J’ai soulevé mon épée d’entraînement de fortune, un morceau de bois grossièrement sculpté, enveloppé de serviettes pour le poids.
Je comptais dans ma tête à chaque coup descendant avant une douce voix me sortir de ma transe.
“Grey. C’est l’heure du petit-déjeuner.”
Regardant par dessus mon épaule, je remarqua Cecilia à la porte avec une serviette fraîche pliée soigneusement dans ses bras.
“Oh, merci !”
Je me rapprocha et Cecilia me la donna.
“Je dois toujours aider à mettre la table.” annonça-t-elle avant de s’en aller brusquement.
Je regarda Cecilia marcher par le couloir faiblement éclairé, me souvenant de l’incident d’il y a presque un an, lorsque j’ai pratiquement failli mourir en essayant de la sauver de son explosion de ki.
Malgré sa discrète façon de parler, son attitude envers tout le monde s’était définitivement améliorée.
Après m’être essuyé, je retourna aussi à l’intérieur, m’assurant de fermer la porte grillagée contre les insectes d’été bourdonnant à l’extérieur.
“Quelqu’un est apparemment en train de traverser la puberté, jugeant par la puanteur s’échappant de son corps.” la fine figure de Nico m’approcha d’un couloir croisant le mien.
“Ta sueur commence à sentir quand tu passes par la puberté ?” Je demanda, reniflant mon débardeur.
“Apparemment, selon un article que j’ai lu sur les hormones.”
Il haussa les épaules. Prenant une bonne bouffée de l’odeur rance pour la première fois, je grimaça.
“Cecilia l’a probablement aussi senti alors. ”
“Elle n’a pas réagi du tout?”
“Non, elle m’a juste donné une serviette et est repartie,” je dis en m’essuyant de nouveau avec la serviette, espérant retirer un peu plus d’odeur.
“Sa détermination de coller à son personnage indifférent est forte.” Nico acquiesca.
J’haussa les épaules. “Je ne pense pas qu’elle essaye d’être un personnage.”
“Je suis pas du même avis, mon ami. La semaine dernière, après avoir fini de modifier le gant de choc nom non définitif, d’ailleurs – pour le transformer en un pendentif qu’elle pourrait porter autour du cou, elle a refusé !”
Levant un sourcil, un sourire narquois au visage dirigé à mon ami.
“Oh ? Tuas donné à Cecilia un collier ?”
“Comment tu fais pour choisir que ce tu veux entendre ? Qu’est-ce que tu vas faire quand tu seras dans une vraie école ?”
Il soupira, adoptant un air d’une grande déception.
“Et de toute façon, je penses qu’elle te préfère – avec elle te donnant une serviette et tout.”
–
“Et bien, j’ai sauvé sa vie, tu sais,” je le taquina, mettant un bras autour de mon maigre ami.
J’étais devenu plus grand que lui, ces derniers mois.
“Son chevalier en armure transpirante,” il dit, pinçant son nez.
C’était devenu de plus en plus apparent, du moins pour moi, que Nico avait développé des sentiments pour Cecilia, la reine de glace de notre orphelinat.
Ce n’était pas un secret que Cecilia était populaire parmi les garçons ici, mais tous ceux qui ont réunis le courage de faire quoi que ce soit s’étaient fait rejetés.
Avec son particulier mélange de fierté et de peu de confiance en lui, Nico trouva d’autre moyens de se faire remarquer par Cecilia sans révéler son intérêt pour elle.
Je m’appuya plus fortement sur mon maigre ami, le faisant lutter pour nous empêcher de tomber.
“Je ne suis plus si sûr de toujours vouloir entrer à l’école.”
“Quoi ?” Nico se libéra finalement de mon bras.
“Pourquoi ? Tu sais que je ne suis pas sérieux quand je blague sur ton intelligence.”
“C’est pas ça,” je gloussa.
“C’est coûteux, et Directrice Wilbeck a déjà du mal à envoyer quelques enfants à l’école.”
“Alors que prévois-tu de faire ?” Nico demanda, les sourcils froncés en une rare expression sérieuse.
“Je ne sais pas encore. Peut-être juste aider en tant que staff à l’orphelinat quand je serais assez vieux. Je pensais même aller dans l’institution pour devenir meilleur avec le ki.
