The angel next door spoils me rotten : chapitre 08-volume 02

Le début des vacances de printemps

Traducteur: linkfet
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C’est pire que je ne l’imaginais…

                Amane étouffa un bâillement en observant la silhouette lointaine du directeur de l’école, debout sur la scène, prononçant un discours solennel. Il n’accordait aucune importance à la cérémonie de clôture ni au discours que le directeur avait préparé pour l’occasion. Franchement, il aurait préféré faire une sieste.

                La plupart des élèves autour de lui semblaient partager ce sentiment. Très peu prêtaient réellement attention. La majorité était visiblement perdue dans ses pensées.

                Cependant, les élèves ne pouvaient pas afficher ouvertement leur ennui, alors Amane prit une expression sérieuse et souhaita silencieusement que la cérémonie se termine rapidement, laissant les paroles du directeur entrer par une oreille et ressortir par l’autre, tandis que les minutes défilaient alors qu’il faisait semblant d’être un élève modèle.

                Il aurait pu se sentir concerné par la remise des diplômes, mais il ne s’agissait que de la cérémonie de clôture. Cela n’avait pas vraiment d’importance.

                « … Ah, je suis tout raide. »

                « Les discours du directeur sont toujours si longs. »

                C’était l’opinion générale alors que les élèves retournaient en classe. Néanmoins, tout le monde paraissait plutôt vif, probablement parce que deux semaines de liberté les attendaient après cette dernière période de vie de classe.

                De son siège, Amane observait ses camarades joyeux qui allaient bientôt être libérés de leurs cours ennuyeux, et il poussa un soupir discret.

                Les vacances de printemps commençaient demain, mais comment allait-il les passer ?

                Il venait tout juste de voir ses parents, et compte tenu du coût du voyage, il pensait pouvoir faire l’impasse sur un retour à la maison. Mais cela lui laissait un emploi du temps vide.

                Même s’il se préparait sérieusement pour les cours de l’année suivante, il aurait encore beaucoup de temps libre. Il avait envisagé de prendre un travail temporaire, mais il n’avait rien trouvé et il était désormais trop tard. Ses seuls amis avec qui passer du temps pendant les vacances étaient Itsuki et Chitose.

                « Hé, hé, Amaneee— »

                Itsuki apparut justement à l’instant où Amane pensait à lui.

                Lorsqu’il se retourna, il vit Itsuki arborer un sourire enthousiaste… Ce qui éveilla immédiatement sa méfiance. Itsuki ne souriait de cette manière que lorsqu’il avait une faveur à demander ou qu’il s’apprêtait à proposer quelque chose de stupide.

                « Qu’est-ce que tu veux ? »

                « Tu es libre à partir de demain ? »

                « Je suppose que oui. »

                « Bien, bien, c’est parfait, très parfait. »

                Toujours souriant, Itsuki tapota le sac qui pendait sur le côté de son bureau. Même si tout le monde était censé avoir vidé ses casiers et bureaux la veille, le sac d’Itsuki semblait visiblement plein à craquer. Ils n’avaient même pas de cours ce jour-là, donc tout ce dont il aurait pu avoir besoin se résumait à un stylo et peut-être un classeur, mais le sac d’Itsuki semblait prêt à exploser.

                « … Qu’est-ce que c’est que tout ça ? » Demanda Amane.

                « Des vêtements de rechange. »

                « Pourquoi ? »

                « Parce que je vais squatter chez toi… »

                Itsuki prit sa voix la plus humble et flatteuse, jetant à Amane un regard implorant. Amane ne put s’empêcher de froncer les sourcils en réponse.

                « Attends une seconde, tu n’as jamais entendu parler de prévenir à l’avance ? »

                « Si, bien sûr. Considère-toi informé que je débarque, que je reste plusieurs nuits et que j’apporte la fête avec moi ! »

                « Quoi, tu comptes tenir éveillé tout le quartier ? Tu crois que ça va bien se passer, idiot ? »

                « Eh, détends-toi, je plaisantais… Mais je suis sérieux sur le fait de rester chez toi. »

                Itsuki informait rarement Amane au dernier moment quand il venait chez lui. La première chose qui vint à l’esprit d’Amane fut qu’il s’agissait d’une urgence. Il avait cependant du mal à imaginer de quoi il pouvait bien s’agir.

                « Je me suis disputé avec mon père ce matin. »

                Comme pour répondre à la question silencieuse d’Amane, Itsuki révéla spontanément la raison.

                « … À propos de Chitose ? »

                « Ouais. Quand mon père se met en colère, il refuse de m’écouter à moins que je le laisse tranquille quelques jours. Et j’ai déjà beaucoup squatté chez Chi, donc je préfère éviter d’y retourner. Peu importe à quel point ses parents sont tolérants, ça ne semble pas correct, tu vois ? »

                « Mais ça ne te gêne pas de venir chez moi ? »

                « Je me suis dit que tu me laisserais peut-être. »

                Itsuki supposait probablement que cela ne poserait aucun problème. Il avait déjà passé de nombreuses nuits chez Amane, même avant qu’Amane ne fasse le ménage chez lui.

                Ce n’était pas qu’Amane ne voulait pas héberger son ami, c’était juste qu’il y avait aussi Mahiru. Amane craignait de la forcer à garder une attitude publique alors qu’elle aurait voulu se détendre, puisqu’il ne pensait pas qu’elle se sentirait à l’aise en étant naturelle avec Itsuki dans les parages.

                Et il y avait un autre problème. Récemment, il avait remarqué que Mahiru agissait de manière étrangement affectueuse, et il avait peur que si Itsuki la voyait se comporter ainsi avec lui, il se fasse immédiatement des idées fausses.

                « … Laisse-moi demander. »

                Amane envoya un message à Mahiru pour lui demander ce qu’elle en pensait. Elle lui enverrait probablement une note sur les courses avant de rentrer chez elle, donc il supposait qu’elle le verrait à ce moment-là. Il ne lui fallut qu’un instant pour envoyer le message, mais Itsuki poussa un long soupir.

