Traducteur: linkfet
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« Écoute, je ne suis plus un gamin, tu sais. » L’exaspération d’Amane était évidente à la façon dont il répondait à l’appel de sa mère. Après tout, il était sur le point d’assister à la cérémonie d’entrée qui marquait le début de sa deuxième année de lycée.
Amane ne savait pas s’il devait être impressionné ou agacé par la capacité de sa mère à appeler précisément pendant le seul moment libre de sa matinée bien remplie. Elle s’inquiète trop, pensa-t-il en s’affaissant sur le canapé.
Sa mère s’était habituée à le savoir vivre seul, mais elle restait visiblement préoccupée à l’idée qu’une ancienne blessure ait pu se rouvrir, ravivant des souvenirs de sa deuxième année de collège.
En ce qui concernait Amane, bien que la cicatrice le relançât parfois, elle ne le gênait pas vraiment. Et plus important encore, il ne voulait pas inquiéter ses parents.
« Je vais bien. Vraiment, je me débrouillerai tout seul. »
« Si jamais ça devient trop dur, viens me le dire, d’accord ? Oh, encore mieux, tu peux t’appuyer sur la douce Mahiru ! »
« Ouais, ouais… »
Pourquoi est-ce qu’elle fait une telle fixette sur Mahiru et moi ?
Sa mère appréciait beaucoup Mahiru et voulait clairement qu’ils passent plus de temps ensemble, mais Amane trouvait que ça ne regardait absolument pas ses parents. Pour tout ce qui concernait les relations amoureuses, il ne demandait ni ne voulait d’ingérence parentale, même si elle partait d’une bonne intention.
Mais surtout, Amane ne voulait pas que sa mère devine à quel point Mahiru lui plaisait vraiment, alors il choisit de garder le silence et d’éluder la conversation.
« Je suis sûre que Mahiru serait très réceptive. »
« E—Eurh… »
« Quoi qu’il en soit, si jamais tu traverses une période difficile, demande de l’aide à quelqu’un, d’accord ? Peu importe à qui. Mais moi, je continue de penser que Mahiru serait juste parfaite, alors— »
« Bon, je dois y aller, alors je raccroche. Merci de t’inquiéter pour moi de si bon matin. »
Amane ne voulait pas que sa mère continue à spéculer sur sa relation avec Mahiru, alors il la remercia rapidement et mit fin à l’appel. Il pouvait déjà l’imaginer de l’autre côté du fil, probablement en train de faire la moue, mécontente.
Elle se faisait du souci pour lui, mais elle en faisait bien trop.
Ses cicatrices lui faisaient mal, certes, mais pas au point de le mettre à terre.
De toute façon, ça ne le dérangerait pas s’il n’y pensait pas.
… Mieux vaut ne pas chercher à s’appuyer sur les autres si ce n’est pas nécessaire.
Tant que les personnes en qui j’ai confiance restent à mes côtés, tout ira bien.
Amane ne s’inquiétait pas des changements de classe pour le nouveau semestre. Après tout, il n’y pouvait rien, alors il avait décidé de faire de son mieux pour accepter ce qui viendrait.
Regardant son propre reflet sombre et mélancolique sur l’écran éteint de son téléphone, Amane esquissa un sourire amer.
Si Chitose et Itsuki me voyaient comme ça, ils me donneraient une tape dans le dos, pensa-t-il en se levant du canapé pour partir à l’école.
***
Reprendre le chemin du lycée après deux semaines de pause lui donnait un petit sentiment de nostalgie. Une fois arrivé, Amane se dirigea vers le panneau central d’affichage, dans l’intention de vérifier les listes des classes.
Bien qu’il soit arrivé un peu plus tôt que d’habitude, c’était la rentrée du nouveau semestre, donc beaucoup d’autres élèves étaient déjà là — et contre toute attente, l’un d’eux était son ami Itsuki, qui émergea de la foule pour le saluer.
« Yo, ça va, Amane ? On dirait que tu viens juste d’arriver. »
« Salut. Il va neiger ou quoi ? Je n’arrive pas à croire que tu sois arrivé avant moi. »
« Mon père m’a mis dehors. » Répondit Itsuki avec un petit sourire. « Il a dit que je devrais au moins être à l’heure le premier jour. » Il haussa les épaules, comme si ce n’était pas bien intéressant.
Comme d’habitude, Itsuki était en froid avec son père. Depuis qu’il était avec Chitose, il ne semblait plus du tout enclin à faire ce que ses parents voulaient. Son père refusait obstinément d’approuver sa relation avec Chitose, et depuis, ils ne s’entendaient plus du tout. Pourtant, même avant cela, le père d’Itsuki était assez strict. Amane trouvait néanmoins que, dans l’ensemble, c’était un homme sérieux, raisonnable — et un bon parent.
