Traducteur : Ych
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« Non. »
Je traitai une douzaine de réponses à la simple déclaration du Destin.
Puis une douzaine de réponses probables à chacune de mes réponses. Et ma contre-argumentation à chacune des réponses du Destin.
Tout menait à une seule conclusion inévitable : le Destin n’avait aucune empathie. Aucun sens de l’honneur. Aucune responsabilité autre que l’ordre naturel. Aucun point d’ancrage émotionnel auquel je pourrais faire appel.
Le poids de mes propres attentes, forgées dans les longs instants où je luttais pour me libérer de la dernière clé de voûte, s’abattit sur mes épaules. J’avais pleinement accepté que le Destin se contenterait de tenir sa part du marché, comme une plante qui pousse lorsqu’on l’arrose et qu’on lui donne du soleil. J’avais gravement mal calculé.
Mais quel plan de secours aurait-il pu y avoir ? Si le Destin ne retient pas toute la force du royaume éthérique, alors tout est perdu.
La tension partagée de Sylvie, Regis, Tessia et Ji-ae, toutes leurs consciences interconnectées présentes dans la conversation à mes côtés, était comme un piston de vapeur vibrant sur le point de faire éclater son carter.
« Arthur, les Relictombs. »
La voix de Sylvie retentit dans ma tête, et je réalisai que j’avais presque perdu de vue la zone qui se déroulait actuellement hors des Relictombs dans un kaléidoscope de terre, d’herbe dorée, d’éther atmosphérique, de temps brisé et de lumière arc-en-ciel. Une bête féline à la peau verte, cuirassée et toxique, implosa, éclaboussant le sol lointain de rouge alors que je perdais ma concentration. Deux ascendants hurlèrent en tombant dans la chute chaotique, mais je les rattrapai dans une mare de liquide couleur prune en formation avant qu’ils ne s’écrasent eux aussi contre les racines de la montagne.
Concentre-toi.
Epheotus et les Relictombs étaient la priorité. Si je ne pouvais pas convaincre le Destin, je passerais à l’option suivante. Et si cela échouait, alors la suivante. Le Destin était la bouche de l’éther, mais il n’était pas l’éther lui-même. Malgré son nom, il ne contrôlait pas tout ce qui arrivait. Et je n’étais pas sans influence. Si je pouvais retenir la pression du royaume éthérique assez longtemps pour achever cette vision, alors le chemin de moindre résistance pour le Destin serait de continuer avec mon plan.
Car, au final, c’est ce que faisait le Destin : prendre la voie la plus simple, la plus directe.
« La pression arrive maintenant par vagues. » Une série de calculs accompagna la pensée de Ji-ae.
Je ne compris pas immédiatement les mathématiques, mais avec les calculs vint la compréhension, plus lente à se déployer dans mon esprit.
D’après ce déplacement, si je peux repousser au bon moment, nous pouvons empêcher la surface entre le monde physique et le vide éthérique de se rompre, pensai-je, soudain plein d’espoir. Peut-être que le fait que la force opposée de la rivière éthérique arrive maintenant par vagues au lieu d’augmenter constamment signifie que ce schéma va se maintenir.
Je me détournai du Destin. Supplier ne ferait que gaspiller l’énergie dont j’avais besoin pour le reste de ma tâche.
Sous moi, un portail des Relictombs désormais haut de cent vingt mètres recrachait zone après zone selon un enchevêtrement complexe d’espace connecté et des règles des djinns sur la navigation des ascendants vers des zones adaptées à leur puissance. Par un tissage encore plus complexe de manipulation spatiale, de Requiem d’Aroa, de God Step et de Destruction, ces zones étaient déplacées et assemblées comme des pièces de puzzle qui s’élevaient vers le ciel et s’enfonçaient profondément dans les entrailles des montagnes.
Au-dessus, Epheotus franchissait rapidement le seuil de l’espace réel, où il se reformait en trois rubans de terre reposant sur de l’éther condensé, les empêchant de s’écraser sur Alacrya et Dicathen.
Le temps s’écoulait autour de moi dans une danse constante de pause et de reprise, pause et reprise. Les yeux de Sylvie étaient fermés, son visage pâle et en sueur. Elle avait dérivé de quelques mètres et perdu trois mètres d’altitude, toute sa concentration tournée vers la tâche de retenir le passage du temps.
Tessia était dans un état encore pire. Un seul fil de ma conscience en toile d’araignée maintenait une connexion constante avec elle. La volonté de Myre réchauffait mon noyau, sensation lointaine, et à travers elle je transférais à Tessia de l’éther de guérison, compensant les dégâts continus infligés à son système.
Regis s’était effacé à l’arrière-plan de mes pensées, un fil parmi tant d’autres. Toute sa concentration restait sur la godrune de Destruction, déversant les flammes violettes dans l’espace en mutation, sans quoi tout le reste échouerait.
« La prochaine vague approche, » m’informa Ji-ae, bien que ses calculs tournaient aussi dans ma propre tête.