                « Quoi, vous vivez ensemble ou quoi ? »

                « Je te laisse dormir par terre sans chauffage ni futon. »

                « Juste quand je commence à penser que tu es un type sympa de me laisser dormir chez toi, tu menaces de me laisser geler à mort ? »

                « Hé, c’est toi qui t’es mis dans cette situation. »

                Amane lança à Itsuki un regard signifiant De quoi tu parles, au juste ?, et Itsuki ne put que hausser les épaules en réponse.

                C’est plutôt moi qui devrais hausser les épaules. Je n’ai pas envie que tu causes des ennuis à Mahiru avec tes idioties habituelles.

                Itsuki savait généralement lire l’ambiance, donc Amane se disait qu’il ne dérangerait probablement pas Mahiru volontairement, mais il redoutait déjà toutes les moqueries auxquelles il aurait droit dès qu’elle ne serait pas là. Amane poussa un soupir tandis qu’Itsuki lui adressait un sourire radieux.

                Apparemment, Mahiru vérifiait parfois son téléphone à l’école, car Amane avait déjà reçu une réponse : « Je préparerai le dîner comme d’habitude si tu achètes suffisamment de nourriture pour trois. »

                « Elle a dit que c’était bon. »

                « Youpi, je vais goûter la cuisine de Mahiru ! »

                « Ce n’était pas ton but dès le départ, hein ? »

                « Disons juste que je ne laisse pas passer une occasion. Et puis, tu n’arrêtes pas de vanter sa cuisine, j’aimerais bien y goûter au moins une fois. »

                « … Ne va surtout pas lui causer de problème. »

                « Je te causerai peut-être des ennuis à toi, mais jamais à elle. »

                « Ne m’embête pas non plus. »

                Itsuki éclata de rire, et Amane lui donna une petite pichenette sur le front. Son ami poussa un cri de douleur, mais garda un sourire malicieux, tandis qu’Amane soupirait à nouveau, longuement.

***

« Combien de temps comptes-tu rester ? »

                Amane observait Itsuki, qui s’était installé confortablement dès qu’ils avaient passé la porte avec les courses. Itsuki n’était pas venu très souvent ces derniers temps à cause de la présence quasi-permanente de Mahiru, mais auparavant, il rendait visite à Amane régulièrement, et il semblait toujours parfaitement chez lui.

                Itsuki croisa les jambes et prit une gorgée de café, son regard pensif. Il avait l’air d’un mannequin lors d’une séance photo. « Hmm… Disons trois jours, plus ou moins. Pff, quelle galère ! »

                « Ton père n’est pas une mauvaise personne, mais il semble plutôt rigide. »

                « Ce vieux bonhomme est têtu comme une mule. »

                « Allez— »

                « Franchement, quel droit il a pour me dire avec qui je peux sortir ou non ?! Peu importe, je quitterai la maison une fois adulte de toute façon. » Itsuki tira la langue avec un air mécontent.

                Amane savait qu’Itsuki ne détestait pas vraiment son père. Ce dernier était du genre à vouloir tout contrôler, certes, mais une fois qu’il appréciait quelqu’un, il le traitait toujours bien. Amane pensait qu’il était au fond une bonne personne.

                Cependant, Chitose n’avait jamais obtenu son approbation. Amane supposait que cela avait quelque chose à voir avec le statut social, relativement aisé de la famille d’Itsuki. Son père souhaitait sans doute que son fils fréquente quelqu’un du même milieu. Peut-être n’appréciait-il pas non plus la personnalité un peu exubérante de Chitose.

                Dans tous les cas, il semblait avoir rejeté leur relation sans même écouter ce qu’Itsuki avait à dire, ce qui avait poussé ce dernier à déclarer qu’il quitterait la maison.

                « Toi, tu as de la chance avec tes parents, Amane. Ils te laissent faire ce que tu veux. »

                « Mes parents sont très proches l’un de l’autre, donc je suppose qu’ils veulent simplement que je choisisse quelqu’un que j’aime vraiment. »

                « Je t’envie sérieusement. »

                L’éducation d’Itsuki avait été très stricte, il était donc naturel qu’il traverse une phase de rébellion. Ses cheveux décolorés et son attitude désinvolte en étaient des signes évidents. Amane ne se sentait pas vraiment en position de le critiquer.

                « Tu dis ça, mais je suis sûr que tes parents ne doivent pas être si terribles. »

                « Ils sont peut-être de bonnes personnes, mais de mauvais parents. On ne peut pas toujours vouloir tout contrôler chez ses enfants, tu sais. Il faut les laisser un peu libres, sinon ils finissent par mordre un jour. »

                « Et tu penses que ça irait si tu faisais toujours ce que tu voulais ? »

                « Peut-être, s’ils me laissaient tranquille. Mais au lieu de ça, ils m’ont mis une laisse et enfermé dans une cage, alors tout ce que je peux faire, c’est montrer les crocs. » Itsuki haussa les épaules. « Ils ont vécu assez longtemps, ils devraient avoir compris ça, non ? » Il avala d’un trait le reste de son café.

                « Bon, détends-toi quelques jours. C’est les vacances, on a que ça, du temps. »

                « Les amis sont vraiment le plus grand trésor de la vie… ! »

                « Ne t’accroche pas à moi comme ça, c’est flippant. »

                « Quelle cruauté ! Je réclame la cuisine de Lady Shiina pour consolation ! »

                « Comme si t’avais besoin d’une excuse pour manger… »

                « He he ! »

                « Ne fais pas l’idiot. »

                « Que de cruauté, tu me blesses encore ! Bouhou ! »

                Itsuki fit semblant d’essuyer des larmes, mais son sourire était plus large que jamais. Amane l’observa avec exaspération, mais aussi un petit soupir de soulagement.

                Itsuki avait souvent des conflits avec son père, mais la dispute de ce matin semblait l’avoir touché plus que d’habitude. Il était évident qu’il avait fait semblant de rester impassible à l’école.

                Amane était content de voir que son ami allait un peu mieux. Bien sûr, il ne voulait pas laisser transparaître son inquiétude, alors il prit un air maussade tout en respirant discrètement de soulagement.

***

Mahiru arriva à l’appartement d’Amane après le coucher du soleil.

                Elle était les mains vides, probablement parce qu’Amane avait déjà acheté tous les ingrédients qu’elle avait demandés.

                Amane lui avait prévenu que son ami serait là, donc elle ne sembla pas décontenancée en voyant Itsuki installé comme chez lui. C’est Itsuki qui parut légèrement gêné.