Cela dit, la situation d’Itsuki faisait vraiment apprécier à Amane la relation qu’il avait avec ses propres parents. Ils étaient parfois un peu envahissants, mais dans l’ensemble, ils respectaient ses choix, et il ne se disputait presque jamais avec eux. Après tout, ils avaient fait beaucoup d’efforts pour l’envoyer étudier loin de sa ville natale. Et ils ne lui avaient jamais fait de remarques sur les personnes qu’il fréquentait — bien au contraire, ils le soutenaient totalement à ce niveau-là.
Amane n’avait jamais avoué à ses parents ses sentiments pour Mahiru, mais ils étaient visiblement très attachés à elle —au point de dire ouvertement qu’elle ferait une merveilleuse belle-fille. Si par un improbable hasard, il venait un jour à être en couple avec Mahiru, il était certain que ses parents approuveraient.
Amane savait bien qu’il avait de la chance d’avoir une famille aimante.
… En considérant la situation de Mahiru, j’ai vraiment tiré le gros lot, hein ?
Un silence inconfortable s’installa en lui lorsqu’il se rappela l’expression glaciale qu’il avait vue sur le visage de la mère de Mahiru. Itsuki, lui, retrouva rapidement son entrain habituel et afficha un sourire malicieux.
« Bah, mon père ne vaut pas la peine qu’on s’inquiète pour lui. Allez, allons voir les listes de classe. »
« Vu ton sourire, je peux déjà deviner ce qui est affiché. »
Amane lança un regard las à son ami, dont le sourire ordinaire s’était transformé en un rictus espiègle, puis il se mit à chercher son nom parmi la foule d’élèves qui faisaient de même.
Il ne lui fallut pas longtemps pour repérer son nom. Et en commençant à identifier ses camarades de classe pour l’année, le sourire malicieux d’Itsuki prit tout son sens.
Beaucoup de noms familiers figuraient sur la liste.
Plusieurs appartenaient à des élèves qui avaient été dans sa classe l’année précédente, notamment Itsuki et le garçon que l’on appelait souvent le prince, Yuuta Kadowaki.
Amane aperçut aussi le nom de Chitose, ce qui expliquait sans doute la bonne humeur d’Itsuki.
Et il y en avait un autre qu’il reconnut.
Mahiru Shiina : le nom de sa voisine, celle qui prenait toujours soin de lui et qui était secrètement l’objet de son affection.
Je suis quasi sûr que quelqu’un a tout planifié.
Bien sûr, la répartition des classes était décidée par l’administration de l’école, ce qui signifiait qu’Amane et ses amis n’avaient aucun pouvoir sur leur affectation, mais il ne s’attendait pas à se retrouver avec autant de visages familiers.
« On a eu du bol, hein, Amane ? »
« Je ne vois pas ce qu’il y a de si génial. Disons que c’est rassurant de t’avoir avec moi. »
« Qu’est-ce qui t’arrive, tu serais gêné pour une fois ? »
« Ferme-la. Et si quelqu’un doit se considérer chanceux, c’est bien toi, non ? Être dans la même classe que Chitose et tout. »
« Ah ça, c’est sûr, mec. J’avais peur qu’ils nous séparent cruellement, nous deux, les amoureux… »
« En y repensant, mettre un peu de distance entre vous deux aurait peut-être été mieux pour tout le monde. »
Avec ce couple surexcité dans les parages, il n’y aurait pas un seul instant d’ennui… ni de paix. Et leurs démonstrations constantes d’affection allaient sûrement exaspérer tous les élèves célibataires.
Amane était heureux d’être dans la même classe que ses amis Itsuki et Chitose, mais d’un autre côté, il sentait déjà que cette année allait être mouvementée et compliquée.
« Pourquoi tu es si dur ? Ah, ne me dis pas… C’est parce que t’es célibataire, hein ? »
« Essaie de dire ça aux autres mecs. Si les regards pouvaient tuer, mec… »
« Je plaisante, je plaisante ! Mais sérieusement, c’est plutôt pas mal, non ? Tu te retrouves enfin dans la même classe que la fille que tu aimes. »
« … Tais-toi. » Amane se détourna brusquement des taquineries d’Itsuki.
Une voix enjouée interrompit leur échange. « Je me trompe peut-être, mais Fujimiya a l’air un peu contrarié, non ? » Un petit rire s’éleva. « Il va finir par te détester si tu le taquines trop, Itsuki. »
Amane fronça les sourcils en levant les yeux et aperçut Yuuta, le prince de la classe, debout à côté d’Itsuki, une main posée sur son épaule.
Il était impossible de ne pas remarquer les regards furtifs qui convergeaient vers eux dans le couloir. Ce genre d’attention devait être une habitude pour lui, car ça n’avait pas l’air de le dérangé. Yuuta affichait simplement un sourire amical à l’intention d’Amane.
