the beginning after the end Chapitre 486

Traducteur: Ych
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ARTHUR LEYWIN

La ville d’Everburn paraissait petite face aux contreforts tentaculaires qui grimpaient régulièrement vers la base du mont Geolus. Bien que je ne puisse plus voir le petit jardin que nous venions de quitter, je pouvais sentir la signature mana de Tessia même parmi les milliers d’auras plus puissantes. ‘Sois prudent, Arthur ‘, répéta Sylvie tandis que je filais, volant aux côtés de Kezess.

Kezess lui-même ne parla pas. J’avais déjà fait l’expérience de son silence, et je lui avais déjà montré que je ne resterais pas assis à attendre son attention comme l’un de ses serviteurs. Il pouvait choisir de faire attendre Windsom pendant des heures, voire des jours, si l’autre asura le contrariait, mais je n’étais ni un de ses serviteurs, ni un membre de son clan, ni même un asura. Je ne lui devais aucune allégeance.

Avec le Gambit du Roi partiellement activé, j’étais plus à même de réfléchir aux résultats potentiels de notre conversation. Je ne pouvais pas voir l’avenir, mais je pouvais lire les petits mouvements de son corps, les tics de son visage et sa signature de mana, et tirer tout ce que je savais sur Kezess, à la fois de nos interactions précédentes et de ce que j’avais appris dans la clé de voûte, tout cela en même temps et à une vitesse supérieure à celle dont j’aurais été capable autrement.

Pourtant, cette amélioration magique de mes capacités cognitives m’a également permis de comprendre à quel point ma situation était dangereuse. Ma famille, Tessia et Sylvie étaient au pouvoir de Kezess, et il était tout à fait dans ses cordes de les utiliser comme levier contre moi. J’avais livré son plus grand ennemi et sa plus grande menace sur un plateau d’argent ; il n’avait même pas eu à lever le petit doigt, il était juste venu chercher le corps inconscient d’Agrona. Mais le plus dangereux, c’était ce que je savais maintenant. Le cycle de manipulation et de gén*cide perpétré par les dragons contre mon monde durait depuis bien avant que les asuras ne le quittent, et étant donné leur longues vies, il semblait très probable que Kezess lui-même ait été responsable de la destruction de bien plus qu’une seule civilisation.

“Quels sont les progrès réalisés avec Agrona ? demandai-je pour rompre son silence de pierre.

Il me regarda d’un air interrogateur pendant que nous volions, l’expression calculatrice. Il se demandait sans doute s’il devait répondre ou non. Finalement, il choisit de répondre après une longue pause. “Il reste muet.” Il y eut une brève hésitation, et je crus qu’il allait recommencer à me traiter en silence, mais il demanda alors : ” Que lui as-tu fait, Arthur ? J’ai besoin de détails précis. Cela semble… anormal.”

J’ai réfléchi à ce qui s’était passé, et à ce que je pouvais dire à Kezess en toute sécurité. Ou même ce que je voulais lui dire. Heureusement, le Gambit du Roi m’a aidé à calmer ma propre colère et à procéder de manière logique. “Myre a partagé ce que je lui ai dit ?

“Elle l’a fait”, dit-il en haussant un sourcil à mon utilisation désinvolte de son prénom. Derrière son masque placide se cachait une émotion plus profonde, enfouie au fond de ses yeux et visible seulement par leur légère dilatation.

La peur.

Je marquai cette émotion sans trop y réfléchir. J’aurais le temps de disséquer cette conversation plus tard. Dans l’immédiat, je me suis concentrée sur le contrôle de mes propres pensées et de mon langage corporel. “J’ai bien peur de ne pas savoir comment le décrire maintenant mieux que je ne l’ai fait pour elle il y a quelques jours. Peut-être que le fait de suivre la Voie de la compréhension peut nous aider tous les deux à donner un sens à tout cela.”