En comptant avec ma respiration, j’aspirai autant d’éther que je pus, le retenant dans mon noyau diminué, mon corps torturé, et même l’armure relique. Puis, au moment où la vague de pression accrue du royaume éthérique frappa, je projetai tout l’éther possible dans les fissures entre les deux royaumes, la contrant.
Le portail s’illumina, devenant un soleil violet huileux et brillant qui menaçait d’engloutir les montagnes, et les trois anneaux d’Epheotus tremblèrent alors que la réalité elle-même menaçait de se déchirer.
Si les calculs de Ji-ae étaient exacts, il ne me restait que dix-neuf secondes avant la prochaine vague. En faisant mes propres calculs rapides, un goût de bile me monta à la gorge. Dix vagues rien que pour compléter le premier anneau. Quarante-trois vagues pour achever toute la structure.
« Il te faut plus d’éther, » dirent les voix dans ma tête, même s’il était difficile de savoir s’il s’agissait de Tessia, Ji-ae, Sylvie, Regis, ou d’une combinaison de tous.
« Je n’ai pas encore l’intention d’abandonner, » pensai-je, essayant de détacher un quadrant de mes pensées en toile vers le problème.
La toile s’étira et s’étira jusqu’à la limite de la rupture. Le Gambit du Roi brûlait dans mon dos et dans la matière grise de mon cerveau, et la couronne sur mon front projetait des rayons divins dans ma vision. L’éther affluait à travers un tout nouveau réseau de neurones sensoriels, activés et renforcés par la godrune. Mais il n’y avait plus de fils libres pour s’occuper du problème. J’étais à la limite des capacités du Gambit du Roi. Je ne pouvais pas l’étendre davantage.
L’éther. Mon intuition sur la godrune—ou l’aspect de l’éther qu’elle représentait—s’était déjà considérablement développée en ces quelques instants. L’éther est… la conscience manifestée en réalité pure. Le début et la fin de l’espace, du temps et de la vie. L’étincelle de pensée contenue dans la conscience semi-consciente. Et donc, le Gambit du Roi est… quoi ?
Je voyais non seulement les fils eux-mêmes, chacun étant une pensée unique et individuelle, mais aussi l’espace entre les fils. Et ce faisant, je vis qu’en réalité, il n’y avait ni branches, ni fils, ni même la structure de toile d’araignée. Ce n’étaient que des métaphores pour la nature altérée de mes pensées, car chaque idée était bien plus complexe qu’une simple branche ou un fil. Chacune était sa propre conscience éthérique, une structure multidimensionnelle complexe abritant le déploiement de considérations simultanées.
Je devais regarder sous un autre angle.
Alors…
Le Gambit du Roi se déploya à nouveau. Les fils tissés en toile d’araignée, la toile se déployant en une galaxie de conscience. Une sorte de mosaïque.
Mon esprit s’étendit dans d’innombrables plans imbriqués pour abriter chaque idée consciente que j’étais capable de manifester. C’était ça. La vérité derrière la compréhension.
Et là-dedans, je vis… mes propres limites.
Je traversai la première phase de la volonté de Myre vers une seconde, forgeant un lien de vivum entre moi, Tessia, Sylvie et Regis, nous liant ensemble par des vagues visibles de lumière blanche teintée d’améthyste.
J’enveloppai mon noyau d’éther et brisai sans effort sa deuxième couche, mais je n’autorisai pas l’éther capturé à s’échapper. Je le fis passer à travers le lien, insufflant à mes compagnons guérison et force alors que je les intégrais chacun dans ma conscience en mosaïque, leurs pensées s’imbriquant parfaitement avec les innombrables idées individuelles qui composaient ma structure mentale.
« Hé, wow, je ne suis pas sûr d’aimer ça. J’ai l’impression d’être digéré. »
« On dirait qu’on est tous… une seule personne. »
« Nous le sommes, d’une certaine façon, je crois. Cinq êtres, une seule conscience. Comment tu fais ça, Arthur ? »
« Tu as vraiment besoin de demander ? Ses pensées sont nos pensées, son esprit notre esprit. Le Gambit du Roi, le retrait de soi au profit de la raison absolue. Mais je suis quand même très attaché à mon moi, tu sais ? »
« C’est bon. Mon esprit est aussi le tien maintenant, tu vois ? Tu peux faire de la place pour les deux. Sois toi-même, mais fais aussi partie de cet… être partagé. Je peux te montrer comment. Ou… je n’ai même pas besoin de le faire. C’est déjà là. »
« C’est comme ça que tu t’es toujours senti avec Arthur, Regis ? »
« Pas vraiment. C’est plus… fluide. Et encombré. »
« Ce que nous vivons est la confluence des consciences. C’est une technique similaire, bien que bien plus spécifique et limitée, à celle qui permettait aux djinns d’héberger une conscience au-delà de la coquille de leur forme physique. »
L’éther nous enveloppa dans une bulle d’espace et de temps, et nous nous envolâmes ensemble dans le ciel. Un vent violent traversait la faille avec un grondement d’ouragan, enveloppé d’une aurore de mana et d’éther.
Epheotus était presque entièrement passé, et la bande de terre d’origine approchait par l’ouest. Spatium et Destruction détachèrent la première bande des autres, et le Requiem d’Aroa referma les bords de la blessure.
