Traducteur: TheCounterspell
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Cette longue conversation avait été assez épuisante pour Lith, ajoutant un nouveau poids à son fardeau. Ce n’est pas pour les informations qu’il avait acquis, tout compte fait, il a estimé que ses chances étaient encore assez bonnes, avec ou sans académie.
Le seul ajustement à ses plans était qu’après avoir rejoint l’Association des Mages en tant que membre de facto du cercle extérieur, un magicien voyou, il aurait besoin d’accumuler des mérites dès qu’il le pourrait, pour obtenir un apprentissage avec un bon Forgemaster.
Les mérites normaux ne lui serviraient à rien, il avait besoin de ceux qu’il pouvait gagner en tant que magico, servant l’Association des Mages du mieux qu’il pouvait.
Le seul vrai problème avec sa situation actuelle serait de pourrir pendant encore quatre ans, comme la proverbiale grenouille dans le puits.
La raison pour laquelle Lith se sentait si déprimé, était qu’il avait finalement réalisé combien ses amis avaient investi en lui, non seulement en termes d’argent, mais aussi de temps, de passion et d’espoirs.
Ce n’était pas l’échec qui le dérangeait, mais le fait qu’avec son attitude effrontée et insouciante, il les avait blessés, en prenant tout cela à la légère. Lith devait admettre qu’à leur place, il aurait eu l’impression d’avoir jeté des perles à un pourceau pendant des années.
Bien sûr, le comte Lark n’était pas aussi catégorique que lui, mais Lith pouvait voir à quel point il se sentait concerné, et combien il était blessé après la dernière réprimande.
C’était la première fois que Lith sentait qu’en ayant gagné une dispute, il avait en fait perdu la guerre.
Mais à part les doutes, il ne pouvait pas faire grand-chose. Il se promit donc de tout reconsidérer avec un regard neuf si l’occasion se présentait, et décida de passer à un problème plus urgent.
Lith n’avait pas encore résolu ses problèmes avec la magie de niveau 4, et il était hors de question de demander à Nana. Cela lui en révélerait trop, exposant la profondeur de sa compréhension de la magie, malgré son statut d’autodidacte.
La seule carte qu’il lui restait à jouer était de demander l’aide de son ami, le roi Ry à l’ouest des bois de Trawn. Grâce à son noyau de mana cyan, Lith était devenu moins effrayé par lui, et au cours des dernières années, ils avaient développé une relation étrange.
Lith l’utilisait comme confident, lui demandant parfois des conseils sur la magie du feu et du vent, les deux éléments que les Ry pouvaient utiliser. En échange, Lith l’aidait à résoudre les problèmes de la zone est de la forêt.
Après la mort d’Irtu, il n’y avait pas de bête magique assez forte pour prendre sa place, et de temps en temps la lutte de pouvoir entre les différentes factions affectait l’équilibre de la forêt.
Dans ces situations, le Fléau et le Protecteur joignaient leurs mains pour forcer les bêtes magiques à une trêve.
Pour l’instant, la fausse magie de niveau 4 était un goulot d’étranglement mental que ni lui ni Solus ne pouvaient surmonter.
Bien qu’il soit capable de lancer tous les sorts qu’il avait trouvés dans les livres du comte, ils n’avaient aucun sens pour lui.
C’était quelque chose d’inacceptable, qui rongeait Lith de l’intérieur.
Il avait toujours détesté les énigmes, sauf si c’était lui qui les donnait.
Lith était presque arrivé chez lui, quand il a senti une odeur familière.
« Que diable fais-tu en dehors des bois ? Si quelqu’un te voit, ça pourrait déclencher une chasse aux sorcières. La dernière chose dont j’ai besoin en ce moment c’est que ta tête soit mise à prix et que je doive expliquer pourquoi je ne suis pas intéressé. »
« Je sais. » Répondit le Ry « Mais les temps désespérés appellent des mesures désespérées. Un monstre est apparu dans les bois, assez fort pour représenter une menace pour mes petits ainsi que pour les tiens. Nous avons besoin de ton aide. »
‘Je n’ai jamais vu le Ry avoir peur, quoi que ce soit, ça doit être très important.’ Pensa Lith.