Les yeux de Kezess se rétrécirent, à peine plus qu’un tressaillement. Il ne s’attendait pas à ce que je me porte volontaire pour emprunter la Voie si rapidement, ce que j’avais anticipé. Nous survolions un vaste champ de hautes tiges ressemblant à du maïs avec des bulbes dorés à leur sommet, et il regarda les fermiers vaquer à leurs occupations pendant plusieurs longues secondes avant de répondre. “Je suis sûr que tu as appris beaucoup de choses dans cette dernière clé de voûte à partager. Je peux sentir l’impatience avec laquelle ton éther se cabre pour exécuter tes ordres.”

Je savais que c’était une allusion subtile au fait que j’avais annulé sa tentative de nous téléporter au château un peu plus tôt. Il faisait preuve de retenue, mais je ne pensais pas que c’était lié à cette étincelle de peur que j’avais aperçue. Il semblait plutôt qu’il souhaitait me mettre à l’aise et en confiance pour que je ne me retienne pas sur la Voie de la compréhension.

Il pourrait aussi pressentir le Gambit du roi, une des branches de mes pensées identifiées. Windsom et Charon lui auront déjà parlé de la capacité de la godrune, mais ils ne l’ont vue que pleinement active. Que Kezess sache que je possède un tel outil était une chose, mais je ne doutais pas qu’il considérerait comme un acte d’hostilité le fait que je l’utilise extérieurement contre lui.

“Je l’ai fait”, ai-je admis, ne voyant aucun avantage à nier mes progrès. “Je ne doute pas que je puisse partager suffisamment d’informations pour t’occuper avec tes recherches pendant un bon moment.”

Ce que je n’ai pas dit, bien sûr, c’est que je savais que le contrôle des dragons sur l’éther avait lentement diminué avec le temps. Dans la dernière clé de voûte, j’avais appris que l’éther était en fait l’essence magique distillée d’une vie, et qu’il conservait même un semblant de connaissance et de raison d’être. Les dragons avaient mis fin à tant de vies que le royaume éthéré était maintenant rempli des restes des personnes qui haïssaient les dragons, et l’éther devenait donc de plus en plus difficile à diriger pour les dragons.

Comme mon noyau purifiait l’éther, il créait un lien entre l’énergie et moi que les dragons ne pouvaient pas reproduire, alors je ne savais pas dans quelle mesure les informations que je fournissais seraient utiles à Kezess.

J’espère que ce n’est pas grand-chose, me dis-je avec antagonisme.

Le château d’Indrath se profilait devant nous. Nous avons traversé une sorte de bulle invisible qui ondulait sur ma peau comme de l’eau chaude. Il y avait là une hostilité inhérente, comme des dizaines d’yeux affamés tournés vers moi dans l’obscurité, mais cette sensation d’inconfort s’est calmée instantanément. Kezess nous a conduits en haut d’une tour familière.

Les fenêtres cintrées s’ouvraient pour regarder dans toutes les directions, certaines ne montrant que les toits escarpés du château, d’autres les contreforts et les champs lointains du domaine de Kezess. Étrangement, je crus distinguer Everburn au loin, bien que je ne l’eusse jamais remarqué dans la tour auparavant.

L’anneau bien usé dans le sol de pierre semblait encore plus profond qu’auparavant, mais logiquement, je savais qu’il s’agissait d’un tour de ma perception.

“Montre-moi”, dit-il simplement, en faisant un geste vers le chemin.

J’ai regardé la pierre érodée avec attention, en pensant à la godrune du Gambit du Roi. En la laissant active dans la Voie de la compréhension, j’augmenterais ma capacité à contrôler mes propres pensées et à faire face à toute magie que la Voie porterait et qui tirerait la compréhension directement de mon esprit. Cependant, il y avait aussi le risque de révéler plus de choses sur le Gambit du roi que je ne le souhaitais, ou même de voir mes pensées ramifiées transporter des idées dans la Voie que je ne souhaitais pas. Le fait que la godrune ait élargi ma conscience et m’ait permis d’avoir plusieurs pensées en parallèle pouvait s’avérer être une bénédiction ou une malédiction, selon le fonctionnement de la Voie de la compréhension. Malheureusement, je n’en savais pas assez pour prendre une décision éclairée.

