Traducteur : linkfet
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« Amane, tes reniflements sont agaçants. »
« C’est toi qui es agaçant. »
Le lendemain, c’est Amane qui se retrouva avec un rhume.
Comme son camarade de classe et bon ami Itsuki Akazawa l’avait souligné, Amane essayait en vain de tout renifler. Mais lorsqu’il tentait d’expirer, cela produisait un horrible bruit mouillé.
Amane n’était pas sûr si c’était à cause de son nez bouché ou du rhume lui-même, mais une douleur lancinante se répandait à l’arrière de sa tête. Il avait pris des médicaments, mais cela ne soulageait en rien ses symptômes. Vraiment, Amane avait l’air pitoyable. Son visage congestionné se tordait d’une détresse nasale alors qu’il se familiarisait avec un mouchoir.
Itsuki le regardait, non pas avec inquiétude, mais avec exaspération.
« Tu allais bien hier, mec. »
« J’ai été surpris par la pluie. »
« Allez, courage. Attends, t’avais pas un parapluie hier ? »
« … Je l’ai donné à quelqu’un. »
Bien entendu, Amane ne pouvait pas admettre ouvertement à l’école qu’il l’avait donné à Mahiru, alors il restait vague.
D’ailleurs, il avait aperçu Mahiru plus tôt dans la journée. Elle avait l’air plutôt en forme, pas du tout malade. Amane ne put s’empêcher de rire. Les rôles s’étaient complètement inversés. C’était de sa faute — il avait négligé de se réchauffer dans le bain en rentrant chez lui.
« Tu ne penses pas que t’as été un peu trop gentil en prêtant ton parapluie alors qu’il pleuvait des cordes ? »
« Pas vraiment. Même si c’était le cas, ça ne sert à rien de se plaindre maintenant. »
« Et à qui tu l’as donné, d’ailleurs ? Qui valait la peine de choper un rhume ? »
« … Une… Petite-fille perdue ? »
On peut difficilement l’appeler petite fille avec ce corps… Enfin, mis à part le fait qu’on ait le même âge. Quoique, son visage avait vraiment l’air perdu…
Quelque chose fit tilt quand Amane repensa à cette rencontre inhabituelle. Son expression était exactement celle d’un enfant perdu cherchant son parent.
« Eh bien, quel gentil et honorable gentleman tu fais ! » Itsuki riait, ignorant les sentiments qui bouillonnaient dans la poitrine d’Amane en se rappelant sa rencontre avec Mahiru la veille. « Mais tu sais, même si tu prêtes ton parapluie ou quoi, je parie que ton vrai problème, c’est que t’as eu la flemme de te réchauffer après. C’est pour ça que t’es en train de crever. »
« … Comment tu sais ça ? » Répliqua Amane.
« Bah, tu ne prends pas vraiment soin de toi. C’était évident dès que j’ai vu ton appart. C’est pour ça que t’as chopé la crève, crétin. »
Amane ne pouvait pas vraiment contredire les taquineries amicales d’Itsuki. Il est vrai qu’il n’avait pas le mode de vie le plus sain. Pour développer, il était mauvais pour garder les choses en ordre, et sa chambre était toujours un vrai bazar. De plus, il subsistait grâce à des repas de supermarché et des compléments alimentaires. Le seul moment où il mangeait un repas décent, c’était lorsqu’il sortait manger, ce qui arrivait rarement. Itsuki s’énervait souvent contre lui, lui demandant comment il pouvait vivre ainsi.
Sachant que son ami avait de telles habitudes, Itsuki n’était pas du tout surpris qu’Amane ait attrapé un rhume pendant la nuit.
« Tu devrais rentrer directement chez toi aujourd’hui et te reposer. Demain, c’est samedi, alors concentre-toi sur ton rhume pour aller mieux. » Conseilla Itsuki.
« Je vais le faire… » Répondit Amane.
« Si seulement t’avais une gentille fille pour te soigner comme moi. » Les lèvres d’Itsuki se retroussèrent en un léger sourire vantard.
« Ta gueule. J’ai pas besoin d’entendre ça d’un mec qui a déjà une copine. » Amane repoussa la boîte de mouchoirs devant lui d’un revers de main, intensément irrité.