Le bord de la terre en approche heurta l’extrémité nouvellement sectionnée dans un bruit de montagne qui s’effondre, et le pont éthérique sur lequel reposait désormais l’anneau complet trembla violemment. L’espace se tissa, et l’éther travailla le mana comme une pâte à pain pour sceller l’anneau.
Nous fîmes une pause—autant que cela ait un sens avec le Gambit du Roi actif—et rassemblâmes de l’éther avant de le projeter à nouveau dans la blessure et dans le portail pour repousser la prochaine vague. À chaque vague, l’éther sous notre contrôle diminuait, et le courant d’éther inutilisable affluant dans notre monde augmentait. Puis, notre attention revint à Epheotus et aux Relictombs.
Le bord avant du second anneau approchait au loin, et la flèche s’élevait de plus en plus haut sous moi. Notre synchronisation devait être parfaite.
« Trente-deux vagues restantes avant l’achèvement des trois anneaux et de la Flèche. »
« Suis-je le seul à ne plus savoir où nous finissons et où tout le reste commence ? Avoir mon esprit étendu à travers toutes les voies éthériques comme ça, c’est un niveau de conscience que je n’ai jamais voulu avoir. Je viens de voir un vieil homme faire ses besoins dans les bois à côté de sa maison en ruine. »
« Rappelle ton attention. Concentre-toi sur la Destruction. Allège le poids sur Arthur. »
« Oui, il faut alléger la charge où on peut. Ji-ae, tu as dit qu’Arthur avait besoin de plus d’éther. Il faut relâcher un peu la pression, comme on l’a fait dans la dernière zone. Mais la même technique ne marchera pas ici, n’est-ce pas ? Notre position dans les Relictombs était isolée, avec un accès direct au mana. D’ici, le mana qui manipule et agite la rivière ne peut pas simplement être apaisé. »
Notre bulle éthérique survola le bord du premier anneau d’Epheotus, puis nous traversâmes le paysage à toute vitesse. Collines ondulantes, rivières, petits villages et une forêt d’arbres décharnés laissèrent place à des plaines alors que nous atteignions le centre de l’anneau, et la grande ville qui y avait été placée.
Directement au-dessus des Relictombs encore en croissance, le village draconique d’Everburn semblait avoir été traversé par une tornade. Nous étions déjà au centre du village avant même que les dragons ne remarquent notre approche. Mana et éther jaillirent, des boucliers furent levés, des armes dégainées. Des cris retentirent dans tout le village. Une demi-douzaine de dragons transformés tourbillonnaient dans le ciel.
« Restez calmes, » une voix ferme résonna dans tout le village alors qu’une dragonne aux yeux d’argent et aux cheveux roses entrait dans la cour centrale. Elle marcha rapidement mais avec assurance vers moi, puis s’éleva dans les airs à notre niveau, s’arrêtant juste à l’extérieur de la barrière qui nous contenait. Des dizaines d’autres observaient autour du village.
« Haut Seigneur Arthur. Est-ce terminé ? » Elle désigna le ciel, bleu taché de l’aurore éthérique vibrante là où le second anneau ne l’occultait pas. « On dirait que… nous avons quitté notre plan. »
« Presque, » répondîmes-nous d’un ton expéditif. « Mais nous avons besoin de quelque chose de vous. »
Elle nous observa nerveusement, se déplaçant pour que les petites écailles nacrées sous ses yeux brillent.
« La transition a été difficile pour notre village, comme vous pouvez le voir. Je ne sais pas combien nous avons à donner. »
Nous fîmes une pause pour repousser la prochaine vague de la rivière éthérique. Alors qu’elle déferlait, nous observâmes la fontaine, qui marquait le trou d’où s’échappaient continuellement des flammes éthériques. La fontaine qui donnait son nom au village, éternellement ardente.
Elle s’embrasa, projetant un jet de flamme violette comme un geyser, mais la fontaine tint bon et la faille ne s’élargit pas. Comme nous l’espérions, la rivière éthérique n’exerçait pas assez de pression sur cette déchirure isolée pour être dangereuse, mais la petite faille elle-même restait intacte.
« Nous n’avons besoin que de cela. »
Son regard suivit le nôtre, et ses sourcils se froncèrent profondément.
« Notre… fontaine ? »
« Exactement. » Nous levâmes la main, et les particules violettes brillantes du Requiem d’Aroa tourbillonnèrent le long de notre bras et dans l’air, se répandant comme du pollen dans tout le village. Elles recouvrirent les bâtiments aux toits effondrés et aux murs penchés, scellant les fissures, relevant les structures effondrées et reconstruisant tout ce qu’elles touchaient.
« Merci. »
Preah du clan Intharah resta bouche bée, la bouche ouverte, puis fut soudain emportée alors qu’Epheotus se mit à tourner, emportant le village avec lui. La bulle spatium nous maintenait fermement en place, et nous, à notre tour, nous accrochions à la fontaine alors que le sol ondulait autour d’elle comme un rocher dans la mer. Cet anneau d’Epheotus continua de tourner jusqu’à ce que nous flottions au-dessus d’une étendue de terre stérile : le même désert où Wren Kain nous avait entraînés il y a si longtemps.
