Traducteur: linkfet
============
« Itsuki ! Fujimiya ! Venez manger avec moi ! »
C’était l’heure du déjeuner au lycée. Amane s’apprêtait à aller déjeuner avec Itsuki, comme d’habitude, lorsqu’une voix à laquelle il s’était récemment habitué l’interpella.
Sans surprise, c’était Yuuta Kadowaki, agitant la main et affichant son habituel sourire amical et éclatant. Normalement, Yuuta mangeait avec d’autres amis, mais apparemment, aujourd’hui, c’était différent. Il s’approcha d’eux, portefeuille à la main.
Yuuta leur parlait plus souvent depuis le début de leur deuxième année, même s’ils n’étaient pas particulièrement proches.
Mais depuis qu’Amane avait écouté les soucis de Yuuta l’autre jour, un certain lien s’était formé entre eux. Surtout, Amane avait compris que Yuuta était en réalité un type sympa. En fait, il lui faisait un peu penser à Itsuki.
« Ça me va… » Dit Amane.
« Je suppose que ça ne te gênes pas, Itsuki ? »
« Pourquoi tu pars du principe que ça me dérange pas ? Bon, c’est vrai, mais quand même… »
« Alors tout va bien, non ? »
« Ouais, pas de souci. Ce gars-là était peut-être un peu méfiant envers toi sans raison, mais il t’a vite adopté. Et toi aussi, Yuuta, on dirait que tu t’es bien attaché à Amane. »
« Attaché… ? » Marmonna Amane. « Ce n’est pas un chien. »
« Mais Yuuta est un peu comme un chien. Une fois qu’on a gagné sa confiance, il reste fidèle et vous colle sans arrêt, la queue frétillante. C’est du genre… Comment dire… ? Comme un golden retriever. »
« Vous pourriez éviter de traiter les gens de chiens en face d’eux, sinon ? » Répliqua Yuuta.
Mais effectivement, en l’imaginant en golden retriever, Amane ne put s’empêcher de rire.
Voyant les épaules d’Amane trembler, Yuuta fit une moue boudeuse, mais Amane voyait bien que ça ne le vexait pas vraiment.
« Ne rigole pas, Fujimiya. »
« Ha ha, désolé. »
« Amane pensait pareil, j’en suis sûr. »
« Bah, c’était une description plutôt juste, à vrai dire… »
« Oh, allez, pas toi aussi, Fujimiya. J’essaie juste d’être pote avec toi parce que je te trouve sympa, tu sais ? »
« Je suppose que c’est bien qu’Amane soit enfin un peu reconnu à sa juste valeur, » Lança Itsuki. « Allez, assieds-toi. »
« Eh, tu te prends pour qui ? » Répliqua Amane en lui donnant une tape.
Kadowaki s’approcha tranquillement, et en croisant le regard d’Amane, il afficha un grand sourire éclatant. S’il avait regardé n’importe quelle fille comme ça, elle se serait évanouie.
Amane répondit par un sourire en coin. « … Je peux te poser une question ? »
« Hmm ? »
« Tu veux vraiment être mon ami ? J’veux dire, j’vois pas trop ce que tu y gagnes, tu vois ? » Il ne comptait pas dire ça à voix haute, mais c’était sorti tout seul.
Yuuta voulait sans doute sincèrement être ami avec lui, mais les souvenirs d’Amane l’empêchaient encore de l’accepter pleinement.
Yuuta parut surpris par la question. « Tu traînes avec tes amis en pensant à ce que tu vas y gagner ? »
« Pas vraiment, non… »
« Alors voilà. Je te parle parce que j’ai envie de te connaître. »
Le sourire de Yuuta était aussi lumineux qu’un ciel sans nuages. Amane plissa les yeux sous cet éclat.
« … D’accord. » Finit-il par dire.
« Ouais, c’est cool, je suis content que vous vous entendiez. » Ajouta Itsuki avec un sourire taquin, avant de détourner rapidement le regard vers un autre coin de la classe.
Il observait Chitose, accrochée à Mahiru en s’exclamant : « Tu es trop mignonne, Mahirun, sérieux ! »
Chitose avait toujours été très tactile, peu importe le lieu. Tout le monde les regardait, soit attendri par ces deux beautés en pleine démonstration d’affection, soit jaloux.
Pour Amane, elles agissaient comme d’habitude, mais Itsuki souriait d’un air amusé en les regardant.
« Il s’est passé un truc ? »
« Non, rien. »
Itsuki eut un petit rire et partit en direction de la cafétéria. Amane et Yuuta le suivirent.
