Traducteur: linkfet
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Demander à Mahiru de venir chercher sa part des fruits dès l’arrivée du colis s’est avéré être une grosse erreur. Quand Amane entendit le bruit de l’interphone et la voix aiguë et malicieuse qui disait “Aaa-maaa-neee !” À travers celui-ci, il comprit qu’il était dans une situation compliquée.
Amane avait été très reconnaissant envers Mahiru pour s’être proposé de lui préparer le déjeuner ce samedi. Cela lui avait semblé être une véritable bénédiction, à ce moment-là. Sincèrement, la carbonara qu’elle avait préparée était délicieuse. La sauce épaisse et la touche de poivre noir formaient un mariage parfait, et c’était incroyablement savoureux.
Mahiru n’avait rien fait de mal. Celui en faute était bel et bien Amane, pour ne pas avoir compris ce que sa mère voulait dire en lui demandant d’être chez lui samedi pour la livraison, et il ne comprenait pas cette agaçante femme adorant les surprises lui servant de mère, non plus d’ailleurs.
« … Euh, Fujimiya ? Est-ce que c’est la livraison… ? » Demanda Mahiru.
« Non, c’est ma mère. Elle doit probablement utiliser son double de la clé pour passer la porte d’entrée et monte en ce moment même. » Expliqua Amane. En y repensant, c’était une erreur d’avoir pris au pied de la lettre ce que sa mère lui avait dit. D’une manière ou d’une autre, elle trouvait toujours un moyen de venir voir comment il se débrouillait. La mère d’Amane ne pouvait jamais résister à l’idée de faire des petites diversions.
« … Euh, ta mère ? »
« Elle est probablement venue voir si je m’en sors bien… et elle ne m’a pas prévenu qu’elle venait. Probablement parce qu’elle savait que je ferais le ménage à l’avance. »
« Mm-hmm… »
« Je sais que c’est difficile à avaler, mais ce n’est pas ce qui compte maintenant. »
Le vrai problème était ce qu’il fallait faire de Mahiru. Si la mère d’Amane était encore dans le hall en bas, il aurait pu renvoyer Mahiru chez elle, mais ce n’était plus possible maintenant qu’elle approchait de sa porte. En même temps, sa mère se ferait forcément de fausses idées s’il l’invitait à entrer et qu’elle tombait sur Mahiru. Il n’y avait aucun doute sur le fait que Mahiru détesterait cela autant qu’Amane.
Plus Amane réfléchissait à ce qu’il devait faire, plus sa mère se rapprochait de la porte et s’apprêtait à entrer.
Je ne peux pas croire que ça m’arrive… Amane avait une idée, mais elle ne lui plaisait pas.
« … Je suis désolé, Shiina, mais tu pourrais te cacher dans ma chambre ? »
« Hein, qu-quoi ? »
« Prends tes affaires avec toi, et une fois que j’aurai trouvé un moyen de faire sortir ma mère dehors, tu pourras rentrer chez toi. Je suis vraiment désolé, mais s’il te plaît ? »
N’ayant pas d’autres options viables, Amane prit les devants et aida Mahiru à se cacher. Heureusement, ils avaient déjà terminé de ranger la vaisselle après avoir déjeuné, donc cela ne le trahirait en rien. S’il cachait ses chaussures dans le placard, elles ne seraient pas découvertes, et Mahiru pourrait simplement emporter ses effets personnels dans la chambre d’Amane.
Le plan était de laisser la mère d’Amane faire une rapide inspection de l’appartement pendant que Mahiru était cachée. Amane mentionnerait à sa mère qu’il avait très envie de manger un de ses plats maison, ce qui la tiendrait probablement trop occupée pour insister à l’idée d’entrer dans sa chambre.
Quoi qu’il en coûte, Amane devait empêcher sa mère de franchir la porte de la chambre.
Il demanderait délibérément à sa mère de cuisiner quelque chose nécessitant un ingrédient qu’il n’avait pas dans son réfrigérateur. S’ils sortaient ensemble faire les courses, cela offrirait une opportunité à Mahiru de s’éclipser.
Amane expliqua rapidement à Mahiru que c’était la seule solution tout en lui tendant son double de la clé et en lui demandant de coopérer avec toute la sincérité dont il disposait.
« D-d’accord. » Répondit-elle, hochant la tête, déconcertée.
En vérité, le débarras était aussi une option, mais Amane ne voulait pas qu’une fille attende là-dedans. Il n’y avait pas de chauffage, ce qui signifiait qu’il y faisait très froid à cette époque de l’année. La chambre d’Amane, elle, avait un chauffage, ainsi que des coussins moelleux. Il était hors de question de laisser Mahiru assise à même le sol, grelottante de froid.
« … Très bien, je compte sur toi. Je dois gérer ma mère, donc… »
Alors qu’il n’était même pas encore face à sa mère, Amane avait déjà l’air découragé. Il se dirigea vers l’entrée pendant que Mahiru se glissait discrètement dans la chambre. Après s’être assuré que l’ange était bien caché, Amane ouvrit à contrecœur la porte d’entrée.
« Eh bien, Amane, tu en as mis du temps. Je suis contente de voir que tu as bonne mine. Je commençais à me demander si tu dormais. »
Il y avait là la mère d’Amane, debout juste devant son appartement. Il ne l’avait pas vue depuis les vacances d’été.
Bien qu’elle était mère, il aurait été difficile de le deviner juste en la regardant. Ce n’était pas seulement son visage, paraissant jeune, c’était également sa façon d’agir, quasiment jamais révélatrice de son véritable âge. Elle portait la même expression joyeuse qu’elle avait souvent quand Amane vivait encore à la maison.