Je sais qu’ils offrent une éducation gratuite et d’autres truc si tu es qualifié.”
J’ai haussé les épaules. “Tu rigoles, hein ?” Il fulminait, s’arrêtant au milieu du couloir.
“Je sais que tu dois beaucoup à Directrice Wilbeck et je comprends que tu veux la repayer, mais rester ici pour faire ça est idiot.
Avec ton talent, tu peux faire bien plus une fois que tu auras reçu une éducation appropriée !”
“Ce qui m’amène à pourquoi je pensais à l’institu-”
“Ce n’est pas une éducation,” Nico interrompit.
“Ces institutions sont créés pour produire des soldats sans cervelle et de trouver de potentiels candidats
pour devenir roi.
J’ai lu quelques journaux sur ces endroits – comment les étudiants sont travaillés au point de quasiment mourir ; combien de candidats se font virer parce qu’ils ne sont pas assez bons.”
“Tu parles comme la directrice,” je grommelais en recommençant à marcher.
“Parce que tu n’as aucune motivation à faire quelque chose. Bien sûr, tu aimes t’entraîner, mais tu n’as aucun but derrière ça,” il réprimanda.
“L’école est un endroit où tu peux trouver ce que tu veux faire tout en apprenant à propos de ce monde – sans restriction ou biais, comme l’institution.”
“Et donc, l’argent est toujours un problème,” je pointa.
“Si nous voulons aller à l’école, il faudrait que ce soit l’année prochaine.”
L’expression de Nico s’adoucit à ma conformité.
“Et bien, tant mieux pour toi, il se trouve que tu as un ami qui, lui, penses et planifies pour le futur.
J’ai presque accumulé assez d’argent de nos petites ‘missions’ pour nous permettre d’aller à l’école – bien sûr, supposant que j’obtienne au moins une bourse partielle.”
“Attends, tu n’étais pas supposer donner l’argent à l’orphelinat ?”
“Je l’ai fait”-
Nico prit une expression innocente – “en partie.”
Je secoua la tête en grognant.
“J’aurais dû m’en douter.” “Après avoir reçu une éducation appropriée, nous allons pouvoir aider Directrice Wilbeck et les enfants ici.
Je te garantis que ce sera meilleur pour l’orphelinat de cette façon.” Mon ami me tapota le dos.
“Viens. Allons dans la salle à manger avant que notre part refroidisse.”
“Pourquoi pas économiser assez d’argent pour amener Cecilia avec nous aussi ?” Je le taquina une dernière fois en suivant Nico dans le hall.
“Tais-toi ! Je te dis, je ne ressens rien pour elle !” il rétorqua, refusant de me regarder dans les yeux.
ARTHUR LEYWIN
J’ai ouvert les yeux à la douce lueur du soleil matinal.
Même cachés derrière une couche de nuages, ses rayons semblaient en quelque sorte percer des trous dans mes rétines. La douleur dans mon crâne pulsait de façon rythmique- un rappel constant des verres, sinon des bouteilles, d’alcool que j’avais consommés la nuit précédente.
Plissant les yeux, j’ai tenté de me lever, mais avec un gémissement maladif, je me suis immédiatement recroquevillé sous la cape de laine qui me servait de couverture. Ma bouche était sèche, collée par une épaisse salive.
Soudain, ma cape – la seule chose qui me protégeait du monde extérieur – m’a été arrachée.
“Bonjour, général”, la voix familière de Vanesy résonnait d’en haut.
Le timbre clair de sa voix était normalement agréable à l’oreille, mais la force de ma gueule de bois le rendait aigu et grinçant.
“En tant que votre supérieur, je vous ordonne de me remettre ma couverture et de me laisser dormir”, ai-je marmonné avec irritation.
“Je ne peux pas. C’est toi qui as décidé de repousser la réunion avec le capitaine Auddyr au matin”, a-t-elle dit en tirant mon corps réticent vers le haut.
“Passe un peu d’eau froide sur ton visage et rejoins-nous à la tente.”
Vanesy m’a tendu une petite pile de papiers attachés ensemble.