***
Au fil de la journée, l’état d’Amane ne fit qu’empirer. Le mal de tête et le nez qui coule furent bientôt accompagnés d’une douleur à la gorge et d’une fatigue qui envahissait tout son corps. Bien qu’il se soit dépêché de rentrer chez lui après l’école, son corps semblait perdre la bataille contre la maladie, et son allure était désespérément lente.
Finalement, il atteignit le hall de son immeuble et força ses jambes lourdes à le mener dans l’ascenseur, où il se laissa aller contre le mur. Sa respiration était plus rude que d’habitude, et il se sentait chaud.
D’une manière ou d’une autre, Amane avait réussi à tenir le coup pendant qu’il était à l’école, mais maintenant qu’il avait baissé sa garde en voyant la maison à portée de main, son état s’était soudainement aggravé. Même la sensation flottante particulière de l’ascenseur, normalement sans importance, était désormais une source de douleur sourde.
Lorsque l’ascenseur s’arrêta enfin à l’étage d’Amane, il en sortit en titubant et commença à avancer vers son appartement. Presque immédiatement, il fut confronté à une vision qui le fit se figer.
Juste là, devant lui, se trouvait la fille à qui il ne s’attendait pas à reparler, ses cheveux chatoyants couleur lin flottant dans la brise. Ses traits ravissants étaient pleins de vie, son teint vibrant et éclatant.
Bien qu’elle ait semblé la plus susceptible d’attraper un rhume, elle était en parfaite santé. Les bienfaits de ses soins personnels étaient affichés de manière éclatante.
Dans ses mains, Mahiru tenait le parapluie qu’Amane lui avait forcé de prendre la veille, soigneusement plié et fermé.
Elle a dû venir le rendre, même si je lui avais dit qu’elle n’avait pas besoin de le faire, pensa Amane.
« … Vraiment, tu n’as pas besoin de me le rendre. » Dit-il à voix haute.
« C’est naturel de rendre ce qu’on a emprunté… » Mahiru hésita dès qu’elle aperçut le visage d’Amane. « Euh. Tu as de la fièvre, non… ? »
« … Ça n’a rien à voir avec toi. »
Amane fronça les sourcils. C’était peut-être le pire moment possible pour croiser Mahiru — et tout ça pour un stupide parapluie, en plus. C’était le genre de chose qui ne valait même pas la peine d’être rendue. Mais Mahiru était intelligente, et elle allait sûrement rapidement comprendre comment Amane avait attrapé un rhume.
« Mais tu es tombé malade parce que tu m’as prêté ton parapluie… »
« Ça n’a rien à voir. En plus, je te l’ai prêté sur un coup de tête. »
« C’est tout à fait lié ! Le fait est que tu as attrapé un rhume parce que j’étais dehors sous la pluie. »
« J’ai dit que c’était bon, vraiment. Ce n’est pas quelque chose dont tu dois t’inquiéter. »
Du point de vue d’Amane, il lui avait rendu ce service pour sa propre satisfaction, et il ne voulait pas qu’elle s’inquiète pour lui maintenant. Cependant, Mahiru ne semblait pas prête à le laisser tranquille. L’anxiété se lisait sur ses traits gracieux.
« … Bon, c’est tout. À plus. » Leur échange devenait rapidement épuisant, alors Amane décida de couper court aux questions et aux préoccupations de Mahiru.
Vacillant et titubant, il lui arracha le parapluie des mains et sortit ses clés de sa poche. Tout se passait bien jusque-là. Malheureusement, Amane trébucha plusieurs fois en essayant d’ouvrir la porte de son appartement. Dès qu’il l’eut ouverte, toutes ses forces l’abandonnèrent.
Peut-être que le soulagement de finalement entrer chez lui était la cause de cette perte soudaine d’énergie, et son corps vacilla en arrière, vers la rambarde derrière lui.
Bien qu’Amane fût alarmé, il avait confiance que la rambarde était assez solide pour ne pas se casser, et qu’il ne tomberait pas. Elle allait sûrement le retenir, et tout irait bien.