***
Le soir, après le dîner, Amane demanda à Mahiru : « … Tu boudes, pas vrai ? » Elle semblait contrariée ces derniers temps.
Mahiru cligna des yeux exagérément. « … Oh, ça se voyait tant que ça, mince ? » Elle tapota ses propres joues, comme si elle découvrait à peine son expression contrariée.
« Ouais, tu as juste l’air de mauvaise humeur. Je me creuse la tête depuis tout à l’heure pour savoir ce que j’ai pu faire. »
D’habitude, quand Mahiru boudait, c’était qu’Amane avait fait une bêtise. Mais aujourd’hui, ils avaient à peine échangé, donc il n’avait vraiment aucune idée de la cause.
« Si j’ai fait quelque chose, je m’excuse, mais… »
« N—Non, ce n’est pas ta faute, Amane. Je suis juste un peu étroite d’esprit. »
« Si toi tu es étroite d’esprit, alors les autres doivent avoir l’esprit plus fin qu’un cheveu. Mais bon, je ne suis toujours pas convaincu de n’avoir rien fait. »
Il était impossible qu’une fille comme Mahiru —qui ne se mettait pratiquement jamais en colère, qui écoutait toujours les autres et savait se mettre à leur place— soit étroite d’esprit. Et si c’était vraiment le cas, alors Amane devait avoir l’esprit aussi étroit qu’une aiguille.
Il ne comprenait pas vraiment pourquoi Mahiru boudait, mais il se doutait qu’il devait bien y avoir une raison. Et Mahiru n’était pas le genre de personne à se laisser affecter par des inconnus. Neuf fois sur dix, si elle faisait la tête, c’était qu’Amane —le seul garçon qu’elle laissait approcher— y était pour quelque chose.
« … Ce n’est vraiment pas de ta faute, Amane, mais… Enfin, ça a un rapport avec toi… »
« Je comprends pas trop, mais si c’est à cause de moi… »
« Tu ne devrais pas t’excuser si tu ne sais même pas pourquoi. En fait, c’est probablement moi qui devrais m’excuser. »
« Là, je suis encore plus perdu. »
« C’est parce que je suis étroite d’esprit. »
« Bon, bon, juste pour qu’on avance un peu, admettons que tu sois étroite d’esprit… Qu’est-ce qui te tracasse ? »
Il ne pensait pas une seule seconde que c’était vrai, mais pour faire avancer la discussion, il préféra faire comme si.
Mahiru refusait de le regarder en face.
« … Je trouve ça injuste. »
« Injuste ? »
« Kadowaki. »
« Quoi, Kadowaki ? »
« C’est pas juste qu’il puisse venir te parler quand il veut, juste parce que vous êtes deux garçons. Alors que moi, je dois toujours me retenir. »
« Te retenir ? »
« Pour ne pas créer de problèmes… éviter d’éveiller trop de soupçons… préserver ta précieuse tranquillité. On doit faire comme si on se connaissait à peine au lycée. Mais… ça me rend triste, j’ai l’impression d’être la seule mise à l’écart. »
Elle devait se sentir isolée.
Au lycée, Mahiru jouait toujours son rôle d’ange, comme d’habitude. Elle souriait à Amane comme à tout le monde et gardait avec lui la même distance qu’avec les autres garçons. C’était impressionnant à quel point elle jouait son rôle à la perfection.
Mais apparemment, Mahiru avait envie de lui parler davantage. Elle s’en empêchait pour éviter que ça ait des conséquences sur leur vie au lycée. Sauf que maintenant, Yuuta, un autre élève populaire qui avait également des problèmes avec le sexe opposé, était devenu ami avec Amane, et ça rendait les restrictions que Mahiru s’imposait d’autant plus pesantes.
Ça lui faisait mal d’apprendre qu’elle se sentait seule, mais il n’y avait pas vraiment de solution miracle. Il fronça les sourcils, et Mahiru fit de même. Elle semblait vraiment abattue.
« Itsuki, Chitose, Kadowaki… tous peuvent s’amuser avec toi, Amane. Il n’y a que moi qu’on met de côté. »
« Argh… »
Il ne supportait pas de la voir dire ça avec un air si triste.
Amane avait toujours parlé normalement avec Chitose, donc il pouvait discuter avec elle et Itsuki sans souci au lycée, les deux connaissaient la nature de sa relation avec Mahiru . Mais comme il ne parlait pas à Mahiru, quand Chitose venait discuter avec Itsuki, Mahiru se retrouvait seule.