“Tiens. Lis ceci avant de nous rencontrer, moi et le capitaine Auddyr”, dit-elle avant de partir.
En grommelant, je me suis levé, regardant ce qui m’entourait pour la première fois fois aujourd’hui.
J’avais réussi à atteindre le sommet de la falaise surplombant le camp.
Tu n’as pas réussi à faire quoi que ce soit la nuit dernière.
La voix de Sylvie résonnait dans ma tête comme un coup de pied au cerveau.
Doucement, Sylv. Ma tête me tue, je me suis plaint en apercevant mon lien sous sa forme de dragon, s’approchant depuis la forêt derrière moi. Que s’est- il passé ?
“J’ai traîné ton corps d’ivrogne jusqu’ici pour te laisser dormir, et pour t’empêcher de te ridiculiser avant même d’annoncer ta position à tout le monde”, m’a-t-elle reproché d’une voix douce que je n’avais pas entendue depuis quelques jours.
“Comment s’est passée la garde hier soir? Rien d’inhabituel ?” J’ai demandé, essayant de changer de sujet.
Elle a brillé de mille feux avant de se rétrécir sous sa forme de renard blanc nacré, puis a sauté sur mon épaule.
“C’était calme. Il y avait une épaisse couche de brouillard sur toute la côte ouest, donc je n’ai pas pu trouver de navires ennemis. J’aurais voulu aller plus loin mais j’avais peur qu’ils me trouvent.”
“Tu as bien fait”, ai-je dit.
“Maintenant, où puis-je me laver le visage ?”
“Il devrait y avoir des stations de lavage dans le campement, mais il y a un ruisseau juste un peu plus loin dans la forêt que je pense que tu préféreras”, a- t-elle répondu, un filet de brouillard se formant devant son museau pendant qu’elle parlait.
“Va pour le ruisseau.”
L’air frais a contribué à mon rétablissement, mais c’est la première gicléed’eau froide sur mon visage qui m’a vraiment éclairci la tête.
J’aurais aimé pouvoir laver les toxines de mon cerveau également, mais au moins j’étais pleinement fonctionnel lorsque Sylvie et moi sommes arrivés devant la tente du capitaine.
J’ai levé les yeux de la pile de papiers, que j’avais feuilletée à la hâte en sortant du ruisseau, pour voir le garde familier posté devant la tente.
“Toi. Quel est ton nom ?”
“C’est Mable Esterfield, monsieur – je veux dire, général”, a-t-il déclaré. Il gardait les yeux fixés droit devant lui, et sa posture était rigide.
“Quel joli nom qui ne convient pas”, ai-je commenté en lui tapant sur l’épaule alors qu’il me regardait avec une expression confuse.
Je suis entré dans la tente, et j’ai été accueilli par une bouffée d’air chaudprovenant du petit fourneau à côté du bureau.
À côté de Vanesy se tenait un homme paré de la tête aux pieds d’une tenue militaire trop élégante. À côté de lui, Vanesy avait l’air d’un simple fantassin, alors que, comparé à eux deux, je n’étais qu’un petit paysan.
Avec ses cheveux blonds argentés soigneusement coiffés derrière ses oreilles étroites, le capitaine Auddyr se tenait debout, le dos bien droit.
Il ne semblait pas plus âgé que mon père, mais les rides qui tapissaient son visage m’indiquaient combien de temps il avait passé à se renfrogner. Ses sourcils aigus et ses yeux enfoncés dans le sol semblaient me transpercer, comme s’il regardait un fils rebelle.
“Capitaine, voici le général Arthur Leywin. Arth-General Leywin, voici le Capitaine Jarnas Auddyr, de la 2ème division.” Le capitaine Auddyr et moi nous sommes regardés en même temps que nous étions présentés.
“Je suis ravi de vous rencontrer, capitaine.” J’ai souri en tendant la main, en espérant avoir l’air plus présentable que je ne l’étais.
Le capitaine Auddyr m’a rendu mon geste et m’a serré la main.
“Tout le plaisir est pour moi, général”, a-t-il dit en grognant, puis il s’est immédiatement tourné vers Vanesy.
“Capitaine Glory. Ma division a établi son camp dans les bois voisins, sur le flanc de la falaise.
