Un clang résonna dans le silence quand ma mère laissa tomber sa fourchette dans son assiette.
“Quoi ? Reynolds ! Arthur n’a même pas quatre ans ! Non ! En plus, tu avais dit que si notre fils devenait un utilisateur de renforcement, c’est toi qui t’occuperais de tout lui enseigner !” a dit Maman d’une voix désespérée.
“Moi non plus, je n’aurais jamais pensé que notre fils serait un tel prodige en manipulation de mana. Qui a déjà entendu parler d’un éveil à l’âge de trois ans ?” a répondu Papa beaucoup plus calmement.
“Mais ça veut dire qu’il devra partir de chez nous ! Il n’a que quatre ans, Reynolds ! Nous ne pouvons pas laisser notre bébé quitter la maison si jeune !”
“Tu ne comprends pas. Quand j’observe son corps, pendant qu’il médite, je ne peux qu’avoir l’impression que tout ça a toujours été naturel pour lui. Alice, ma chérie, la seule chose que je fais est de freiner mon fils en lui apprenant des choses qu’il peut faire dans son sommeil.”
Et c’est ainsi que mes parents ont commencé à se disputer.
La discussion allait et venait sans qu’aucun des deux ne change sa position ; Maman continuait de dire que j’étais trop jeune, et Papa disait qu’on ne pouvait pas m’empêcher d’atteindre mon plein potentiel pour ça, etc…
Pendant ce temps, j’étais en train de jouer à un jeu de guerre avec ma nourriture. Les petit-pois attaquaient sous les ordres de l’Empire de Maman, alors que les carottes de la Nation de Papa défendaient désespérément leurs terres.
Puis, mes parents se sont finalement calmés et mon père s’est tourné vers moi.
“Art, ça te concerne, donc tu as aussi ton mot à dire là-dedans. Que dirais-tu d’aller dans une grande ville pour avoir un professeur ?”
Fantastique…
J’appréciais leurs efforts pour essayer de rendre ça juste, mais je ne pense pas qu’il réalisait qu’il demandait à un gamin de quatre ans de prendre une décision qui allait au final changer sa vie…
Pour essayer de clore la discussion, j’ai suggéré : “Je peux au moins essayer de rencontrer des mentors pour qu’ils voient si j’ai besoin d’eux ?”
*Silence*
Avais-je posé un pied sur un champ de mines ? Étais-je censé être incapable de faire des phrases aussi compliquées à mon âge actuel ? Étaient-ils en colère que je n’aie pas pris de parti ?
Je savais que je ne pourrais pas garder mon visage neutre éternellement, alors j’ai baissé la tête en attendant leur réponse.
Heureusement, aucune de mes craintes ne s’est avérée fondée. Ma mère a enfin dit, en marmonnant presque : “Nous irons au moins faire tester formellement son noyau de mana et ses canaux. Nous réfléchirons à quoi faire après ça.”
Mon père ayant approuvé l’idée en acquiesçant, nous avons commencé les préparatifs pour le jour suivant. Ce soir-là, je pensais que nous nous préparions à aller dans la ville d’à côté, un jour de voyage tout au plus, pour que je me fasse évaluer par un mage qualifié, mais j’avais tort.
Nous prévoyons de faire un voyage de trois semaines. Un voyage en calèche tirée par des chevaux à travers les Grandes Montagnes qui nous mènerait à une chose que l’on appelait un portail de téléportation qui nous emmènerait dans une ville du nom de Xyrus.
Un livre que j’avais lu m’est revenu en tête. Il parlait d’un bout de terre flottant créé par une ancienne organisation d’invocateur dans le seul but d’y abriter l’Académie des Mages la plus prestigieuse. Une ville à plus tard été construite autour de l’académie ; celle-ci, comme l’Académie, a été nommée du nom du chef de l’organisation : Xyrus.
Comment était-ce possible qu’un bout de terre d’une largeur de centaines de kilomètres puisse flotter ? Du magnétisme ? Mais alors, les terres sous la ville devraient en être affectées. La ville avait-elle son propre champ gravitationnel ?
Enfin, peu importe !
Ce voyage allait être long. C’était dans ce genre de moment que j’espérais que les transports modernes existent. Pour aller à la ville, nous devions traverser un des portails de téléportation présents dans la chaîne des Grandes Montagnes, sinon cela aurait facilement pu nous prendre des mois de voyager de ville en ville jusqu’à atteindre le portail en-dessous de la vraie ville qui flottait près de la frontière du Royaume de Sapin et de Darv.
