Tous se dirigèrent vers Shinji couteaux en mains.
Shinji, encore dans sa folie, crut voir Neko à la sortie de la ruelle, mais c’était déjà trop tard.
Il ne croyait plus en rien depuis bien longtemps. Ni en Neko ni en ce test ni en lui-même.
— On est enfin tombé sur lui après tout ce temps, murmura Hayato.
— Ce soir, enfin… Après toutes ces années…
Son regard qui cachait sa rancune ne cherchait plus à le faire. Il montra sa vraie nature, il n’avait plus besoin de la cacher.
Une fois arrivé sur Shinji, les acolytes d’Hayato, probablement le reste du camp des Zephyr, attaquèrent sans prévenir. Des coups de poing se succédèrent au niveau de ses côtes.
Puis des coups de genoux. Dans le dos.
Puis plusieurs autres qui suivirent, qui ne cherchaient pas à tuer, juste à le blesser. Juste assez pour s’assurer que leur rancune envers lui soit transmise dans toute sa pureté.
— Pourquoi ?! pensa-t-il, sonné, alors que le sol se rapprochait.
Ryouma les regardait faire les bras croisés, en retrait.
— Faites attention, dit-il d’un ton calme. Il … ne doit pas mourir.
— Mais rien n’empêche qu’il subisse ce que son existence nous a fait subir. cria l’un d’entre eux.
Un pied s’écrasa sur le flanc de Shinji. Puis un second, plus violent.
Le sang jaillit de sa lèvre. Il n’avait plus la force de hurler.
— Qu’est-ce que je leur ai fait ? Pourquoi tant de rancune ? Je suis qui putain ?
Il voulut les regarder dans les yeux pour trouver une quelconque réponse, mais rien d’autre qu’une rancune s’y trouvait qu’il n’arrivait pas à comprendre.
Il sentait sa conscience divaguer et lui avec elle.
Alors que sa vision commençait à devenir floue, il vit plusieurs silhouettes au loin, toutes portant de longues robes noires.
Les membres des Zephyr se retournèrent.
— Eh, Hayato, c’est qui, eux ? cracha Ryouma.
Hayato fronça les sourcils.
Les silhouettes en robe noire s’approchèrent avant de s’arrêter et de murmurer, avec une voix presque divine :
— On t’attendait. Bienvenue à toi, héritier de la haine.
— Héritier… de la haine ? murmura Shinji, alors son corps avait atteint ses dernières réserves.
Tout le monde semblait le connaitre en ce monde, alors qu’il ne se connaissait plus lui-même.
Au bord de l’inconscience, un dernier souffle d’espoir, fragile et insensé, passa en lui :
— Embrasse la haine en toi… Argus.
Ces silhouettes appartenaient à trois hommes, leurs visages cachés par l’ombre de leurs capuches.
Une pression dans l’air se fit sentir dans la ruelle alors qu’ils s’approchaient des Zephyr.
Ils s’arrêtèrent à quelques mètres d’Hayato et de Ryouma. À leur gauche se trouvait le boucher, encore étalé par terre.
— Cet homme… c’est le frère de Kades. Affirma l’un d’entre eux en pointant le boucher du doigt.
— Tu en es sûr ? demanda celui qui se trouva en centre des trois.
— Oui, Danme-sama.
Hayato et Ryouma reculèrent.
— Le frère de Kades ? murmura Hayato.
Ryouma aussi semblait avoir compris l’ampleur de la situation.
— Ça veut dire que…
— Comme vous pouvez le voir, vous avez à faire aux derniers fidèles de la Jalousie. Si vous avez reconnu Kades, ça veut dire que…
Hayato et Ryouma levèrent leurs couteaux prêts à passer à l’attaque avant que l’homme n’ait eu le temps de finir sa phrase.
— Soit… Il nous a trahi après tout.
Danme fit signe à celui qui remarqua la présence du boucher de l’emmener avec lui.
Alors qu’il commençait à le porter, de nouvelles silhouettes sautèrent du toit et bloquèrent l’accès à la sortie de l’allée.
— Vous n’étiez donc pas au complet… T’aurais dû nous prévenir, Selemen… dit l’homme qui se trouvait à la droite des trois.
— Je m’en excuse. Clay-sama, je ne maitrise pas encore le troisième œil. dit l’homme qui venait de porter le boucher.