« Ouais, ouais, je vais très bien, alors que dirais-tu de rentrer chez toi ? »
« Comment peux-tu dire ça à ta propre mère ? Il m’a fallu plusieurs heures pour venir, tu sais ? Je n’ai même pas droit à un remerciement ? »
« Merci beaucoup d’avoir fait tout ce chemin, maintenant rentre chez toi, s’il te plaît. »
« Allons, ne dis pas de telles choses. Ce n’est pas très affectueux. Tu devrais agir plus comme Shuuto, ton père, vilain petit garnement ! »
« Les hommes n’ont pas besoin d’être affectueux, n’est-ce pas ? » Alors qu’Amane avait répondu de manière acerbe, sa mère, Shihoko, semblait loin d’être dérangée, éclatant même de rire.
« Tu es vraiment en pleine phase rebelle ! » Dit-elle. « Tu n’espères tout de même pas me laisser dehors toute la journée ? Je vais entrer, d’accord ? »
« Attends, personne n’a dit que tu pouvais — »
« As-tu oublié que ton père et moi payons le loyer de cet endroit ? »
Amane n’avait rien à répondre ou à faire pour refuser sa mère après qu’elle eût joué cette carte. À contrecœur, il la laissa entrer.
Pour l’empêcher de se rendre dans la chambre, Amane la guida discrètement pour qu’elle passe devant la porte de la chambre et se rende dans le salon.
« Au fait, tu devrais vraiment me prévenir à l’avance quand tu penses venir. » Dit Amane.
« Mais, dans ce cas, je ne pourrais pas avoir une image précise de la situation dans laquelle vie mon fils si je ne venais pas à l’improviste, si ? » Répondit Shihoko.
« Mouais… Écoute, tout va bien, d’accord ? Je garde l’endroit propre. »
« Effectivement, tu le fais bien, je suis surprise. Tu ne gardais jamais ta chambre propre à la maison, mais tu fais mieux que ce à quoi je m’attendais. Je suis étonnée. » Shihoko hocha la tête sérieusement, semblant véritablement stupéfaite en inspectant le salon.
La vérité non dite était que l’endroit n’était propre que parce que Mahiru avait aidé Amane à le ranger. Ses conseils et ses réprimandes constantes avaient largement contribué à garder l’appartement en ordre. En réalité, Mahiru méritait la majeure partie du mérite, mais Amane n’allait certainement pas en informer sa mère dès maintenant.
« Ta peau a l’air en meilleur état aussi, tu dois bien manger. » Observa Shihoko.
« … Ouais. » Admit Amane, incapable de croiser le regard de sa mère. Même sa récente amélioration concernant sa santé était quelque chose qu’il devait à l’ange.
« T’as même l’air de cuisiné correctement, hein. Oh, mais on dirait que tu cuisines pour deux, non ? »
Le doigt de Shihoko pointait vers l’égouttoir. Deux personnes avaient déjeuné, donc, naturellement, il y avait deux ensembles de vaisselle. Par négligence, Amane avait oublié de les ranger. Il aurait dû se rappeler à quel point sa mère était perspicace.
« Ouais, j’avais un ami à la maison. » La réponse d’Amane n’était pas tout à fait un mensonge. Il avait parlé aussi indifféremment que possible, faisant de son mieux pour ne pas trembler. Il était juste de dire que lui et Mahiru avaient construit quelque chose qui ressemblait à une amitié, donc ce n’était pas totalement faux. Amane cachait toutefois le petit détail qui était que cet ami était en réalité une fille.
« Hmm. » Répondit Shihoko avec un ton qui suggérait qu’elle n’acceptait pas vraiment cette explication au pied de la lettre. Elle scruta à nouveau le salon.
« Je suppose que tu as la moyenne. Tu t’en sors tellement bien que j’ai du mal à croire qu’un garçon puisse vivre seul ici. » Finit-elle par concéder.
D’une manière ou d’une autre, Amane avait réussi à la tromper, mais de justesse. Étrangement, il sentit un frisson lui parcourir l’échine, et il transpirait à grosses gouttes. D’un autre côté, il n’aurait peut-être pas dû être aussi surpris, il avait simplement réussi à passer l’inspection de sa mère. Après tout, Mahiru avait vraiment changé certaines choses en lui.
« Tu vois, il n’y avait pas de quoi t’inquiéter, maman. »
« Je suppose que non, même si j’ai du mal à y croire. Tu ne pouvais presque rien faire par toi-même à la maison. Tu as vraiment grandi. »
« … Je suis presque un adulte, je te rappelle. » Répondit Amane, bien qu’intérieurement, il se moquait de lui-même pour avoir eu l’audace de dire une telle chose.
« Bon travail. » Le félicita Shihoko en souriant.
Cela rendait Amane un peu mal à l’aise d’entendre cela, car bien sûr, il n’avait rien fait tout seul. Il n’y avait aucune chance qu’il prenne le risque de dire la vérité à sa mère, alors il devait laisser les choses telles qu’elles étaient et essayer de la faire partir.
Elle a presque fini sa visite, non ? Se demanda Amane. J’espère pouvoir la faire partir sans qu’elle ne mentionne l’envie de goûter à ma cuisine ou quelque chose du genre.
« Il ne reste plus qu’à vérifier la chambre, je suppose. » Murmura Shihoko nonchalamment.
Les yeux d’Amane s’écarquillèrent devant le largage de cette bombe. Mahiru était encore à l’intérieur. Si sa mère découvrait une fille cachée dans sa chambre, ce serait une catastrophe bien plus grande que s’il avait simplement révélé la présence de Mahiru dès le début.