L’anneau s’arrêta. La fontaine d’Everburn semblait déplacée dans l’étendue de ravins et de décombres rocheux. Une impulsion d’éther fit exploser la structure de la fontaine, brisant le cercle de runes qui aidait à stabiliser la petite faille et à lui donner une structure. Alors que l’éther s’y engouffrait, nous l’absorbâmes, puis laissâmes échapper un soupir de soulagement physique pur alors que notre noyau d’éther se remplissait rapidement—trop rapidement, et contenant trop peu.
Une grande partie de notre éther purifié était encore dehors, sa forme maintenue en permanence par mes godrunes, remodelant Epheotus et les Relictombs—que, malgré la distance, nous étions encore en train de façonner activement. L’effort de concentration était désormais à peine perceptible grâce à l’expansion de notre conscience. Mais il fallait toujours un réservoir pour réagir et repousser les vagues, et pour maintenir le lien entre chacun de nous.
Nous étions maintenant dans un rythme parfait. Pas de mots, simplement un échange d’intentions et d’informations. Cinq esprits fonctionnant comme un seul. De nouveaux calculs s’intégraient constamment à notre compréhension grâce à Ji-ae, tandis que le ralentissement stratégique du temps par Sylvie se produisait aussi naturellement que notre propre respiration. La Destruction, via Regis, s’entremêlait à nos godrunes dans une harmonie nécessairement parfaite, tandis que Tessia n’était pas seulement le conduit par lequel Ji-ae agissait, mais aussi un guide et un bouclier pour Sylvie et Regis. L’intuition unique de Tessia sur le partage d’un esprit lui permettait de garder les autres ancrés dans les profondeurs du Gambit du Roi, conservant leurs propres motivations et leur concentration.
Avec God Step, nous trouvâmes le point de connexion au cœur de la faille d’Everburn. L’espace s’étendit autour, élargissant le trou jusqu’à ce qu’il semble engloutir le désert rocheux. Notre bulle spatiale recula pour éviter d’être aspirée. En quelques secondes, la fontaine brisée était devenue une faille large d’un mile. L’éther en jaillissait comme un phare, montant à travers le centre du second anneau encore en formation au-dessus de nous et descendant pour englober toute la Flèche des Relictombs.
Une fois la Flèche achevée, le grand portail d’où elle s’était déversée devrait être fermé, mais le fonctionnement de chaque zone des Relictombs exigerait un lien direct avec le royaume éthérique. Cette faille remplirait cette fonction aussi longtemps que le royaume éthérique existerait.
« Vague entrante. »
Planant dans la pénombre entre le premier et le second anneau, qui se croisaient exactement à ce point, je rassemblai mon éther et repoussai la vague de pression du royaume éthérique. La faille d’Everburn nouvellement élargie s’illumina, tremblant alors que la force de la rivière éthérique la frappait plus fort maintenant qu’elle était si grande.
« Le second anneau approche de l’achèvement. »
Comme le premier, le second anneau fut détaché de la masse terrestre restante qui émergeait encore de la poche d’espace en effondrement où Epheotus avait existé pendant des millénaires. L’autre extrémité approchait rapidement au-dessus de l’océan et de la côte ouest d’Alacrya. Les deux extrémités se rejoignirent juste au-dessus de nous, et une combinaison d’éther, de mana et de godrunes scella la fissure, formant la bande de pierre, de terre, de montagnes et de forêts en un seul anneau continu autour du monde.
Le faisceau d’éther continua sans interruption à travers le second anneau et dans le troisième, qui se formait encore alors que le reste d’Epheotus passait.
« Seize vagues restantes. »
« La Flèche approche la base du premier anneau. »
« Je réserve le penthouse quand tout ça sera fini. Si on survit. »
Notre sphère spatium plongea dans la faille d’Everburn sous nous, mais nous n’entrâmes pas dans le royaume éthérique. L’espace se déforma, formant un tunnel, de sorte que nous traversâmes le premier anneau et ressortîmes en dessous.
Le paysage des montagnes du Basilic avait changé de façon spectaculaire. La base de la Flèche, autrefois Taegrin Caelum, s’était considérablement élargie, nécessitant une surface de près de six kilomètres de large pour contenir les deux premiers niveaux des Relictombs et soutenir la Flèche haute de plusieurs kilomètres qui s’élevait des montagnes.
La roche et la pierre des montagnes elles-mêmes devinrent la matière nécessaire pour contenir les zones, qui formaient étage après étage de la Flèche. Elle avait déjà grimpé presque toute la distance jusqu’au premier anneau, soit près de cent trente kilomètres, et s’était enfoncée profondément dans la croûte du monde. La chaîne de montagnes était désormais un anneau qui s’élargissait lentement autour d’une vaste étendue de pierre plate, les montagnes elles-mêmes étant englouties.
Le portail d’où les Relictombs étaient encore extraits mesurait maintenant près de deux kilomètres et demi de haut et flottait dans les airs au-dessus de la vallée formée par la disparition de la montagne. Une traînée de végétation luxuriante tourbillonnait autour de la partie déjà construite de la Flèche vers la surface, où la pierre se transformait en murs et le terrain se déployait, reconstruit sous l’action minutieuse de spatium et du Requiem d’Aroa.