                « Ça fait un bail, Akazawa. »

                « Ça faisait longtemps. Désolé d’envahir soudainement votre petit nid d’amou— Aïe, aïe, aïe ! D’accord, c’était juste une blague ! Désolé d’avoir débarqué sans prévenir, ça doit être gênant d’avoir un gars inconnu dans les parages. »

                Amane lui avait écrasé le pied sans un mot, mais même en grimaçant de douleur, Itsuki affichait un sourire avenant.

                « Non, pas du tout. » Répondit Mahiru. « C’est agréable d’avoir des personnes… dynamiques. »

                « Eh bien, ne compte pas sur du calme avec lui ici. » Ajouta Amane.

                « Tu ne devrais pas dire des choses pareilles. » Le réprimanda Mahiru.

                Amane garda le silence, mais Itsuki lui lançait un regard narquois, alors il le pinça discrètement sur le côté, là où Mahiru ne pouvait pas voir. Malheureusement, Itsuki était en très bonne forme, ce qui ne laissait pas beaucoup d’endroits à saisir entre ses doigts.

                « Eh bien, je vais préparer le dîner, alors détendez-vous. »

                Ignorant les chamailleries des garçons, Mahiru leur adressa un sourire angélique, enfila son tablier et se dirigea vers la cuisine. Elle semblait manifestement à l’aise en laissant leur invité sous la responsabilité d’Amane.

                Itsuki fixait le dos de Mahiru, toujours avec un sourire narquois. « … Tu es assez proche d’elle pour lui donner une clé de chez toi, hein ? »

                « Roh, tais-toi. »

                Mahiru était entrée avec sa propre clé, plutôt que de sonner à l’interphone. Itsuki n’avait pas manqué de relever ce signe de leur proximité.

                « Et elle m’a dit ‘Détendez-vous’, comme si elle était chez elle. Franchement, elle agit déjà comme ta femme ! »

                « Tu veux que je te mette dehors ? »

                « D’accord, d’accord, je plaisantais… Enfin, normalement, je dirais ça, mais tu comprends quand même ce que ça donne comme impression, mec ! »

                Amane tenta de l’attraper par la nuque, mais Itsuki se contorsionna pour lui échapper. Il se précipita sur le tapis et alluma la console de jeu. Amane glissa du canapé pour s’asseoir à côté de lui, lui donnant un coup de genou léger dans le dos en passant, et les deux passèrent le temps à jouer.

                Avant longtemps, Amane entendit Mahiru sortir la vaisselle. Il n’allait pas la laisser tout faire, alors il se leva et se dirigea vers la cuisine.

                « Je peux t’aider. Puis-je prendre les plats déjà dressés ? »

                « Oui, merci. »

                Amane apporta plusieurs assiettes remplies de nourriture à la table. Lorsqu’il les posa, il remarqua qu’Itsuki le fixait, l’air ahuri.

                « … Comment dire… ? »

                « Quoi ? »

                « Tu sais quoi ? Je vais garder ça pour moi. »

                « Mais qu’est-ce que tu racontes… » Marmonna Amane en voyant Itsuki ranger la console de jeu.

***

Quand vint l’heure du dîner, les trois s’installèrent autour des plats préparés par Mahiru. Itsuki arborait une expression de pur plaisir.

                « C’est tellement bon… »

                « Merci beaucoup. »

                Mahiru mangeait en restant droite et posée. Elle affichait son habituel sourire angélique, mais puisqu’Itsuki connaissait déjà leur secret, Amane sentait qu’elle se laissait un peu plus aller.

                Itsuki semblait en transe, portant sans cesse des bouchées à sa bouche.

                Amane avait prévenu Mahiru qu’Itsuki mangeait plus que lui, alors elle avait préparé de grandes portions, mais même ainsi, il engloutissait tout rapidement.

                « Waouh, tu es vraiment chanceux, Amane, de pouvoir manger ce genre de plats tous les jours… »

                « J’en suis pleinement conscient. Le repas est toujours aussi délicieux, d’ailleurs. »

                « … Merci beaucoup. »

                Il donna son avis à Mahiru après avoir bu une gorgée de soupe miso.

                Amane esquissa un sourire en savourant la saveur réconfortante du dashi et du miso. C’était si bon qu’il ne s’en lassait jamais, même en en mangeant quotidiennement. Mais la personne qui cuisinait ne semblait pas réaliser à quel point c’était exceptionnel, alors il prenait toujours soin de le lui dire.

                La soupe avait une saveur douce qui lui rappelait la personnalité de Mahiru. Elle le réchauffait jusque dans son ventre. Il n’était pas du tout surpris qu’Itsuki soit captivé.

                « Ah, c’est tellement bon. »

                Aujourd’hui, Mahiru avait préparé le plat préféré d’Amane : des omelettes roulées, ce qui avait aiguisé encore davantage son appétit. Bien sûr, la cuisine de Mahiru était si bonne qu’Amane en redemandait toujours, mais même ainsi, son appétit devenait insatiable dès que des œufs étaient au menu.

                Alors qu’il savourait ces plats réconfortants, Itsuki ne cessait de jeter des coups d’œil à Amane et Mahiru. « … Quel couple heureux. » Murmura-t-il.

                « Tu as dit quelque chose ? »

                « Rien du tout ! » Itsuki secoua la tête. « Pas un mot ! » Il reporta son attention sur son assiette.

                Amane décida de ne pas le questionner davantage. Il remarqua que Mahiru le fixait tranquillement et se contenta de hausser les épaules.

***

Après le dîner, Mahiru rentra tôt chez elle.

                Habituellement, elle restait chez Amane jusqu’à ce qu’il soit temps de se détendre, généralement un peu après neuf heures, mais comme Itsuki passait la nuit, elle avait jugé préférable de partir plus tôt. Les deux garçons avaient été laissés seuls pendant qu’Amane faisait la vaisselle, et il se demanda si ce léger malaise n’était pas une des raisons de son départ précipité.

                Quand Amane lui demanda de quoi ils avaient parlé, Itsuki répondit qu’ils avaient juste échangé quelques banalités et parlé de Chitose. Amane n’insista pas, mais il soupçonna que d’autres sujets avaient été abordés.