« Hé, arrête de plaisanter. Même si tu es ma mère, je ne veux pas que tu fouilles dans ma chambre. »
« Oh ? Y aurait-il quelque chose dont tu as honte ? » Provoqua Shihoko.
« Il y a probablement une ou deux choses embarrassantes dans la chambre de n’importe quel lycéen, si tu y réfléchis. »
« Donc tu l’admets ? »
« Ouais, je l’admets. S’il te plaît, n’entre pas là-dedans. »
Même si c’était embarrassant, il n’avait pas eu d’autres choix. Amane avait été contraint de suivre la supposition de sa mère pour l’empêcher d’entrer dans la chambre. Si elle découvrait Mahiru dans la chambre d’Amane, elle se ferait assurément une idée complètement fausse. Pour son bien à lui et celui de Mahiru, Amane devait à tout prix éviter cela.
Quand la mère d’Amane le vit bloquer la porte de sa chambre, essayant désespérément de l’empêcher d’entrer, elle comprit immédiatement qu’il cachait quelque chose. S’approchant de son fils, Shihoko dit : « Je suppose que tu as grandi, si tu caches ce genre de choses à tes parents. »
S’il le fallait, Amane était prêt à empêcher sa mère d’entrer de force, bien que cette idée ne l’enchantait guère. Il était prêt à la stopper, mais soudain…
Boom. Un bruit venait de la chambre.
« Amane… »
« Oui. »
« Que caches-tu ? »
«… Cela n’a rien à voir avec toi, maman. »
« Si tu le dis. » Un large sourire se dessina sur le visage de Shihoko.
C’était le genre de sourire contraignant auquel on ne pouvait rien refuser. Amane se sentit extrêmement mal à l’aise chaque fois qu’elle le regardait ainsi. Cela avait le don de saper sa volonté de lui résister.
Amane grogna, et Shihoko y vit une opportunité. Elle posa sa main sur la poignée de la porte de sa chambre, et au moment où Amane le remarqua, il était déjà trop tard. Shihoko glissa tout près d’Amane, déterminée à découvrir la source du bruit de l’autre côté de la porte.
Ce qu’elle vit de l’autre côté de cette barrière qu’Amane avait échoué à protéger, c’était la silhouette d’une belle jeune fille. Elle était appuyée contre le côté du lit, serrant un coussin contre sa poitrine. Les yeux de la fille étaient fermés, et sa respiration était douce et régulière. Mahiru s’était assoupie avant que Shihoko ne la découvre.
Une pièce chaleureuse avec un radiateur en marche et un ventre plein après le déjeuner constituaient les conditions idéales pour une sieste en plein après-midi. Amane ne pouvait s’empêcher de se demander si Mahiru s’endormait souvent dans les chambres de garçons, mais tout cela ne faisait que confirmer qu’elle trouvait Amane suffisamment inoffensif pour s’assoupir dans sa chambre.
Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir. Rester immobile pour ne pas faire de bruit avait probablement fini par devenir ennuyeux.
Le principal problème était, bien sûr, Shihoko, qui était arrivée juste au mauvais moment pour assister à une situation qu’elle ne manquerait pas de mal interpréter.
S’il avait été un tiers, Amane aurait aussi mal interprété la scène. Il aurait supposé qu’ils étaient si proches que Mahiru n’avait aucun problème à s’assoupir dans sa chambre.
Grimaçant tout le long, Amane jeta un coup d’œil à sa mère et vit que ses yeux pétillaient. Il ne pouvait qu’imaginer le vacarme qu’elle s’apprêtait à faire.
« Oh là là, Amane, tu as une petite amie si adorable ! » Cria Shihoko d’une voix pleine de jeunesse. « Ce n’est pas le genre de fille que tu peux cacher dans un coin, tu sais ! »
Amane sentait un mal de tête arriver.
Elle avait immédiatement tiré la pire conclusion possible, et pour couronner le tout, elle était clairement très excitée à l’idée que son fils sorte avec une fille aussi charmante. Il ne faisait aucun doute que même la mère d’Amane était éprise de la beauté de Mahiru.
Mahiru semblait si vulnérable lorsqu’elle dormait. L’expression de raffinement élégant qu’elle portait toujours comme un masque s’était évaporée, révélant la pleine nature captivante de son apparence. Son visage adorable n’avait jamais paru aussi paisible — ni aussi joli.
Amane s’était quelque peu habitué à l’apparence de Mahiru, mais en la voyant ainsi, il fut de nouveau frappé par son charme incroyable. Son visage angélique dégageait une sérénité innocente. Une fois de plus, il ressentit l’envie de tendre la main pour la toucher. Sa silhouette endormie, serrant fermement le coussin d’Amane, éveillait en lui de nombreux désirs qu’il valait mieux garder privés.
Cette fille vraiment captivante était la petite amie d’Amane, ou du moins, c’est ce que pensait sa mère. Il n’était pas surprenant qu’elle soit excitée.