Il le remit aussitôt par terre. Alors que le reste des Zéphyrs descendait, le vent passa dans la ruelle et fit tomber les capuches des trois hommes en robe noire.
Selemen, celui qui fut responsable malgré lui de l’efficacité du plan des Zéphyrs, semblait être le plus jeune des trois et semblait avoir à peu près le même âge qu’Hayato et Ryouma. Il avait des cheveux d’un jaune éclatant qui couvraient la majeure partie de son front.
Clay, celui qui l’avait confronté, semblait avoir quelques années de plus, son visage était celui d’un homme qui a vécu plus qu’il ne peut supporter. Ses cheveux étaient en grande partie gris avec une mèche de cheveux noirs tombant entre ses deux yeux.
Quant à Danme, celui du milieu qui donnait les ordres, il semblait être le plus âgé de la bande. Son visage portait plus de cicatrices que les doigts d’une main.
Hayato et Ryouma reprirent leur calme et se mirent entre les trois hommes et Shinji, toujours au sol.
— Aller chercher du renfort. dit Hayato aux Zephyr qui se trouvaient de leur côté de la ruelle.
— Quel renfort ? demanda l’un d’entre eux
— Peu importe, allez voir à Qualyoth. Ramenez des gardes d’élite avec vous. dit Hayato avant de leur faire signe de partir avant de se murmurer à lui-même :
— Vous n’auriez été que des boulets face à eux.
— Si c’est le boucher qui vous intéresse. Prenez-le et dégagez — cria Ryouma.
— Tu sais très bien que celui qui nous intéresse, c’est lui. — répondit l’homme au centre en pointant Shinji inconscient.
Hayato et Ryouma reculèrent à nouveau, instinctivement. Le pied droit d’Hayato finit même par toucher le corps de Shinji.
Le sol semblait frémir, comme si la terre même retenait son souffle.
Clay s’avança.
— Vous auriez pu nous rejoindre… après la guerre. On sait faire la distinction entre vous… Et votre père
Son regard se posa sur Ryouma.
— Tu le sais, n’est-ce pas ? Les rumeurs sont vraies… Ton père nous a bel et bien trahi.
Ryouma n’arrivant plus à contrôler ses émotions se mit à charger vers Clay quand Hayato s’interposa entre les deux.
Clay tourna lentement la tête vers Ryouma.
— Il ne le savait donc pas ? Tu es intelligent, toi. Tu l’étais déjà alors que ton père vous ramenait au temple il y a presque 15 ans de cela.
Clay lâcha un sourire moqueur.
— Depuis tout ce temps, t’aurais bien pu trouver un moyen de lui dire, Hayato.
Celui-ci répondit sans hésiter.
— Ça ne marchera pas avec nous. On sait qu’il a disparu.
Clay commença à rire hystériquement.
— Tu n’es pas si intelligent que ça finalement.
Un silence tomba.
Puis il baissa lentement la tête.
— Vous ne me laissez pas vraiment le choix.
Ce fut soudain.
[Mains de l’envie]
Clay tendit les bras. Les ombres des murs s’arrachèrent pour se précipiter vers lui comme des vipères, formant une multitude de mains noires, toutes tendues vers les jumeaux.
Un cri, étouffé, résonna dans la gorge de Ryouma après que l’une des mains l’ait attrapé au niveau de la nuque.
— Vous avez sûrement vu Kades les utiliser avant, n’est-ce pas ?
— Qu’est-ce que tu lui as fait ? cria Hayato
— Tu es un homme mort !
Hayato chargea vers Shinji.
[Chaîne du Remord]
Les mains de l’envie qui n’étaient pas autour de la gorge de Ryouma foncèrent sur Hayato comme des bêtes furieuses.
Mais avant qu’elles ne l’atteignent, une chaîne apparut entre elles. Une chaine apparut dans l’air.
— Qu’est-ce que ?
La chaine vibra et les mains à ses alentours s’immobilisèrent.
Puis, d’un coup sec, la chaîne s’enroula autour de ces mains et Hayato l’utilisa pour les tirer vers lui.
Ryouma fut libéré à ce moment-là des mains qui l’étranglaient.
Clay chuta à genoux, suffoquant.
— Il… Il m’a pris quelque chose… murmura-t-il.