                « Hé, Amane ? »

                Juste avant de s’endormir, Itsuki leva la tête depuis le futon qu’il avait déplié sur le sol de la chambre.

                « Quoi ? » Demanda Amane depuis son lit.

                « La façon dont tu regardes Shiina, avec tes yeux doux… Tu as clairement des sentiments pour elle, non ? »

                « Tais-toi. »

                « N’importe qui peut le voir, mec. Tu es totalement sous le charme. »

                « Tu veux dormir dehors dans le froid ? »

                « Allez, détends-toi. »

                Amane lui lança un regard menaçant, mais Itsuki ne sembla pas du tout intimidé. En revanche, il ne portait pas non plus son habituel sourire narquois. Son expression semblait sincèrement heureuse —et même légèrement fière.

                « Bon, très bien, je ne m’attends pas à ce que tu l’admettes. Mais je veux juste que tu saches que je suis content pour toi, mec. Content que tu aies trouvé quelqu’un qui t’apprécie à ta juste valeur. »

                « Hein ? »

                « Sérieusement, t’es vraiment lent à la détente. La plupart des gens dans notre classe pensent probablement que tu es un gars bizarre et renfermé. »

                « J’en suis parfaitement conscient, merci bien. »

                Parmi ses camarades, Amane avait toujours été considéré comme un garçon discret et peu sociable, le genre de personne qui passe inaperçue malgré ses bons résultats aux examens.

                Comparé à des garçons comme Itsuki, sophistiqué et jovial, ou Yuuta, le prince charmant aux airs innocents, Amane était presque invisible. D’autant plus qu’il faisait tout son possible pour ne pas se faire remarquer. Il n’était évidemment pas populaire.

                « Mais ils ne jugent que ce qu’ils voient. » Poursuivit Itsuki. « Ils ne connaissent pas le vrai toi. Et même ceux qui te connaissent doivent faire un effort pour voir tes qualités. »

                Itsuki le regardait sans une once de moquerie. Cette soudaine sincérité mit Amane mal à l’aise.

                « C’est vraiment dommage que tu ne réalises pas à quel point tu es un type génial. C’est pour ça que je suis content que Shiina te voie tel que tu es et s’entende si bien avec toi. »

                « Itsuki… »

                « Alors dépêche-toi de sortir avec elle, qu’on puisse faire un double rencard ! »

                « Pourquoi ça revient toujours à ça ? »

                Même s’il ne pouvait pas rater une occasion de taquiner son ami, Amane remarqua qu’Itsuki évitait de le regarder directement. Il essayait probablement de dissimuler sa gêne après s’être montré si émotif. Amane pensa qu’il méritait bien d’être un peu déstabilisé pour une fois.

                « Chi serait contente aussi, tu sais. » Ajouta Itsuki.

                « Vous n’avez qu’à vous amuser tous les deux. Laissez-nous tranquilles. Je veux dire, si —et c’est purement hypothétique— si on développait ce genre de relation, voudrais-tu vraiment être vu avec un gars qui me ressemble ? »

                « Non, on te ferait évidemment passer par une transformation totale. D’ailleurs, tu ne m’as toujours pas montré ça. »

                « Jamais. »

                « C’est réservé à Shiina, c’est ça ? »

                « Itsuki, tu as le choix. Soit tu te tais et profites de mon hospitalité, soit tu vas geler dehors sous le ciel hivernal. »

                « Eh bien, pardon ! » Répondit Itsuki en s’agenouillant sur son futon pour faire une fausse révérence.

                « Bon sang. » Grommela Amane, exaspéré.

                Itsuki devait encore réfléchir à des stratagèmes pour trouver une petite amie à son ami et pimenter sa vie.

                Mais il n’y a aucune chance que je sorte avec Mahiru… si ?

                Elle faisait déjà tellement pour lui. S’ils venaient à sortir ensemble, il finirait probablement par dépendre entièrement d’elle. Peu importe à quel point il était gâté maintenant, sortir avec Mahiru mènerait assurément à une dépendance totale.

                Et puis, Mahiru ne semblait pas intéressée par les garçons.

                Elle n’avait aucun problème à être avec Amane, Itsuki ou même le père d’Amane, mais à l’école, elle tenait les autres garçons à distance, arborant son masque angélique comme une épaisse armure.

                Les garçons venaient régulièrement lui déclarer leur flamme, mais à sa connaissance, Mahiru n’avait jamais fréquenté personne. C’était comme si elle ne voulait rien avoir à faire avec les garçons.

                Et comme Amane n’était toujours pas sûr de ce qu’il ressentait exactement pour Mahiru, il n’était pas pressé de se ridiculiser avec une confession bâclée. De toute façon, il était convaincu que Mahiru n’avait pas ce genre de sentiments pour lui.

                Sortir avec Mahiru resterait un lointain fantasme.

                « Mais regarde, Shiina t’aime visiblement beaucoup. Prends du recul et examine bien la situation avant de déclarer l’affaire close. » Proclama Itsuki comme s’il avait vu clair dans le cœur d’Amane.

                Amane marmonna simplement « Facile à dire… » avant de se glisser sous sa couette.

***

« Itsuki est trop sournois ! Je veux goûter la cuisine de Mahirun, moiiiiii ! »

                Le lendemain matin, Chitose appela Amane à une heure ridiculement matinale. Apparemment, Itsuki l’avait contactée la veille. Il avait pris des photos de leur dîner, comme il avait souvent vu beaucoup de filles le faire, apparemment dans le but de les envoyer à Chitose.

                « Ne me dis pas… Tu dois demander à Shiina. »

                « D’accord, donc si Mahirun est d’accord, tu partageras avec moi ? »

                « Euh, eh bien— »

                « Entendu ! » Répondit Chitose avec énergie. « Ok, je vais lui demander ! »

                Puis elle raccrocha.

                Amane avait tenu le téléphone éloigné de son oreille à cause de l’enthousiasme bruyant de Chitose. Maintenant, il affichait une expression exaspérée. Comme toujours, il ne savait pas s’il devait être impressionné ou terrifié par l’énergie de Chitose.

                Itsuki, qui avait assisté à toute la scène, semblait particulièrement ravi.

