Traducteur: Ych
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À l’exception de Manohar, bien sûr. Le professeur fou se contenterait probablement de considérer ces révélations comme un moyen pour ses recherches. Il était au-delà de la moralité, si ce n’est même au-delà de la raison.
“Alors tu m’as fait venir ici pour me montrer la vie que tu as sauvée, pour ne pas me mettre en colère quand je découvrirai pourquoi tu vas me quitter ?”. Kamila le repousse, les yeux larmoyants et la voix blessée.
“Te quitter ?” demande Lith.
“Eh bien, si tu vas mourir, tu ne peux pas perdre ton temps avec moi. Je suis plus âgée que toi, je dois encore construire ma carrière et me faire un nom. Je sais que je suis juste…”
“Non, tu as tout faux.” Lith la fait taire gentiment, posant son index sur les lèvres de Kamila pour avoir l’occasion de s’expliquer.
“Je t’ai amenée ici parce que je ne veux pas que tu perdes ton temps avec moi sans savoir que si mon métier ne me tue pas, mon passé pourrait le faire à tout moment. Parce que je voulais être honnête avec toi avant d’avancer dans notre relation, sinon tout ce que nous pourrions construire ensemble aurait pour fondations des mensonges et des omissions.
“Grâce à l’échange de forces vitales, Protecteur sait presque tout de moi, mais il m’a tout de même acceptée. Cela fait de lui l’une des rares personnes avec qui j’ai été complètement honnête, et je pense que tu mérites aussi de connaître la vérité.”
Lith lui raconta sa première tribulation en Kandrie, comment les choses avaient commencé à changer, à l’intérieur comme à l’extérieur de lui, et comment ces changements s’étaient approfondis avec le temps.
“Alors, non seulement tu as une force vitale paralysée, mais tu es aussi….. Inhumain ?” Demanda-t-elle en faisant les cent pas, essayant d’égaler la vitesse à laquelle Mogar tournait autour de sa tête.
“Certains disent un Dragon, d’autres un démon, mais ils s’accordent tous sur le terme hybride”. Lith acquiesça, sans chercher à s’approcher d’elle.
“Montre-moi.” Elle s’arrêta brusquement, face à Lith, les mains serrées si fort que ses ongles transpercèrent sa peau, faisant saigner Kamila.
“Tu es sûre ? C’est un peu déstabilisant…”
“Fais-le, c’est tout.” Elle le coupa court, espérant que son histoire n’était qu’une façon alambiquée et sadique de rompre avec elle. Pourtant, tout était vrai. Tout comme celle de Protecteur, la métamorphose de Lith était si fluide qu’il suffisait de cligner des yeux pour la rater.
Selia faillit glapir de surprise dans l’ombre et seule la main de Protecteur la fit taire, laissant intacte l’illusion de Kamila d’être seule.
Kamila regarda les écailles noires, dont les pointes étaient rougies par le feu intérieur qui brûlait en elle. Elle remarqua les griffes acérées comme des rasoirs qui avaient remplacé les ongles de Lith, la courte queue pleine de pointes d’os qui sortait de sa colonne vertébrale, ainsi que les ailes noires dans son dos.
Elles étaient différentes de celles qu’il avait créées quelques jours auparavant pour la défendre. Elles étaient tordues et peu naturelles, comme les mains d’un géant qui l’enserraient. Puis, elle leva les yeux, bien plus haut que d’habitude, pour croiser son regard.
Lith n’avait apparemment ni bouche ni nez, avec juste deux petites cornes incurvées sur son front et trois yeux qui cherchaient son regard. Tout comme ceux de Protecteur, les yeux de Lith n’avaient pas changé, ils étaient les mêmes qu’avant.
Honnêtes, inquiets, et pleins de cette douleur qui les laissait si rarement tranquilles, rendant son regard triste ou cruel la plupart du temps.
Kamila prit plusieurs respirations profondes jusqu’à ce que Mogar cesse de lui jouer des tours. Ce n’est qu’alors qu’elle parvint à ouvrir les mains, touchant d’abord les griffes de Lith, puis son cou écailleux.
Elle s’attendait à ce qu’il soit froid et rugueux, peut-être même tranchant. Pourtant, son corps était chaud et doux sous son contact, les écailles tressaillant comme si ce contact donnait la chair de poule à Lith, soit par plaisir, soit par peur.
Kamila sentit une petite démangeaison sur ses mains, là où les marques d’ongles cicatrisaient rapidement sans laisser de trace de leur existence. Elle tressaillit instinctivement, comme si elle venait de se blesser au lieu d’être soignée.
