THE MAN DROWNED IN HATRED – CHAPITRE 4

Embrasse la haine en toi... Argus.

— Embrasse la haine en toi… Argus.

 

Ce fut les derniers mots que Shinji entendit avant de finir noyé dans une obscurité profonde depuis un bon moment quand il entendit au plus profond de lui une voix qui résonna dans tout son corps:

 

[ Séquence 1 de la Jalousie: L’Observateur ]

 

— Qu’est ce que..?

 

Il finit par ouvrir ses yeux, encore troublé. Sa gorge était sèche, mais la douleur ne l’incombait plus.

 

Ce qu’il vit n’était pas les Zéphyr, le boucher ou les hommes en robes noires.

 

Son regard se pose sur une lumière douce, passant à travers des rideaux poussiéreux.

 

Il se trouvait dans une pièce mal éclairée. L’air y était de mauvaise qualité, les fenêtres semblaient ne pas avoir été ouvertes depuis longtemps.

 

Il commença peu à peu à récupérer mentalement, physiquement. Malgré l’absence de douleur, ses muscles semblaient garder le poids des coups qu’il avait reçus. Des traces violettes sur ses bras et sa tenue, un simple t-shirt blanc et un jogging noir, gardaient les traces de son sang séché.

 

Alors qu’il regardait autour de lui, il remarqua que la pièce dans laquelle il se trouvait, il la connaissait.

 

Il la… haïssait.

 

— Non…

 

Le papier jauni sur les murs. Les vêtements empilés les uns sur les autres en boule dans le coin de la chambre.

 

Cette pièce, c’était sa chambre, celle où il avait fini par errer sans fin.

 

— Maman, papa…

 

Ces mots lui revinrent encore une fois mais leurs visages étaient toujours effacés de sa mémoire.

 

— Pourquoi…

 

Cette pièce, c’était celle où il s’était enfermé après leur mort.

 

Il balaya la pièce à nouveau, comme s’il cherchait les réponses à ses questions.

 

Puis il le vit.

 

Sur le lit, un garçon, le regard vide, le même regard que la fille que Shinji avait abandonnée au marché.

 

— C’est… moi ?

 

Il voulut s’approcher, poser une main sur son épaule, mais sa main le traversa au contact du corps du garçon : elle s’était transformée en une fumée blanche.

 

Shinji comprit à ce moment-là que ce n’était pas qu’un simple rêve, il comprit qu’il était en train de revoir un souvenir et que ce n’était pas dû au hasard.

 

Le garçon se leva du lit, sans sembler avoir une quelconque envie.

 

Il commença à fouiller la pièce. Sous le lit, sous son bureau. Il vérifia aussi à travers les rideaux.

 

— Neko ?

 

La voix du garçon était celle d’une personne en angoisse, comme s’il craignait le pire.

 

Shinji sentit sa gorge se nouer.

 

— Pas ça. Pas aujourd’hui…

 

Tout ce qui allait suivre lui revint.

 

— Je… je ne veux pas revoir ça. murmura Shinji.

 

Il aurait voulu fermer les yeux, hurler. Il voulut sortir de cette scène, mais il en était prisonnier.

 

Le garçon commença à vaciller et tomba presque sur son bureau.

 

Il se souvint. Neko était sorti la veille par la petite porte et n’était pas revenu lorsqu’il s’était endormi.

 

Un froid glacial traversa son corps et ce froid-là… Shinji le ressentit aussi.

 

Un même frisson les parcourut.

 

— Neko… Tu es tout ce qui me reste. Ne m’abandonne pas toi aussi…

 

Le garçon murmura ces mots en fixant une photo posée sur le bureau.

 

Shinji s’approcha, bien qu’il sût qu’il ne pouvait rien changer. Il reconnaissait cette image — une photo prise dans la chambre d’hôpital. Sa mère était censée y sourire faiblement, tenant un nourrisson emmailloté, pendant que son père était censé lui caresser la tête.

 

Mais il n’arrivait pas à voir leurs têtes, comme s’il n’acceptait pas de les voir en face.

 

Le garçon se laissa tomber à genoux. Il ne pouvait plus se retenir et finit par éclater en sanglots.

 

Shinji, dans ce rêve devenu souvenir, n’arrivait pas à détacher les yeux du garçon, lui-même.

 

— Tu peux encore le sauver. Bouge-toi. Ne perds pas de temps, Shinji !

 

Il criait, désespérément. Mais le garçon n’y réagissait pas.