J’ai besoin de tous les avantages, décidai-je finalement, laissant la godrune partiellement activée tandis que je m’engageais sur le chemin. Mes pieds se déplacèrent d’eux-mêmes, et les branches de mon esprit se resserrèrent aussi fermement qu’un piège d’acier autour des souvenirs de mon séjour dans la quatrième clé de voûte.

Tout d’abord, j’ai traversé la clé de voûte elle-même, un fil de pensée se concentrant sur ses mécanismes, un autre rejouant les souvenirs de mon déroulement. Il n’y avait pas de version de ces événements que je pouvais tisser sans révéler l’aspect du Destin, et j’ai donc pénétré dans ces souvenirs ensuite, les conversations que nous avions eues. Je me suis concentrée sur l’insistance du Destin à dire que le royaume éthéré n’était pas naturel et qu’il fallait le faire éclater. Avec ces fils, je lui ai raconté une histoire qui contournait ce que le Destin avait révélé au sujet des dragons et qui ne révélait pas mon accord avec le Destin.

Mais plus j’essayais de me retenir, de manœuvrer ou d’obscurcir, plus je sentais une force extérieure qui tirait sur mes pensées, les orientant dans des directions différentes. Soudain, j’ai pensé aux clés de voûte et aux épreuves qui avaient été nécessaires pour les revendiquer. J’ai coupé ce fil, mais un autre pensait à la clé complexe nécessaire pour entrer dans la quatrième clé de voûte. J’ai rapidement élagué cette pensée, me concentrant plutôt sur la confusion du Destin concernant le cristal de mémoire que j’avais transporté dans ma rune de stockage dimensionnel et qui m’a permis de découvrir rapidement sa tentative de ruse. Cette pensée s’est transformée en souvenirs du Destin lui-même, qui se sont répandus dans toutes les branches de ma conscience améliorée par le Gambit du Roi, et pendant un moment, j’ai lutté pour contrôler autant de pensées à la fois.

En m’appuyant sur cette force, j’ai suivi le Destin jusqu’à la fin, revivant les moments qui ont suivi ma libération de la clé de voûte, lorsque le Destin s’est tenu derrière moi après que j’ai réapparu dans la grotte de Sylvia pour découvrir que ma dimension de poche s’était effondrée et que le bassin de soutien était maintenant incrusté dans le sol de la grotte. La force me ramenait en arrière, à la recherche d’un autre souvenir ou d’un train de pensées sur lequel je ne m’étais pas encore concentré. J’ai coupé les branches qui nécessitaient le plus de lutte, le contrôle le plus féroce, et j’ai concentré le reste sur Agrona, qui exigeait la vie de Sylvie, sur Nico, déjà proche de la mort, et sur Cecilia et son refus d’obtempérer.

Les chemins de pensée alternatifs sont arrivés plus vite, et j’ai lutté pour les détourner. Au lieu de penser aux événements et à la façon dont j’avais assisté à leur confluence, j’ai laissé l’attraction forcer chaque branche de la pensée vers l’aspect du destin lui-même. Au lieu des conversations, des connaissances partagées, de la chasse à travers toutes ces lignes temporelles futures pour trouver une solution viable au problème de l’éther, ce sont ces derniers instants qui sont apparus clairement. Les fils de mes pensées enchevêtrées se sont tissés ensemble pour former la forme grossière d’un homme, tout comme les fils du destin ont formé le destin lui-même. Et sous le feu des projecteurs, il a été révélé comment l’aspect du Destin m’avait guidé, se déplaçant à travers moi comme si j’étais celui qui était retenu par des ficelles….

Assez, pensai-je en essayant de reprendre le contrôle de mes pieds. Je trébuchai et faillis tomber car mon corps me résistait, mes jambes voulant continuer à parcourir la boucle sans fin alors que le pouvoir de la Voie me siphonnait ma vision des choses. En serrant les dents, j’ai résisté à cette inclinaison contre nature et mon rythme s’est calmé. Je me tenais debout, respirant bruyamment, à côté de l’anneau de pierre usé.