Il ne savait pas ce qui l’avait perdu. Mais Hayato, lui, avait vu. Il avait vu cette scène refoulée, ce souvenir qu’il voulut taire. Il avait tiré dessus comme on tire sur un fil.
[Arme de Rétribution]
— Utilise-la ! cria Hayato
Ryouma récupérait encore quand son bras se tendit, et dans sa paume, son couteau s’illumina.
Il le jeta à pleine vitesse sur Clay. Bien que celui-ci essaya d’esquiver, le couteau sembla changer sa trajectoire, comme s’il suivait celui qu’elle était destinée à atteindre.
Le couteau toucha Clay au niveau de son visage, il y laissa une légère cicatrice. Une lueur rouge apparut dessus.
— Je l’ai vu, dit Ryouma difficilement, sa gorge encore sous l’effet des mains de l’envie.
— Ce qu’il t’a pris. Tu pouvais sauver Shiro, ce jour-là, mais tu le laissas mourir comme un simple déchet. Tu t’en souviens, n’est-ce pas ? Clay.
Clay commença à vaciller comme si la scène de la mort de Shiro se répétait en lui constamment. Il tomba sur ses genoux, l’ombre autour de lui perdit en consistance.
— Tu étais donc si proche de le remplacer, Hayato. Il aurait pu au moins s’assurer de ça avant de nous trahir.
Danme s’approcha de Clay pour vérifier sa disposition à continuer à combattre.
— Tu aurais dû être plus vigilant, ce sont ses enfants après tout.
Il allongea Clay par terre.
— Tu en as encore pour quelques minutes. Clay, je vais essayer d’en finir vite.
Il se retourna à moitié vers Selemen.
— Tu peux les gérer seul, Selemen. dit Danme en parlant des Zephyr qui bloquaient la ruelle.
— Ne t’inquiète pas pour moi, Danme-sama. Je tiendrai le temps qu’il faudra.
— On dirait que je vais devoir régler votre cas moi-même.
Hayato ne flancha pas devant les menaces de Danme et aida Ryouma à se relever.
Il se retourna vers Danme.
Un silence suivit avant qu’Hayato hurle :
— Maintenant !
Danme n’eut pas le temps de réagir que des centaines de flèches volèrent dans le ciel en route pour atterrir sur lui.
Les Zephyr qui fermaient l’allée chargèrent sur Selemen.
Danme esquiva assez facilement les flèches et s’empressa de protéger Clay contre les flèches.
Selemen n’arrivait plus à parer toutes les attaques des Zephyr et ne tenait plus que sur des jambes tremblantes.
Le chaos généré par l’ordre donné par Hayato causa un brouillard. Ryouma essaye d’en profiter pour récupérer Shinji, mais Danme l’avait déjà récupéré.
Hayato, quant à lui, s’empressa alors que Selemen était occupé à parer les attaques des Zephyr de récupérer le boucher avant de crier :
— On se replie.
Ryouma et les Zephyr quittèrent la ruelle aussitôt avant de se faufiler dans d’autres ruelles étroites pour semer toute possible filature des fidèles de Kades.
— Pourquoi est-ce qu’on l’a pris ? — s’exclama Ryouma en parlant du boucher.
— N’oublie pas que c’est lui qui avait trouvé Shinji avant nous, il doit en savoir plus sur lui. On va l’amener au camp. lui répondit Hayato.
— Et le garçon et sa lame ?
— On les laisse, on peut pas leur tenir tête, ils doivent s’etre déja repliés sur lui.
Alors que le brouillard s’estompait, Clay se réveillait petit à petit.
— Qu’est-ce qu’il s’est… passé ?
— Ils avaient préparé un plan de fuite. Ses fils sont aussi fourbes que lui. lui répondit Danme alors qu’il attachait Shinji.
— Non ! Non ! Non ! cria Selemen.
Clay, encore sonné, tourna sa tête vers lui.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Ils ont pris Mamoru avec eux…
— Putain, on ne peut pas te faire confiance. Cria Clay.
— Vas-y doucement avec lui. N’oublie pas que t’es son aîné. dit calmement Danme en se grattant l’arrière du crâne.
— Le problème, c’est plutôt d’expliquer ça à Kades…
Les trois hommes se mirent en route, Shinji sur l’épaule de Danme encore noyé dans l’inconscience.