« Salut. On est encore dans la même classe cette année. J’espère qu’on passera une bonne année ensemble. »
Ce n’était pas une interaction particulièrement marquante. Il avait juste vu Itsuki et Amane discuter devant le panneau d’affichage et était venu les saluer. Yuuta s’entendait bien avec Itsuki, donc ce n’était pas étonnant, mais il était rare qu’il se montre aussi amical avec Amane.
Amane se sentait un peu mal à l’aise de parler avec quelqu’un d’aussi populaire. Il n’avait rien contre Yuuta en tant que personne, mais il n’aimait pas attirer trop d’attention.
En plus, se faire de nouveaux amis au début d’un semestre lui rappelait le passé. Une douleur familière se manifestait à nouveau, remontant lentement, mais sûrement, depuis les profondeurs de sa poitrine. Une sensation qu’il croyait avoir enfouie depuis longtemps.
« … Fujimiya ? »
« Hein ? Ah, désolé, j’ai décroché un instant. J’espère qu’on passera une bonne année. »
Amane répondit avec un sourire faible. Yuuta fronça légèrement les sourcils, visiblement inquiet, avant de finalement laisser place à un sourire soulagé.
Garde un sourire comme ça pour tes fangirls, plutôt, pensa brièvement Amane. Mais comme Yuuta semblait sincèrement heureux, Amane fut un peu rassuré lui aussi.
À ce moment-là, d’autres garçons s’approchèrent et Yuuta partit discuter avec eux.
Itsuki, qui était resté silencieux jusque-là, fixait Amane, l’air de tirer ses propres conclusions. « C’est moi ou tu te méfies un peu de Yuuta ? »
« … Non, ce n’est pas ça. C’est juste… Je trouve bizarre qu’il veuille devenir ami avec moi. »
« Sérieusement, mec ? Tu es toujours trop dur avec toi-même. Écoute, ce n’est pas comme si Yuuta avait une arrière-pensée en étant sympa avec toi, tu sais ? Tout le monde qui agit gentiment n’a pas forcément un objectif caché. Tu es trop méfiant, Amane. »
« Je suis sûr que c’est vrai. » Répondit Amane, « mais… » Au moment où il remarqua le regard exaspéré d’Itsuki, il ravala la suite de sa phrase. —Mais il y a des gens comme ça.
Ce n’était pas qu’il soupçonnait Yuuta d’être l’un d’eux.
Ils n’avaient été que de simples camarades de classe l’année précédente, mais même ainsi, Amane savait que Yuuta était un bon gars. Avec son caractère gentil, honnête et charmant, il n’était pas surprenant qu’il soit aussi populaire et ait beaucoup d’amis.
Mais cette période de l’année lui rappelait toujours de mauvais souvenirs, et ça le rendait méfiant, même quand il n’y avait aucune raison de l’être.
« Ça n’a rien à voir avec ce que vaut Kadowaki. C’est juste que je suis timide, alors je me sens nerveux quand quelqu’un commence soudainement à me parler. »
« Bon, ça, c’est vrai. Tu es du genre réservé. La première fois qu’on a parlé, tu étais tendu comme un chat nerveux. »
« Qui tu traites de chat ? »
« Vas-y, prouve-moi que j’ai tort. Timide et silencieux tant que personne ne t’approchait, mais dès qu’on te touchait, bam, tu sortais les griffes. »
Amane fronça les sourcils à cette comparaison. En tant qu’amateur de chats, il n’appréciait pas que son attitude maussade soit comparée à ces créatures adorables et indépendantes.
« Enfin bref, je pense que tu t’entendrais bien avec Yuuta si tu lui laissais une chance. Depuis le collège, on a été dans la même classe trois années de suite, donc je peux te garantir que c’est un bon gars. »
« Je peux le voir rien qu’en l’observant, mais c’est moi le problème. En plus, je n’ai jamais vraiment parlé avec lui… »
« Je suis presque sûr que ce ne sera pas long avant qu’il ne change ça de lui-même. »
« Attends, pourquoi ? »
« Qu’est-ce que tu crois ? Même Yuuta a dû comprendre que t’es un mec bien. »
Itsuki lança ça avec un grand sourire, mais Amane fronça les sourcils instinctivement. Il ne comprenait pas.
***
« Saaaalluut ! On est encore dans la même classe cette année ! »
Après être entré dans sa nouvelle salle, avoir trouvé son bureau assigné et vérifié ses papiers scolaires, Amane vit Chitose s’approcher de lui, l’air de s’être tout juste levée.
Cette année, Chitose et Itsuki étaient tous les deux dans sa classe, ce qui signifiait qu’il n’en était qu’au premier jour d’une longue série de journées bruyantes et éprouvantes.