                « Chi a l’air super excitée. »

                « Tu ne peux pas faire quelque chose pour ta petite amie ? »

                « C’est presque impossible, mec. » Répondit Itsuki gaiement. « Quand Chi voit quelque chose qu’elle veut, elle ne se retient pas. C’est pour ça que je l’aime autant. »

                Amane pensa que l’avis d’Itsuki était un peu biaisé, vu qu’il était amoureux. Il y avait beaucoup à dire sur l’énergie débordante de Chitose et la facilité avec laquelle elle se faisait des amis, et Amane était prêt à admettre qu’il enviait souvent ces qualités qu’il lui manquait tant.

                Pour l’instant, il décida de réchauffer les restes du dîner de la veille et de les manger au petit-déjeuner. Silencieusement, il remercia Mahiru pour le repas et pour sa future patience à gérer l’appel de Chitose.

                « Et voilà ! »

                Chitose arriva, accompagnée de Mahiru, juste avant le déjeuner. Toutes deux portaient des sacs de courses débordant de nourriture. Chitose avait aussi un sac à dos qui semblait être un sac de voyage, et Mahiru souriait d’un air un peu résigné. Elles s’étaient apparemment retrouvées plus tôt et étaient allées faire des courses ensemble. Cela expliquait pourquoi elles portaient des sacs et comment Chitose avait pu atteindre l’appartement d’Amane.

                « Vous êtes arrivées assez vite… » Remarqua Amane.

                « J’étais tellement excitée à l’idée de passer la nuit chez Mahirun ! »

                « … Attends, quoi ? »

                « Nous sommes en vacances de printemps, alors je me suis dit, pourquoi pas ? Et Mahirun a dit que c’était bon, donc me voilà ! »

                Chitose afficha un large sourire et regarda Mahiru pour confirmation. Mahiru hocha la tête en souriant.

                Elle n’avait manifestement pas eu le choix.

                Chitose avait dû convaincre Mahiru de la laisser passer la nuit. Mais Mahiru ne semblait pas particulièrement contrariée, juste un peu perdue par cette tournure soudaine des événements.

                Alors que Mahiru mettait les courses dans le réfrigérateur, elle se pencha vers Amane. « Ne t’en fais pas pour moi. Je lui ai dit que c’était d’accord. » lui assura-t-elle dans un murmure qu’il était le seul à entendre.

                Amane lui offrit un sourire inquiet tout en la regardant ranger les ingrédients pour le dîner.

                « J’ai hâte de goûter la cuisine de Mahirun ! » S’exclama Chitose en s’asseyant à côté d’Itsuki et en se collant à lui. Amane, ayant perdu sa place, se dirigea vers la cuisine.

                « Est-ce que je peux aider à quelque chose ? »

                « … Amane, tu sais bien que tu ne sais pas cuisiner. »

                Elle parla à voix basse pour ne pas être entendue dans le salon et l’appela par son prénom. Amane sourit légèrement.

                « Je peux couper des légumes ou quelque chose comme ça ? En fait, si tu me donnes des instructions, je peux faire des choses simples. Je t’ai montré que je peux faire quelques plats, non ? »

                « … Bon, d’accord, je vais accepter ton aide. Mais tu ne veux vraiment pas rester dans l’autre pièce, hein ? »

                « Très perspicace. Ils sont déjà en train de flirter. »

                Amane haussa les épaules et se dirigea vers l’évier pour se laver les mains.

                Il savait qu’il ne pouvait pas faire grand-chose, mais ce n’était pas comme s’il était complètement inutile. Il pouvait au moins aider Mahiru pour des tâches comme la mesure des ingrédients et la préparation, alors il tourna le dos aux deux amoureux qui flirtaient et devint l’assistant de Mahiru en cuisine.

                « Au fait, qu’est-ce qu’on mange pour le déjeuner aujourd’hui ? »

                « Des omelettes sur du riz, avec une soupe de potage verte et une salade. Chitose a dit qu’elle voulait manger des omelettes à moitié cuites à l’intérieur, que tu peux couper avec un couteau. »

« Génial. »

                « Tu aimes vraiment les plats à base d’œufs, hein ? »

                « Les œufs, c’est génial. Et en plus, les tiens sont les plus délicieux, alors je suis déjà impatient de les goûter. »

                La cuisine de Mahiru ne décevait jamais, et Amane était encore plus enthousiaste à l’idée de manger des œufs, son plat préféré. Il pensait toujours aux omelettes au ragoût de bœuf qu’ils avaient mangées cette fois-là. Il aurait été heureux de les manger tous les jours.

                Amane loua en silence le choix de menu de Chitose tout en mesurant et lavant quatre portions de riz. Peu à peu, il remarqua que Mahiru restait là, près du réfrigérateur.

                « … Qu’est-ce qu’il y a ? »

                « … J’apprécie le compliment, mais ne me surprends pas comme ça. »

                « Comment ça ? »

                « C’est bon si tu n’as pas compris. »

                Mahiru se détourna brusquement et commença à couper les ingrédients pour la soupe, laissant Amane là, totalement confus.

                « Je n’arrive pas à croire qu’ils puissent agir comme ça sans être ensemble. »

                « Sérieusement. »

***

« Ah, c’était trop bon ! »

                Chitose termina son déjeuner et se tapota le ventre, totalement satisfaite.

                Mahiru sourit, heureuse que ses efforts aient été si appréciés. Apparemment, elle aimait beaucoup recevoir. Les visites imprévues de la journée ne semblaient pas trop l’avoir dérangée.

                « Wow, tu sais vraiment tout faire, Shiina ? » S’exclama Itsuki. « T’as réussi à préparer des omelettes à moitié cuites, qui gardaient leur forme tout en étant encore super moelleuses à l’intérieur. »

                « C’est grâce à mon professeur de cuisine. » Répondit modestement, Mahiru.

                « Tu as étudié la cuisine ? » Demanda Chitose.

                « Oui, un peu. Assez pour me débrouiller toute seule et pour recevoir des invités quand il faut. »

                « Whoa ! » S’émerveilla Chitose. « Ça a dû être un professeur incroyable si tu as appris à cuisiner comme ça ! »

                Mahiru parlait probablement de la domestique dont elle lui avait déjà parlé, la seule personne dans la maison de ses parents qui lui avait montré de la gentillesse.