« Je suppose que la raison pour laquelle tu ne voulais pas que ta mère entre dans cette pièce, c’est parce que ta petite amie était là, non ? Regarde-toi, tu grandis juste devant mes yeux. »
« Ce n’est pas ça ! Tu te trompes complètement ! Ce n’est pas ma petite amie ou quoi que ce soit ! »
« Allez, tu n’as pas besoin de faire d’excuses ! Ta mère n’a aucune intention de s’opposer à ta relation, Amane. »
« Non, je te le dis, ce n’est pas le problème ! Nous ne sommes pas dans une relation romantique ! Tu te trompes totalement ! »
« Eh bien, que j’aie raison ou tort, elle est dans ta chambre en ce moment, n’est-ce pas ? »
« C’est parce que tu es arrivée tout à coup ! Nous étions juste en train de se reposer dans le salon, mais je savais que tu allais mal comprendre ! »
« Tu vois, le problème avec cette excuse, c’est que tu ne laisserais jamais une fille que tu n’aimes pas entrer dans ton appartement. Et je ne pense vraiment pas qu’une fille entrerait dans l’appartement de quelqu’un qu’elle n’apprécie pas, n’est-ce pas ? »
Amane avait du mal à trouver un moyen de discuter le sujet. Sa mère avait raison, Amane était extrêmement territorial sur ses espaces de vie et n’était pas enclin à laisser entrer qui que ce soit dans son domaine.
La première fois que Mahiru était venue, elle avait pratiquement forcé son entrée, mais depuis lors, il l’avait accueillie, même lorsqu’elle ne venait pas pour lui cuisiner.
Je suppose que cela signifie que je l’aime vraiment.
En ce qui concernait Amane, il était sûr qu’il aimait Mahiru pour sa personnalité, et non pour son apparence. Il appréciait ce côté apparemment contradictoire chez elle. Il y avait une partie mordante et honnête qu’elle ne montrait pas à l’école, et pourtant, elle avait du mal à être ouverte sur ses sentiments. Il aimait son attitude brusque et agaçante mais utile, ainsi que la façon réservée dont elle se comportait. Lorsqu’elle était prise au dépourvu, elle se déconcertait, et le masque tombait un moment, ce qu’il appréciait aussi. Par-dessus tout, Amane aimait particulièrement ce rare sourire angélique qu’il n’avait vu traverser son visage que quelques fois. Il supposait que chacune de ces caractéristiques était une partie précieuse du charme de Mahiru.
S’il devait dire si c’était un sentiment d’amour dans le sens romantique du terme, Amane aurait insisté sur le fait que c’était autre chose, mais il ne pouvait nier que Mahiru était une fille merveilleuse pour de nombreuses raisons.
« Je tiens à elle en tant qu’amie. Toutes les relations entre membres du sexe opposé ne sont pas nécessairement romantiques, tu sais. Et je suis assez certain qu’elle ne ressent pas ça non plus. » Amane n’était pas le genre de fils à maman qui se conformait docilement à tout ce que disait Shihoko. De plus, Mahiru réfuterait certainement l’idée qu’elle ait des sentiments pour lui.
« Oh, mais tu n’en as aucune idée, Amane ! Ne te trouves-tu pas plutôt présomptueux en pensant savoir exactement ce que son cœur désire ? »
« Que puis-je dire pour te faire comprendre que notre relation n’est pas comme ça, maman… ? Shiina, s’il te plaît, aide-moi… »
Peu importe combien il essayait d’expliquer, la mère d’Amane avait déjà pris sa décision. Amane se posa un doigt sur le front, désemparé. Il souhaitait simplement que Mahiru se réveille le plus rapidement possible.
« Nnn~ »
Soit la prière silencieuse d’Amane avait été entendue, soit tout le tumulte avait réveillé Mahiru, car ses paupières se sont entrouvertes, et elle fit un doux bruit en levant le visage. Ses cheveux blonds se glissèrent sur ses épaules. Les yeux brillants de la fille, couleur caramel, étaient flous de sommeil, et elle avait l’air si vulnérable qu’il semblait presque mal de la regarder directement.
Peut-être n’était-elle pas encore complètement réveillée pendant qu’elle regardait Amane d’un air vacillant, ses yeux encore détendus et endormis. Amane détourna le regard de manière ostensible.
« Shiina, ça ne me dérange pas que tu te sois endormie, mais il y a eu un malentendu, alors aide-moi à clarifier les choses. »
« Malentendu… ? »
« Hé, hé, Mademoiselle La Petite Amie, quel est ton nom ? »
Mahiru était encore clairement confuse par ce qui venait de se passer, mais Shihoko n’hésita pas à s’approcher d’elle, affichant un sourire amical et désinvolte avec une attitude trop familière.
Mahiru était visiblement déconcertée, essayant encore de se situer.
« Euh, hmm… »
« Il est important de se dire nos noms quand on se rencontre pour la première fois, tu sais ! »
« Ah, j-je suis Mahiru Shiina… »
« Oh, Mahiru, quel joli nom ! Je suis Shihoko, n’hésite pas à m’appeler par mon prénom, d’accord ? »
Mahiru avait donné son nom par réflexe lorsqu’on le lui avait demandé. Elle leva les yeux vers Amane, son regard implorant de l’aide. Malheureusement, Amane était impuissant. Il avait espéré que Mahiru le sauverait d’une manière ou d’une autre. Regrettablement, il secoua la tête. Il savait qu’une fois que sa mère était lancée, il était vraiment difficile de l’arrêter. Elle était déterminée à en savoir plus sur Mahiru, et rien ne pourrait la dissuader maintenant. Il était peu probable qu’elle se rende compte à quel point elle mettait mal à l’aise la pauvre fille.
« D-d’accord, hum… Madame, euh, Shihoko… »
« Tu vois ? Ça ressemble plus à ma belle-fille. »
« Fujimiya ! »
« Cela pourrait concerner l’un de nous deux, tu sais ? N’est-ce pas, Amane ? »
« Maman, tu déranges Shiina. »
« Amane, tu ne dois pas être si formel avec ta nouvelle petite amie, appelle-la par son prénom ! »
Shihoko ne semblait pas encline à écouter ce que disait quiconque. Amane la dévisagea, mais elle ne montra aucun signe de vouloir céder. Son sourire était large et totalement sans gêne.