« Bonjour. Tu n’es pas venue avec Itsuki aujourd’hui ? »
« Non, je me suis réveillée en retard. Franchement, j’avais complètement oublié la rentrée, et c’est ma mère qui a dû me sortir du lit. Où est Itsuki ? »
« Il est parti aux distributeurs automatiques il y a une minute. »
« D’accord. Je vais lui envoyer un message pour qu’il me prenne un thé au lait. Ah, Mahirun, Mahirun ! On est dans la même classe cette année ! J’ai hâte ! »
Agitant les mains avec enthousiasme, Chitose, qui n’était jamais timide avec personne, se précipita vers Mahiru, qui venait d’entrer dans la salle de classe. Entourée d’un groupe de garçons et de filles, Mahiru cligna des yeux, surprise. Tout le monde autour d’elle se figea en entendant Chitose l’interpeller avec tant de familiarité, mais quand Mahiru réagit normalement et afficha instantanément son sourire angélique, il devint évident que Chitose était l’une des rares personnes autorisées à lui parler de cette manière. L’ambiance dans la classe se transforma alors en une vague de jalousie.
Voir Chitose se précipiter vers Mahiru avec autant d’énergie dès le matin faisait qu’Amane était partagé entre frustration et admiration. Son regard croisa celui de Mahiru un bref instant, et il crut percevoir un léger changement dans son doux sourire. Mais l’instant d’après, elle détourna les yeux vers Chitose avec un regard tendre.
« Mahirun, les cours finissent plus tôt aujourd’hui, alors allons manger des crêpes sur le chemin du retour ! L’endroit devant la gare est super bon ! »
« Ça a l’air sympa. J’aimerais bien y aller, si ça ne te dérange pas. »
Amane eut l’impression que Mahiru lui jetait un coup d’œil furtif. Mais à ses yeux, elle n’avait pas besoin de son approbation à chaque fois qu’elle voulait sortir quelque part, et il n’avait aucune intention d’être un poids qui l’empêcherait de sortir quand elle en avait envie. Il pouvait toujours manger un fast-food ou acheter un repas au konbini. Mahiru était en train de tisser une nouvelle amitié, et Amane s’en réjouissait pour elle.
Chitose était particulièrement douée pour créer des liens avec les autres, et Amane espérait qu’elles passeraient un bon moment ensemble —et qu’elle montrerait à Mahiru, qui avait peu d’amis proches, comment s’amuser sans trop l’épuiser.
C’était sans doute Mahiru qui bénéficiait le plus de la présence de Chitose dans leur classe. Malgré l’énergie débordante de son amie, elle souriait déjà avec bonheur. Amane sentit un léger sourire se dessiner sur son propre visage.
***
La rentrée se déroula avec la cérémonie d’ouverture, suivie des présentations et des annonces générales en classe. Une fois tout cela terminé, les élèves furent libérés.
Comme les cours finissaient avant l’heure du déjeuner, Amane avait prévu de manger avec Mahiru, mais finalement, il acheta un bento au konbini le plus proche, une habitude qu’il avait prise de moins en moins souvent. Après être rentré chez lui et avoir avalé son repas frugal, il s’allongea mollement sur le canapé.
Il connaissait beaucoup d’élèves dans sa nouvelle classe, et la plupart semblaient plutôt calmes, ce qui laissait penser qu’il pourrait s’en sortir sans trop de difficultés. Il se sentait soulagé d’avoir autant de visages familiers autour de lui. Passer une année entière en cours sans un seul ami aurait été bien trop déprimant.
Amane était conscient de son tempérament réservé, et il savait combien il lui était difficile de nouer de nouvelles amitiés. Il avait du mal à faire confiance aux gens en général.
En songeant au miracle qu’avait été son amitié avec Itsuki et en se félicitant intérieurement de sa propre prévoyance, Amane laissa lentement ses paupières se fermer.
Passer du temps dans une nouvelle salle de classe l’avait légèrement fatigué. Ajouté à la somnolence post-repas, cela suffit à l’endormir presque instantanément.
***
Effleurer les souvenirs qu’il avait soigneusement enfouis lui causait une douleur discrète, mais vive, comme s’il frôlait une écharde.
D’ordinaire, il parvenait à les repousser au fond de son esprit en se concentrant sur les nombreuses bonnes choses de sa vie.
Depuis qu’il avait rencontré Mahiru, il n’y pensait presque plus, et même lorsque ces souvenirs refaisaient surface, ils disparaissaient aussitôt, comme des bulles éclatant à la surface de l’eau. Cette sensation de picotement ne durait jamais bien longtemps. Leur récente remontée en flèche devait être liée à la rentrée, ou peut-être avait-elle été déclenchée par la découverte du passé de Mahiru. Ou alors, c’était en réalisant qu’Itsuki, son premier ami après tout ce qui s’était passé, était aussi proche de Yuuta.
« Passons une super année ensemble. »
Un autre garçon lui avait déjà tendu la main en prononçant ces mots.