L’impact va probablement faire un peu mal, mais je suppose qu’il n’y a pas moyen d’y échapper… Pensa Amane, se résignant à la douleur.
Cependant, quelqu’un saisit fermement son bras et le redressa.
« … Comme je le pensais, je ne peux pas te laisser seul dans cet état. » Amane entendit une voix fragile à travers le brouillard de sa fièvre. « Je vais te rendre la pareille. »
La tête d’Amane se tournait tandis qu’il essayait de comprendre les mots, mais il abandonna rapidement. Avant même de saisir ce qu’il se passait, Mahiru avait soutenu son corps affaibli et ouvert la porte de son appartement.
« Je vais t’aider à entrer. Il n’y a pas d’autre solution, alors excuse-moi pour l’intrusion. »
Son ton était calme, mais ne laissait aucune place à la discussion.
Amane, frappé par la fièvre, n’avait pas la volonté de résister. Il se laissa entraîner, entrant dans son appartement en compagnie d’une fille de son âge pour la première fois de sa vie. Il est vrai qu’il n’avait pas de petite amie pour le soigner, mais il semblait qu’un ange était descendu pour s’occuper de lui à la place.
***
Complètement désorienté par la fièvre, Amane avait oublié l’état déplorable de son appartement jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Ce n’est qu’en voyant l’état de son logement qu’il regretta d’avoir laissé Mahiru entrer.
Son appartement était spacieux. Il y avait même une pièce supplémentaire en plus de la chambre et du salon.
C’était une habitation assez extravagante pour une personne vivante seule, mais les parents d’Amane étaient plutôt aisés et avaient choisi cet endroit en tenant compte de la sécurité du quartier et de la commodité des transports à proximité. Amane avait toujours pensé qu’il était inutile de dépenser autant d’argent pour un logement. L’appartement était de toute façon beaucoup trop grand pour une seule personne. Pourtant, ses parents avaient insisté, et il n’allait pas se plaindre.
Mis à part ça, Amane vivait seul, et il était un adolescent typique. Les choses n’étaient pas particulièrement bien rangées. Divers objets étaient éparpillés dans le salon, et inutile de mentionner l’état de la chambre.
« C’est trop pitoyable à regarder. » L’ange, le sauveur d’Amane, lui fit une évaluation franche de ses conditions de vie. Une telle dureté contrastait avec son apparence charmante.
Amane ne pouvait guère contester — c’était vraiment une vision désolante. S’il avait su qu’il allait faire entrer une inconnue chez lui, il aurait peut-être déplacé certaines choses, voire fait un peu de rangement, mais il était trop tard pour ça maintenant.
Mahiru laissa échapper un soupir de ses lèvres brillantes, mais sans se décourager, elle se mit à déplacer Amane vers sa chambre. Ils faillirent trébucher en chemin, et Amane se promit de faire un sérieux nettoyage bientôt.
« D’abord, je vais sortir un moment, alors vas-y et change-toi avant que je ne revienne. Tu peux faire ça, non ? » Demanda Mahiru.
« … Tu vas revenir ? »
« Ma conscience ne me laisserait jamais en paix si je te laissais seul dans cet état, même pour dormir. » Répondit Mahiru franchement, ressentant apparemment la même chose qu’Amane la veille lorsqu’elle était trempée.
Amane ne discuta pas davantage. Après que Mahiru eût quitté la pièce, il obéit docilement et commença à se changer, retirant son uniforme scolaire.
« C’est vraiment un bazar ici ; il n’y a même pas de place pour marcher… Comment quelqu’un peut-il vivre comme ça… ? »
Pendant qu’il se changeait, Amane entendit une voix exaspérée provenant de la pièce voisine, et se sentit assez honteux.
Après avoir changé de vêtements, il alla s’allonger et dut s’endormir sans s’en rendre compte, car lorsqu’il parvint à soulever ses paupières lourdes à nouveau, la première chose qu’il vit fut des cheveux couleur lin.
Suivant la chevelure du regard, Amane leva les yeux pour voir Mahiru debout silencieusement à côté de lui, le regardant. Toute la scène semblait sortie d’un rêve.
« … Quelle heure est-il ? » Demanda Amane, confus.