Après avoir accepté d’aider, le Ry lui demanda de monter sur son dos, avant de courir à toute vitesse vers les bois. Entre l’utilisation de la fusion de l’air et ses prouesses physiques, Protector était capable d’atteindre facilement les 300 km/h, ce fut un voyage assez court.
Pour aller si vite, le Ry conjurait une lame de vent en forme de coin devant lui, afin de protéger ses yeux et son visage des insectes et de la poussière qui, à cette vitesse, le toucherait avec la force d’une balle.
Il créait également un effet de sillage, lui permettant d’aller encore plus vite.
L’équitation de Lith se résumait au résultat d’une seule leçon, il y a deux vies, il avait donc besoin de toute sa concentration et de toute sa volonté pour ne pas tomber.
Le Ry avait une fourrure épaisse et douce, mais ne pouvant suivre ses mouvements, il était obligé d’utiliser à la fois la fusion de terre et la fusion de lumière pour éviter des dommages permanents à ses parties inférieures.
« Putain, c’est quoi ce truc ? C’est vraiment nécessaire d’aller si vite ? Si ça continue comme ça, je ne sais pas s’il restera assez de moi pour faire quoi que ce soit ! »
« Arrête de pleurnicher, nous sommes presque arrivés. Et oui, la vitesse c’est de la plus haute importance face à une Abomination. »
L’esprit de Lith a parcouru tous les bestiaires qu’il avait dans Soluspedia et tous ses souvenirs de RPG sur table et jeux vidéo avant d’abandonner.
« Mais qu’est-ce que c’est qu’une Abomination ? Pourquoi est-elle si dangereuse ? »
« Tu ne comprend pas. Nous ne l’appelons pas Abomination pour ce qu’elle fait, mais pour ce qu’elle est ! »
Ils se dirigeaient vers le nord, dans une région des bois qu’il n’avait jamais visitée auparavant. Cela a commencé lentement, comme la tension dans l’air avant une tempête. Ce n’est que lorsqu’ils se sont enfoncés dans les bois que Lith a pu comprendre ce que Ry voulait dire.
Bientôt l’herbe a commencé à se raréfier, jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus du tout. La terre était nue, sans sous-bois d’aucune sorte, sèche et croulante comme après des mois de sécheresse.
Les arbres autour d’eux avaient leur écorce complètement noircie. Ils n’avaient plus de feuilles ni de branches, ressemblant à des pieux en bois géants. Il n’y avait aucun son, tout semblait sorti d’un film post-apocalyptique, après une retombée nucléaire.
Le paysage naturel était complètement détruit à perte de vue.
Après un moment, Lith pu entendre clairement les sons d’une bataille, alors il a concentré ses yeux, améliorant sa vue.
Ils se rapprochaient d’une sorte d’ombre en mouvement, engagée dans un combat à distance avec un Gylad, une bête magique de type cerf, d’une hauteur d’épaule de plus de deux mètres et pesant au moins neuf cents kilos, au pelage brun clair avec des nuances de bleu.
Attaquant l’ombre par le flanc, il y avait aussi un Shyf, une bête magique puma aussi grande qu’un tigre, avec une hauteur d’épaule d’un mètre et demi et pesant plus de trois cents kilos. Il avait une fourrure de couleur miel avec des nuances de vert.
« Le Gylad est le roi du nord, le Porteur de vie, tandis que le Shyf est le roi du sud, le Faucheur. » Protector a rapidement présenté Lith à leurs alliés.
« Cette chose est l’Abomination. Reste loin d’elle autant que tu le peux, ou elle t’aspirera comme tout le reste. »
L’Abomination avait une forme étrange, elle pouvait se tenir debout sur ses jambes, ressemblant à un homme avec des membres très longs et fins, ou se tenir sur ses quatre pattes, devenant grande et trapue comme un cochon qu’un enfant aurait dessiné.
« C’est quoi ce truc ? » Lith lança cinq boules de feu d’un geste de la main. L’Abomination était entourée d’un fin brouillard noir, avec un rayon de quinze mètres.