À l’époque, Amane était plus naïf, moins méfiant envers les autres. Il avait toujours été entouré de personnes bienveillantes et n’avait jamais appris à discerner ceux qui voulaient lui nuire.
Alors, il n’avait pas douté de ce garçon. Il n’avait douté de personne, en fait.
« —Toi… Depuis le début— »
Amane se réveilla en sursaut, et les mots qu’il connaissait pourtant si bien s’évaporèrent.
***
À travers son regard encore embrumé, il aperçut la lumière du printemps filtrer à travers la fenêtre, baignant doucement l’appartement familier d’une lueur paisible.
Il n’y avait personne d’autre que lui, et le seul son perceptible était celui de sa respiration, plus saccadée qu’à l’accoutumée.
Il poussa un long soupir en regardant l’horloge : il s’était assoupi environ une heure. Une sieste assez longue, et pourtant, il se sentait toujours épuisé, sans doute à cause de ce mauvais rêve.
Son corps et son esprit étaient si lourds qu’il aurait pu se rendormir immédiatement, mais il n’en avait soudain plus envie du tout.
Je devrais au moins me laver le visage pour me remettre les idées en place.
Espérant qu’un peu d’eau fraîche suffirait à dissiper les derniers restes de mélancolie, Amane se dirigea vers l’évier.
***
« … Tu n’as pas l’air en forme, Amane. »
Même après s’être rafraîchi, le malaise diffus dans sa poitrine ne s’était pas dissipé. Il s’était seulement atténué, juste assez pour qu’il puisse l’enfouir au fond de son cœur et attendre qu’il s’efface à nouveau. Il pensait avoir réussi à chasser toute trace de ce trouble de son visage pour ne pas éveiller les soupçons de Mahiru, mais elle était bien trop perspicace pour se laisser berner. Elle était passée chez lui après sa sortie avec Chitose et, une fois le dîner terminé, elle l’observa attentivement avant de l’interroger.
« … Tu es malade ? »
« Non, rien de tout ça… J’ai juste fait une sieste et j’ai dû faire un mauvais rêve, je suppose. »
« Oh, un cauchemar ? » Demanda-t-elle avec un regard curieux.
« Hmm, en quelque sorte. » Amane secoua la tête. « Ce n’est rien de grave, ne t’inquiète pas. » Une excuse bien mince.
Mahiru est perspicace. Si elle comprend que je ne veux pas en parler, elle ne poussera pas plus loin. C’est son genre.
Amane ne voulait pas la repousser complètement, mais c’était encore un sujet trop sensible pour lui. Il préféra donc garder une certaine distance, sachant que Mahiru respecterait cela.
Elle sembla comprendre qu’il n’avait pas l’intention de se confier pour le moment. Elle se contenta de le fixer intensément de ses yeux couleur caramel, sans colère, ni tristesse, ni trouble. Cela le mettait légèrement mal à l’aise, mais Mahiru ne détourna pas le regard, comme si elle voulait lui montrer qu’elle comprenait ce qu’il traversait.
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Rien… Je pensais juste que tes cheveux avaient l’air particulièrement doux aujourd’hui. »
« Hein ? »
Pris au dépourvu, Amane ne savait pas quoi répondre. Il s’attendait à ce qu’elle insiste pour qu’il lui parle, mais au lieu de cela, elle faisait une remarque complètement inattendue sur ses cheveux.
Avec son expression habituelle, Mahiru l’observa attentivement.
« Je peux toucher ? »
« Qu’est-ce que c’est que cette soudaine envie… ? Enfin, si tu veux, mais— »
« Oh, vraiment ? Dans ce cas, viens ici. »
Mahiru se déplaça sur le bord du canapé et tapota ses genoux.
« Hein ? » Lâcha Amane, encore plus perdu.
Il ne comprenait pas.
« Pose ta tête ici, ce sera plus simple. »
« Non, non, non. »
Mahiru fixa silencieusement Amane, qui secoua vivement la tête face à cette proposition pour le moins inhabituelle. Il était complètement perdu quant à la raison de cette soudaine invitation. Mahiru, en revanche, restait parfaitement calme, ce qui ne faisait qu’accentuer sa confusion.
« Il y a quelque chose qui ne va pas avec mes genoux ? »
« N—Non, ce n’est pas ça… »
Il secoua rapidement la tête en percevant une pointe de mécontentement dans sa voix.
Après tout, avoir l’occasion de poser sa tête sur les genoux de la personne qu’on aime relevait d’une chance inespérée.