« Sept heures du soir. » Répondit Mahiru factuellement. « Tu as dormi plusieurs heures. »
Alors qu’Amane se redressait, Mahiru lui tendit une boisson pour sportifs qu’elle avait versée dans un gobelet. Il l’accepta avec gratitude et porta le verre à ses lèvres, puis se mit enfin à observer son environnement.
Peut-être parce qu’il avait dormi, il se sentait un peu mieux qu’avant.
Il réalisa que sa tête était rafraîchie et porta une main à son front. Quand il le fit, ses doigts ressentirent une légère sensation d’amidon, comme un tissu.
Il y avait une compresse rafraîchissante collée à lui. Amane était certain de ne pas en avoir chez lui, et il regarda Mahiru.
« Je l’ai apportée de chez moi, » Répondit-elle immédiatement.
Amane n’avait pas de compresses rafraîchissantes dans son appartement — et pas de boissons pour sportifs non plus. Mahiru avait dû les apporter elles aussi.
« … Merci. Désolé pour tout le dérangement. »
« Ce n’est rien. »
Amane ne pouvait qu’esquisser un sourire amer face à la réponse sèche de Mahiru.
Mahiru lui offrait ce rôle d’infirmières que par culpabilité. Cela ne signifiait certainement pas qu’elle voulait réellement passer du temps avec Amane. Il en était sûr. Elle se retrouvait déjà seule avec un garçon qu’elle connaissait à peine — dans son appartement, qui plus est. Il était naturel qu’elle veuille éviter tout malentendu sur ses intentions.
« Pour l’instant, j’ai apporté les médicaments qui étaient sur ton bureau. Il vaut mieux les prendre avec quelque chose dans l’estomac… Tu as faim ? » Demanda doucement Mahiru.
« Mm, un petit peu. » Répondit Amane.
« Oh vraiment ? Eh bien, dans ce cas, j’ai fait du porridge de riz, alors je t’en prie prends-en. »
« … Hein, tu l’as fait toi-même ? »
« Y a-t-il quelqu’un d’autre ici à part moi ? Si tu n’en veux pas, je vais tout manger toute seule. »
« Non, je vais le manger ! S’il te plaît, laisse-moi le manger ! »
Amane n’avait jamais imaginé que Mahiru préparerait un repas fait maison pour lui. Pendant un moment, il fut pris au dépourvu.
Franchement, il n’avait aucune idée si Mahiru savait cuisiner, mais il n’avait jamais entendu de rumeurs disant qu’elle avait échoué aux cours de cuisine, donc il était assez confiant que ce ne serait pas mauvais.
Bien que Mahiru ait semblé surprise par l’insistance soudaine d’Amane à vouloir manger sa nourriture, elle hocha la tête avant de lui tendre le thermomètre qui se trouvait sur la table de chevet.
« Je vais te l’apporter, alors prends d’abord ta température. »
« D’accord. » Dit Amane en sortant le thermomètre de son étui. Il commença à déboutonner sa chemise, et Mahiru se détourna rapidement.
« Fais-le après que je sois sortie de la pièce, s’il te plaît. » Sa voix monta légèrement, et Amane remarqua que les joues pâles de la jeune fille étaient teintées de rouge.
Amane n’avait pas réfléchi à deux fois avant d’enlever sa chemise devant elle. Pour lui, ce n’était pas quelque chose dont il fallait se soucier, mais Mahiru était clairement embarrassée. Peut-être n’était-elle pas habituée à voir autant de peau.
Les joues d’albâtre de Mahiru étaient légèrement rosées, et elle gardait son visage rougissant détourné, tremblante. Même les pointes de ses oreilles semblaient changer de couleur, rendant sa timidité presque palpable.
… Ah, je pense que je commence à comprendre pourquoi tous les autres garçons disent toujours à quel point elle est mignonne.
Amane n’avait jamais nié que Mahiru était magnifique, mais il n’avait jamais ressenti de sentiments particuliers pour elle au-delà d’une appréciation banale pour sa douce beauté. Il l’avait regardée comme quelque chose qui ressemblait à une œuvre d’art et s’était contenté de l’admirer comme on le ferait avec un chef-d’œuvre lointain.
