Traducteur: TheCounterspell
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Le lendemain, Lith était heureux et détendu. Il fredonnait tout le temps pendant qu’il nettoyait la maison et préparait le petit déjeuner, réchauffant les pâtisseries pour leur faire retrouver un peu de leur parfum.
La longue permanence dans le manoir du comte lui avait prouvé à quel point il était stressant d’être constamment obligé de cacher ses compétences et ses pouvoirs. Être né dans un village reculé, où personne ne connaissait rien à la magie, était une bénédiction déguisée.
Il s’était trop habitué à la liberté et à l’isolement que lui garantissait la vie dans une ferme, au point que se retenir et faire constamment semblant d’utiliser de la fausse magie pendant une période prolongée s’apparentait à de la torture pour lui.
Après une longue discussion avec Solus sur le problème, ils avaient décidé que trouver un moyen d’éviter de fréquenter une académie de magie était la meilleure solution.
Selon les annuaires de magie qu’il avait lus ces dernières semaines, il était possible de devenir membre de l’Association de magie même en étant scolarisé à domicile. Il fallait juste passer une session d’examen plus longue et plus difficile.
La plus grande différence entre un élève scolarisé à domicile et un diplômé de l’académie de magie n’était qu’une question de renommée et de prestige.
En étant admis et en passant avec succès les tests conçus par des magiciens célèbres et talentueux, l’étudiant était assuré d’avoir plus de facilité dans la voie qu’il avait choisie.
Un élève scolarisé à domicile, au contraire, quel que soit le score qu’il pouvait obtenir, serait toujours considéré comme un magicien véreux sans références. Il devrait d’abord faire ses preuves, soit en effectuant un service militaire volontaire, soit en devenant un aventurier.
L’obtention de mérites était le seul moyen pour un magicien véreux d’avoir accès à un emploi prestigieux et bien rémunéré. Lith n’avait que faire de tout cela, il voulait juste développer ses pouvoirs, en restant à l’écart des projecteurs jusqu’à ses seize ans.
À ce moment-là, il serait considéré comme un adulte et pourrait enfin quitter Lutia pour commencer à explorer le monde et chercher une solution à son problème de réincarnation.
Si la mort véritable s’avérait impossible, il devrait trouver une solution de rechange, soit en devenant immortel, soit en liant son âme à son monde actuel.
Ce serait le pire des scénarios, mais au moins, s’il mourait, il renaîtrait avec toutes ses connaissances magiques et aurait Solus à ses côtés.
Grâce à l’argent que lui versait le comte pour avoir sauvé sa famille, Lith n’avait pas besoin de continuer à travailler comme guérisseur. Ce n’est que lorsque Nana faisait des visites à domicile ou s’absentait pour des raisons personnelles qu’il prenait sa place dans le bureau de la maison.
De nombreux agriculteurs comptaient sur sa présence et ses prix réduits pour s’offrir tous les soins médicaux dont ils avaient besoin. Les tarifs habituels de Nana étaient trop chers pour eux.
Ce n’est pas parce qu’il n’avait pas besoin d’un revenu supplémentaire pour le moment qu’il avait déjà oublié combien il était difficile pour une famille d’être obligée de voir un de ses proches souffrir, l’impuissance ressentie lorsque l’argent dictait la différence entre vivre et survivre à peine.
Lith passait la plupart de ses matinées à explorer la bibliothèque du comte, à la recherche de tomes à emprunter.
C’était une pièce deux fois plus grande que sa maison, d’au moins cent mètres carrés, située dans un coin du bâtiment principal.
Les côtés ouest et nord de la pièce comportaient tous deux d’immenses fenêtres, disposées de telle sorte que le soleil parvenait à l’éclairer parfaitement jusqu’au crépuscule.
Les étagères étaient placées d’un mur à l’autre, parallèlement les unes aux autres, et espacées de manière à éviter le ridicule effet domino au cas où l’une d’elles tomberait, créant ainsi quatre couloirs. Au centre de la pièce, il y avait un luxueux bureau et quelques fauteuils.
Les livres couvraient tous les sujets, pas seulement la magie. C’était la somme de toutes les connaissances que le comte avait accumulées au fil des ans. Chaque fois que Lith rentrait de la bibliothèque, il ramenait un petit coffre rempli de mets délicats.
Hilya ne le laissait jamais repartir les mains vides.
Le premier livre que Lith avait pris était le règlement de l’Académie du Griffon de la Foudre. Avec des informations inutiles, comme comment soumettre sa candidature et quels étaient les tests d’admission les plus courants, il trouva une réponse à une vieille question.
L’académie durerait cinq ans, et chaque année l’étudiant devrait prouver un niveau croissant de maîtrise de la magie. La première année nécessitait l’apprentissage d’au moins vingt sorts de niveau un, la deuxième trente de niveau deux, et ainsi de suite.
« C’est donc pour cela que les sorts sont divisés en niveaux. C’est pour identifier le niveau de compétence du magico par rapport au cours académique officiel. »
Les paliers de un à trois étaient composés de sorts simples avec un seul effet. Le niveau trois était fondamentalement le même que le niveau un, mais beaucoup plus puissant et avec des exigences plus élevées en termes de talent et de compétences.
A partir du niveau quatre, les effets étaient beaucoup plus compliqués, comme lorsque Lith tissait ensemble différents sorts avec de la vraie magie. Les niveaux quatre et cinq, d’après ce qu’il avait pu trouver, semblaient être très similaires à la vraie magie.
