Supreme Magus Chapitre 220

Traducteur: TheCounterspell
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Royaume du Griffon, donjon souterrain de Tyris.

“S’il vous plaît, dites-moi que vous avez trouvé le temps d’aller vérifier l’anomalie cette fois-ci.”

Leegaain brûlait de curiosité.

“Oui, je l’ai fait. Tyris acquiesça sans quitter des yeux les archives des dix dernières années. Elle enquêtait sur ceux qui avaient accès aux vestiges de la Folie d’Arthan, dans l’espoir de trouver un indice sur le cerveau à l’origine de la menace de l’Abomination.

“Il n’y avait rien de spécial. C’était un hybride Abomination humain mâle, comme nous l’avions senti la première fois. La seule chose étrange est qu’il a subi une tribulation similaire à la nôtre. Le second test portait sur le contrôle de soi, comme pour les bêtes évoluées.”

“Que s’est-il passé ensuite ?” Leegaain était impatient d’entendre toute l’histoire.

“Je ne sais pas.” Elle haussa les épaules. “Je suis partie alors qu’il était en pleine tentative de suicide. Il a choisi d’échanger sa vie pour sauver quelqu’un de la mort. Je n’ai pas de temps à perdre avec les petites choses. Il a échoué à la tribulation ou il a réussi à sauver son ami, dans tous les cas il est mort maintenant.”

“Quoi ?” Leegaain sursauta de surprise, l’impact combiné de ses quatre griffes sur le sol envoya une petite secousse dans le château de l’Empire Gorgon. Ses habitants furent pris de panique, car les châteaux flottants n’étaient pas censés être affectés par les tremblements de terre.

“Tyris, mon vieil ami, après avoir entendu tes paroles, j’ai presque envie de diriger un pays pour la première fois de ma longue vie. Il semble qu’entre les guerres civiles, les pestes, les dieux de la mort et les conflits internes entre les nobles et la Couronne, votre vie doit être vraiment passionnante.

“Sinon, comment diable pourriez-vous balayer du revers de la main l’existence d’une nouvelle forme de vie qui a déjà subi deux tribulations en si peu de temps ? Et s’il a survécu ? Et s’il n’était pas un Gardien, mais quelque chose d’autre ?

“Très peu d’êtres parviennent à passer la deuxième tribulation. Maîtriser ses propres désirs est l’une des choses les plus difficiles à faire. Il est probable que nous ayons sur les bras un être capable de se ranger du côté des Abominations et de rompre définitivement l’équilibre.

“Si l’anomalie est encore en vie, nous devons absolument surveiller ses prochaines tribulations pour comprendre ce qui se passe. Un Gardien humain serait déjà une nouvelle assez choquante, sans parler d’un hybride !”

Tyris se figea une seconde. En dehors de ses blagues stupides, les mots de Leegaain avaient toujours une grande signification.

“Tu as peut-être raison.” Elle répondit en essayant de couvrir sa bévue.

“Je crois me souvenir qu’il portait l’uniforme de l’académie du Griffon blanc. Je vais envoyer quelqu’un pour le surveiller afin que, si tes craintes se confirment, nous puissions l’éliminer avant qu’il ne devienne trop dangereux.”

***

Les jours suivants, la vie fut mouvementée pour la plupart des hauts responsables du Royaume du Griffon. D’innombrables éclaireurs furent envoyés dans le Désert de Sang à la recherche de Balkor. Le tuer était le moyen le plus sûr d’empêcher la prochaine attaque.

Les alchimistes de l’Association des Mages avaient du mal à étudier les toxines extraites des morts-vivants. Chaque année, le dieu de la mort les rendait plus complexes et plus difficiles à nettoyer. S’ils ne parvenaient pas à le suivre, leurs antidotes deviendraient inutiles.

Cette fois-ci, les Guérisseurs avaient recueilli un grand nombre d’échantillons de tissus sur les morts-vivants capturés. Cela leur avait permis de découvrir des fragments d’Abomination mélangés à la chair, ce qui avait provoqué un tollé dans le domaine de la recherche. Jusqu’alors, les Abominations étaient simplement considérées comme une autre espèce de monstres, une évolution tordue des bêtes magiques.

Cependant, grâce aux efforts de Balkor pour les stabiliser et à l’expérience de dix ans des Guérisseurs royaux dans la préservation des échantillons, les scientifiques humains parvinrent à mieux comprendre leur nature.

La recherche sur les abominations est devenue la priorité absolue. Elles aideraient les gardiens à créer de nouveaux réseaux défensifs capables d’affaiblir, voire de tuer, les thralls de Balkor.

Les quatre autres des six grandes académies avaient désespérément besoin de personnel. Entre les blessés, les morts et ceux qui avaient démissionné pour trouver un travail moins dangereux, comme chasser des dragons ou désamorcer des réseaux explosifs, de nombreuses classes étaient laissées à l’abandon.

Avec l’ombre de Balkor, être professeur dans une académie n’était plus un poste prestigieux, mais plutôt une condamnation à mort.