Cependant, Mahiru n’était plus quelque chose de lointain. Elle était dans son appartement, légèrement troublée et très timide. À cet instant, Amane la voyait comme une fille et non comme une idole, et c’était étrangement adorable.
Cependant, les deux n’étaient pas assez proches pour qu’Amane puisse simplement se lever et dire qu’il trouvait Mahiru mignonne. Cela semblerait probablement bizarre s’il essayait, c’est pourquoi il garda ses impressions pour lui.
« … Eh bien, est-ce que tu pourrais aller chercher le porridge de riz ? » Demanda-t-il.
« T-tu n’as pas besoin de me le dire. » Répondit Mahiru sur un ton désinvolte. « Je reviens tout de suite. » Elle se retourna et fit une sortie rapide, ses pas résonnant au loin.
Il fallut un certain temps à Mahiru pour partir, peut-être parce qu’elle tremblait ou peut-être à cause du désordre. Probablement la dernière option.
Après l’avoir regardée partir d’un air absent, Amane se demanda encore une fois comment les choses en étaient arrivées là et laissa échapper un doux soupir qui n’en était pas tout à fait un.
… Eh bien, je suppose qu’elle se sent juste coupable pour ce qui s’est passé.
Normalement, il serait impensable de suivre un étranger dans son appartement. C’était trop dangereux ; elle aurait pu se faire attaquer ou quelque chose comme ça.
Le fait que Mahiru prenne un tel risque avec Amane devait signifier qu’elle était inquiète pour lui. Peut-être que son manque apparent d’intérêt l’aidait à se sentir plus à l’aise. Quoi qu’il en soit, Amane ne pensait pas que cela avait de l’importance. Il était certain que Mahiru ne l’aidait que par sens du devoir.
L’esprit d’Amane, encore légèrement délirant à cause de la fièvre, continuait à vagabonder pendant qu’il attendait. Puis, il y eut un coup hésitant à la porte.
« … J’ai apporté le porridge. »
Au son de la voix préoccupée de Mahiru venant de la pièce voisine, Amane se rappela qu’il avait assoupli ses vêtements pour prendre sa température.
« Je n’ai pas encore pris ma température. » Dit-il en retour.
« Je pensais t’avoir dit de la prendre pendant que j’étais hors de la pièce, pourtant… »
« Désolé, j’ai perdu la notion du temps. »
Amane s’excusa timidement et plaça le thermomètre sous son bras. Après quelques instants, il émit un bip électronique étouffé. Lorsqu’il le sortit et regarda l’écran, il indiquait une température de 38,3 degrés Celsius. Ce n’était pas assez grave pour aller à l’hôpital, mais c’était quand même assez élevé.
« D’accord, j’ai fini. » Dit Amane en remettant sa chemise.
Mahiru entra avec une évidente appréhension, portant un plateau avec un bol couvert posé dessus. Elle avait l’air soulagée, probablement parce qu’Amane avait ajusté ses vêtements.
« Quelle était ta température ? » Demanda-t-elle.
« Trente-huit point trois. Je vais aller mieux après avoir pris un médicament et dormi un peu plus. »
« … Les médicaments ne traitent que les symptômes et ne supprimeront pas le virus lui-même, tu sais. Il faut que tu te reposes correctement et que tu laisses ton système immunitaire faire son travail. »
Un tel reproche, même s’il venait d’une certaine préoccupation, embarrassait Amane.
Mahiru soupira d’exaspération et déposa le plateau et le bol sur la table de chevet, puis ouvrit le couvercle. À l’intérieur se trouvait du porridge de riz avec des prunes marinées. Cela avait l’air sévèrement dilué — peut-être 70 % de porridge pour 30 % d’eau. Peut-être que Mahiru avait fait cela intentionnellement en pensant que ce serait plus facile pour l’estomac d’Amane. Elle avait probablement ajouté les prunes en raison de leur réputation de bonnes pour combattre les rhumes.
Le plat n’était pas fumant, mais il dégageait une légère chaleur. Amane devina que Mahiru ne l’avait pas apporté directement de la cuisinière, mais qu’elle avait plutôt pris soin de le laisser refroidir d’abord.