Mais savoir s’il devait accepter une telle faveur était une toute autre question. Peu importe les contacts physiques qu’ils avaient déjà eus, s’allonger ainsi sur elle représentait un tout autre niveau d’intimité. Il risquait fortement de mourir de gêne. L’autre jour, lorsqu’ils s’étaient enlacés, c’était dans une situation urgente, pour réconforter Mahiru, et il n’avait pas eu le temps de se sentir embarrassé. Mais cette fois…
« Allez, viens ici, ce n’est rien. »
« N—Non, c’est… »
« Amane. »
« … D’accord. »
Il avait tenté de résister, mais toute sa volonté s’effondra à l’instant où Mahiru l’appela avec un sourire. Elle était de nouveau si persuasive que, lorsqu’elle l’invita en lissant doucement le tissu de sa jupe, les dernières hésitations d’Amane étaient peu à peu réduites à néant.
Il remercia mentalement le ciel qu’elle porte une jupe longue avant de s’installer avec hésitation sur le canapé, posant lentement sa tête sur ses genoux. Dos à elle, il regardait au-delà de ses jambes tout en sentant la douceur ferme de ses cuisses.
Ses jambes fines, élégantes et indéniablement féminines, soutenaient parfaitement le poids de sa tête. La chaleur de son corps, son parfum doux et léger… Tout cela fit fondre ses dernières résistances, surtout lorsque Mahiru descendit une main pour lui caresser doucement la joue.
« Et si je faisais quelque chose de vraiment déplacé, là maintenant ? » Murmura-t-il d’un ton bourru, tentant un dernier effort pour garder un semblant de contenance.
Il entendit un léger rire.
« Je suppose que je me lèverais d’un coup et que je t’écraserais sous mon pied. »
« Désolé d’avoir demandé. »
Mahiru s’était montrée plus réservée ces derniers temps, alors entendre cette taquinerie presque nostalgique le fit sourire malgré lui. Il s’excusa immédiatement, au cas où elle était sérieuse, mais elle se contenta de rire face à sa réaction.
« Enfin, je sais bien que tu ne ferais rien de ce genre. Tu n’as ni le courage ni l’énergie pour ça. »
Être qualifié de lâche aussi naturellement lui laissa un sentiment mitigé, mais il ne pouvait pas nier qu’il n’aurait jamais osé quoi que ce soit, de peur que Mahiru le déteste. Alors, elle n’avait pas totalement tort.
« Allez, détends-toi un peu. Ce sera plus facile pour moi si tu te laisses aller. »
Alors qu’elle faisait glisser ses doigts pâles dans ses cheveux noirs, Amane ne trouva plus aucune raison de refuser. Il garda le silence et se laissa faire.
… Elle doit s’inquiéter pour moi.
C’était probablement la manière de Mahiru de le réconforter.
Elle devait avoir compris qu’il se sentait tendu ces derniers temps et voulait l’aider à se détendre. Il n’avait aucune idée de ce qui lui avait fait penser que poser sa tête sur ses genoux serait efficace, mais force était de constater que c’était incroyablement agréable. Et son cœur ne battait pas aussi fort qu’il l’aurait imaginé, sans doute parce qu’il était épuisé.
Un doux engourdissement s’empara de lui. Il ne s’était jamais attendu à ce que de simples caresses dans les cheveux puissent procurer une telle sensation de bien-être. Cela faisait si longtemps que quelqu’un ne s’était pas occupé de lui de cette manière qu’il ne savait pas trop quoi en penser. Il se laissa lentement sombrer dans cette mer de bonheur et de tranquillité, s’approchant petit à petit du sommeil.
Alors qu’il était sur le point de s’abandonner totalement au repos, Mahiru murmura : « Alors, le jeune homme n’a rien à dire sur ce que ça fait de reposer sa tête sur les genoux d’une jeune fille ? »
Ses yeux s’ouvrirent aussitôt tandis qu’il prenait une inspiration brusque.
« Ah, euh, eh bien… »
« Chitose m’a dit que lorsqu’un garçon est fatigué, lui permettre de s’allonger sur ses genoux est un rêve devenu réalité et devrait l’aider à se sentir mieux. »
Amane comprit alors que cette situation inhabituelle était encore une des interventions de Chitose. Bien que… il ne pouvait pas dire qu’elle avait tort. En réalité, il devait probablement la remercier.
Il pinça les lèvres, cherchant la bonne réponse. Pendant qu’il hésitait, Mahiru tapotait doucement sa joue du bout du doigt.
Honnêtement, c’était une sensation merveilleuse, et il aimerait pouvoir en profiter tous les jours. Mais s’il disait une chose pareille, Mahiru risquait de le trouver bizarre, alors il devait modérer ses propos.
Il ne pouvait pas se permettre de mentir en prétendant que ce n’était pas spécial, mais il ne voulait pas non plus lâcher une phrase maladroite qui la ferait fuir.
Après un court moment de réflexion, il opta pour une réponse simple, mais sincère.
« … Je trouve ça vraiment agréable. Mais ne te méprends pas. »
« Comment pourrais-je, alors que c’est la première fois que je fais ça ? »
Le cœur d’Amane rata un battement à ces mots. Il se souvint que Mahiru évitait habituellement tout contact physique avec les garçons. Bien sûr qu’il était le premier.