Parmi les directeurs, Linjos avait une fois de plus eu la vie dure. Non seulement il devait trouver des mages de confiance pour remplacer les professeurs qu’il avait perdus lors de l’attaque, mais il était constamment importuné par les autres directeurs.

Son plan avait sauvé leurs académies, leurs carrières et surtout leurs vies.

Ils ne le considéraient plus comme un jeune morveux arrogant qui était devenu le plus jeune directeur de l’histoire uniquement parce qu’il était le nouveau projet de la reine. Ils reconnaissaient enfin sa valeur et la brillance de son esprit.

Ils étaient prêts à mettre de côté leur fierté et leurs vieilles habitudes, et demandaient souvent à Linjos de les conseiller sur les personnes à engager et sur la façon d’améliorer leurs académies.

Il était vraiment flatté par toutes ces attentions, mais il était obligé de passer la moitié de son temps à s’occuper de leurs académies au lieu de la sienne. Pourtant, Linjos ne pouvait que faire la grimace, car il savait qu’il s’agissait d’une occasion unique.

S’il parvenait à obtenir leur confiance et leur coopération, le système des académies pourrait enfin être modifié pour de bon. Une fois que le Conseil des directeurs aurait pris une décision, les nobles ne pourraient que s’y conformer.

Cela résoudrait l’un des problèmes les plus urgents auxquels le royaume était confronté depuis des années. Bien sûr, il faudrait encore des décennies pour régler tous les détails et gagner suffisamment d’anciennes familles nobles pour éviter d’autres sabotages, mais ce serait déjà un bon début.

***

Maison Ernas, cinq jours après l’attaque

L’état de Lith s’améliore de jour en jour. La fièvre avait disparu et grâce aux soins constants qu’il recevait de sa famille et de Solus, son corps ratatiné reprenait peu à peu son aspect normal.

Pourtant, il avait toujours l’air d’un vieil homme et ne donnait aucun signe de vouloir se réveiller de sitôt. Jirni s’est révélée être une hôte extraordinaire, offrant à la famille de Lith les meilleures chambres et tout ce dont ils pouvaient avoir besoin.

Elle avait pris son temps, leur faisant visiter la maison petit à petit et leur racontant son histoire.

Phloria passait beaucoup de temps avec Rena et Tista, car soit elles l’aidaient à s’occuper de Lith, soit elles l’obligeaient à faire une pause et à se reposer pendant qu’Elina et Friya la soulageaient.

Lorsque Lith reprit ses esprits dans l’après-midi, il était déjà au courant de son échec. Son dernier souvenir avant de s’évanouir était le noyau encore fissuré de Protecteur. Même brûler sa force vitale n’avait pas suffi à réparer des dégâts aussi importants, alors que son propre noyau était déjà en ébullition et que son corps était au bord de l’effondrement.

Pourtant, il devait demander.

– “Solus, est-ce que le Protecteur…”

“Oui, il est parti.” Elle répondit, évitant soigneusement de lui mentir. “Je suis vraiment désolée pour ta perte.” Elle pleura en se rappelant les paroles de Protecteur. Elle devait trouver un moyen de les transmettre à Lith.

“Je le savais. J’ai beau travailler, j’ai beau essayer, j’échoue toujours quand ça compte vraiment.”- Des larmes coulaient sur ses joues, elles étaient le premier signe de vie depuis plus de cinq jours.

“Lith, tu es réveillé ?” En temps normal, il aurait été surpris d’entendre la voix de Phloria, mais là, il était trop fatigué pour s’en soucier. Son esprit ne cessait de repasser les derniers instants de vie de Protecteur. Le chagrin le submergeait à nouveau, lui donnant l’impression que son cœur était pris dans un étau.

“Oui.” Lith était incapable de reconnaître sa propre voix. Elle était rauque et faible, comme un sifflement. Il essaya de se lever, mais ses bras étaient trop faibles pour cela. Il faillit s’évanouir de surmenage.

Lith prit une grande inspiration, mais c’était trop pour son état actuel. Il sentit ses poumons brûler et toussa de façon incontrôlée. Il entendit les pas de quelqu’un qui courait et sentit que quelqu’un l’aidait à s’allonger confortablement.

Lith reconnut l’odeur de Tista dès qu’elle s’approcha.

“Ne t’acharne pas, petit frère. Ton état s’améliore de jour en jour, mais tu dois te reposer. Papa va bientôt arriver.”

Lith était trop triste pour demander pourquoi Phloria se trouvait dans leur maison, ou ce qui lui était arrivé. La seule chose à laquelle il pensait était de trouver un moyen de faire cesser la douleur. Depuis sa renaissance, il avait fait en sorte de contrôler tout et tout le monde.

Il savait qu’il ne pourrait pas supporter à nouveau ce qui était arrivé à Carl. Sa soif inextinguible de pouvoir avait commencé comme un moyen d’échapper à la folie que représentait son cycle de mort et de renaissance.

Avec le temps, l’amour qu’il avait développé pour sa famille l’avait transformé en un moyen de créer un petit écosystème où il était dieu et où tous ceux qu’il aimait étaient en sécurité.