“Oh, mon Dieu !” Kamila a crié vers le ciel nocturne tout en s’agenouillant dans l’herbe et en se tenant la tête.
“Ne t’inquiète pas. Je comprends que ce soit difficile à accepter.” La voix de Lith était différente, on aurait dit un hurlement provenant d’un abîme qui aurait appris à parler d’une manière ou d’une autre. “Je t’ai aussi amené ici pour que Protecteur puisse te ramener chez toi sans avoir à me revoir. Je suis désolé, je n’ai jamais voulu te faire de mal. Je…”
“Tu es sexy, tu sais ?” Kamila le coupa court, faisant prendre conscience à Lith que son trouble intérieur avait transformé la plupart de ses écailles en une couleur chauffée à blanc et qu’elles étaient maintenant fumantes dans la nuit fraîche du printemps.
(Note du traducteur : Hot en anglais, peut également signifier “chaud”.)
“Oui, c’est vrai. Les écailles contiennent en fait le feu à l’intérieur de ce corps. Je n’ai pas de fluides corporels sous cette forme.” Lith explique.
“Non, je suis sincère. Tu es sexy.” Kamila se dressa sur la pointe des pieds juste pour traîner le col de sa chemise assez bas pour réussir à passer ses bras autour de son cou.
“On dirait que Selia n’est pas la seule, je suis aussi une perverse”. Dit-elle en déposant un baiser sur les couches d’écailles qui cachaient sa bouche, à moins qu’il ne les rétracte volontairement.
“Quoi ?” Les genoux de Lith se dérobèrent soudain et touchèrent le sol, incapables de supporter plus longtemps la vitesse de rotation fulgurante de Mogar.
“C’est pour ça que je criais tout à l’heure. Savoir que tu es un pervers est une chose, mais se l’avouer à soi-même est difficile.” Elle l’embrassa à nouveau, regardant Lith dans les yeux maintenant que la différence de taille avait disparu.
À l’extérieur, il était peut-être quelqu’un d’autre, mais l’homme à l’intérieur de cette carapace durcie n’avait pas changé d’un poil. Il était toujours plein de soucis, de douleurs et de cicatrices, mais il n’avait été rien d’autre que gentil avec elle.
Il s’était battu pour elle, pour sa famille, sans jamais rien demander en retour. Lith l’avait protégée des humains, des monstres et de tout ce qui se trouvait entre les deux, mais ce qui le rendait le plus précieux à ses yeux, c’est qu’il ne l’avait jamais considérée comme acquise.
Soudain, son esprit revint à leur deuxième rendez-vous, lorsqu’après avoir chanté cette chanson pour elle, Lith avait révélé à Kamila l’astuce qui se cachait derrière sa performance magistrale.
Ce soir-là, il lui avait dit qu’il voulait l’impressionner pour ce qu’il était plutôt que de prétendre être quelqu’un d’autre. Il lui avait dit qu’il n’était pas prêt à construire leur relation sur un mensonge et il avait tenu parole.
Lith avait pris beaucoup de risques en partageant avec elle la vérité sur le Protecteur et sur lui-même, mais il l’avait fait quand même. Il l’avait fait pour elle, sans conditions.
La forme hybride de Lith commença à se désagréger par plaques, le ramenant lentement à son corps humain et l’amenant si bas que Kamila dut s’agenouiller pour ne pas perdre le contact visuel.
“Il te faudra plus que quelques écailles et une mauvaise haleine pour te débarrasser de moi, Lith Verhen”. Même si le masque d’écailles était resté fermé pendant tout ce temps, la puanteur âcre du soufre était toujours dans l’air.
Kamila le serra fort et bientôt Lith lui rendit son étreinte. Il s’accrochait à elle comme à un canot de sauvetage dans l’éternelle tempête qu’était sa vie, encore incapable de trouver son équilibre ou même de croire ses propres oreilles.
“Tu es sûre ? Ne serait-il pas préférable pour toi de trouver quelqu’un de normal ? Quelqu’un qui puisse t’offrir une vie ennuyeuse et paisible ?” demande Lith tout en écoutant le rythme régulier du cœur de Kamila.
Elle n’avait pas peur de lui et ne mentait pas non plus. Tout son corps dégageait un sentiment de tendresse et d’affection.
“J’en suis plus que sûre.” Kamila dit avant de l’embrasser avec la même passion qu’ils avaient partagée la première nuit qu’ils avaient passée ensemble.