Kezess ne me regardait pas. Son regard ne pointait vers rien, se concentrant à mi-distance sur quelque chose que je ne pouvais pas voir. Lentement, comme s’il venait de se réveiller, il regardait autour de lui sans voir. Enfin, une étincelle de vie et de compréhension brilla dans ses yeux dorés, et ses sourcils se courbèrent comme des lames descendantes tandis qu’il me regardait – en moi.

La tour s’est effondrée autour de nous. J’ai tendu la main vers l’éther mais, pris au dépourvu, je n’ai pas pu retenir l’assaut du pouvoir de Kezess. Au-delà de la tour, tout le château s’effondrait en pierre, en sable et en poussière. Le ciel s’est assombri et des nuages noirs ont été fendus par des éclairs rouges. Nous nous trouvions sur un précipice, un cercle rugueux de pierre sombre qui s’étendait de la roche noire stérile au-dessus d’une mer de magma bouillonnante. La chaleur et la puanteur étouffante me brûlaient la gorge alors que j’inspirais une bouffée d’air capiteux.

Je vacillai, obligé de changer de pied pour rester debout. Mes talons s’enfoncèrent et je me rendis compte que je me tenais à peine sur le bord de la sphère rugueuse.

Ce n’est pas le pouvoir de Kezess qui m’a figé, mais l’amertume et la frustration de sa colère incontrôlée lorsqu’il a dit : ” Tu ne peux pas savoir ce que tu sais, Arthur Leywin. Vivant, tu représentes un trop grand danger. Agrona pensait pouvoir apprendre la nature de ton noyau même après ta mort. Peut-être puis-je faire de même. As-tu un message pour ma petite-fille avant de mourir ?”

Mon esprit s’est emballé. Je ne peux pas savoir ce que je sais ? Mais qu’est-ce qui…

Toutes les pensées et tous les souvenirs entremêlés de mon séjour sur la Voie de la compréhension sont revenus d’un seul coup, et j’ai réalisé mon erreur.

“Elle sait aussi”, dis-je, la voix brisée par l’air brûlant et la fumée étouffante. “Vas-tu exécuter ton propre sang pour garder ton secret ?” Bien que Kezess m’ait pris au dépourvu, je commençais à reprendre pied. Il y avait ici une poussée chaotique de l’éther, mais le mien restait inébranlable.

Il secoua la tête. “Quand tu es allé aussi loin que moi pour protéger ton peuple, il n’y a rien que tu ne fasses pas pour que cette protection demeure.” Sa main s’avança, d’un mouvement lent et inexorable.

L’éther s’est libéré de mon noyau, a circulé dans mes canaux et a imprégné les godrunes Gambit du roi et Realmheart. Ma vision changea, se déplaçant pour faire apparaître les différents grains de mana que je sentais dans l’atmosphère. Des essaims rouges de mana à l’attribut de feu s’élevaient dans la brise soulevée par les rivières de roches en fusion, se heurtant à l’épais éther atmosphérique et créant la sensation de chaos que j’avais remarquée auparavant.

Un mur de mana pur m’a frappé de plein fouet. En réponse, une lumière améthyste rayonnante a scintillé sur la plate-forme rugueuse. La division de l’éther et du mana dans l’atmosphère, deux forces qui se pressent l’une contre l’autre, s’est précisée lorsque les particules violettes ont repoussé les particules blanches et rouges.

Au lieu d’être éjecté de la plate-forme, je me suis soulevé dans les airs. L’éther a tremblé, mais le sort de Kezess s’est brisé contre moi.

Au lieu de la surprise, j’ai vu dans le rétrécissement des yeux de Kezess un calcul froid. Sa main tomba sur son flanc. La roche en fusion, loin sous nos pieds, sifflait, éclatait et bouillonnait, bruyante pour mes sens hyperfocalisés.

“Je n’avais pas l’intention que tu découvres ce que j’avais déjà appris”, dis-je, la voix amère et tranchante. “J’ai mal calculé ma capacité à résister aux effets de la Voie de la compréhension tout en contrôlant mes propres pensées qui s’entremêlent et se chevauchent. Pourtant, il vaut peut-être mieux qu’il n’y ait pas de mensonges entre nous. L’aspect du Destin m’a montré ce que les dragons ont fait à ce monde, mais toi-même, tu ne connais que la moitié de l’histoire.”