 

— Tu attends quoi, lève-toi !

 

Le garçon ne semblait pas pouvoir l’entendre, mais il finit, pourtant, par se redresser. Il alla enfiler son vieux survêtement gris, celui qu’il n’avait plus porté depuis l’enterrement de ses parents.

 

Chaque geste semblait l’incomber d’une douleur cachée, comme si se vêtir pesait une tonne.

 

— T’as réussi à sortir ce jour-là… Tu voulais vraiment vivre. Je l’avais oublié.

 

Shinji se surprit à envier le garçon, celui qu’il était. Il eut honte de celui qu’il était devenu, un homme sans raison d’avancer.

 

Le garçon marcha dans les couloirs de la maison avant d’ouvrir la porte d’entrée. Le soleil l’aveugla. Il plissa les yeux avant de reculer de quelques pas.

 

Il finit par sortir lentement, Shinji le suivait comme une ombre.

 

Ils marchaient dans les ruelles du quartier.

 

À chaque pas, le garçon hésitait. Il s’arrêtait pour vérifier sous les haies, dans les coins de mur, derrière les bennes à ordures, dans les buissons. Il voulait s’assurer de ne pas rater Neko, c’était tout ce qu’il lui restait.

 

— Ce n’est pas là. Tu perds du temps !

 

Shinji, impuissant, suivant le garçon, essayant de lui faire anticiper les erreurs qu’il avait lui-même commises.

 

— Va directement au parc ! Il est là-bas, t’es censé le savoir !

 

Mais le garçon n’écoutait que son instinct paniqué. Il fouillait là où il ne fallait pas, comme s’il craignait de vraiment trouver quelque chose.

 

Puis soudain, il s’arrêta.

 

— Il doit être au parc. Il aimait toujours dormir sous les bancs.

 

Shinji sentit son cœur s’accélérer, son espoir renaît à ce moment-là.

 

— Vas-y. Cours. T’as encore le temps !

 

Le garçon s’élança.

 

Mais il marchait lentement. Il traînait les pieds, il semblait fatigué, aucune énergie en lui.

 

— Non… Plus vite ! Tu ne comprends pas ce qui va arriver !

 

Shinji envia l’ignorance du garçon. Il aurait voulu prendre le contrôle, bousculer dans son ancien lui et arriver au parc avant qu’il ne soit trop tard.

 

— J’ai déjà vu cette scène, je sais comment elle finit. Et je ne peux rien y faire ? Sérieusement ?

 

Le parc n’était plus qu’à deux rues. Mais le garçon, s’arrêta.

 

À l’angle du dernier carrefour, il vit quelque chose qu’il n’oubliera pas. La scène qu’il lui a montrée à quel point le monde pouvait être cruel.

 

Il vit une femme avec son enfant dans ses bras en train de marcher de l’autre côté de la rue, quand un homme couteau en main s’arrêta à leur niveau.

 

La femme cria et essaya de protéger son enfant avec tout ce qu’elle avait.

 

— Ferme-la ! cria l’homme avant de se retourner vers le garçon.

 

— Dégage, morveux, tu veux finir comme eux ?

 

Le garçon avait baissé les yeux et continuait sur sa route ; il n’eut pas le courage d’agir.

 

Shinji, lui aussi, s’arrêta à ce moment-là.

 

Il s’était tourné vers la scène. Il revivait tout.

 

— J’ai détourné les yeux… Pour ne pas perdre de temps… Pour Neko.

 

Il sentait encore cette culpabilité. Et il la haïssait.

 

Mais aujourd’hui, il comprenait enfin :

 

— Je n’avais pas détourné les yeux pour être lâche. Je l’avais fait… parce que je croyais encore en quelque chose.

 

Il revit le moment où il abandonna la jeune fille dans le marché.

 

— J’étais déjà un monstre…

 

Le garçon finit par arriver au parc. Il était essoufflé, plus d’air dans ses poumons.

 

Et là…

 

Le parc s’ouvrait devant eux, baigné d’une lumière dorée.

 

Des feuilles mortes tombaient lentement des arbres d’automne, portées par une brise douce. Il n’y avait personne au parc. À cette heure, cela n’était pas normal pour le garçon. Il ressentait une étrange sensation de calme avant la tempête.

 

Et puis, il vit Neko.

 

Le petit chat blanc s’étirait au soleil, à l’ombre d’un banc.

 

Le garçon courut. Il trébucha lorsqu’il traversait la route vers le parc.