« Euh, hum, Shihoko ? »
« Oui, ma chérie ? »
« Lui et moi — »
« Oh, je ne sais pas de qui tu parles. Lui, qui ? »
« … A-Amane et moi, nous ne sortons pas ensemble. »
Bien qu’elle fût manifestement déconcertée par l’assaut verbal de sa mère, Mahiru essaya de rétablir la vérité. Malheureusement, elle avait regardé directement Amane et avait même été forcée de l’appeler par son prénom, ce qui était apparemment exactement ce que Shihoko cherchait. Le sourire de la femme plus âgée s’élargit encore davantage.
« Eh bien, je suppose que ça prend du temps pour que ce genre de choses éclose. C’est quelque chose qu’il faut attendre avec impatience. » Dit Shihoko, assez présomptueusement.
« Euh, ah, non, ce n’est pas… » Dit Mahiru, essayant de protester.
« Oh non, je dois vous avoir interrompu juste au moment où les choses devenaient intéressantes ! »
« H-hum, je veux que vous me laissiez expliquer correctement ! Je n’ai pas ce genre de relation avec… Amane. Nous déjeunions juste ensemble parce qu’Amane ne sait pas cuisiner ! »
« Quelle merveilleuse épouse tu feras, ma chérie. Mon Amane s’est mis en tête de vivre seul alors qu’il est incapable de faire le moindre ménage, tu vois. Donc, je t’apprécie vraiment puisque tu te donnes la peine de le soutenir. »
« Non, euh — »
Mahiru avait fait un effort héroïque, mais à ce stade, c’était comme si elle se heurtait à un mur. Dès qu’elle avait mentionné le fait de visiter l’appartement d’Amane, de cuisiner là-bas et de s’asseoir à la même table que lui, l’éclat dans les yeux de Shihoko avait changé. La mère intrusive semblait de plus en plus déjantée aux yeux d’Amane.
Une fois que Shihoko était comme ça, il savait qu’il n’y avait rien à faire pour l’arrêter. La seule personne qui avait une chance de la stopper était son père, Shuuto.
« Shiina, abandonne. Ma mère n’écoute personne quand elle est dans cet état. »
« Vous ne pouvez pas être sérieuse… » Mahiru semblait extrêmement désemparée.
Amane réalisa qu’ils n’allaient pas avancer. Essayer d’expliquer la situation ne fonctionnait pas, et il ne pouvait clairement pas arrêter les spéculations folles de sa mère.
« De toute façon, mon Amane a eu de la chance de décrocher une si belle fille. Je suis surprise. »
Épuisé par les disputes et Mahiru n’ayant aucune idée de ce qu’il fallait faire, tous deux restèrent simplement silencieux.
Il est possible que la mère d’Amane ait pris leur silence soudain comme un signe d’accord, bien que Shihoko ait sans doute déjà supposé que leur embarras était preuve de ses soupçons. Elle regardait Mahiru avec une curiosité sauvage qu’elle ne s’efforçait même pas de cacher.
« Que penses-tu, Mahiru ? Mon Amane peut-il vraiment s’en sortir en vivant seul ? »
« Euh… Eh bien… » Balbutia Mahiru. « … Assez pour rester en vie… »
« Tu aurais simplement pu dire que je me débrouille ! » Intervint Amane.
« Je me souviens que l’endroit était plutôt en désordre. » Rappela Mahiru.
« Ne ramène pas ça. Je le garde propre maintenant, n’est-ce pas ? »
« Et je t’ai aidé à nettoyer tout ce temps, non ? »
« C’est vrai, et je t’en suis reconnaissant. » Admit Amane. « Tout, vraiment — la nourriture, le ménage, et tout le reste. » Mahiru était indéniablement la raison pour laquelle il avait pu vivre si confortablement, et il s’inclinerait devant elle sans hésitation. Il savait qu’elle n’en aurait pas fait autant si elle détestait cela, mais il s’efforçait toujours de lui faire savoir sa gratitude.
Comme on pouvait s’y attendre maintenant, la mère d’Amane interpréta l’échange d’une manière différente.
« Eh bien, Amane, donc ce n’était pas seulement le déjeuner d’aujourd’hui ! Mahiru a tout fait pour toi tout ce temps, petit enfant gaté. La façon dont vous vous parlez — on dirait que vous vivez déjà ensemble ! »
« Non ! Comment as-tu pu en arriver à cette conclusion ?! Nous vivons juste à côté l’un de l’autre ! » Répliqua Amane.
« Ah, c’était donc le destin ! N’est-ce pas merveilleux, Amane ? Tu m’as trouvé une si belle belle-fille. »
« Je ne nie pas qu’elle est belle et talentueuse, mais je suis totalement contre l’idée de parler de destin ou de quoi que ce soit ! »
« Ne trouves-tu pas ça plus romantique ainsi ? »
« Ce n’est pas ça qui me dérange ! Je te dis que nous n’avons pas du tout de relation romantique ! »
« Quelle persistance. » Clairement, Shihoko choisissait de croire qu’Amane était encore trop gêné pour admettre la vérité.
Le visage d’Amane se tordit en une grimace de plus en plus profonde, et il poussa un soupir lourd, le plus lourd des derniers mois. Il ne se rappelait pas combien de fois il avait souffert de l’imagination débordante de sa mère. Shihoko était vraiment le genre de femme qui faisait ce qu’elle voulait.