Ses yeux s’assombrirent pour devenir d’un violet foudroyant. Bien qu’il paraisse décontracté, chacun de ses muscles était tendu pour entrer en action et lourdement chargé de mana. Je pouvais voir la façon dont il s’enroulait dans le dragon en lui, prêt à jaillir et à transformer sa chair. “Il ne reste aucun de ceux qui ont appris ce que tu as et qui ont menacé de l’utiliser contre moi. Aucun, à l’exception de Mordain, que tes pensées ont trahi. J’ai vu ton voyage vers la clé de voûte et le rôle qu’il y a joué. Tous ces siècles, et non seulement il survit, mais il continue à travailler contre moi.”

J’ai goûté de la bile au fond de ma gorge pendant qu’il parlait. Pire encore que de révéler ce que je savais sur les actions des dragons, donner Mordain et son peuple était un résultat très malheureux de mon passage sur la Voie. Mais je devrais m’occuper de la menace entre Mordain et Kezess plus tard, et je l’ai donc bien rangée au fond de mon esprit. “Autrefois, tes ancêtres étaient si puissants dans les arts éthériques qu’ils ont formé un monde entièrement nouveau, une dimension dans une dimension, pour abriter ton peuple, loin d’un monde qui ne pouvait pas vous supporter. Mais aujourd’hui, vous pouvez à peine vous débrouiller en suppliant l’éther de se plier à vos désirs. Je suis curieux, Kezess. Sais-tu au moins ce qui a changé ?”

Un éclair dans ses yeux. Un resserrement de sa bouche. Le déplacement le plus subtil de ses pieds et le blanchissement de ses jointures. Les mots qu’il souhaitait dire étaient coincés derrière des dents serrées, et sa langue courait à l’arrière de celles-ci pour pousser les mots vers le bas. “Comme le maintien d’un certain équilibre devenait essentiel, un certain rabattage de la magie éthérée des dragons l’était aussi.”

J’ai redescendu doucement sur la plate-forme. La pierre était chaude sous les semelles de cuir de mes bottes. “Tu sais que tu ne peux pas défaire ce qui a été fait simplement en arrachant mon noyau, à supposer que tu en sois capable. Mon noyau seul ne te permettrait pas de comprendre non seulement les arts de l’éther, mais aussi ma capacité à aspirer et à purifier l’éther. De le lier à moi. Ni ma capacité à naviguer librement dans les Relictombs, où repose toute une civilisation de la connaissance. J’ai réclamé et utilisé les clés de voûte des djinns, j’ai rencontré le destin lui-même. Je suis le seul à détenir ce dont tu as besoin, et ce n’est qu’en vivant et en restant coopératif que tu pourras y avoir accès. C’est pourquoi cette petite ruse n’a jamais eu pour but de me tuer.”

Les yeux de Kezess s’attardèrent sur la couronne incandescente que je pouvais voir se refléter en eux. “Qu’est-ce qui te fait penser que je ne suis pas prêt à faire ce sacrifice ?”

“Le feu affamé qui brûle dans ta poitrine”.

Kezess secoue légèrement la tête. “Tu es vraiment d’une arrogance incalculable, petit.”

Un autre fil de ma pensée consciente s’accrocha à un détail. Bien que Kezess ait été très prudent quant à la fuite de ses émotions, il n’y avait rien que j’avais lu de lui que je trouvais inhabituel, sauf peut-être une chose. Kezess avait montré ce front de colère parce que ma connaissance des gén*cides à répétition avait fuité dans la Voie de la compréhension. Mais il n’y avait eu aucun signe de surprise face aux événements eux-mêmes. Il était également au courant de tous ces autres gén*cides, depuis le tout début.

“Je pense que nous devrions reprendre cette promenade une autre fois, lorsque nous aurons tous les deux eu le temps d’assimiler cette conversation”, dit Kezess.