 

— Neko ! J’ai eu si peur pour toi… T’étais où, hein ?

 

Il s’agenouilla à côté de Neko qui venait d’ouvrir les yeux avant de miauler faiblement, puis se frotta contre lui.

 

Le garçon le prit dans ses bras et pour la première fois depuis longtemps, il sourit.

 

Shinji, qui assistait à la scène, sentit quelque chose fondre en lui.

 

— C’était vrai. Ce jour-là, j’étais prêt à revivre.

 

Il entendit à nouveau ses propres mots, ceux qu’il avait murmurés en tenant Neko dans ses bras :

 

— C’est fini. Je vais changer. Je vais vivre. Pour toi, pour maman, et pour papa.

 

Il avait fait cette promesse et s’était juré d’y être fidèle.

 

Mais alors…

 

— Non… Non, non, non… Neko, reste là. Reste dans mes bras. N’y va pas…

 

Neko sauta des bras du garçon et s’élança vers la route.

 

Shinji hurla :

 

— Non ! Ne fais pas ça ! N’y va pas !

 

Alors que le chat la traversait, le garçon se leva d’un seul coup.

 

— Neko ! Attends !

 

Mais c’était trop tard. Un grondement se fit entendre à la droite du garçon. Un bruit de pneus glissants.

 

Une camionnette surgit et n’eut pas le temps de freiner et écrasa Neko sur sa route.

 

Le silence suivit. Neko ne bougeait plus.

 

Le garçon s’écroula au sol, ses mains tremblaient toutes seules, il se sentait paralysé. Sa bouche restait ouverte, incapable d’émettre le moindre son.

 

Shinji n’en croyait pas ses yeux. Rien n’avait changé, il revoyait chaque détail, chaque éclat de lumière sur le pare-brise, chaque battement de son cœur qui s’était figé.

 

— Pourquoi… Pourquoi faut-il que je revoie ça ?

 

Le garçon courut jusqu’au corps inerte du chat. Il le serra contre lui, il ne pouvait pas se permettre de le perdre.

 

 

 

 

 

 

 

Il finit par accepter son sort : tout ce à qui il tenait finirent par mourir.

 

— Maman… Papa… On dirait que Neko va vous rejoindre.

 

Plus rien ne le tenait, c’était à ce moment-là que Shinji avait perdu tout ce qui lui restait.

 

Il regarda autour de lui et il vit, posé là, sur le trottoir… un éclat de verre.

 

Il s’approcha du morceau de verre petit à petit.

 

— Non ! Non, tu ne vas pas… Tu ne peux pas refaire ça ! cria Shinji.

 

Le garçon s’agenouilla et prit le verre en main et leva la tête vers le ciel.

 

— Le ciel qui s’assombrit maintenant… J’étais destiné à vivre ça, n’est-ce pas ?

 

La pluie commença à tomber sur le parc et ses alentours.

 

— Maman… Papa… Attendez-moi.

 

Shinji courut vers lui. Il ne réfléchissait plus à rien d’autre qu’à l’arrêter.

 

— Tu ne peux pas ! Tu ne peux pas abandonner maintenant ! Pas encore !

 

Mais ses mains passèrent à travers lui une nouvelle fois.

 

Et c’est là que, dans le ciel, une lumière aveuglante apparut.

 

Shinji sentit cette lumière au plus profond de lui et lorsqu’il leva sa tête, il se retrouva à

 

flotter à nouveau dans l’obscurité.

 

Mais cette fois, il n’y était pas seul.

 

Il ressentit une présence ; la lumière aveuglante se trouvait à distance, il pouvait la voir de loin.

 

Pour une raison qu’il n’arrivait pas à comprendre, il ressentait une haine profonde envers elle.

 

Une voix douce en émana.

 

— Argus… Pourquoi as-tu décidé de tout oublier… encore une fois ?

 

— Qui… qui es-tu ?

 

— Je t’ai obligé à revenir dans ce monde. Tu as ruiné tous mes efforts, tous mes sacrifices.

 

Shinji ne comprenait pas. Mais son cœur, lui, tremblait.

 

— Je voulais en finir, me libérer une bonne fois pour toutes.

 

Un silence suivit. Puis, comme un souffle dans l’ombre, la voix divine résonna une nouvelles fois en lui :

 

[ L’hôte envie toujours le monde ]

 

[ L’hôte devient: Observateur ]

 

[ L’hôte obtient: Le Troisième Œil ]

 

A ce moment-là, la lumière l’avait déjà englouti.

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