Lorsqu’il réalisa à quel point Mahiru devait lui faire confiance pour le laisser être aussi proche d’elle, il sentit son cœur s’emballer, ainsi que la chaleur monter à son visage. Mais Mahiru, indifférente à son trouble, continua simplement à lui caresser les cheveux avec un air satisfait.
« Eh bien, c’est quelque chose que je voulais essayer, alors détends-toi et laisse-toi faire. Je ne fais que te caresser les cheveux, après tout. »
« … Je suppose. »
Elle insistait sur le fait qu’elle agissait selon son propre désir, et qu’il n’avait donc pas à se sentir gêné. Un peu embarrassé malgré tout, Amane accepta de se laisser aller. Après un moment de silence, où Mahiru continuait à jouer doucement avec ses cheveux, elle lui posa soudain une question d’un ton léger.
« … Amane, que penses-tu de notre classe cette année ? »
Il prit quelques secondes pour réfléchir avant de répondre.
« Hmm… Pour être honnête, je ne pensais vraiment pas qu’on se retrouverait dans la même classe. »
Il espérait avoir au moins un ami dans sa classe, mais il ne lui était pas venu à l’esprit que tout le monde pourrait finir par être ensemble.
« Hé hé. C’était amusant de te voir aussi stupéfait. »
« Hey… Mais ouais, ça m’a vraiment surpris. Je vais devoir être vigilant. »
« Que veux-tu dire ? »
« Je vais devoir garder mes distances pour ne pas te parler trop familièrement ou agir de façon trop intime. »
D’un côté, Amane se sentait soulagé que ses amis soient proches, mais d’un autre côté, étant donné que Mahiru était là, il devrait faire attention à la façon dont ils interagissaient. Il éviterait de lui parler dès qu’il le pourrait, mais si jamais il laissait paraître qu’ils étaient proches, cela risquait de devenir un énorme spectacle, un de ceux qui était davantage contraignant que divertissant.
Malgré ses sentiments, il ne voulait pas être indiscret au sujet de sa relation avec Mahiru à l’école. Tant qu’ils pouvaient passer du temps ensemble chez eux, cela lui convenait parfaitement. Il n’avait aucune envie de se faire des ennemis parmi les garçons de l’école.
Tant que personne ne savait rien de leur relation, ils ne viendraient pas lui parler. Il prévoyait de se comporter comme s’ils étaient des étrangers. Pensant que Mahiru devait sûrement comprendre cela, il ferma les yeux, mais elle lui pinça la joue entre ses doigts.
« … Qu’est-ce qui ne va pas ? »
« … Oh, rien. Je comprends ta logique, mais je ne pouvais pas laisser passer ça sans rien faire, alors… »
« Qu’est-ce que ça veut dire… ? »
Elle semblait un peu boudeuse pour une raison quelconque, mais Amane ne savait pas trop quoi faire. Il supposait qu’elle voulait que les deux agissent comme d’habitude, même à l’école. Après tout, elle pouvait se détendre avec lui. Mais elle n’était pas celle qui finirait dans une situation délicate.
Si Amane avait été un garçon populaire et attirant, comme Itsuki par exemple, peut-être que les deux auraient pu traîner ensemble quand, et où ils voulaient. Mais comme Amane n’était ni populaire ni particulièrement sociable, c’était une autre histoire.
Il n’était pas difficile d’imaginer que certaines personnes pourraient décider qu’Amane ne méritait pas l’attention de l’ange et le harceler.
Amane était habitué à être seul. Ce qu’il ne voulait pas, c’était la colère de ses camarades de classe.
« … Bon, je vais accepter… pour l’instant, ceci dit. » Rétorqua-t-elle, acceptant finalement la proposition d’Amane.
« Je ne sais pas trop quoi penser de ce ‘pour l’instant’… mais c’est un début. »
« On agira toujours normalement à la maison, d’accord ? »
« Bien sûr… Mais si on agissait normalement, je me serais déjà relevé depuis longtemps, non ? »
« Ça, ça ne compte pas. »
Mahiru annonça cette étrange exception et recommença à caresser les cheveux d’Amane. Ou plutôt, elle y jouait comme si elle les pétrissait. Amane savait que s’il disait quoi que ce soit de plus, Mahiru ferait la moue à nouveau, et tant qu’il gardait sa bouche fermée, il pouvait savourer ce moment béni. Ce fut une décision facile.
Peut-être parce qu’elle était satisfaite de son silence et de sa docilité, Mahiru commença à arranger ses cheveux plus délibérément.
Ses gestes étaient doux et affectueux, un peu maladroits, mais Amane se laissa aller à cette sensation réconfortante, et il ne fallut pas longtemps avant qu’il ne soit complètement à sa merci.