Une des raisons qui a poussé mon père à faire ce voyage maintenant était que les membres de son ancienne équipe étaient venus faire un tour et étaient en train de se diriger vers la ville de Xyrus. Partir tout de suite avec eux voulait dire que nous avions trois utilisateurs de renforcement et deux invocateurs en plus de ma mère qui était une Guérisseuse rare et de mon père, un utilisateur de renforcement de classe B. Même s’il n’y avait aucun monstre de mana dans les montagnes, la présence potentielle de bandits et d’animaux sauvages n’était pas à ignorer.
Pendant que mes parents s’occupaient de prendre le nécessaire, j’ai emporté mon épée en bois et deux livres (L’Encyclopédie de Dicathen et Les Bases de la Manipulation de Mana) pour le voyage.
En milieu de matinée, nous étions prêts à partir.
Après avoir balancé mon sac à dos qui contenait mes livres et quelques snacks sur mon dos et avoir attaché mon épée en bois à ma taille, j’ai attrapé la main de ma mère et j’ai suivi mes parents pour aller rencontrer les membres de leur ancienne équipe.
Bien que mon père m’avait déjà parlé d’eux quelques fois, c’était la première fois que je les rencontrais, comme je n’étais pas allé chez moi pendant qu’ils construisaient notre maison.
Les informations que j’avais retenues de mon père sur les membres des Twin Horns étaient comme suit :
Helen Shard : utilisatrice de renforcement spécialisée au tir à l’arc magique.
Adam Krensh : utilisateur de renforcement dont l’arme principale était la lance.
Jasmine Flamesworth : utilisatrice de renforcement spécialisée en vitesse et possédant des dagues doubles.
Angela Rose : invocatrice spécialisée en Magie Aérienne.
Durden Walker : invocateur spécialisé en Magie Terrestre.
Nous sommes arrivés à l’auberge dans laquelle ils hébergeaient à Ashber et les avons vus devant, près des écuries.
Mon père, après avoir étreint ses anciens coéquipiers, s’est exclamé : « Les gars, je veux vous présenter mon fils, Arthur ! Allez, Arthur, présente-toi. »
Je me suis très légèrement incliné en les regardant et je me suis présenté.
“Bonjour. Mon père m’a beaucoup parlé de ses coéquipiers des Twin Horns. Merci d’avoir accepté de voyager avec nous jusqu’à Xyrus. Nous comptons sur vous.”
“HAHAHA, c’est quoi, ça ? De telles manières ! Tu es sûr que c’est ton fils, Rey ?”
Celui qui avait parlé était le détenteur de la lance, Adam. En le regardant de plus près, il avait l’air d’être du genre énergétique et sociable. Il était assez séduisant. Ses cheveux rouge vif étaient ramenés en arrière et attachés de manière désordonnée, les mèches qui partaient dans tous les sens semblables à des flammes, et donnait un air de vagabond. Ses yeux étaient éclatants et il avait toujours l’air de rigoler. Cependant, la première chose que j’ai remarqué a été la cicatrice qui lui barrait le nez et qui allait d’une de ses pommettes à l’autre.
J’ai ensuite senti qu’on me soulevait.
“Awww… N’est-il pas trop mignon ? Tu devrais être content qu’il ne te ressemble pas, Reynolds.”
Avant que je ne m’étouffe dans un piège mortel à mémoire de forme qui était plus communément appelés des énormes seins, j’y ai écarté ma tête pour mieux regarder la femme qui avait voulu ma mort. Wow, elle était magnifique. Enfin, pas autant que ma mère, mais elle dégageait une aura de « princesse royale » avec ses longs cheveux blonds ondulés et ses yeux verts pétillants qui tombaient légèrement.
Pile au moment où mes mains allaient abandonner et que mon visage se perde entre les deux collines abyssales devant moi, une puissante paire de mains m’a attrapé par mon sac à dos, m’arrachant des bras de la femme plantureuse.
“Angela, tu lui fais mal.”, a dit d’une voix grave et grondante.
Et je pendouillais comme un chaton transporté par sa mère par la peau de la nuque, incapable de bouger.
Mes yeux se sont alors fixés sur un géant.
Dépassant largement les deux mètres de haut, le géant m’a doucement ramené à la terre ferme et m’a dépoussiéré mes vêtements minutieusement.
Comme il était distingué.
Je me suis imaginé monter sur ses épaules comme un grand-puissant sur sa monture. J’ai levé la tête pour le regarder, mes yeux devenant plus gros pendant que je réfléchissais.
Il avait de très petits yeux et des sourcils tombants, lui donnant presque un visage innocent comparé à son énorme corps de plus de deux mètres. Ses courts cheveux noirs débraillés sur sa tête complétaient l’image de caniche qu’il renvoyait.
Époussetant mes vêtements, j’ai tourné la tête vers la femme qui avait l’air un peu plus jeune que les autres. Ses cheveux noirs droits qui étaient à moitié noués à l’arrière avec un ruban assorti à ses yeux rouges à demi ouverts et ses fines lèvres la rendaient très froide.