Quant à Mahiru, celle qui avait été prise au dépourvu par l’enthousiasme écrasant de Shihoko, elle ne pouvait faire autre chose que regarder d’un air désespéré d’un côté à l’autre de la pièce, d’Amane à sa mère, complètement désorientée.
« Mahiru, c’est probablement l’amour parental qui parle, mais mon Amane n’est pas très doué avec les mots, et il n’est pas très ouvert sur ses sentiments, mais il est fidèle et galant. Je dirais qu’il est plutôt un bon choix. De plus, il n’a aucune expérience avec les filles, donc tu pourras lui faire faire ce que tu veux. »
« Que diable dis-tu, maman ? Sérieusement, arrête. »
Cette dernière remarque surtout ne fait pas partie de ses affaires, pensa Amane avec colère.
« Je veux dire, c’est vrai, non ? Sinon, pourquoi n’as-tu jamais eu aucune autre petite amie ? Tu ressembles à ton père, donc je ne pense pas que ce soit à cause de ton apparence. Peut-être est-ce parce que tu es un peu immature ? »
« Occupe toi de tes oignons. »
« Tu devrais vraiment essayer de faire l’effort d’avoir l’air cool devant Mahiru, tu sais. »
« Je ne le ferai pas, et elle n’est pas intéressée non plus. » Protesta Amane.
« Oh, allez ! Chérie, tu peux l’entraîner pour qu’il corresponde à tes préférences, tu sais. Amane fait plutôt bien le ménage si tu lui apprends. »
Shihoko, souriante de toutes ses dents, frappa encore une fois la pauvre Mahiru, qui ne pouvait que lui offrir un sourire vague en retour. Même un ange ne pouvait pas répliquer dans une bataille comme celle-ci. La mère d’Amane était vraiment quelque chose d’autre.
« Maman, tu la déranges. S’il te plaît, rentre chez toi. »
« Comme tu as grandi, dire à ta mère de rentrer chez elle… »
« Je suis sérieux, s’il te plaît. Il est vraiment évident que tu la mets mal à l’aise. »
« Oh ? Est-ce vrai, Mahiru ? »
« Ne lui demande pas, elle dira sûrement juste ce que tu veux entendre. Juste cette fois, s’il te plaît, rentre chez toi. Tu pourras revenir une autre fois. »
« Eh bien, si tu insistes autant, je suppose que je comprends le message. Je vous ai effectivement interrompu alors que tu étais seul avec ta petite amie. Il est normal que tu sois contrarié de perdre ton temps seul. »
« Très bien, tu peux l’expliquer comme tu veux. Dépêche-toi juste de partir ! »
Amane en avait assez de se disputer avec sa mère, et toute cette situation devait également affecter Mahiru. Il se tourna et vit qu’elle avait aussi l’air épuisé.
En jurant intérieurement de lui montrer plus de reconnaissance plus tard, Amane éloigna sa mère, recevant en retour un regard de désapprobation acide. Néanmoins, Shihoko ne tenta pas de résister pour rester, donc au moins elle se souciait un peu de lui, bien qu’il fût évident que sa perception de la réalité était encore très différente.
« Ah, Mahiru, échangeons nos coordonnées, d’accord ? Je veux un rapport complet plus tard sur comment se porte Amane, entre autres choses. »
« Euh, d-d’accord… ? »
Dans une ultime tentative, Shihoko essaya de s’accrocher à nouveau. Emprisonnée dans l’élan puissant de la femme, Mahiru finit par échanger ses coordonnées avec elle. Désormais, la mère d’Amane pourrait la joindre directement. Cette pensée donna à Amane une envie de se prendre la tête.
Rayonnante, Shihoko saisit la main de Mahiru et rappela à la fille de veiller sur son fils. Amane résolut d’envoyer un message à son père plus tard, lui demandant de tenir Shihoko en laisse.
***
« Je suis épuisé… »
« Désolé, elle est comme un ouragan. »
Shihoko n’était pas restée très longtemps, mais elle avait laissé les deux complètement épuisés.
Après s’être affaissé sur le canapé, Amane enfouit sa tête dans ses mains et soupira profondément. Mahiru s’assit aussi avec précaution, mais sa posture habituellement parfaite était courbée et fatiguée. Amane avait pensé que l’ange pouvait supporter n’importe qui, mais même elle n’avait plus d’énergie après la rencontre avec sa mère. Il hésitait à essayer de s’excuser.
« Je n’avais vraiment pas envie de la laisser partir alors qu’elle pensait toujours qu’on sortait ensemble. » Admit Amane.
« Eh bien, il n’y a pas vraiment de mal… » Répondit Mahiru.
« Non, je pense qu’il y en a… Si elle se comportait comme ça, cela signifie probablement qu’elle t’apprécie… D’une manière ou d’une autre, elle va devenir un problème… »
C’était vraiment regrettable que cela impose un fardeau à Mahiru. L’amour de Shihoko pour tout ce qui est adorable, couplé à son erreur de prendre Mahiru pour la petite amie de son fils, signifiait presque certainement que la mère d’Amane trouverait de nouvelles façons de se mêler de ce qui ne la regardait pas dans les jours à venir. Des problèmes étaient à l’horizon.
« Shihoko tient vraiment beaucoup à toi, n’est-ce pas ? »
« C’est une manière agréable de le dire, mais parfois, elle refuse vraiment d’écouter… »
Plus qu’une parente trop affectueuse, Shihoko couvrait et idolâtrait Amane même s’il détestait cela. Il savait qu’il ne devait pas trop se plaindre, car c’était probablement en partie de sa faute, étant donné qu’il était un tel fainéant. Ce n’était pas comme s’il était ingrat pour tout ce que sa mère avait fourni, mais elle pouvait vraiment être un casse-pieds, et il souhaitait qu’elle lui laisse un peu plus d’espace.
