auteur et mes disponibilités. Bonne lecture !
Tessia 😭😭😭🥹
Merci pour le traduction, hâte de lire le prochain.
Un chapitre toujours aussi incroyable merci pour la traduction
On revoit Tessia après un long moment