Ignorant Amane qui fixait le porridge, Mahiru en versa une partie dans un bol plus petit d’un geste clairement expérimenté. Elle avait un peu brisé le fruit mariné pour lui et avait apparemment même retiré soigneusement les noyaux. Le rouge des prunes et le blanc du riz se mêlaient facilement.
« Voilà. Ce ne devrait pas être trop chaud. »
« Mm, merci. »
Mahiru lança un regard perplexe à Amane alors qu’il recevait le bol, mais il se contenta de fixer le porridge pendant que sa cuillère restait suspendue au-dessus.
« … Quoi, tu ne veux tout de même pas que je te nourrisse ? Désolée, mais ce n’est pas au menu. » Affirma Mahiru.
« Personne n’a demandé ça, d’accord ? C’est juste… Alors je suppose que tu sais aussi cuisiner, hein ? » Demanda Amane.
« Je vis seule, donc bien sûr que je sais. » Les paroles de la jeune fille étaient comme une piqûre, un lourd rappel des propres échecs domestiques d’Amane. « Mais avant d’apprendre à cuisiner, tu devrais apprendre à ranger ta chambre, Fujimiya. »
« Oui, Madame… »
Mahiru l’avait rapidement et complètement remis à sa place. Amane grogna doucement et prit une cuillerée de porridge, en mettant la cuillère dans sa bouche pour mettre fin à la conversation.
La saveur du riz légèrement salé se répandit sur sa langue alors qu’il mangeait le porridge. L’acidité douce des prunes marinées en harmonisait le tout. C’était vraiment un plat avec un équilibre parfait de saveurs.
Amane n’aimait pas les prunes marinées trop salées, mais celles-ci avaient un goût plus doux et un peu de douceur. Elles étaient en fait l’une de ses préférées. Il aimait souvent ajouter des prunes marinées sur du riz au thé vert.
« C’est bon. »
« Merci de le dire. Mais, vraiment, une fois que tu as goûté un porridge de riz, je pense que tu les as probablement tous goûtés. » La réponse de Mahiru semblait indifférente, à l’exception des débuts d’un sourire.
Sans le vouloir, Amane se retrouva à fixer l’expression soulagée de la belle fille. Quelque chose dans son sourire semblait assez différent de celui, plus expansif, qu’il voyait parfois à l’école.
« … Fujimiya ? » Demanda Mahiru.
« Désolé, ce n’est rien. » Répondit-il.
Amane trouva dommage qu’un sourire aussi beau ait été aussi fugace, bien qu’il gardât cette réflexion pour lui. À la place, il enfourna cuillerée après cuillerée le porridge dans sa bouche.
***
« … De toute façon, repose-toi aujourd’hui. Et assure-toi de bien te réhydrater. Si tu as besoin d’essuyer la sueur, utilise ceci. J’ai mis de l’eau dans ton bassin, alors assure-toi de le mouiller et de l’essorer avant d’essuyer, d’accord ? »
Après qu’Amane ait mangé, Mahiru prépara avec soin une boisson sportive non ouverte, prépara le bol d’eau, et disposa une serviette et des draps rafraîchissants de rechange. Tout avait été soigneusement placé sur la table de chevet dans la chambre d’Amane.
Il n’y avait aucun moyen que Mahiru reste chez un garçon qu’elle connaissait à peine. Amane n’aurait pas accepté si elle avait essayé. Ainsi, Mahiru avait préparé tout ce dont Amane aurait pu avoir besoin pendant qu’il se reposait, et il était reconnaissant pour son soin, bien qu’il la regardât tout le temps qu’elle se préparait.
Ce sont beaucoup d’efforts juste pour rendre un service. Une fois que ce sera terminé, je suppose qu’on n’aura plus beaucoup de raisons d’interagir. C’est un coup de chance, un événement exceptionnel ; c’est tout.
Eh bien, puisque nous ne parlerons plus jamais, je suppose que c’est le bon moment pour poser la question que je veux savoir.
Que ce soit à cause des médicaments ou de sa sieste, la tête d’Amane se sentait plus claire, bien qu’il soit encore épuisé.
« Hé, il y a quelque chose que je me demande… » Commença-t-il.