Tout le savoir éthérique des djinns, sauvé avec tant de soin, était désormais réinstallé dans l’espace physique, où il serait à jamais à l’abri de l’effondrement lent du royaume éthérique.
Le Destin nous attendait.
La silhouette de fils dorés étroitement enroulés flottait au-dessus de la flèche en croissance, entourée d’un halo de rayons dorés brillants qui s’étendaient jusqu’aux moindres recoins de notre monde. Mon esprit était à nouveau ouvert, et je pouvais voir tous les fils : ceux qui me reliaient à mes compagnons, aux gens blottis des kilomètres plus bas à la base de la Flèche, et à travers le monde entier. Nous étions des miroirs les uns des autres. Et pourtant, alors que de nombreux fils s’étendaient dans toutes les directions, il semblait qu’encore plus nous reliaient, le Destin et moi, ensemble.
« Tu ne peux pas arrêter ce qui vient, » dit-il, la voix semblant vibrer de chaque fil à la fois. « Comme un animal qui creuse plus profondément dans son terrier pour échapper à une inondation, tu ne fais que te condamner toi-même. »
La partie de nous qui était encore moi voulait ricaner, mais l’amusement amer était enfoui dans la mosaïque de notre conscience collective.
« Si les événements étaient vraiment gravés dans la pierre, tu n’aurais pas besoin de me convaincre d’arrêter. Cela veut dire que ce que nous faisons fonctionne. »
« Nous pouvons sauver ce monde. Nous sommes déjà si proches. Tout ce que tu as à faire, c’est rien. »
Nous secouâmes la tête.
« Mais le feu ne peut pas s’empêcher de se propager, pas plus que la rivière ne peut décider de rester dans son lit. »
La lumière dorée scintilla sur la forme de fil blessé.
« Cette inondation a commencé au moment où tu es entré dans ce monde, Arthur Leywin. Grey. C’est, et cela a toujours été, inévitable. Tout ce que tu as fait—chaque choix, chaque découverte—devait toujours te mener ici. »
« Tu agis comme si tu n’avais pas déjà appris cette leçon. Tu es faillible. Tu l’as déjà prouvé, et je t’ai déjà montré ce vers quoi je tends. Et maintenant, j’y suis presque. Tu échoues à ta propre mission de sauvegarder l’ordre naturel en insistant, à tort, que tout est déjà écrit, comme si c’était déjà arrivé. »
Quelque chose comme un rire résonna du Destin, mais il était dur dans son amusement, une sensation de dissonance portée par un ricanement.
Nous regardâmes autour de nous, scrutant le tissu de la réalité, du temps, de l’espace et de la vie elle-même. Nous avions déjà vu ce moment. Nos propres limites. Nous savions qu’aucun mot ne pourrait convaincre le Destin lui-même. C’est là que nous avions échoué auparavant. On ne peut pas négocier avec le Destin. Il n’y a pas moyen de convaincre la pluie d’arrêter de tomber, même si des gens meurent dans l’inondation.
Et pourtant, le Destin était plus qu’un simple phénomène naturel insensible. Il y avait, en lui, une collection de consciences qui le définissaient. Si l’éther pouvait se détourner des dragons à cause du génocide d’Indrath, alors il pouvait aussi influencer le Destin.
Mais ce n’était pas quelque chose que nous pouvions insuffler au Destin nous-mêmes. En voyant nos propres limites, nous comprenions ce qui devait arriver, mais la nature même de notre relation à l’éther faisait que nous ne pouvions pas le manipuler de la seule façon qui fonctionnerait. En l’absorbant et en le purifiant, nous changions sa nature et notre rapport à lui. Ce n’était pas la croissance de notre compréhension et de notre pouvoir qui établissait les conditions nécessaires.
C’était la vie que nous avions vécue.
Et les gens que nous avions perdus.
Comme s’il avait attendu notre appel, l’apparition spectrale d’Aldir était à nos côtés, flottant juste au-delà de la sphère spatium. Ses trois yeux étaient ouverts et fixés sur le Destin. Il ne se tourna pas vers nous et n’accusa pas notre présence de quelque façon que ce soit. Il aurait pu n’être qu’une forme imaginée dans le chaos, comme voir un visage dans le grain du bois coupé. Sauf qu’il avança avec détermination, sa forme violette et fantomatique traversant sans encombre l’enchevêtrement de fils dorés alors qu’il s’approchait du Destin.
Le Destin observa avec ce que nous prîmes pour de la curiosité alors que la figure éthérique se fondait en lui-même. Devenant une partie du tout. Ajoutant l’expérience d’une vie à la collectivité.
Une expérience de vie. Aldir avait fait le pont entre Epheotus et ce monde. Il avait offert à la fois des conseils et des punitions, endossant les rôles de général et d’assassin. Peut-être que personne, à Dicathen, Alacrya ou Epheotus, n’avait été aussi fidèle à sa mission—servir Kezess—et pourtant, personne n’avait été puni plus sévèrement pour ses efforts. L’utilisation de la Technique du Dévoreur de Mondes—dont la connaissance avait été l’œuvre de sa vie—l’avait brisé. Et maintenant, le souvenir de cet acte est imprimé dans le Destin.