Il s’était d’abord occupé de la faim, puis avait guéri Tista et s’était débarrassé de toutes les menaces que le nouveau monde faisait peser sur sa famille. Bêtes magiques, criminels recherchés, abominations, il les avait tous éliminés, définitivement.

À chaque succès, Lith avait pris confiance en son plan, jusqu’à ce qu’il parvienne à se rassurer en se disant que, tant qu’il suivrait ce schéma, tout irait bien.

La mort de Protecteur avait réduit cette illusion à néant, brisant les croyances sur lesquelles il avait basé toute son existence jusqu’alors.

Il continua à pleurer, non seulement pour Protecteur, mais aussi pour lui-même.

– Si quelqu’un d’aussi fort que Ryman est mort si facilement, je ne peux pas assurer la sécurité de ma famille. Ils sont tous si faibles. Ce n’est qu’une question de temps avant que je ne les perde tous. Quel est l’intérêt d’essayer si fort si je suis destiné à échouer ? Quoi que je fasse, je ne peux que retarder l’inévitable.

Ses pleurs et sanglots incessants n’étaient interrompus que par la toux.

Raaz arriva à son chevet, le serrant contre sa poitrine pour le calmer.

“Est-ce que ça fait si mal ? Veux-tu des médicaments contre la douleur ? S’il te plaît, parle-moi. Dis-moi ce qui ne va pas.

Il retenait ses larmes. Raaz n’avait jamais vu Lith aussi faible, physiquement et mentalement. Il craignait que son état ne soit encore plus grave qu’il n’y paraissait, mais il ne savait pas quoi faire.

C’était la première fois que son fils avait besoin de son aide, mais Raaz se sentait complètement inutile. La seule chose qu’il pouvait faire était de rester fort devant lui. Il ne voulait pas s’ajouter à la liste des soucis de Lith.

“Ce n’est pas mon corps qui me fait mal, papa. C’est la perte. Mon seul véritable ami est mort aujourd’hui.”

Phloria se sentit blessée par ces mots, mais elle garda le silence. La relation entre Lith et le monstre évolué semblait être profonde et il était clairement confus, croyant qu’on était encore au deuxième jour de l’attaque.

Avant que son cerveau ne réalise ce qu’il était en train de faire, Lith laissa tout sortir. Il raconta à Raaz comment lui et Protecteur s’étaient battus quand il avait encore quatre ans, comment ils étaient devenus amis quand il avait huit ans après avoir tué Gerda, et comment, à partir de ce moment-là, ils avaient passé de plus en plus de temps ensemble.

Il lui raconta comment Protecteur lui avait appris à devenir un meilleur chasseur, toutes les créatures qu’ils avaient combattues ensemble pour garder les bois de Trawn et leurs familles en sécurité jusqu’à ce que Lith rejoigne l’académie.

Même s’il avait réussi à laisser Solus et les Éveillés en dehors de son histoire, chaque souvenir qu’il partageait aggravait la douleur. Lith remettait en question tout ce qu’il avait fait pour et avec le Protecteur.

“Lorsque nous nous sommes rencontrés, je pensais simplement le transformer en fourrure chaude pour l’hiver. Après qu’il ait tenté de se lier d’amitié avec moi, je l’ai rabaissé, ne le considérant que comme un moyen d’arriver à mes fins. J’ai exploité sa gentillesse pour apporter de la nourriture à notre table et assurer la sécurité de notre famille.

“Lorsque j’ai compris qu’il était bien plus qu’un outil, je ne lui ai jamais dit à quel point il était important pour moi. Combien il était précieux d’avoir quelqu’un avec qui je pouvais partager mon fardeau, quelqu’un à qui je pouvais parler de toutes les choses que je devais te cacher, à toi et à maman, pour que tu ne t’inquiètes pas.

“Maintenant, il est trop tard. Je l’ai laissé tomber la seule fois où il avait besoin de moi et maintenant il est mort. Tout est de ma faute. Il n’aurait pas quitté les bois de Trawn si je ne lui avais pas parlé de l’académie.

“Il ne serait pas mort si je n’avais pas été trop faible pour le sauver. Il ne saura jamais à quel point je suis désolée de tout le mal que j’ai pensé de lui et à quel point sa rencontre a changé ma vie. Tout cela est arrivé à cause de ma faiblesse et de ma lâcheté.

C’est moi qui devrais mourir.”

Lith était incapable d’accepter que certaines choses étaient inévitables, que la vie n’était pas un jeu où il pouvait sauvegarder et charger jusqu’à ce qu’il obtienne le résultat désiré. Il avait besoin d’un coupable et son premier choix était lui-même.

Toutes les personnes présentes dans la salle sont choquées jusqu’à l’os. Les événements que Lith considérait comme de bons souvenirs étaient le pire cauchemar d’un parent. Il avait candidement avoué comment il avait mis sa vie en danger à maintes reprises, révélant que la richesse de sa famille avait été bâtie sur un tas de mensonges et d’os.