Supreme Magus chapitre 600

Trion n’avait jamais oublié sa promesse à Lith, surtout parce qu’il avait peur que son frère fasse irruption dans sa base et l’humilie à nouveau. Il lui a tout de même fallu des mois pour trouver la force de rentrer chez lui.

Il aimait ses parents de tout son cœur et c’était la raison pour laquelle il était beaucoup plus difficile de les voir que de continuer à éviter les problèmes non résolus qu’il avait avec sa famille. Trion avait longtemps réfléchi au sort d’Orpal avant de réaliser qu’en mettant en danger la vie de leur petit frère, il avait dépassé les bornes.

Grâce à la vie dans l’armée et à la camaraderie avec ses pairs, Trion s’était rendu compte que ce qu’il avait avec son frère aîné était une relation malsaine. Orpal lui donnait toujours des ordres et ils se disputaient rarement, tout simplement parce que Trion lui obéissait.

Il n’en voulait plus à ses parents d’avoir renié son grand frère adoré, et pourtant, plus il y pensait, moins il se sentait chez lui. Ses parents ne l’avaient jamais moins aimé que Lith, mais il était fatigué d’être toujours comparé à son petit frère.

Fatigué d’être souvent appelé “le frère de Lith” plutôt que de porter son nom.

L’armée lui avait donné un endroit où il pouvait être lui-même, où l’ombre de son frère ne pouvait plus l’atteindre. C’est la raison pour laquelle il n’était jamais retourné chez lui. Même si Lith était toujours à l’académie, sa présence avait entaché toute Lutia.

Dans ses lettres, après avoir demandé à Trion de lui répondre et de lui faire savoir qu’il allait bien, Elina mentionnait toujours comment le village s’était agrandi, comment leur maison était rénovée. Jusqu’à ce que la maison dont il se souvenait n’existe plus.

Les choses se sont encore aggravées pour Trion chaque fois que Lith s’est fait un nom. La peste en Kandrie, affronter seul un Valor, devenir un haut gradé, c’était autant d’événements qui atteignaient tous les coins du royaume griffon, caserne comprise.

Chaque fois que Trion entendait les gens faire l’éloge de Lith pour ses exploits, alors qu’il n’était qu’un roturier sans nom, il ne pouvait s’empêcher d’être jaloux.

‘S’il y a bien une chose sur laquelle Orpal avait raison, c’est sur le fait qu’il est injuste que personne ne se soucie de notre dur labeur. Personne ne me félicite pour mes efforts, et personne ne se soucie de savoir si je me débrouille bien dans l’armée. Lith n’a qu’à bouger les mains en débitant des conneries et tout le monde lui souffle de la fumée dans le cul !’ pensait-il souvent.

Lorsque Lith a reçu un nom de famille de la part du roi lui-même, Trion l’a appris de la pire façon qui soit. Un lieutenant lui a demandé s’il voulait prendre le nom de Verhen devant tout le mess.

Soudain, Trion a disparu, et en un clin d’œil, son nom est devenu “le frère de Lith” Verhen. Trion a dû demander à être relogé et acheter un nom de famille, Proudstar, pour ne plus être associé aux Verhen.

Il regrettait ce qu’il avait fait à Phloria, mais il avait beau enfouir sa haine, elle était toujours là. Toute mention du nom de son frère, quelle qu’en soit la raison, suffisait à la raviver en un feu ardent.

Lorsque Trion est rentré chez lui, c’était exactement ce qu’il craignait. La maison était méconnaissable, tout comme le village. La plupart des valets de ferme n’avaient aucune idée de qui il était et ceux qui le savaient crachaient par terre à son passage.

“Si tu étais mon fils et que tu faisais pleurer ma Liza autant qu’Elina l’a fait pour toi, je te botterais le cul pour te renvoyer d’où tu viens”. dit Bromann, impatient de raconter le passé de Trion à quiconque lui demanderait qui était ce sergent.

Trion n’avait pas encore mis les pieds chez lui qu’il était déjà plein de venin. Il songeait à jeter dans le caniveau les milliers de kilomètres qu’il avait traversés lorsque la porte s’ouvrit.

Raaz le reconnut immédiatement et serra son fils perdu de longue date dans ses bras.