Tout sembla devenir silencieux. Même le souffle du vent d’Epheotus et le grondement de la pierre des Relictombs se firent calmes et contemplatifs.
De l’autre côté, une autre forme prit corps, un fantôme dans l’éther. Grande, avec de profondes rides autour des yeux, l’ombre de Cynthia Goodsky s’avança vers le Destin.
Nous repensâmes à ce que nous savions de sa vie mystérieuse : une espionne et agente au service d’Alacrya, qui avait vu en Dicathen une culture plus douce et plus humaine. Comme Alaric, elle avait été conditionnée à la cruauté du régime d’Agrona, mais lorsqu’elle vit qu’il existait une alternative au monde qu’elle connaissait, elle fit le choix de protéger, d’abriter et d’enseigner plutôt que de détruire.
La figure suivante à apparaître fut la première à nous regarder. De longs cheveux, blonds de son vivant mais désormais d’un rose violacé, flottaient dans une brise propre à elle alors qu’Angela Rose nous adressait ce sourire de princesse chaleureux qui pouvait faire rougir n’importe qui d’un simple regard. Profondément sous l’effet du Gambit du Roi, mon cœur se serra.
Elle me fit un clin d’œil, puis s’éloigna pour se fondre dans le Destin.
Alduin et Merial Eralith apparurent ensuite. Ils regardèrent Tessia avec fierté, des larmes semblables à des diamants roses brillant dans leurs yeux. Un poing serré dans l’esprit de Tessia se relâcha, juste un peu.
« Maman… Papa. »
Ensemble, ils s’éloignèrent dans le Destin, emportant avec eux la connaissance de leurs erreurs, mais aussi cette passion de protéger leur fille qui les avait poussés à commettre ces erreurs.
Puis Adam fut là, ainsi que Blaine et Priscilla Glayder. Jared Redner, Doradrea Oreguard et Theodore Maxwell. Alea Triscan et Olfred Warender. Les jeunes guerriers, Cedry et Jona. Lauden Denoir et le protecteur de Caera, Taegan, et Sulla Drusus. Le jeune Sentry alacryen, Baldur Vassere. La toute jeune Enola Frost, dont nous n’avions même pas réalisé la perte.
Spectre après spectre se manifesta depuis l’éther : tous ceux dont la vie avait croisé la nôtre, et qui nous avaient influencés. L’éther, attiré ici par la force de la rivière éthérique, la présence du Destin, et l’appel de notre lien avec eux en ce moment de besoin, portait une étincelle de ce qu’ils avaient été alors qu’ils rejoignaient le Destin, l’un après l’autre.
« Ils transmettent leur humanité au Destin… »
« Lui offrent l’empathie et l’instinct de protection qui lui manquaient. »
« D’expérience, mélanger plein de personnalités opposées et leur donner une conscience peut donner des résultats instables. »
Et puis… Grand-mère Rinia était là. Elle apparut face à nous, chaque ride ancienne de son visage gravée de lignes violettes. De tous les spectres éthériques, elle semblait la plus réelle, la plus elle-même. Peut-être parce qu’à la fin, elle avait tant donné d’elle-même pour scruter l’avenir qu’elle faisait déjà partie de l’éther, du Destin.
Elle fut la première apparition à parler.
« Arthur. Oh, Arthur, mon beau garçon. Tu as bien fait. Tellement bien. Et pourtant… »
Elle considéra mon corps couvert de sang, et je sentis son regard traverser jusqu’à mon noyau, dont tant avait déjà été sacrifié pour canaliser sa puissance.
« Je suis désolée, Arthur. J’aurais tant voulu faire plus pour toi—t’offrir un chemin plus clair. »
Elle baissa la tête, et quand elle la releva, ses yeux étaient des galaxies.
« Accrochez-vous les uns aux autres. »
Puis elle recula et se fondit dans le Destin.
Une pulsation parcourut l’infinité de fils qui s’étendaient depuis le Destin, et nous la ressentîmes comme un couteau dans le cœur. Nos sens, toujours étendus à travers toutes les voies éthériques, perçurent la pulsation toucher tout le monde, chaque être dans le monde entier. Nous sentîmes des mains se presser sur des poitrines alors que des poumons cherchaient désespérément de l’air et que des yeux se remplissaient de larmes.
Les Relictombs continuaient de s’élever, s’enroulant autour de l’espace occupé par le Destin et laissant une sorte de balcon ouvert taillé à travers la Flèche. Elle avait percé le premier anneau, suivant le faisceau d’éther qui grandissait autour de la faille d’Everburn.
Une main se posa sur notre épaule, vibrante d’énergie. Nous reconnûmes aussitôt ce toucher. Sa force nous traversa. Le voile sur nos émotions ne suffisait pas à empêcher l’humidité de monter au coin de nos yeux. Sa voix, lointaine alors qu’elle résonnait à travers le temps, retentit à nos oreilles.