Il serait préférable pour nos deux divisions de faire connaissance avant de réunir nos forces.”
Elle m’a jeté un regard mal à l’aise avant de répondre.
“Je suis d’accord. Nous avons besoin que les deux divisions se connaissent le plus rapidement
possible.
Général Leywin, quelle est selon vous la meilleure façon de diviser nos forces en cas d’attaque ?”
Je baissai à nouveau les yeux sur la liasse de papiers que Vanesy m’avait remis le matin même, qui détaillait les chiffres précis de chaque division, ainsi qu’un inventaire des armements et des fournitures.
. J’étais en train de lire les chiffres des mages et de fantassins quand le capitaine Auddyr a pris la
parole.
“Intégrer nos divisions de façon à ce que tous nos fantassins soient alignés en position de recevoir une attaque depuis la côte serait le mieux”, a-t-il déclaré.
Vanesy secoua la tête.
“Capitaine Auddyr, le général Leywin a été chargé de superviser nos divisions, il serait donc préférable de…”
“Le général Leywin est responsable, en tant que Lance, de s’assurer que nos divisions sont prêtes en cas d’attaque, mais en tant que puissante Lance, il devrait savoir que les capitaines sont les mieux informés sur leurs propres divisions”, a coupé le capitaine Auddyr alors que je continuais à lire la petite liasse de papiers.
J’ai envie de le gifler avec ma queue. Sylvie a grogné, me faisant presque rire à haute voix.
Après avoir terminé ma lecture superficielle des détails de la division du capitaine Auddyr, j’ai rendu les papiers à Vanesy.
“On dirait que l’on n’a pas besoin de moi ici alors. Je vais aller manger un morceau.”
“Général Leywin !” Vanesy m’a appelé de derrière moi. J’ai regardé par- dessus mon épaule.
“Oui ?”
“N’y a-t-il rien que vous aimeriez ajouter ?” a-t-elle répondu, semblant mal à l’aise quant à la façon dont notre réunion avait progressé.
“Eh bien, si vous voulez mon avis, je dirais qu’allouer cent pour cent d’une force à un seul poste n’est jamais une sage décision.” J’ai haussé les épaules.
Le capitaine Auddyr a froncé les sourcils en tentant de masquer son mépris.
Il
était évident qu’il n’avait pas l’habitude d’être défié, surtout par quelqu’un de plus jeune que lui.
“Nous sommes la dernière forme de défense sur la côte ouest, au cas où des vaisseaux alacryens errants viendraient de l’océan. D’où d’autre pourraient-ils attaquer, Général ?” siffla-t-il, soulignant mon titre comme si c’était une insulte.
“Capitaine, j’essaie d’être civilisé”, ai-je dit en me retournant.
“Comme vous l’avez dit, le commandant Virion m’a demandé d’être ici dans le cas improbable où le pire scénario se produirait, c’est donc dans cette optique que je me place.”
J’ai fait un pas de plus vers lui, mon attitude nonchalante se dissipant.
“Cependant, je vous suggère de ne pas confondre mon indifférence à l’égard de cette question spécifique avec une notion erronée que vous tenez les rênes ici. Compris ?”
Le capitaine Auddyr s’est involontairement éloigné de moi, la sueur perlant sur les côtés de son visage renfrogné.
“Compris.”
J’ai hoché la tête.
“Bien. Je n’ai jamais eu l’intention de jouer un rôle direct dans les décisions que vous prenez, alors je vous laisse décider tous les deux.”
Cependant, alors que je me préparais à partir, des hurlements lointains ont attiré mon attention. Nous avons tous les trois échangé des regards, tous confus quant à ce qui se passait.
Nous nous sommes précipités hors de la tente pour voir tous les soldats – certains ayant encore des bols de nourriture à la main – regardant en direction de la falaise d’où provenaient les cris et les hurlements.
Le camp était si calme à ce moment-là qu’on avait l’impression que le temps s’était arrêté. Puis, un objet oblong a volé du bord de la falaise et a roulé vers le bas, atterrissant près de nous.
C’était une épée ensanglantée, avec un bras coupé, revêtu d’une armure, qui tenait toujours la poignée.
🙏🙏🙏🙏🙏
ça commence