« Quoi donc ? » Mahiru se tourna vers lui depuis l’endroit où elle préparait tout le nécessaire pour s’en aller.
« Pourquoi étais-tu assise sous la pluie ? Tu t’es disputée avec ton petit ami ou quelque chose comme ça ? » Le comportement étrange qui avait déclenché toute cette chaîne d’événements était resté dans l’esprit d’Amane depuis qu’il l’avait remarqué pour la première fois. Mahiru avait été en train de se balancer sous la pluie battante. Que pouvait-elle bien faire là ?
C’était précisément parce qu’Amane avait été curieux de la légère ressemblance de Mahiru avec une enfant perdue qu’il lui avait proposé son parapluie au départ. Il n’avait cependant jamais découvert pourquoi elle était sortie sous la tempête.
Amane avait pensé que Mahiru attendait quelqu’un, alors il avait supposé qu’il y avait un garçon avec qui elle sortait, se demandant même si elle s’était disputée avec son petit ami. En réponse à la question d’Amane, Mahiru le regarda comme si elle en avait assez.
« Désolée, mais je n’ai pas de petit ami, et je n’ai pas l’intention d’en avoir. » Répondit-elle.
« Hein ? Pourquoi ? » Demanda Amane presque inconsciemment.
« Laisse-moi te demander, pourquoi as-tu supposé que je sortais avec quelqu’un ? »
« Étant donné l’ampleur de ta popularité, je pensais que tu aurais au moins un ou deux petits amis. »
Il y avait quelque chose dans cet échange qui faisait que Mahiru semblait beaucoup plus comme une fille normale aux yeux d’Amane. Elle était gentille mais déterminée. Aux yeux des autres, cependant, il était sûr qu’elle devait paraître très différente. Mahiru était une fille belle, soignée, douce, discrète et humble. Son joli visage, si ravissant qu’on l’appelait souvent un ange, attirait les regards partout où elle allait, et son corps, bien que petit, possédait des courbes abondantes. Un simple coup d’œil suffisait pour éprouver un étrange désir de la protéger. Cette qualité, combinée à son excellent sens du style, faisait d’elle un objet des désirs de nombreux garçons de l’école.
En plus de tout cela, ses notes la maintenaient au sommet de sa classe et elle était une athlète d’exception. De plus, Amane venait d’apprendre par expérience qu’elle savait aussi bien cuisiner. Cela ne ferait certainement pas de mal à sa popularité.
Il suffisait d’un coup d’œil pour savoir qu’il devait y avoir beaucoup de garçons qui la courtisaient, et Amane savait pertinemment que plusieurs de ses camarades de classe éprouvaient des sentiments romantiques pour Mahiru. Elle aurait pu choisir parmi les prétendants, et il ne lui était pas venu à l’esprit qu’elle pourrait ne sortir avec personne.
C’était ce qu’Amane avait voulu dire en parlant d’un ou deux petits amis, mais dès que Mahiru avait entendu ces mots, son expression s’était raidie, même si ce n’était que pour un instant.
« Je n’ai pas de petit ami, et de plus, je ne suis pas le genre de fille à fréquenter plusieurs garçons à la fois. C’est absolument hors de question. »
Les yeux de Mahiru étaient si glacials qu’ils firent frémir Amane. Il comprit immédiatement qu’il avait mis les pieds sur une sorte de mine sociale.
Cela pourrait être à cause de sa maladie, mais il ressentit un frisson, et la pièce sembla soudainement devenue fraîche.
« Désolé, ce n’était pas ce que je voulais dire. Je m’excuse. » Dit Amane.
« … Non, je suis désolée de m’être emportée à ce point. »
Mahiru, inclinant la tête, semblait dissiper l’atmosphère froide et tendue de la pièce. Plus que d’être « emportée », la réponse glaciale de Mahiru à la question d’Amane avait été comme une tempête de neige, bien qu’il sût qu’il valait mieux ne pas le souligner.
« De toute façon, ce n’était pas du tout ça. J’essayais juste de me calmer un peu… Et je suis vraiment désolée que tu aies attrapé un rhume parce que tu t’inquiétais pour moi. » Expliqua Mahiru.