Elle avait quelques autres amies dans la classe, mais elle n’était pas aussi proche d’elles qu’elle ne l’était de Chitose, alors quoi qu’il arrive, elle restait un peu en retrait. Bien sûr, elle masquait ses sentiments sous son sourire d’ange, mais Amane la connaissait assez pour voir sa solitude en pleine lumière.
Il comprenait. Et il aurait voulu faire quelque chose. Mais il ne pouvait pas simplement dire qu’il allait commencer à lui parler librement quand bon lui semblerait.
« … Mais bon, ce serait bizarre que l’ange de la classe devienne subitement pote avec un figurant en arrière-plan comme moi, non ? »
« Pourquoi tu te dénigres toujours comme ça ? Ça m’agace vraiment. » Mahiru fronça de nouveau les sourcils et lui tapota le nez avec l’index, un peu vexée. « J’ai entendu votre discussion, à tous les trois, tout à l’heure, et tu devrais vraiment arrêter de te rabaisser autant. Je n’aurais même pas pris la peine de me lier d’amitié avec toi si tout était toujours aussi froid et calculé que tu le dis. Rappelle-toi un peu dans quel état tu étais quand on s’est rencontrés. Imagine ce que je voyais de mon point de vue. Qu’est-ce que j’avais à y gagner, moi, à faire connaissance avec toi ? »
« T’es sacrément convaincante… »
Leur amitié avait commencé parce que Mahiru s’était inquiétée pour Amane, notamment à cause de son alimentation. Peut-être qu’un peu de culpabilité avait joué aussi. Il n’y avait pas vraiment de raison logique pour qu’ils se rapprochent. Objectivement, leur relation n’avait aucun sens.
Et pourtant, ils étaient devenus amis, pas pour des raisons de profit ou d’intérêt, mais à cause de ce qu’ils avaient ressenti l’un pour l’autre : de la bienveillance, de la gêne, de la tendresse. C’est tout cela qui les avait amenés à se connaître davantage.
« Évidemment, maintenant, je sais que tu es quelqu’un de gentil, avec une bonne personnalité. Donc si quelqu’un me demandait les avantages qu’il y a d’être ton amie, ce serait facile à répondre. Mais je m’en fiche de tout ça. Je t’aime pour ce que tu es, et je suis sûre que Kadowaki aussi a ses propres raisons, comme il l’a dit. Alors arrête de toujours te voir en négatif. C’est irrespectueux pour tous ceux qui tiennent à toi. »
« … Désolé. »
« Ce n’est pas une raison pour t’excuser avec une tête aussi déprimée. Je veux juste que tu aies un peu plus confiance en toi. »
Il sentait encore un petit picotement là où elle l’avait touché, mais ce n’était pas une sensation désagréable.
« Bon, on va devoir travailler sur ton manque de confiance. Il faut que tu sois plus sûr de toi. »
« Plus sûr de moi, hein… Disons que… »
« Mieux encore, je vais commencer à répandre la rumeur que t’es un mec génial. »
« Si tu fais ça, je vais mourir de honte, et tout le monde va se demander ce qui t’arrive. »
Ce serait plus que suspect si Mahiru se mettait soudainement à encenser un garçon avec qui, en apparence, elle n’avait rien à voir.
« Je ferai en sorte que ça paraisse naturel, d’accord ? »
« Ça veut dire que t’as décidé de me parler au lycée ? »
« … Écoute, je n’aime pas être la seule mise à l’écart. Si ça ne te dérange pas, j’aimerais passer du temps avec toi comme tout le monde. »
Qu’elle le fasse exprès ou non, Mahiru baissait les yeux, d’un air si triste qu’Amane sentait qu’il allait devenir fou.
« … C’est pas que ça me gêne, mais si on commence soudainement à faire ami-ami, les gens vont forcément remarquer. »
« Donc si j’y vais doucement, c’est bon ? »
En voyant ses yeux s’illuminer et son visage se détendre, Amane ne pouvait plus lui dire non. Il hocha la tête.
« Essaie juste de pas trop me faire mousser, d’accord ? »
« Très bien… Puisque tu insistes, je ne te complimenterai plus jamais. »
Ça lui fit un peu mal de l’entendre dire ça, mais Amane se retint de réagir et regarda au loin. Sa vie scolaire allait devenir un peu plus agitée.
============
source : traduction anglaise officielle par Yen Press
lien : https://yenpress.com