J’ai baissé les yeux et je me suis retrouvé à l’intérieur de l’anneau usé dans le sol de la tour. Par la fenêtre, je pouvais voir un ciel bleu, des nuages blancs et des contreforts ondulés au loin. Mais l’odeur du soufre flottait dans l’air et la chaleur irradiait encore sous la plante de mes pieds. J’ai repensé à ce que j’avais dit plus tôt au sujet des capacités éthérées des dragons, et je me suis posé des questions. Kezess avait encore des secrets à me cacher.

Je relâchai Realmheart et relâchai le Gambit du Roi suffisamment pour dissiper la couronne de lumière tout en gardant plusieurs branches de pensées simultanées actives, et je m’éloignai de la Voie. “Je pense, peut-être, que nous devons renégocier les termes de notre accord. Tu as promis de défendre mon peuple, mais j’ai besoin que tu m’assures que cet accord ne s’étend pas seulement à Agrona et aux Alacryens, mais aussi à ton propre peuple.”

Kezess se moque, un rare dérapage de son contrôle. “Tu cherches à renégocier alors que ma propre part du marché a déjà été remplie ?”.

Je m’approchai de la fenêtre en direction d’Everburn, que je pouvais encore distinguer à plusieurs kilomètres de distance. Je me suis penché à la fenêtre, les mains sur le rebord. “Compte tenu de ce que je te demande, et de la raison pour laquelle je te le demande, je ne vois pas pourquoi tu refuserais”.

Je tournais le dos à Kezess et je fermais les yeux pour mieux me concentrer sur mes autres sens. Ma capacité d’hyperfocalisation était bien moindre sans le Gambit du roi pleinement activé, mais mes sens infusés par l’ether étaient toujours aiguisés, et j’avais toujours plusieurs fils de conscience qui fonctionnaient en parallèle.

Kezess fléchit les doigts. Son pouls bat de façon irrégulière. Sa respiration était forcée, trop contrôlée. Il se lécha les lèvres avant de parler. “Tu ne sais même pas ce que tu demandes, Arthur.”

“Alors éclaire-moi”, ai-je dit sans détour.

Mon esprit a parcouru nos conversations précédentes, mais même avec la godrune, son discours sur l’équilibre et sa crainte d’envoyer plus d’asuras – des asuras plus forts – dans mon monde n’avaient toujours pas de sens pour moi.

“Nous en avons terminé pour l’instant”, dit Kezess sans émotion, immobile comme une statue. “Je vais réfléchir à ta proposition. Maintenant, préfères-tu retourner à Everburn en vol, ou je peux nous téléporter sur la distance ?”

Je me suis retourné, adossé au rebord de la fenêtre et j’ai croisé les bras. “Cette conversation a duré suffisamment longtemps. Je ne t’empêcherai pas de me téléporter.”

Un minuscule froncement de sourcils fut le seul signe de son irritation. Il n’a pas perdu de temps et n’a rien dit d’autre, mais l’espace s’est plié tandis que la tour s’éloignait, et soudain, nous nous sommes retrouvés dans le salon de notre domaine à Everburn. Il y eut un battement, puis ma sœur, qui était assise sur une chaise, leva les yeux et poussa un cri de surprise. Boo s’est hérissé à côté d’elle, a poussé un grognement sourd et a renversé une délicate table d’appoint en laiton.

Ma mère est entrée en trombe dans la pièce, le mana s’accumulant déjà autour de sa main, mais elle s’est arrêtée net lorsqu’elle a vu Kezess. Ses yeux se sont portés sur moi, puis sur Kezess, et elle s’est inclinée avec raideur. Ellie, qui s’est vite ressaisie, s’est levée d’un bond et a fait de même. Le rideau de la chambre de Tessia s’est écarté, mais Tessia s’est figée dans l’embrasure de la porte. Je me suis éloigné de Kezess pour me tenir à côté d’Ellie et j’ai posé une main sur son épaule, lui offrant silencieusement mon soutien. J’ai fait un clin d’œil à Tessia pour lui dire que tout allait bien.

