Traducteur: TheCounterspell
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Au Griffon Blanc, comme dans les six grandes académies, les étudiants de différentes années n’avaient pas d’espaces communs, pour éviter que les aînés plus âgés et plus forts ne bizutent leurs juniors.
Cet exploit avait été réalisé simplement en faisant en sorte que chaque année académique se déroule sur un seul étage. Au rez-de-chaussée du château, il y avait l’espace d’accueil pour les visiteurs et le secrétariat, où les commis s’occupaient de la paperasse de l’académie.
Le premier étage accueillait la première année d’académie, le deuxième étage la deuxième, et ainsi de suite.
Au-dessus du cinquième étage, il y avait les quartiers d’habitation du personnel et leurs laboratoires personnels, mais la plupart des espaces étaient notés sur la carte comme étant soit vides, soit affectés à des départements aux noms indéfinis.
Lith soupçonnait que toutes les affaires privées de l’académie, comme les cours de formation des spécialisations cachées, avaient lieu là.
À ce moment-là, en regardant la carte du château avec Soluspedia, Lith ne s’interrogeait pas sur les mystères de l’académie, il maudissait plutôt sa conception défectueuse.
– ‘Merde ! Ce n’est pas étonnant que les professeurs se déplacent toujours avec des pas de distorsion. Je ne l’avais pas réalisé au début, mais même un seul étage est comme une petite ville, bien plus grande que tout le village de Lutia.
La salle des prix est assez loin de l’hôpital. Il me faudra au moins dix minutes pour l’atteindre, et beaucoup plus pour retourner à mes appartements. Je n’avais pas prévu de faire autant de cardio ! Je suis fatigué, les seules choses que j’ai envie de faire sont de dormir et de manger.
Le seul bon côté de cette situation, c’est que tout le monde subit le même sort. Après le gong, le professeur Vastor est parti seul, nous laissant en rade dans le service.’ –
Avec tout ce qui s’était passé pendant son premier jour, la charge psychologique sur l’esprit de Lith était énorme.
Affronter les brutes, se retenir d’utiliser la vraie magie, être obligé de tolérer autant d’idiots sans leur botter le cul, était quelque chose dont il n’avait plus l’habitude. Depuis sa renaissance, il avait toujours réduit au minimum les interactions humaines.
Maintenant, il était constamment en alerte, il ne pouvait pas baisser sa garde une seconde, le Ballot toujours à portée de main. Il avait hâte de fermer la porte derrière lui, et d’avoir enfin un peu de paix et de tranquillité.
– « Je ne sais pas si nous serons un jour autorisés à utiliser les pas de distorsion ici… » Réflechi Solus
« …mais pourquoi exactement ne flottons-nous pas, ne volons-nous pas ou quelque chose comme ça ? Il n’y a pas de règle contre l’utilisation de la magie dans l’académie, sauf si elle est utilisée pour nuire ou harceler les autres. »-
Lith se figea sur place, grimaçant à cause de sa propre stupidité.
– « Soit je suis trop fatigué pour penser clairement, soit tu es définitivement plus intelligente que tu en a l’air. Je t’aime, Solus. » Répondit Lith.
« Je t’aime encore plus. » A-t-elle répondu. –
Lith fit semblant de lancer un sort de vol personnel, puis s’éloigna en volant, le dos collé au plafond. Les dix minutes de voyage se transformèrent en une minute de vol à faible vitesse, Lith ne pouvait pas risquer de s’écraser contre quelqu’un d’autre.
Pendant ce temps, il contemplait comment le fait d’avoir une relation symbiotique avait changé sa vie. Il ne pensait pas à Solus qui avait une vue à 360° 40/10, à sa dimension de poche ni à aucune de ses capacités.
Ce qui ne cessait de l’étonner, c’était la façon dont il avait pris l’habitude de se considérer comme “nous” plutôt que “je” dans ses propres pensées. Malgré la terreur qu’elle avait fait naître dans son cœur après leur première rencontre, Solus était maintenant plus proche de lui que ses sœurs.
Ils partageaient même ses rêves, alors qu’il était endormi.