« … Comme c’est agréable… » Murmura Mahiru timidement.
Amane la regarda. « Quoi ? »
« Ta mère est un sacré personnage, mais elle est aussi très gentille. »
« Cela signifie qu’elle est bruyante et adore se mêler de tout. »
« … Même ainsi, je trouve ça bien. »
Les mots de Mahiru n’étaient pas un compliment vide, elle semblait vraiment envieuse alors qu’elle marmonnait et détournait les yeux.
Une expression mélancolique était évidente sur le visage de la fille. Au point qu’Amane pensa qu’elle pourrait fondre en larmes au moindre geste. On pouvait clairement sentir à quel point elle était fragile en ce moment. C’était clairement plus que de la simple fatigue.
Mahiru devait avoir remarqué qu’Amane la regardait, car elle leva soudainement les yeux et força un petit sourire. Puis, aussi rapidement, elle retrouva son attitude habituelle et s’appuya contre le canapé, quelque chose qu’elle faisait rarement.
« Mahiru, hein ? » Dit-elle.
« … Que veux-tu dire tout à coup ? »
« Rien… Je pensais juste qu’il y avait longtemps que quelqu’un ne m’avait pas appelé par mon prénom. La plupart des gens m’appellent seulement par mon nom de famille. »
C’était assez surprenant de savoir que quelqu’un qui semblait aussi populaire que Mahiru n’avait en fait aucun ami assez proche pour l’appeler par son prénom. Tout le monde à l’école la voyait comme un ange parfait. Même les connaissances de Mahiru créaient probablement un certain degré de formalité avec elle, et personne n’avait le courage de vraiment la connaître. Beaucoup d’élèves ne l’appelaient que par un surnom que Mahiru n’aimait même pas.
« Eh bien, je suppose que si tu n’as pas d’amis proches, il ne te reste que tes parents, non ? » Demanda Amane.
« Mes parents ne parleraient jamais ainsi avec moi. Absolument pas. » La réponse de Mahiru était froide.
En la regardant, Amane vit que le visage de Mahiru était un masque d’expression. Elle ressemblait à une belle poupée, complètement dépourvue de sentiment. Cela ne dura cependant qu’une seconde, et le visage de Mahiru changea à nouveau lorsqu’elle remarqua qu’Amane la regardait. Ses sourcils se froncèrent, comme si elle était troublée par quelque chose.
« … De toute façon, cela n’arrive pas souvent. » Murmura-t-elle, avant de laisser échapper un soupir.
Amane se demandait depuis un moment si Mahiru avait une mauvaise relation avec ses parents. Il avait été assez facile d’imaginer qu’elle avait des problèmes à la maison à cause de son attitude glaciale chaque fois qu’il abordait le sujet. De plus, elle ne sortait jamais manger avec ses parents et détestait ses propres anniversaires, mais Amane n’aurait jamais pensé que les parents de Mahiru étaient si distants au point de ne même pas l’appeler par son prénom.
En repensant à la façon dont Mahiru avait discrètement dit qu’elle appréciait la personnalité de Shihoko, Amane se demandait comment l’ange devait se sentir à ce moment-là.
« Mahiru. » Assez soudainement, Amane prononça le mot. Il n’avait jamais appelé sa voisine par son prénom auparavant. La fille en question cligna des yeux. Elle avait l’air stupéfaite, et Amane pouvait voir qu’il l’avait prise au dépourvu. La surprise momentanée révéla une jeunesse que Mahiru gardait normalement cachée.
« C’est ton prénom. Quelqu’un devrait t’appeler ainsi. » Expliqua Amane.
« … Je suppose que tu as raison. » Répondit Mahiru de manière abrupte. Quelques instants plus tard, un petit sourire apparut. La poitrine d’Amane se mit à battre en voyant cela.
« … Amane. »
Quand il entendit sa petite voix prononcer son propre prénom, le battement se transforma en tempête. Peut-être était-ce parce que, jusqu’à un moment, c’était sa mère qui l’appelait par son prénom, mais quand Mahiru l’appela par son prénom en face-à-face, il sentit l’agitation impatiente dans sa poitrine se déchaîner.
« Ne m’appelle pas comme ça dehors, d’accord ? » Rappela Mahiru.
« … Je n’avais déjà pas l’intention de le faire. Ça vaut pour toi aussi. Ne fais pas d’erreur dehors. »
« Entendu. C’est notre secret, d’accord ? »
Amane ne pouvait se résoudre à regarder directement Mahiru, alors qu’elle souriait encore un peu. En détournant le regard, il répondit positivement et se déplaça dans son siège, se tournant pour échapper au sourire de l’ange.
Bien que l’invasion de Shihoko ce samedi ait été un cauchemar, rien de bien important n’avait changé à part la façon dont Amane et Mahiru se référaient l’un à l’autre.
Ils n’étaient pas soudainement devenus beaucoup plus proches. Se parler un peu plus directement n’était pas une grande affaire. Au mieux, peut-être que l’attitude de Mahiru s’était légèrement adoucie, mais c’était tout.
« … Euh, Amane ? »
Mahiru était venue plus tôt que d’habitude pour le dîner dimanche, peut-être un peu inquiète, car elle avait l’air troublée.