« Protéger ma famille est ma priorité, mais je veux aussi que ma famille vive heureuse. C’est pour ça qu’on fait tout ça. Dicathen n’a peut-être pas été ton seul foyer, Arthur, mais c’est le seul que nous connaissons, et si cela signifie mourir pour qu’Ellie puisse vivre un avenir meilleur, alors qu’il en soit ainsi. »
Notre cœur se serra en nous rappelant ses derniers mots, d’autant plus qu’il avait eu raison. Cette version d’Arthur Leywin avait eu peur de ne pas être assez fort, et il n’avait pas compris qu’il n’était pas le seul à vouloir protéger sa famille, ni le seul à mériter cette chance. La mort de Reynolds Leywin ne nous avait pas donné raison ; elle nous avait montré à quel point nous avions eu tort.
« Et c’est ce que le Destin ne peut pas comprendre. Le bien et le mal sont tout embrouillés avec juste une poignée d’esprits qui luttent pour influencer dans ma tête. Imagine maintenant un million—un milliard !—tous en train de lutter. Je pense que c’est la forme la plus pure de la nature humaine—ou djinn, ou elfe, ou peu importe. »
« Tu as raison. C’est pour ça que le Destin a besoin d’aide pour comprendre comment être un gardien. Un protecteur. Un… parent. »
« Des voix claires dans la confusion. »
Papa feignit une attaque rapide contre nous, que nous parâmes avec une épée invisible. Son rire résonna de toutes parts alors qu’il nous saluait d’un geste rapide et s’éloignait en bondissant. Dans le Destin.
« Merci, Papa. »
Nous attendîmes, espérant entendre à nouveau la voix de Papa, mais le Destin resta là, comme suspendu à l’infinité de connexions avec tous les autres dans le monde.
Au-dessus, le dernier fragment d’Epheotus entra dans le ciel au-dessus d’Alacrya. Les deux extrémités du troisième anneau fusionnèrent. Les Relictombs s’élevèrent à travers lui, perçant et soutenant les trois anneaux. À l’autre bout du monde, la Flèche fit de même, surgissant des Grandes Montagnes là où se trouvait autrefois le Mur. La Fontaine d’Everburn avait été reforgée par le Requiem d’Aroa et placée dans la toute première chambre des Relictombs où je m’étais éveillé. Le flux constant d’éther qui en émanait alimentait les zones ainsi que le pont soutenant les trois anneaux d’Epheotus, désormais solidement fixés autour de notre monde.
Je me préparai à la prochaine vague de pression éthérique, mais elle ne vint pas.
Les fils du Destin se déplacèrent autour de la tête sans traits, lui donnant presque l’air d’un sourire.
« Tu as réussi. » Un temps. « Nous sommes… prêts à faire preuve de patience. Tant que la pression est relâchée à la fin. Souviens-toi, le royaume éthérique ne peut pas être lié pour toujours. Prépare ce monde, Arthur Leywin. Prépare-les. Pour ce qui vient ensuite. »
Le Destin s’effaça, bien qu’une toile de fils dorés soit restée, remplissant l’ouverture dans la Flèche. Le ciel au-dessus des anneaux passa du rouge et violet au bleu. Le vent tomba. Le bruit de la pierre en perpétuelle transformation s’estompa.
La sphère spatium descendit, nous plaçant devant l’immense portail. Il s’effilochait sur les bords, comme s’il se désagrégeait. Avec God Step, je pinçai le point de connexion au centre du portail. Il y eut un crépitement statique et il s’éteignit comme de la fumée.
« C’est fini. »
« C’est tout ? Monde sauvé ? Relictombs, Epheotus et tout le reste ? »
« La chute d’Epheotus a quand même causé beaucoup de dégâts, et il y a des bêtes incroyablement puissantes qui courent partout sur les deux continents. »
« On dirait une bonne occasion pour les nouveaux voisins de se faire bien voir auprès de Dicathen et d’Alacrya. Il vaudrait mieux envoyer une demande pour une escouade d’extermination du panthéon. »
Nous nous installâmes dans la vallée qui entourait désormais la base de la Flèche des Relictombs. Les gens en sortaient en masse, confus et effrayés, tous les regards levés vers la Flèche, si haute que son sommet était invisible, et les trois anneaux qui se croisaient à son sommet, n’étant plus que des ombres bleues vues d’aussi loin. Il y avait un chaos de cris à l’aide, de supplications aux Vritra, et de babillages confus qui perdaient tout sens.
Mon regard, toujours désincarné et légèrement en dehors de moi-même, suivit le leur. Contrairement aux gens rassemblés ici, cependant, mes yeux pouvaient voir à travers chaque voie éthérique. Je pouvais voir à la fois les chemins lisses gravés dans la roche autour de la base de la Flèche et toute la largeur et la hauteur de la Flèche elle-même, s’élevant dans le ciel depuis les montagnes du Basilic et les Grandes Montagnes.
Je pouvais voir le monde entier, une sphère flottant dans l’obscurité, désormais entourée de trois anneaux de terre contenant tout ce qui restait d’Epheotus. Les trois anneaux se croisaient là où la Flèche les perçait, chacun projetant l’ombre sur l’anneau en dessous.