« Ça va. Après tout, c’était ma décision. Je me sens un peu coupable de tout ça, en fait. Je t’ai donné le parapluie sur un coup de tête. J’essaierai de ne plus te déranger une fois que tout cela sera terminé. »
Amane était sûr que Mahiru était là uniquement par sens du devoir, mais lorsqu’elle entendit ce qu’il avait à dire, elle cligna des yeux plusieurs fois et lui lança un regard curieux. Cela a dû être intrigant pour elle d’entendre qu’il ne la dérangerait plus.
« On a vraiment aucune raison d’interagir, donc ce n’est pas un gros problème. Je veux dire, même si tu es la plus belle fille de notre classe, un génie, et que tout le monde t’appelle un ange, je n’essayais pas de sortir avec toi ; je te le jure. Tu ne penses pas qu’il s’agissait d’une sorte de machination ou quelque chose comme ça, j’espère ? » Demanda Amane.
Mahiru détourna un peu le regard, un sourire amer se répandant sur ses lèvres, comme si elle avait attendu qu’Amane dise ces mots exacts. Finalement, il comprit qu’elle n’agissait pas simplement de manière distante. Mahiru avait probablement déjà été dans ce genre de situation plusieurs fois. Un garçon essayant de se rapprocher d’une belle fille en la faisant se sentir redevable n’était malheureusement pas une chose rare.
Cela expliquait pourquoi Mahiru avait été si méfiante d’Amane ce jour-là sous la pluie. Elle n’était pas en colère contre lui ; elle essayait simplement de se protéger.
« Ça doit être tellement irritant. Être dérangée par des gars que tu n’aimes même pas. » Dit Amane.
« Eh bien, c’est vrai, mais… » La voix de Mahiru s’éteignit.
« Je le savais. » Lança Amane, un peu surpris de l’entendre admettre cela.
Donc, la silencieuse, charmante élève modèle, celle dont tout le monde fait tout un plat, celle que tout le monde appelle un ange, a des choses qu’elle n’aime pas. Donc, elle s’agace aussi de temps en temps, tout comme nous autres mortels. Cette pensée donna à Amane l’impression soudaine de voir la véritable Mahiru pour la première fois.
Malheureusement, la façon dont elle le regarda sembla suggérer qu’elle regrettait vraiment de l’avoir rencontré. On aurait dit qu’elle lui en voulait de l’avoir poussée à révéler ce qu’elle ressentait vraiment.
Preuve supplémentaire que l’élève angélique cache de réelles émotions au fond d’elle, pensa Amane.
« Je ne vois vraiment pas où est le problème. » Admit Amane. « En fait, je suis soulagé. C’est agréable d’entendre que l’ange trouve ces choses aussi ennuyeuses que les gens ordinaires. »
« … S’il te plaît, arrête de m’appeler comme ça. » Mahiru détestait clairement le titre que les autres lui avaient donné. Avec une désapprobation dans les yeux, elle continua de regarder Amane. Même son mécontentement semblait intéressant à Amane, qui sourit de nouveau et dit, « Ne t’inquiète pas, je ne te dérangerai plus sans une bonne raison. »
Les yeux de Mahiru s’écarquillèrent comme si sa déclaration l’avait surprise. Avec un léger sourire traversant ses lèvres, elle s’inclina brièvement et partit.
***
Amane se coucha dans son lit, regardant fixement le plafond tout en pensant à Mahiru.
Bien que le médicament ait eu effet, il se sentait, comme on pouvait s’y attendre, encore engourdi. S’il se détendait, le sommeil ne tarderait pas à l’emporter. Il ferma les yeux et réfléchit aux événements de la journée.
Personne ne le croirait s’il leur disait qu’il avait été soigné par un ange avec une langue étonnamment aiguisée. Les événements de la journée étaient un secret partagé uniquement entre Amane et Mahiru.
C’est un peu bizarre d’appeler ça un secret. C’est plutôt comme si ce serait vraiment pénible d’expliquer toute l’histoire. C’est juste plus facile de ne rien dire à personne, pensa Amane.
Alors qu’il perdait lentement conscience, Amane se dit qu’au matin, lui et Mahiru ne seraient plus que de simples connaissances.