… Je suis vraiment gâté…
Si elle continuait ainsi, il sombrerait sans aucun doute dans le sommeil le plus profond. Il sentit ses yeux commencer à se fermer à nouveau alors qu’il se laissait envahir par la chaleur de Mahiru, et une nouvelle vague de somnolence l’envahit. Vraiment, il était impossible de résister au pouvoir apaisant des genoux de l’ange.
Il résista à l’envie de se tourner vers elle et de s’enrouler dans la chaleur invitante pour se laisser submerger par son parfum. Il savait que si cela arrivait, il n’y aurait pas de retour en arrière, alors il garda délibérément son dos tourné, résistant juste assez.
Tandis que Mahiru continuait à caresser affectueusement sa tête, il commença à se sentir lourd, et après un autre moment de résistance, il se rendit finalement auprès de cet incroyable confort.
« … Tu as l’air fatigué. »
Il entendit sa voix douce, mais n’eut plus l’énergie de soulever ses paupières.
« C’est bon, je te réveillerai dans un moment. Vas-y, repose-toi. »
En écoutant ses chuchotements doux, Amane ne put plus rester éveillé et céda rapidement à l’étreinte du sommeil.
***
Lorsqu’il releva ses paupières lourdes, Amane se retrouva à regarder deux montagnes couvertes par un chemisier, et au-delà, le visage de Mahiru, avec une expression tendre. Il se redressa immédiatement, les yeux grands ouverts de surprise.
Apparemment, il s’était retourné pendant son sommeil pour se retrouver face au plafond. C’est pourquoi il avait eu une vue assez saisissante en se réveillant, et son cœur battait étrangement.
« … Combien de temps ai-je dormi ? »
À cette question, Mahiru laissa échapper un léger sourire.
« Environ une heure. Tu es trop mignon quand tu dors. »
« Ne me fixe pas comme ça, pff. »
« C’est toi qui dis ça. »
Il essaya de répliquer à Mahiru pour ses taquineries, mais elle retourna immédiatement la situation contre lui. C’était vrai qu’il avait regardé Mahiru dormir plusieurs fois auparavant —et qu’il était même allé jusqu’à toucher son visage une fois— alors il n’était pas vraiment en droit de se plaindre.
« Je t’ai laissé me voir sans défense, alors je pensais qu’il était temps de rendre la pareille. »
« Mais c’est toi qui t’étais endormie, toute seule… alors… mghnhgh… »
« Ah, tu me réponds maintenant ? »
Elle lui pinça doucement les deux joues.
« Déjolé… » Amane s’excusa faiblement, toujours en ayant du mal à parler correctement.
« Très bien. Bon sang. »
Apparemment satisfaite de l’excuse d’Amane, Mahiru arrêta de tirer ses joues et commença à les chatouiller. En fin de compte, cela ne changeait rien au fait qu’elle touchait son visage, mais Amane l’avait aussi pincée, alors c’était la juste rétribution.
Ses joues étaient moins malléables et extensibles que celles de Mahiru, alors il ne voyait pas trop comment les pincer pouvait être si amusant. Pourtant, Mahiru continua avec un sourire heureux, glissant lentement son doigt sur sa joue.
« Tu as vraiment l’air beaucoup mieux maintenant. »
« J’avais vraiment l’air si épuisé que ça, tout à l’heure ? »
« Pas exactement. Mais je te vois tous les jours, alors je peux le dire. Je veux dire, tu remarques bien quand je vais mal, n’est-ce pas, Amane ? »
« Je suppose que c’est vrai. »
« C’est ce genre de choses. »
Mahiru fit cette déclaration avec une expression neutre, puis recommença à glisser un doigt sur la joue d’Amane et sourit malicieusement.
« Quand les choses deviennent difficiles, je veux que tu comptes sur moi, d’accord ? Tout comme tu me laisses compter sur toi. »
« … Je vais essayer. »
Soudain, Mahiru le pinça à nouveau, serrant ses joues entre ses pouces et ses doigts.
Espérant sauver son pauvre visage d’autres tortures, il répondit précipitamment : « D—D’accord, j’ai compris ! »
Mahiru hocha la tête, satisfaite. « Bien. »
« … C’est de la coercition, ça, tu le sais, n’est-ce pas ? »
« Les femmes peuvent être insistantes quand il le faut. En plus, je ne laisse personne d’autre que toi me voir agir ainsi, donc il n’y a pas vraiment de problème. »
« Euh, si, il y en a plein. »
Eh beh, ça promet…
Mahiru venait aussi d’admettre qu’elle lui accordait un traitement spécial. Mais elle ne semblait pas particulièrement préoccupée par la portée de ses paroles et se contenta de sourire en voyant l’embarras évident d’Amane.
« Idiote ! » Marmonna Amane en détournant le regard dans une vaine tentative de cacher son trouble.
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source : traduction anglaise officielle par Yen Press
lien : https://yenpress.com