” Ah, Seigneur Indrath “, dit une voix chevrotante depuis la cuisine, qui s’étendait à l’extérieur de la chambre centrale.

Le seigneur Eccleiah se tenait à côté de l’îlot de cuisine, l’air incroyablement déplacé. Comme auparavant, j’ai remarqué sa peau pâle et ridée, les crêtes qui couraient le long de ses tempes et la pellicule d’un blanc laiteux qui recouvrait ses yeux. Son visage s’est plissé encore plus profondément lorsqu’il nous a souri. Il n’a pas fait un geste pour s’incliner.

À côté de lui, Myre fit une révérence respectueuse à son mari. “Le moment est bien choisi. Seigneur Eccleiah et moi étions justement en train de discuter d’une… proposition intéressante émanant du reste des Huit Grands.”

Myre, qui arborait le beau visage juvénile correspondant parfaitement à celui de son mari, sortit de la cuisine et se dirigea royalement aux côtés de Kezess. Leurs yeux se rencontrèrent, tous deux d’une teinte lavande saisissante, et quelque chose que je ne pouvais pas lire passa entre eux. J’ai pensé qu’ils avaient une sorte de télépathie, tout comme moi avec mes compagnons.

Alors que je pensais à Sylvie et Régis, le rideau donnant sur la rue s’ouvrit, Sylvie l’écartant pour que Régis puisse entrer en premier. Il s’est éloigné de Kezess en tournant autour de moi. Sylvie elle-même se dirigea vers un mur et s’y adossa, gardant ses distances.

Kezess se tourna vers elle, attendant.

‘Il s’attend à ce que tu le reconnaisses officiellement,’ lui dis-je.

‘Je sais’, répondit-elle, le ton de ses pensées s’assombrissant. ‘Mais je ne lui dois aucune fidélité. Dicathen est ma maison, pas Epheotus.’

Je me suis empêché de sourire tandis que Kezess continuait d’attendre en silence.

Le seigneur Eccleiah, ou Veruhn comme il avait demandé que je l’appelle, émit une toux grinçante. “Arthur Leywin et le seigneur Indrath, les deux personnes à qui je voulais parler. C’est vraiment un moment opportun.”

Kezess tourna le dos à Sylvie, qui restait imperturbable. “C’est peut-être quelque chose dont il faudrait discuter dans un cadre plus officiel, Seigneur Eccleiah…”

“Parce que les autres ont discuté, et nous sommes arrivés à la décision que nous”-Veruhn s’est appuyé sur le comptoir séparant le salon de la cuisine, souriant de sa manière saugrenue que je savais être une projection-“voudrions officiellement nommer notre conviction qu’Arthur Leywin représente non seulement les intérêts humains à Epheotus, mais qu’il a lui-même évolué, et qu’il est maintenant le premier membre d’une toute nouvelle branche de la famille asuran !”

Les yeux de Veruhn étincelèrent tandis qu’il regardait chaque membre du groupe qui se trouvait maintenant dans la pièce. Le seul son était un souffle étouffé et le murmure du rideau de la chambre de Tessia qui se remettait en place alors qu’elle sortait du champ de vision.

“Nous aimerions présenter une pétition officielle pour que cette nouvelle race asuran soit reconnue et que le clan Leywin en devienne le clan fondateur.” Un sourire heureux trembla sur ses lèvres ridées. “Bien sûr, une nouvelle race nécessiterait la nomination d’un nouveau seigneur ou d’une nouvelle dame, et l’ajout d’un nouveau siège au Grand Huit. Ou neuf, je suppose !” Le vieil asura glousse.

Au centre de la pièce, le regard enflammé de Kezess est resté posé sur le seigneur de la race des léviathans, évitant soigneusement le mien. À côté de lui, cependant, Myre me fixait avec une expression féroce et sinistre.

“Nous allons devenir des membres de la famille royale ?” Regis et Ellie ont dit en même temps, Regis assez fort et Ellie sous son souffle.

‘Je doute que ce soit aussi simple que ça’, a répondu Sylvie….