‘C’est probablement la raison pour laquel la plupart des mages n’apprennent jamais la vérité sur la magie. Une fois qu’ils pensent avoir atteint le pinacle, ils cessent tout simplement de se poser des questions. Ils accordent trop d’attention à la destination et trop peu au voyage lui-même.’
En dehors de la magie, Lith était également accablé par un problème personnel ennuyeux. Après avoir vu sa famille, le comte le suppliait quotidiennement d’aider sa fille à se débarrasser de son acné.
« S’il te plaît, le Bal des Débutantes est le moment où une jeune noble est présentée à la société en tant qu’adulte, en présence de la Cour du Roi. C’est un événement très important qui peut affecter sa vie entière.
Cela peut changer non seulement ses chances de trouver un bon mari, mais elle peut aussi être choisie par la reine comme son assistante personnelle ou même une dame d’honneur. »
Ce n’est pas que Lith ne comprenait pas, de tels événements avaient aussi existé sur Terre. C’est plutôt qu’il s’en fichait un peu. Il croyait fermement qu’une seule personne pouvait garder un secret. Deux, c’était un risque, trois, une foule entière. Ajouter une quatrième personne n’était pas vraiment à son goût.
« Solus, que penses-tu que je doive faire ? Le comte a fait et fait encore tellement pour moi. Un passage en force serait extrêmement impoli de ma part. En même temps, je ne sais pas si je peux faire confiance à Keyla, vu qu’elle est une adolescente. »
« Je dirais qu’il faut la jouer fine. Nana est restée très vague sur ce que tu a fait, et le comte n’a aucune idée de l’avant et de l’après, puisqu’il n’a vu ta famille qu’après le traitement.
Explique à Keyla les dangers auxquels tu t’exposez en l’aidant, et quand tu sera sûr qu’elle a compris, ne soigne que son acné, rien de plus. Cela minimisera les risques.
Le fait que tu lui ai sauvé la vie devrait compter pour elle. Sans compter qu’après ce que sa mère a fait subir à Keyla, elle ne devrait plus être aussi naïve. Elle sait ce que c’est que de vivre sous une épée de Damoclès. »
Suivant les conseils de Solus, Lith et le comte lui ont expliqué toutes les conséquences possibles d’un bris de confiance, tant pour Lith que pour sa famille.
Keyla était une fille intelligente, elle s’est donc sentie un peu offensée de recevoir des avertissements aussi évidents.
« Tout d’abord, je te remercie de ta confiance. Tu m’as déjà sauvé la vie, et maintenant tu es prêt à risquer ta propre sécurité pour sauver aussi ma vie sociale. C’est une dette que je ne pourrai jamais rembourser entièrement.
Deuxièmement, tu n’a aucune raison de t’inquiéter pour mon silence. Un avantage est appelé un avantage lorsqu’on est le seul à l’avoir. Je préférerais me couper la langue plutôt que de permettre à mes concurrentes de mettre la main sur quelque chose comme ça. »
« Sans vouloir t’offenser, papa, je sais trop bien que nous ne sommes que des nobles à la petite semaine dans un comté paumé. J’ai besoin de toute l’aide que je peux obtenir. Même sans acné, avec notre statut et notre richesse, nous sommes encore loin derrière les grandes familles nobles. »
Lith choisi de jouer la sécurité, en faisant durer le processus pendant des semaines au lieu de quelques secondes, afin que son traitement de la peau passe inaperçu.
Ils ont gardé Jadon dans l’ignorance, et il n’a remarqué les changements que lorsque sa peau est devenue lisse et son maquillage beaucoup plus clair.
Grâce à Solus, il a pu également surveiller le personnel féminin, et vu qu’elles n’avaient rien remarqué d’étrange, Lith pu enfin soupirer de soulagement.
À ce moment-là, le manoir du comte avait retrouvé tout son personnel, et toute la maison était occupée à préparer une grande fête. Le comte voulait célébrer deux heureux événements.
Le premier était l’annulation, tandis que le second avait été quelque chose de complètement inattendu. Sur la base de son arrangement prénuptial, la Couronne avait décidé de lui céder toutes les terres et les rentes des Ghishals après leur disparition prématurée.
Malheureusement, il voulait que Lith soit présent, pour le présenter à toute la noblesse voisine.
« C’est vraiment important pour toi, j’ai réussi à faire venir même la marquise Mirim Distar. Elle est pour moi ce que je suis pour tous les barons et baronnets du comté. Son marquisat englobe toute la région et ses comtés.
Si tu le peux, prépare un bon cadeau pour elle. La seule suggestion que je peux te faire est de préparer quelque chose de tes mains, ou mieux encore, avec ta magie ! »
Lith n’était ni impressionné ni intéressé, mais devant vivre encore huit ans dans le Comté de Lustria, il ne pouvait que se résigner et avancer. Faire un cadeau pour une femme était déjà difficile, en faire un pour quelqu’un de bien plus riche que lui était un défi.
« Est-ce qu’elle aime les jeux ? »
« Oui, elle aime toutes sortes de jeux de stratégie. C’est une femme intelligente et rusée. Si jamais il y a une guerre, que les dieux nous protègent, elle ferait un excellent général. »
« Et je suppose qu’elle est à la tête de la famille Distar, non ? »
« Encore une fois, c’est exact. Son époux s’est marié dans sa famille. Il est comme un prince consort, son titre de Marquis est purement nominal. Ne me dit pas que tu a déjà quelque chose en tête ? »
Lith acquiesça et partit, très triste à l’idée de perdre tout un après-midi et une soirée à faire tapisserie.
Son destin était semblable à celui du cadavre de Gerda, quelque chose à montrer et à vanter, avant de l’oublier complètement et de passer au prochain commérage.