J’entendais les acclamations des asuras au château Indrath et à Featherwalk Eerie. Les cris des nains enfouis dans Vildorial et des humains blottis sous une barrière de feu de phénix à Xyrus. Les prières silencieuses des Alacryens terrifiés à Cargidan et Rosaere.
Mais ici, alors que nous approchions de l’entrée de la Flèche, tout devint silencieux à notre passage. Nous traversâmes la foule sans un mot, à travers le nouveau village qui entourait la vaste base de la Flèche. Une entrée imposante, faite à partir du portail d’ascension principal qui se trouvait auparavant au second niveau des Relictombs, brillait en signe de bienvenue.
À l’intérieur, nous trouvâmes plus de gens, tous aussi perdus et incertains. Le silence qui nous suivait était presque oppressant.
Nous continuâmes jusqu’au centre même du niveau, où un certain réceptacle cristallin reposait désormais, remonté des niveaux inférieurs. Entouré d’une cour et de trois escaliers en spirale menant à la fois vers le haut et vers le bas, le dernier vestige des Relictombs restait en mauvais état.
Il n’était pas nécessaire d’expliquer mon intention ; Tessia et Ji-ae faisaient partie de nous. Tess serra ma main, complétant un instant le schéma de sort qui reliait sa peau à la mienne, puis appuya la main contre la structure cristalline. Le Requiem d’Aroa fit jaillir des particules lumineuses d’abord sur ma peau, puis sur la sienne, puis sur le réceptacle du vestige djinn.
Les schémas de sorts s’effacèrent. Le cristal s’illumina et les anneaux de pierre qui l’entouraient, si semblables aux nouveaux anneaux d’Epheotus, commencèrent à tourner. Les connexions éthériques se reformèrent, se réorientant vers la chambre de la Fontaine d’Everburn, tout en haut, et redonnant du pouvoir à Ji-ae.
« Tu peux reprendre ta fonction précédente, » dis-je à voix haute, puisque nos esprits n’étaient plus connectés. « Tu trouveras tes pairs relogés comme nos plans l’indiquaient. »
« Je sais, bien sûr, » répondit-elle, un sourire dans la voix, qui émanait de l’air. « Maintenant, s’il te plaît, excuse-moi. J’ai une sérieuse recalibration à faire. »
Riant doucement, je me détournai, relâchant God Step, puis Realmheart. La Destruction avait déjà disparu alors que Regis la réprimait, sa forme vaporeuse flottant à moitié comateuse dans mon noyau. Puis le Requiem d’Aroa s’effaça, et enfin, la volonté de Myre. L’obscurcissement soudain de ma connexion à Sylvie et Tessia me fit me sentir, l’espace d’un instant, désespérément seul.
Ensemble, nous fîmes demi-tour par le chemin emprunté à l’aller. Les gens osaient maintenant nous interpeller, certains même s’approchaient, demandant ce qui se passait, nous suppliant de l’aide. Leurs mots résonnaient en chœur dans mes oreilles, et je ne pouvais pas me résoudre à répondre. Sylvie dit quelque chose, mais je ne sus pas quoi, car la majeure partie de mon esprit était tournée vers l’intérieur, à s’examiner lui-même.
Gambit du Roi. Il était toujours actif, mon esprit—désormais une mosaïque de pensées innombrables—était dispersé et incohérent. Je ne pouvais pas réfléchir à cause du bruit de mes propres processus de pensée concurrents.
Je ne savais pas si je pouvais même le relâcher, craignant d’être devenu le Gambit du Roi, qu’il soit devenu la plus grande part de moi. Que se passerait-il si j’arrêtais de le canaliser maintenant ?
« Tu es bien plus que cette godrune, Arthur, » dit Sylvie à côté de moi. Elle était tournée vers la foule, une main levée en signe de reconnaissance à un visage flou dans la foule, mais elle luttait tout autant que moi ; ses doigts tremblaient légèrement, et ses yeux étaient cernés et ombragés.
Je ne savais pas comment elle avait reconnu mes pensées, puisque mon esprit était fermé pour la protéger, elle et Regis.
Elle me regarda et haussa un sourcil, mi-amusée.
« S’il te plaît. Comme si j’avais besoin de lire tes pensées pour savoir ce que tu penses. »
Tessia attrapa ma main et nous força à nous arrêter, me tournant vers elle. Elle posa une main sur ma poitrine, au-dessus de mon noyau, et fronça les sourcils.
« Je ne sais honnêtement pas comment tu tiens encore debout, mais même toi, tu as des limites, Arthur. Je t’ai déjà perdu une fois parce que tu es allé trop loin. Lâche prise. Tant que tu le peux encore. »
Je pense qu’il est trop tard pour ça, pensai-je, même si extérieurement je souriais et gardais sa main sur ma poitrine avec la mienne.
Au plus profond de moi, sous sa main, des fissures couraient comme de petits éclairs brillants à la surface de mon noyau d’éther, faisant écho au noyau de mana brisé en dessous.
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chapitre de ouf et merci pour la traduction