Quand il est arrivé, la salle des prix fut une déception totale. Lith l’avait imaginé comme une bibliothèque, mais remplie de trésors magiques, avec les étagères occupées par les objets et leurs descriptions.
Il avait pensé à les parcourir, à demander l’aide des employés de temps en temps, mais la réalité était tout autre. Entre les salles d’entraînement des Mages de combat et des Mages de guerre, se trouvait quelque chose qui ressemblait beaucoup à un distributeur de billets.
Sur l’écran clignotant, il y avait l’image d’une paume ouverte, alors Lith a suivi les instructions infaillibles, en envoyant du mana dedans. L’écran est devenu lumineux, faisant apparaître l’hologramme 3D d’un employé.
C’était une femme ronde d’une trentaine d’années, avec un visage fatigué qui faisait honte à celui de Lith. Les yeux fixés sur son visage, Lith pouvait la voir tripoter une sorte de cristal.
« Tu es Lith de Lutia, n’est-ce pas ? » Le cristal dans ses mains projetait une image détaillée des traits de son visage.
Lith a hoché la tête.
« Y a-t-il quelqu’un avec toi ? Est-ce que quelqu’un te force à dépenser tes points ? »
« Non. » Lith était cynique et paranoïaque, mais il était surpris de voir à quel point les choses devaient être mauvaises dans les académies pour qu’un tel protocole soit appliqué.
La femme a appuyé sur un autre cristal, et une bulle de lumière a enveloppé Lith.
« Tu es dans une zone de sécurité. Personne ne peut nous voir ou nous entendre maintenant. As-tu besoin d’aide ? Je peux t’envoyer un garde en une seconde avec les pas de distorsion. Tu es sûr que tout va bien ? »
« Oui, tout va bien. Merci pour votre gentillesse. »
« 1000 points pour ton premier jour ? ! » La femme avait l’air sincèrement étonnée.
« Petit, tu as touché le gros lot, n’hésite pas à vérifier notre inventaire. »
Sur l’écran apparut quelque chose de similaire à une page web, dans laquelle il pouvait naviguer en utilisant le mana.
Les prix des objets dimensionnels variaient de 100 à plus de 300 points, les anneaux de stockage magiques coûtaient 100 points par niveau. Il y avait aussi des armes disponibles, mais Lith n’en avait jamais tenu une vraie.
Sur Terre, il s’était entraîné avec des épées, des couteaux et des lances en bois. L’équilibre était complètement différent, et sans un entraînement adéquat, elles étaient inutiles contre un adversaire compétent. Les potions étaient les objets les moins chers, coûtant 10 points chacune.
L’objet le plus cher était l’uniforme, qui coûtait 5000 points. Cela permettrait à Lith de le garder même après avoir terminé ses études, et de changer son apparence pour quelque chose de moins voyant.
Malheureusement, il n’y avait pas de montre de poignet ou de poche disponible.
Il a acheté l’amulette dimensionnelle la moins chère (80P), un anneau de stockage magique pour chacun des trois premiers niveaux (600P), et une potion d’amélioration physique de chaque type (30P). Lith avait maintenant tout ce dont il avait besoin pour masquer l’utilisation de la vraie magie et de Solus.
La greffière lui envoya les objets un par un via des Warp, en lui demandant de les lui montrer devant elle, pour des raisons de sécurité. Même les potions ne faisaient pas exception.
Sur le chemin du retour, il s’est arrêté à la cantine. Il était trop tôt pour dîner, mais il avait grand besoin d’une nourriture réconfortante, alors il a stocké une tasse de chocolat chaud et quelques pâtisseries avant de retourner dans sa chambre.
Les livres n’avaient pas encore été livrés, il pouvait donc enfin se détendre et contempler ses achats. La première chose qu’il fit fut d’utiliser les potions de vitesse, de force et de durcissement de la peau, en comparant leurs effets avec la magie de Fusion.
Après les avoir remplies d’eau colorée, il n’avait plus qu’à faire semblant d’en boire une pour pouvoir activer la magie de fusion sans éveiller de soupçons, tant que les effets étaient similaires.