                « Je me demande si je pourrais en arriver là, si j’avais un professeur comme ça. »

                « Peut-être que si tu étais un peu moins… aventureuse en cuisine, tu aurais de meilleurs résultats. » Suggéra Itsuki.

                « Hé, quel est l’intérêt si on n’expérimente pas un peu ?! »

                « Eh bien, si tu essayais de suivre une recette de temps en temps, je suis sûr que tu pourrais faire presque n’importe quoi. »

                C’était vrai, Chitose serait une super cuisinière si elle arrêtait de faire des bêtises. Mais son manque de discipline sapait vraiment ses efforts.

                La personnalité de Chitose ressemblait à celle d’un chat : elle faisait ce qu’elle voulait au moment où elle le voulait et poursuivait ses activités à son propre rythme. Le problème, c’était qu’elle manquait complètement de maîtrise de soi. Elle pouvait se forcer à se concentrer un moment si nécessaire, mais ça semblait vraiment l’épuiser. Chitose n’était tout simplement pas faite pour ça.

                « Et pas seulement dans la cuisine. » Continua Itsuki. « Tu pourrais essayer d’apporter un peu de calme dans ta vie quotidienne. Tu as un super modèle juste là, tu vois ? »

                « Oh, je suis sûre que ça te plairait que je devienne plus comme Mahirun, mais tu risques d’être déçu. En plus, ça a l’air… inconfortable. »

                « C’est sacrément rude envers Shiina. »

                « Peut-être. Mais tu dois admettre que Mahirun a toujours l’air si formelle. Ou peut-être plutôt… étouffée ? » Parfois, Chitose pouvait être étonnamment perspicace. « Mahirun, celle qu’on voit à l’école, est assez ennuyeuse. »

                « … C’est vraiment ainsi que je parais aux autres ? » Murmura Mahiru.

                « Eh bien… on est dans des classes différentes. » Répondit Chitose. « donc je ne suis pas une experte, mais tu sembles terne ou… un peu comme si tu regardais tout de loin, tu sais ? Je veux dire, tu es gentille avec tout le monde, mais on dirait que tu n’as jamais abaissé ta garde. »

                Les conjectures de Chitose étaient parfaitement justes.

                Mahiru traitait les autres avec gentillesse et respect, mais elle ne laissait jamais quiconque, sauf quelques rares personnes, voir derrière son masque. En jouant le rôle de la jeune femme gracieuse et respectable, elle protégeait sa véritable identité.

                Personne ne le savait mieux qu’elle. Amane regarda son expression devenir trouble. Mais Chitose passa un bras autour d’elle et sourit.

                « Mahirun fait une grimace super mignonne à chaque fois que j’évoque ce genre de choses personnelles, donc on voit qu’elle est honnête, n’est-ce pas ? C’est cette version que je préfère !

                Chitose rit et serra Mahiru dans ses bras. Mahiru sembla gênée un instant, mais finit par rendre timidement l’étreinte de Chitose.

                « Tu sais, Mahirun. » Continua Chitose. « Je pense que tu devrais t’ouvrir plus. Je veux dire, tu pourrais te laisser totalement gâter par Amane, tu sais ? Et on sait que tu peux être super douce avec les gens que tu aimes. Alors si tu utilisais ça à ton avantage, ils seraient tous à tes pieds ! »

                « Je ne ferai absolument pas ça ! » Insista Mahiru.

                « Eh ? »

                « … Je ne suis pas du tout comme ça, Chitose. » Marmonna Mahiru, se détournant brusquement.

                « Ah bon ? » Répondit Chitose en fixant Amane.

                Bien sûr, Amane n’allait pas s’impliquer dans cette discussion. Mahiru ne lui avait pas demandé de l’aide, et il savait qu’elle pouvait se débrouiller seule.

                Cela dit, si elle venait à lui demander un jour, Amane était prêt à faire à peu près tout ce qu’elle désirait. Il l’aiderait à porter n’importe quel fardeau et la soutiendrait dans tout ce qu’elle ferait. Mais il était trop gêné pour avouer cela, alors il essaya de maintenir une expression neutre en observant l’échange entre Chitose et Mahiru.

                « Oh, c’est un vrai régal de voir deux superbes filles s’entendre, hein ? »

                « Tes mots, pas les miens. »

                Ne réagissant pas aux remarques légèrement perverses d’Itsuki, Amane se rendit compte que Mahiru avait trouvé une amie du même sexe. Il était content qu’elle ait quelqu’un d’autre à qui elle puisse être ouverte.

                La soirée pyjama de Chitose eut naturellement lieu chez Mahiru.

                Amane s’était attendu à ce qu’elle veuille rester chez Itsuki, mais elle avait dit que, comme il passait toujours la nuit chez elle, elle était heureuse de rester chez Mahiru. Elles étaient donc rentrées à l’appartement de Mahiru après le dîner.

                Amane savait déjà qu’Itsuki et Chitose étaient très proches et qu’Itsuki passait souvent la nuit chez elle. Ce n’était pas étrange, mais pour une raison inconnue, il se sentit soudainement gêné de savoir qu’Itsuki dormait souvent chez Chitose.

                Itsuki murmura : « Tu imagines quoi là, le mec de mauvaise humeur ? »

                Amane marcha sur le pied de son ami. Il fut assez clément pour ne pas marcher sur son petit orteil.

                « Écoute, mon gars, marcher sur mes pieds ne cachera pas ta honte pour toujours ! » Grogna Itsuki.

                « C’est ta faute si t’es un tel idiot. » Murmura Amane en se détournant.

                Ce n’était pas comme s’il avait essayé de lui faire mal —Itsuki le savait bien. Aucun des deux n’était vraiment fâché pour un peu de bagarre amicale entre amis.

                « En fait, je passe souvent la nuit chez elle. Ça devient un peu la nouvelle norme, tu vois ? »

                « Ouais, ouais, je vois le tableau. Tu peux arrêter maintenant. »

                « Je pensais que ce genre de discussion était normal entre garçons. »

                « Ce n’est pas le cas, et je peux m’en passer. »

                Amane n’avait aucune envie d’entendre les détails graphiques de la romance de son ami, et il savait que lorsque l’histoire serait finie, et qu’il regarderait Itsuki avec colère, Itsuki rirait joyeusement et lui sourirait.