“Bienvenue à la maison, mon fils.” C’est tout ce qu’il a réussi à dire en luttant contre ses larmes.

En entendant ces mots, Elina s’est elle aussi précipitée vers la porte, se joignant à l’étreinte alors que des larmes de joie coulaient sur son visage. À cet instant, Trion se rappela à quel point il aimait ses parents et toutes les choses merveilleuses qu’ils avaient partagées.

“Tu m’as tellement manqué, Trion”. Elina a dit entre deux sanglots.

“Tu m’as manqué aussi, maman. Désolé de ne pas être venu depuis si longtemps.” Il a dit en laissant tomber ses griefs passés.

Malheureusement, ils lui revinrent tous en mémoire dès que ses yeux se posèrent sur sa droite, à l’endroit où se trouvait autrefois son ancienne chambre. Elle avait été remplacée par un garde-manger il y a des années. Il ignora la question de ses parents sur ses amis et sa carrière, demandant avec colère :

“Mais qu’est-ce qui s’est passé ici ? Où est ma chambre ?”

“Ne t’inquiète pas, mon chéri. Nous n’avons rien jeté du tout. Ta chambre est au deuxième étage, comme celle de tout le monde.” Elina lui répond.

“Qu’est devenu le bureau de Lith ? C’est maintenant une buanderie ou quoi ?” Il a demandé avec beaucoup plus d’emphase que nécessaire.

“Le bureau de Lith est toujours là, tout comme celui de Rena. Lith ramène parfois sa petite amie à la maison et Rena est mariée maintenant. Ils méritent un peu d’intimité.” Raaz explique.

C’était parfaitement logique, surtout si l’on considère que Lith avait payé toutes les rénovations avec son propre argent, et pourtant Trion le vivait comme un traitement injuste.

“Entre, mon cher. Assieds-toi. Nous avons tellement de choses à rattraper.” Elina sortit de son anneau dimensionnel du thé chaud et des pâtisseries fraîchement cuites, laissant Trion sidéré.

À présent, la cuisine et la salle à manger étaient deux pièces distinctes. Chaque meuble était de bonne qualité. La maison était chaude et sans le moindre courant d’air, avec plus d’outils magiques que les appartements dans lesquels Trion vivait.

À chaque pas qu’il faisait, il se sentait étranger à cet endroit. Seuls ses parents lui donnaient la force de s’asseoir et de combattre la rage qui le consumait.

“Qui est cet homme, maman ?” demande une petite voix.

Trion avait entendu parler d’Aran à la fois par Phloria et par Lith, pourtant il n’arrivait toujours pas à en croire ses propres yeux. Il avait toujours pensé que le fait d’avoir donné naissance à un démon comme Lith l’avait rendue stérile.

Secrètement, il trouvait du réconfort à cette pensée, comme si c’était une sorte de justice divine qui équilibrait la balance.

“Chéri, viens rencontrer ton frère Trion”. Elina le prit dans ses bras.

“Je n’ai qu’un seul frère.” Aran s’obstine.

“Pardonne-lui, Trion. Aran a à peine quatre ans et ne t’a jamais rencontré auparavant. Tu sais comment sont les enfants.” Son ton était apologétique, mais Elina n’a jamais cessé de sourire ni ses yeux de pétiller en regardant le petit miracle dans ses bras.

“Ne t’inquiète pas maman, tout va bien.” Il a menti de manière flagrante, montrant clairement qu’il en voulait au petit enfant.

“Dis-moi tout ce qui te concerne, mon fils. Comment ça se passe dans l’armée ? As-tu quelqu’un de spécial ?” demande Raaz.

“Désolé, papa. Je ne suis pas aussi bon que Lith. Je ne suis pas marié et je n’ai pas de petite amie. Après tout, même après avoir travaillé comme un fou pendant des années, je ne suis qu’un sergent-chef, alors que lui est un puissant mage qui est devenu lieutenant du jour au lendemain !

“Pourquoi quelqu’un s’intéresserait-il à un moins que rien comme moi ?” Dit-il en tapant sa main sur la table.

“Trion je ne fais pas de comparaisons. Je veux juste savoir comment tu vas.” Raaz a dit pendant qu’Elina essayait de calmer Aran. Il n’aimait pas les étrangers, et encore moins ceux qui criaient.