Ce n’est qu’en allant dans la salle de bains qu’il a réalisé la taille de sa chambre. Elle ressemblait beaucoup à un appartement d’une chambre à coucher, d’environ cinquante mètres (55 mètres carrés). Il y avait un lit double dans le coin supérieur droit, sa valise était devant le lit.
A quelques mètres sur la gauche, contre le mur, il y avait une armoire en bois.
Sur le mur de gauche, il y avait un bureau en bois dur et une chaise pour ses études, avec une paire d’étagères vides montées au-dessus. Les meubles mis à part, la pièce était vide, ce qui la faisait paraître encore plus grande.
Une porte intérieure menait à la plus grande salle de bain qu’il ait jamais vue, occupant plus d’un tiers de la pièce. Il y avait de vraies toilettes et un lavabo devant un miroir, tous deux avec de l’eau courante.
Lith était au bord des larmes, après toutes ces années, il s’était presque résigné à faire pipi au vent et à faire caca dans un trou dans le sol. Même chez le comte Lark, le mieux qu’il ait pu obtenir était un pot de chambre.
La plus grande partie de l’espace, pensait-il, était occupée par une baignoire assez grande qui pouvait accueillir confortablement quatre personnes.
– « C’est moi, ou celui qui a conçu cette pièce a l’esprit sale ? D’abord le lit double et maintenant ça ? » Pensa Lith.
« C’est logique, vu qu’ils entassent des adolescents sans contrôle parental. Tu te souviens du sort que Nana nous a donné avant d’aller au Griffon de la Foudre ? » Fit remarquer Solus.
« En fait, je l’avais presque oublié. Mais vu la vitesse à laquelle Tista et Rena se sont développées, même à douze ans, ça n’a pas dû être difficile pour Nana de trouver un partenaire. Je suis grand pour mon âge, mais encore imberbe et plus petit que la plupart de mes camarades de classe.
Sans compter que, même l’idée de toucher un enfant me donne envie de vomir. » –
Lith a alors lâché ses besoins de la manière la plus magnifique et confortable depuis sa renaissance. Ce seul moment a fait disparaître comme un mauvais rêve toutes les difficultés qu’il avait rencontrées depuis son entrée à l’académie.
Après cela, il a pris un long bain chaud, ou du moins c’était le plan. Il avait à peine trempé son corps et fait mousser ses cheveux que quelqu’un frappa à sa porte.
-‘Je le savais ! Ça devrait être la quatrième loi de la thermodynamique : dès qu’un corps et du savon se rencontrent, un colis arrive !’-
Furieux, d’un geste de la main il utilisa la magie de l’eau pour enlever la plupart de l’eau et du savon de son corps, sortant son uniforme de la dimension de la poche directement sur son corps, comme s’il ne s’était jamais déshabillé.
Comme prévu, un commis était venu lui remettre tous les livres nécessaires à la quatrième année d’académie. Remarquant son froncement de sourcils et ses cheveux mouillés, l’employé a deviné ce qui s’était passé et est parti après avoir fait signer à Lith son registre.
Après un bain et un autre appel à la maison, Lith est allé dîner.
Il était sur le point de consommer un délicieux Bliker farci quand un événement inattendu s’est produit. Sa parfaite solitude a été interrompue par trois individus connus s’approchant de sa table. Lith les a arrêtés avant qu’ils ne s’assoient.
« Désolé, mais nous avons un dicton dans mon village. La meilleure façon d’apprécier un Bliker ne nécessite que deux invités : moi et le Bliker. »
« On ne voulait pas le partager, on voulait juste s’asseoir ici, avec toi. » dit Yurial.
« Vraiment ? » Lith a froncé les sourcils. « Vous ne craignez pas les conséquences de vous associer à un paria ? »
Yurial a ri à cette idée, attirant tous les regards dans la cantine. La seule chose que les autres savaient, c’est qu’ils appartenaient tous les quatre à la même spécialisation. S’attendant à ce qu’une bagarre éclate, la salle se tut.