En voyageant à travers le brouillard, les boules de feu ont rétréci en taille, et quand elles ont frappé, les explosions résultantes ont été réduites de moitié par rapport à leur efficacité habituelle.
L’Abomination a émis un cri grave qui résonnait de désespoir plutôt que de douleur.
Le Ry hurla, conjurant un pilier de vent qui cloua au sol la créature de l’ombre, permettant aux autres rois de se reposer et de se regrouper.
« C’est ton idée de secours ? Un humain ? » Si quelqu’un a déjà pensé qu’un cerf ne pouvait pas avoir l’air féroce, en regardant le Gylad il serait forcé de réfléchir à nouveau.
« Moins de jappement, plus de reprise de souffle. » Le Shyf halètait lourdement.
« S’il est assez bon pour battre Irtu et Gerda, il me convient. »
Lith remarqua qu’une des quatre jambes du Shyf était en fait faite de terre, la vraie étant anormalement atrophiée et desséchée.
‘Un membre prothétique issu de la magie de la terre ? Quel contrôle incroyable doit-il avoir, pour le faire bouger comme un vrai membre. Je n’aurais même pas remarqué si le Shyf n’était pas si proche.’
Ayant remarqué que Lith le regardait fixement, le Shyf a expliqué :
« C’est ce qui arrive quand tu es assez arrogant pour laisser la Flétrissure assez proche pour te toucher. Je serais mort si Porteur de vie n’avait pas attiré son attention assez longtemps pour que je puisse m’échapper. »
«Flétrissure ? N’est-ce pas Abomination ? »
Le Gylad s’est moqué. Il voulait faire des reproches au Ry, mais le pilier de vent se dissipait, alors il préférait mettre Fléau au courant plutôt que de perdre du temps à se chamailler.
« Une Abomination, c’est quand une créature de la forêt ne parvient pas à évoluer. Normalement ils meurent sur place, plus rarement ils perdent le contrôle du mana environnant, devenant fous. Les Abominations sont incroyablement fortes, avec des pouvoirs exceptionnels qui les rendent puissantes comme des démons.
Étant des êtres sans esprit, généralement un roi est plus que suffisant pour les mettre à terre. En de très rares occasions, nous nous rassemblons tous pour tuer une Abomination unique, comme dans ce cas. Il ne devrait pas être difficile de comprendre pourquoi nous l’appelons Flétrissure. »
Le Gylad désigna avec son museau les bois morts autour d’eux.
« Comment diable a-t-il fait tous ces dégâts ? » Lith n’arrivait pas à croire que trois créatures d’une telle puissance ne pouvaient pas abattre un seul monstre.
« Simplement en existant. » Expliqua le Ry « Partout où il va, tout meurt. Quand nous sommes sur le point de le tuer, son corps devient si informe que ni le vent, ni la glace, ni la terre ne peuvent l’immobiliser.
Alors, il s’échappe vers une zone saine de la forêt, se soigne et nous devons tout recommencer à zéro. Nous le combattons depuis trois jours, nous ne pouvons pas tenir plus longtemps. C’est pourquoi j’ai décidé de te demander de l’aide, Fléau.
Contrairement à nous, tous les éléments obéissent à tes ordres. »
Lith hocha la tête, essayant d’assimiler toutes ces informations.
« Ils se battent depuis trois jours ? Putain de merde, ça c’est de l’endurance. Solus, analyse ! »
« Oui, capitaine, je veux dire Lith. Tous les rois ont un noyau de mana cyan, mais le Protecteur est celui qui a le plus de chance de faire une percée dans quelques années. »
« Je voulais dire le Fléau ! Aura brumeuse, corps d’ombre, c’est un mort-vivant ? » Lith regardait la créature se tordre et gémir sous le pilier en train de se dissoudre. Selon la littérature fantastique de la Terre et les traditions du nouveau monde, les morts-vivants étaient censés avoir des yeux rouges et brillants.
Les orbites de Flétrissure étaient noires, comme le reste de son corps.
« Ce n’est pas un mort-vivant. Sa force vitale n’a rien à voir avec ce que j’ai vu auparavant, et son aura magique non plus. Que diable pourrait signifier un noyau de mana noir ? »