Amane était heureux de la laisser entrer, mais il était confus par son attitude étrange. Il avait pensé que peut-être utiliser leurs prénoms ne lui convenait pas après tout, mais quand le moment était venu, elle avait dit son prénom sans hésitation, donc il devait y avoir autre chose qui la dérangeait.
Pour l’instant, ils s’assirent ensemble sur le canapé, et alors qu’il attendait de voir ce que Mahiru allait faire, elle sortit un mouchoir de la poche de sa jupe.
Mahiru déplia le mouchoir soigneusement plié pour révéler une clé en argent ternie. Cela devait être celle qu’il lui avait donnée la veille.
« Je te rends ta clé de rechange. Finalement, je n’ai jamais eu l’occasion de l’utiliser, et puis j’ai oublié de te la rendre. Je suis vraiment désolée pour ça. »
« Je vois. »
Il semblait que Mahiru n’avait pas pu se reposer tant qu’elle n’avait pas rendu la clé. Satisfait de comprendre la raison de son comportement étrange, Amane regarda le morceau de métal reposant sur le mouchoir.
En y réfléchissant, Mahiru venait presque chaque soir chez lui pour préparer le dîner. En général, il l’accueillait à la porte, mais parfois, il lui fallait un certain temps pour venir ouvrir. Il y avait même eu des fois où Mahiru avait dû attendre parce qu’il n’était pas chez lui. Cela devait être inconfortable pour elle d’attendre dehors, surtout pendant ces mois, plus froids. Quelque part, Amane avait entendu dire que le temps froid était le pire ennemi des filles, et maintenant qu’il y pensait, il n’aurait pas été très heureux d’attendre dans le froid non plus, si la situation avait été inversée.
Comme Mahiru venait pratiquement tous les jours, il se demandait s’il ne serait pas plus simple pour elle d’avoir une clé pour entrer.
« C’est bon, je pense que tu devrais la garder. » Dit-il.
« Hein ? »
« Tu pourras me la rendre quand nous arrêterons de passer du temps ensemble. »
Cela semblait parfaitement raisonnable pour Amane. Maintenant que Mahiru avait la clé, autant qu’elle la garde — mais elle ne semblait pas convaincue.
« M-mais… »
« Je veux dire, aller à la porte chaque fois que tu viens est un peu casse-tête. »
« Ah, donc c’est ça le problème. »
« Je doute que tu vas en abuser ou quoi que ce soit. »
« Eh bien, c’est vrai, mais… »
Amane avait partagé des repas avec Mahiru pendant plus d’un mois maintenant, et il pensait la connaître assez bien. Elle était raisonnable, attentionnée et gentille. Il était certain qu’elle ne donnerait jamais la clé à quelqu’un d’autre ou ne ferait quoi que ce soit en son absence. S’il y avait quelqu’un en qui il pouvait avoir confiance, c’était Mahiru.
« De plus, tu dois trouver cela pénible de devoir sonner et attendre dehors tout le temps. » Dit Amane.
« Même si c’est le cas, je trouve que tu es un peu négligent. »
« Mais je te la donne parce que je te fais confiance. »
À ces mots, les yeux de Mahiru s’ouvrirent grand, et elle chercha ses mots.
La vérité était qu’Amane avait seulement voulu lui donner la clé pour se faciliter la vie, mais si elle détestait vraiment l’idée, il était prêt à faire marche arrière.
Quant à Mahiru, elle regarda fixement Amane et la clé pendant quelques instants, puis laissa finalement échapper un soupir léger.
« … Compris. Je vais la garder. »
« Mm. »
« Tu sais, je ne suis jamais sûre de savoir si quelque chose est important à tes yeux, ou si tu ne t’en soucies pas vraiment, Amane. » Lança Mahiru sur un ton légèrement piquant. Elle avait l’air exaspérée, et Amane ne put que sourire, légèrement.
« Ça me va bien, tu ne trouves pas ? »
« Tu ne devrais pas dire des choses comme ça sur toi-même. » Réprimanda Mahiru.
Le sourire d’Amane s’élargit. Mahiru semblait de plus en plus à l’aise avec ce genre d’échanges légers. Ils étaient maintenant sur une base de prénoms, bien sûr. Il aurait été étrange qu’ils n’aient pas développé une certaine complicité. Bien que les yeux de Mahiru soient encore pleins d’exaspération, comme pour dire qu’Amane était vraiment un cas désespéré, son regard n’était pas froid. En fait, il y avait une chaleur perceptible. Elle comprenait qu’Amane plaisantait simplement.
« Très bien, alors, je n’hésiterai pas à l’utiliser. Je pourrais même faire quelque chose dans ton appartement sans te le dire. »
« Comme quoi ? »
« … Comme… un nettoyage surprise ! »
« Je te serais reconnaissant pour ça. »
« … Ou alors, si ton réfrigérateur était soudainement plein de nourriture ? »
« Ce serait plus facile pour le petit-déjeuner, et nous aurions plus d’options pour le dîner aussi. »
L’idée de farce de Mahiru avait clairement besoin d’un peu de travail. Amane aurait été heureux de souffrir de l’une de ses suggestions. Qu’elle ne puisse même pas inventer une véritable menace, même en essayant vraiment, ne faisait que rappeler à Amane la nature douce de Mahiru. C’était assez charmant et lui tirait un sourire.
« Es-tu sûr que tu ne te moques pas de moi ? » Mahiru avait l’air prête à faire la moue, ce qui aurait été mignon en soi, mais Amane ne voulait pas contrarier Mahiru davantage.
Réprimant le sourire qui menaçait d’éclater, Amane dit, « Bien sûr que non. »