« Qu’est-ce qu’il y a à craindre ? Mon père est un Archimage, il peut anéantir la plupart de ces types en un claquement de doigts. De plus, les mages puissants devraient se serrer les coudes. »
« Ouais ? Et la flasque en verre que tu m’as jetée ce matin ? Ou le mouchoir sale avec lequel elle m’a frappé sur la tête ? » Lith a dit en pointant Friya, qui est devenue rouge à cause de l’embarras.
« Comment tu le sais ? J’étais juste derrière toi. »
« Je suis si bon. »
« Je l’admets, nous avons commencé du mauvais pied, mais il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas être amis. » Dit Yurial avec une attitude confiante et charismatique.
« Amis ? » Lith s’est levé, le public a même arrêté de mâcher, essayant d’écouter leur conversation.
« C’est le fils d’un archimage ! » « Je suppose qu’il ne craint pas la Fin des Lâches. » « J’espère qu’ils vont s’entretuer. » Voilà quelques-uns des commentaires que Lith et Solus ont réussi à percevoir.
« Si tu étais à ma place, serais-tu vraiment ami avec quelqu’un qui t’a d’abord maltraité, pour ensuite agir de manière amicale lorsqu’il a découvert ton talent ? Mon avis éclairé est non.
Vous auriez tous dû être plus intelligents, et ne pas juger un livre à sa seule couverture. Heureusement pour moi, vous avez révélé votre vraie nature, donc je ne croirai pas à vos belles paroles. »
« Je l’admets, j’ai eu tort et je m’en excuse. »Yurial était implacable, Lith devait lui accorder cela. « Tu peux ne pas nous aimer, mais essaie d’être plus pragmatique. S’ils te voient avec nous, ta vie sera beaucoup plus facile. »
« J’ai compris. » répondit Lith. « Mais pour l’instant, je n’ai pas envie de me faire des “amis”, peut-être une autre fois. » Il tendit sa main à Yurial, qui s’empressa de la serrer.
« Merci de ne pas me menacer avec le pouvoir de ton père. J’apprécie beaucoup. »
« Ça aurait marché ? » demanda Yurial avec un sourire.
« Non, j’aurais décelé ton bluff. Ni toi, ni aucun Archimage, ne me semble être quelqu’un d’aussi mesquin et borné, de faire un ennemi de toute l’académie pour quelque chose d’aussi trivial. »
Yurial a accepté le compliment et s’est éloigné, suivi de près par Friya. Quylla est restée derrière, fixant Lith avec ses grands yeux de chiot.
« Désolée de ne pas t’avoir aidé ce matin, mais j’avais trop peur pour bouger. » Dit-elle d’un ton bas. « Ce ne sont pas de mauvais garçons, je pense qu’ils méritent une seconde chance. Ils ont été très gentils avec moi. »
Lith a grogné, fermant son visage au sien d’une manière menaçante, mais sa voix était en fait calme et bienveillante.
« Écoute bien, en bref. Ne fais jamais confiance aux gens juste à cause de quelques mots ou cadeaux bon marché. Pour eux, notre talent n’est qu’un outil, ils ne nous considèrent pas comme des égaux.
Les gens seront toujours gentils et amicaux pendant que tu sers leurs objectifs, mais à la première erreur, ils te laisseront tomber comme un déchet. Accompagne ces deux-là, mais ne les laissez pas t’utiliser. Et maintenant, part, avant que quelqu’un ne pense que nous sommes amis.
Soit tu prends un Bulletin de Vote aussi, soit tu restes loin de moi. Allez ! »
Lith a crié le dernier mot pour que les autres l’entendent. A ses yeux, Quylla était destinée à finir comme Nana, à moins qu’elle ne parvienne à faire preuve de sagesse et à se débarrasser de sa naïveté enfantine.
Enfin seul, Lith s’assit à nouveau et commença à dévorer son dîner.
– ‘Vous verrez, bande de salauds. Ce n’est qu’une question de temps avant que ce jeune serpent de Lutia ne devienne un dragon et ne vous avale tout entier.’ –