                « T’es vraiment un herbivore, hein, Amane ? Ou c’est juste un manque d’expérience qui te freine ? »

                « Je vais t’envoyer par terre. »

                « Eh bien, je suppose que c’est pour ça que Shiina s’est ouverte à toi en premier lieu, hein ? Elle n’aurait probablement jamais approché si elle savait que t’étais un prédateur. Heureusement pour toi, non ? »

                Itsuki lui fit un pouce en l’air et un grand sourire. Amane lui lança un regard amer, un genre de regard qu’il n’aurait jamais montré à Mahiru.

                Mais cela ne sembla pas avoir le moindre effet sur Itsuki, qui éclata de rire et continua de sourire.

                Amane était occupé à regarder son ami avec une colère féroce quand sa colère fut interrompue par un son électronique aigu provenant de son smartphone —une alerte de message texte. Il arrêta de bouder assez longtemps pour vérifier l’écran. Le message venait de Chitose.

                Amane ouvrit l’application de messagerie, pensant qu’elle devait lui demander des nouvelles pour les plans du lendemain, et il vit qu’il avait un message, accompagné d’une photo.

                « Regarde, regarde, Mahirun est trop mignonne ! Au fait, j’ai eu sa permission pour envoyer ça. »

                Il n’y avait que cette phrase et une photo jointe.

                La photo montrait Mahiru assise sur un lit, tenant l’ours en peluche qu’Amane lui avait offert, posé sur ses genoux, avec ce qui semblait être sa chambre en arrière-plan. Ce n’était pas ça qui fit arrêter Amane.

                Sur la photo, Mahiru portait des pyjamas —plus précisément, une robe longue à manches longues et rose pâle, aussi connue sous le nom de nuisette. Elle paraissait élégante et raffinée —et hypnotiquement féminine. Elle venait visiblement de sortir du bain, et la peau qui dépassait de ses manches et du col ouvert de sa robe était encore légèrement rougie.

                C’était une image incroyablement suggestive, même si rien d’inapproprié n’était exposé. Elle semblait à la fois modeste et séduisante.

                Ce qui attira surtout son regard, c’était l’expression de Mahiru. Elle ne regardait pas l’appareil photo. Au contraire, elle baissait légèrement la tête, et ses yeux étaient tournés vers le bas —pas assez pour cacher son visage, mais assez pour donner l’impression de timidité.

                Les taches roses sur ses joues ne venaient probablement pas uniquement du bain.

                L’expression de Mahiru semblait timide, mais aussi empreinte de désir. C’était bien plus envoûtant que n’importe quelle expression qu’Amane avait vue auparavant. Mais l’ours posé sur ses genoux la rendait encore plus adorable que d’habitude. C’était juste une photo, mais Amane sentait ses joues rougir.

                —Cette meuf !

                Que diable Chitose essayait-elle de faire en lui envoyant une photo comme celle-ci ? Surtout juste avant de dormir ? Il n’y avait aucune chance qu’il puisse s’endormir après avoir vu une telle image.

                « Pourquoi tu rougis ? » Demanda Itsuki. « Tu regardes des images coquines sur ton téléphone ou quoi ? »

                « Bien sûr que non ! »

                « Alors, qu’est-ce que tu regardes ? »

                Itsuki jeta rapidement un coup d’œil par-dessus son épaule, et Amane n’eut pas le temps de cacher l’image. La photo affichée à l’écran se reflétait dans les yeux d’Itsuki, qui sourit, l’air de comprendre.

                « Je vois, je vois. T’es vraiment innocent, hein ? »

                « Tu veux pas aller dormir… pour toujours ? »

                « Tu insinues que tu veux ma mort ? »

                « Je devrais le dire directement ? »

                « C’est vraiment pas sympa de ta part. Je veux dire, quel homme ne serait pas excité en voyant un ange comme ça ? Mais je dois dire que Chi reste la plus mignonne… »

                « Arrête de parler de ta copine, espèce de débile. »

                Amane soupira d’exaspération et se passa une main dans les cheveux. Quand il le fit, il entendit le bruit d’un appareil photo qui cliquetait.

                « … Itsuki ? »

                « Rien, je viens de recevoir un message de Chi qui me demandait de prendre une photo de toi pour commémorer la soirée. Juste un petit souvenir débile. Ça devrait aller, non ? »

                « Je suppose. Tant que tu n’as pas l’intention de faire quelque chose avec ma photo… »

                « Détends-toi, c’est pas comme si quelqu’un d’autre allait la voir. Et puis, crois-moi, il y a une bonne raison à ça. »

                Amane regarda Itsuki avec un grand scepticisme. Il n’avait aucune idée de ce que cette raison pouvait être. Mais Itsuki souriait d’un air particulièrement suffisant, et Amane poussa un grand soupir, grommelant doucement qu’il n’y avait aucun intérêt à prendre sa photo.

                En écoutant son ami se plaindre, Itsuki murmura d’une voix encore plus basse : « Ce type ne capte vraiment rien, hein ? »

***

« … Je suis épuisé… »

                Le troisième jour, le séjour d’Itsuki et de Chitose prit enfin fin. Les deux étaient rentrés chez Chitose, où Itsuki passerait encore un jour ou deux. (Apparemment, les parents de Chitose auraient été tout à fait d’accord pour qu’il reste pour toujours, mais tout de même, il ne voulait pas s’imposer.) Ils avaient mangé le déjeuner fait maison par Mahiru et étaient partis avec de grands sourires, mais pas avant d’avoir encouragé Amane et Mahiru à se comporter correctement en leur absence. Amane avait jugé que répliquer aurait causé plus d’ennui, ça n’en valait pas la peine de toute façon, alors il laissa leur taquinerie passer.

                « T’es pas fatiguée, toi aussi, Mahiru ? »

                Les deux étaient assis ensemble sur le canapé d’Amane.

                « … Je suis épuisée. C’était vraiment dur. Mais c’était aussi super amusant. »

                « Vraiment ? »

                Mahiru n’était pas du genre à inviter des amis chez elle, du moins depuis qu’Amane la connaissait, alors il pensait que c’était génial que Chitose lui ait donné l’opportunité de faire ça.