“Mhm.”, a-t-elle acquiescé avant de se retourner.
Ah… Une femme peu bavarde. Comme c’est charmant.
Mes yeux se sont fixés sur elle pendant qu’elle s’éloignait de la table, et j’ai aperçu deux petites dagues attachées dans le bas de son dos, juste en-dessus des hanches.
Le dernier membre des Twin Horns était Helen Shard. Elle m’a joyeusement caressé la tête et m’a fait un sourire chaleureux. Le mot que j’aurais utilisé pour décrire Miss Helen aurait été perçante. Des yeux perçants, un nez espiègle, de fines lèvres rouges et une poitrine plate, ressemblant presque à un garçon avec ses cheveux mi-longs attachés en un chignon serré. Je ne pouvais pas m’empêcher d’être charmé par son aura charismatique. Elle avait l’air de dégager ce sentiment de ‘tant qu’on le veut, on peut’ de tout son corps et cela la faisait scintiller à mes yeux. Habillée d’une armure en cuir légère qui recouvrait son tors- enfin… sa poitrine, avec son arc et son carquois attaché sur son dos, je n’arrivais pas à me sortir de la tête que c’était peut-être une elfe, mais j’ai vite abandonné l’idée en voyant ses oreilles rondes.
Je suis monté à bord de la calèche en renforçant un peu mes jambes avec du mana. Je m’étais habitué à utiliser mon mana pour renforcer mon corps. Je n’avais pas encore testé tout ce dont j’étais capable par peur que mes parents fassent une crise cardiaque si je m’améliorais trop vite, mais diriger mon mana de mon noyau jusqu’aux canaux était devenu un peu plus naturel.
Après que notre équipe ait fini de charger toutes nos affaires dans les deux calèches que nous allions prendre, nous les avons attachées à ce que je croyais être des chevaux. Mais en fait, ce monde avait réussi à domestiquer des monstres de mana appelés Skitters pour le transport. Ces lézards géants avec des piques sur leur dos et des griffes acérées étaient des monstres de classe D qui étaient plus rapides que les chevaux pour voyager sur des chemins montagneux, bien qu’ils coûtent plus cher.
Que le voyage commence !
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À la nuit tombée, la chaîne de montagnes qui avait l’air si lointaine au départ semblait avoir doublé de taille. Je me demande à quel point la chaîne des Grandes Montagnes sera grande quand nous aurons atteint le pied des montagnes. Nul besoin de dire que j’étais excité de sortir de ce petit avant-poste qu’était ma ville natale, Ashber.
Nous nous sommes finalement arrêtés pour camper près d’un amoncellement de rochers. C’était un bon endroit car les pierres bloquaient quasiment tout le vent et il y avait beaucoup de branches d’arbre au sol pour nous permettre de faire un feu de camp.
La seule chose que je détestais de mon corps était la quantité de sommeil dont j’avais besoin. En plus d’avoir été endormi presque tout le long du trajet, je sentais mes paupières lourdes de sommeil après être resté éveillé pendant à peine quelques heures.
Après avoir monté les tentes autour du feu, mon père et ma mère ont commencé à discuter avec les Twin Horns à propos du bon vieux temps, et Helen s’est assise à côté de moi et m’a dit nonchalamment : “Ton vieux m’a dit que tu es un genre de mage de génie… C’est vrai que tu t’es déjà éveillé ?”
Ne sachant pas quoi répondre, je lui ai juste dit la vérité.
Elle a alors commencé à me demander ce que j’avais ressenti en m’éveillant et de quelle couleur était actuellement mon noyau de mana. Pendant ce temps, quelques oreilles curieuses avaient commencé à nous écouter et Adam a demandé : “Dis, Reynolds, ça te dérange si je teste le petit Art ?”
Si j’avais pu intervenir, j’aurais sûrement dit quelque chose du genre de ‘jouer à se battre avec quelqu’un de mon âge n’est pas une bonne idée, parce que les plus grands succès qu’un enfant ordinaire d’un tel âge pourrait faire serait de monter et descendre les escaliers en alternant les pieds, marcher en cercle, et si sa coordination est vraiment bonne, de se tenir sur un pied pendant quelques secondes’, mais j’imagine que personne n’avait pensé à ça à ce moment-là.
Mes deux parents ont semblé hésiter au début, mais, faisant confiance à son ancien camarade, mon père a juste répondu : “Très bien, mais fais attention. Je n’ai pas encore pu lui apprendre comment se battre correctement. Nous n’avons fait que des petits exercices de muscu et de mana, pour l’instant.”
Adam s’est levé de son siège de fortune qui était une bûche et a scruté tout autour de lui jusqu’à trouver un bâton court qui avait l’air de lui avoir plu.
“Viens par-là, gamin. Voyons voir de quoi tu es capable !”