                Il semblait qu’elle traînait parfois avec Chitose quand Amane n’était pas là, donc si elle s’était fait une amie proche, ce n’était sûrement pas une mauvaise chose.

                « … Eh bien, tu sais, j’ai été vraiment surprise quand cette photo a été envoyée… »

                « Ah, ah, oh ça ? »

                Quand Mahiru mentionna le mot photo, Amane ne put s’empêcher de se rappeler de sa tenue élégante, mais un peu risquée de la veille. Ses joues rougirent.

                Ce n’était pas comme si elle en avait beaucoup dévoilé, mais Amane se souvenait bien de la façon dont sa nuisette avait accentué ses courbes douces. En fait, sa modestie l’avait seulement rendue plus séduisante. Il avait déjà rangé l’image dans sa tête pour plus tard, bien qu’il se sente étrangement coupable à ce sujet.

                « H-hier. » Expliqua Mahiru. « Hier, Chi m’a dit ‘T’es trop mignonne !’ et a pris plein de photos. D-donc, je ne suis pas vraiment sûre de laquelle elle a envoyée. Elle a insisté, alors je lui ai donné ma permission, mais… J’espère que c’était pas trop embarrassant… »

                Apparemment, Chitose n’avait pas montré à Mahiru quelle photo elle avait envoyée. Amane pensa qu’elle lui avait envoyé la meilleure photo, mais il se demanda si Mahiru était consciente de la façon dont elle avait posé —ou même que Chitose avait photographié ce moment particulier. Il n’était pas sûr de la réaction de Mahiru si jamais il lui montrait la photo. La photo n’était pas obscène, et Mahiru n’avait définitivement pas eu l’air mal, mais tout de même, ça pourrait causer des ennuis.

                « Euh, ben, c’était… C’était une photo de toi avec l’ours en peluche sur tes genoux. »

                « … L’ours… ? »

                « Je suppose que tu en prends bien soin, hein ? »

                Eh bien, cette partie était vraie, au moins.

                Amane, toujours gêné, décida que la meilleure chose à faire était de refouler l’image dans les recoins de sa mémoire. S’il ne pouvait pas l’oublier, il pourrait au moins la sceller quelque part.

                Quand Mahiru entendit le mot ours, elle sembla se souvenir plus ou moins du moment où la photo avait été prise, et elle sourit légèrement.

                « … Je t’avais dit que j’allais le chérir. » Dit-elle. « Parce que c’est un cadeau précieux. »

                Confronté à son regard chaleureux et à son sourire doux et accueillant, Amane eut le souffle coupé.

                Ce sourire était différent de son sourire habituel d’ange —il était honnête et affectueux. Amane se sentit hypnotisé par sa beauté délicate, comme si sa douceur l’invitait à l’enlacer et la tenir près de lui.

                « … Euh, ouais, je suppose que tu l’as fait. » Balbutia Amane. « Tu dois vraiment l’aimer, hein ? »

                « Bien sûr que je l’aime. » Répondit Mahiru. « Tu l’as choisi pour moi, après tout. » Elle sourit sincèrement. « T’inquiète pas, je prends bien soin de lui. C’est pourquoi, chaque jour, je lui tapote la tête, et je le serre fort quand je m’endors, et… euh… Laisse tomber. Oublie ce que j’ai dit. »

                Amane n’arrivait pas à croire ce qu’il venait d’entendre.

                Une belle fille comme Mahiru dort avec un ours en peluche. C’est tellement mignon, c’est indescriptible.

                Il se rappela de l’air angélique de Mahiru lorsqu’elle dormait. Rien que d’imaginer la scène le fit rougir.

                Elle, avec ce visage angélique, câlinant un ours en peluche pendant qu’elle dort. Mahiru, cette fille magnifique, se couche en tenant l’ours que je lui ai offert.

                Mahiru était déjà devenue toute rouge, jusqu’aux oreilles. Elle lui attrapa le bras.

                « S-s-s’il te plaît, oublie cette dernière phrase. »

                « C’est littéralement impossible. »

                « Ugh, c’est tellement embarrassant ! »

                Mahiru le regarda avec des larmes aux coins des yeux. Cette expression était encore plus désastreusement mignonne que la précédente, mais il était évident qu’elle ne s’en rendait pas compte.

                « C’est vraiment si grave ? Je ne vois pas quel est le problème. »

                « Ça me fait paraître comme une enfant, non ? Dormir avec un animal en peluche, je veux dire. »

                « N-non, je trouve ça vraiment mignon. »

                Mahiru tourna le dos à Amane et enfouit son visage dans son coussin préféré. « Tu n’aides pas… »

                Amane se sentait terriblement coupable de penser que Mahiru était mignonne quand elle faisait la moue, mais il ne pouvait s’en empêcher —il trouvait ça adorable.

                Ce qu’il aurait voulu faire à cet instant précis, c’était tendre la main et caresser la tête de Mahiru, mais il savait que c’était une très mauvaise idée, surtout maintenant, alors il garda les mains à ses côtés et se contenta de regarder Mahiru.

                Après quelques instants, elle émergea timidement du coussin. Ses yeux brillaient, son visage était rouge, mais elle se recomposa suffisamment pour lui lancer un regard réprobateur.

                « … Amane, tu dois me dire quelque chose de gênant aussi. Ce n’est pas juste si c’est moi la seule. »

                « Quoi… ? »

                Mahiru s’était mise dans cette situation toute seule. Amane ne se sentait, en rien, obligé de devoir se mettre dans une situation similaire à celle de Mahiru. Mais il savait qu’il valait mieux ne pas dire cela.

                D’un autre côté, il avait du mal à trouver quelque chose de gênant qu’elle ne sache pas déjà.

                « Si tu ne me dis rien. » Dit Mahiru d’un ton sévère. « Je n’aurai qu’à envoyer un message à Akazawa et lui demander. »

                « Depuis quand tu as échangé tes coordonnées avec Itsuki… ? »

                « En fait, Chitose m’a donné ses informations, et on a échangé des messages… hier, je crois. Mais ce n’était rien de particulier… rien dont tu aies besoin de t’inquiéter, de toute façon… »

                Mahiru s’interrompit et enfouit à nouveau son visage dans le coussin.

                À ce moment-là, Amane n’avait vraiment aucune idée de ce qui se passait.

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