Les sept yeux de Lith brûlaient de mana et de détermination. Le coup de poing était incroyablement rapide, mais téléphoné. Il esquiva avant même que le bras de Treius ne commence à bouger et conjura en même temps un coussin d’air.
Le poing en mouvement produisit des ondes de choc dans l’air sur lequelles Lith surfa comme une vague grâce au coussin d’air. La manœuvre lui permit d’éviter le coup avec facilité. Treius réagit en se déhanchant et en visant pour son prochain coup de poing là où Lith était censé atterrir.
Une soudaine secousse douloureuse lui fit manquer la cible de près de cinq mètres. Un deuxième et un troisième coup de poing le firent tomber à genoux, l’estomac noué.
‘J’ai coupé tous mes récepteurs de la douleur, pourquoi la ressens-je encore ?’ Treius vit le Gardien apparaître dans les mains de Lith au milieu de flammes émeraude. Il savait qu’aucune lame ne pouvait le blesser, mais il ressentait néanmoins de la peur.
‘Je ne sais pas.’ Répondit l’Étoile Noire, éprouvant de la terreur pour la deuxième fois de sa vie.
Lith ne s’était pas contenté de trancher la force vitale des Kaduriens, il l’avait aussi enveloppée dans une bulle de magie spirituelle. Dès qu’il avait terminé sa récolte, il avait approché les sphères noires du dragon.
La nature prédatrice de l’Étoile Noire avait fait le reste. L’énergie massacrée avait été mélangée à l’énergie saine et paralysait à présent la forme de dragon de Treius. Pour fonctionner correctement, un corps a besoin d’un ensemble précis d’instructions fournies par la force vitale.
Même si l’Étoile Noire adaptait la force vitale humaine à la forme de dragon, tous les dommages que Lith lui avait infligés étaient toujours présents. L’énergie corrompue était une torture vivante pour son hôte, arrêtant les organes qu’elle traversait.
Les membres devenaient mous, les organes cessaient de fonctionner. L’Étoile Noire ne réalisa la gravité de la situation que lorsque la ‘maladie’ se propagea au cerveau et au cœur de Treius. La défaillance de ces organes causerait plus de dégâts qu’elle ne pourrait en guérir.
Les yeux du dragon se révulsèrent, ne laissant apparaître que la sclérotique. Il ne pouvait plus respirer ni même penser. Treius tomba au sol tandis que Lith s’élançait vers la puissante créature réduite à l’état de poisson dans un tonneau.
L’Étoile Noire n’eut d’autre choix que de retirer ses pouvoirs. Treius revint à la vie en haletant, se sentant faible et léthargique. Il vit Lith s’approcher, sa lame prête à l’emploi, débordante de puissance.
Il utilisa la fusion de l’air et de la terre pour esquiver, mais sans l’aide de l’objet maudit, il était de retour à la case départ. Son corps n’avait pas eu le temps de s’adapter au nouveau noyau et il ne portait pas les protections magiques de son oncle.
Sans suffisamment de vigueur, un corps aussi imposant n’était qu’une cible encore plus grande. Le premier coup de Lith trancha l’un des pieds du géant, faisant tomber Treius en arrière. Lith s’élança verticalement sur le moignon alors que le corps de l’adversaire était encore en l’air.
Treius n’eut pas le temps de lancer un sort, il tenta d’éloigner l’ennemi à coups de griffes. Ses mains s’envolèrent dans une gerbe de sang, mais pas une goutte ne toucha Lith qui était déjà au-dessus de sa poitrine.
Treius hurla de terreur tandis que Lith rugissait de colère, libérant de sa bouche un autre jet de flammes bleues qui entra dans la gueule du dragon. La tête de Treius s’enflamma, ses yeux éclatèrent comme des ballons. Lith le décapita quand même, par sécurité.
Lorsque l’Étoile Noire émergea du corps mutilé du dragon, le cercle de maîtrise du pardon était déjà actif.
Les runes du sort de repentir volèrent à l’intérieur de l’objet maudit. Lith n’eut d’autre mot que ceux nécessaire pour psalmodier le sort jusqu’à la fin. A la septième rune, l’objet maudit, au lieu d’une étoile de cristal, ressemblait à un tas d’éclats de verre collés les uns aux autres.
“Arrête ! je t’en supplie ! Tu as vu de quoi je suis capable. Imagine si j’avais un hôte convenable au lieu d’un idiot choyé. Tu n’as aucune raison de me tuer. Tu sais comment me paralyser, prends ton temps et réfléchis bien à ce que tu fais.”
Le corps de Treius reprit son apparence naturelle, mais la tête continua à brûler jusqu’à ce qu’il ne reste plus que des cendres. Lorsque la douzième et dernière rune s’écrasa sur l’Étoile Noire, ses fragments implosèrent en émettant un bruit sourd.
Les nuages noirs à l’intérieur et à l’extérieur de Kaduria disparurent. La tribulation était terminée. La phase de lumière et la phase d’ombre n’existaient plus, seul le vrai soleil brillait au-dessus de la tête de Lith.
Les ruines de Kaduria émirent alors une lumière aveuglante qui prit la forme d’innombrables étoiles filantes de différentes tailles. La plupart plongèrent dans Mogar, rendant à la planète l’énergie qui lui avait été volée au cours des siècles.
Les autres s’envolèrent vers l’horizon, disparaissant à la vitesse de la lumière.
Lith utilisa Invigoration pour soigner ses blessures et récupérer les énergies dépensées pendant la bataille. La rage avait disparu, il ne restait plus que l’abîme. Il se sentait plus vide que jamais.
“J’espère que tu m’as bien observé, Yurial.” Lith se parlait à lui-même plus qu’au cosmos. Si même un cinglé comme Redan ne s’était pas transformé en fantôme le temps de lui dire adieu, quelqu’un comme Yurial ne pouvait qu’être en paix, où qu’il soit.
“Je te l’ai dit maintes fois, les Gardiens ne sont pas inutiles et tu ne l’étais pas non plus. Tout est une question de timing dans tes décisions. Si tu avais demandé à Quylla de sortir avec toi au lieu de l’admirer de loin, tu serais encore en vie, espèce de crétin.” Soupira Lith.
“Ce que j’essaie de dire, c’est : merci. Aujourd’hui, tu m’as sauvé la vie.”
‘Lith pense toujours à Yurial lorsqu’il lance un tableau.’ pensa Solus. ‘J’aurais aimé qu’ils passent plus de temps ensemble. J’aimerais pouvoir serrer Lith dans mes bras et lui dire que tout ira bien.’
Lith sortit de la barrière et après avoir réfléchi, il appela le lieutenant Kamila Yehval, son administratrice. Il lui donna une version complète et méticuleusement trafiquée des événements de Kaduria.
Kamila a eu du mal à le croire. Elle lui demanda de retourner à l’intérieur et lui donna des instructions précises sur la manière de scanner son environnement avec l’amulette de l’armée.
“C’est génial !” C’est la seule chose qu’elle réussit à dire une fois qu’elle eu reçu toutes les données. Elle le mit en attente avant de contacter leurs supérieurs. Même les plus petits événements concernant une cité perdue devaient être rapportés jusqu’au sommet de la chaîne de commandement, sans parler de sa liberation.
C’était un événement sans précédent.
“Nos commandants veulent l’entendre directement de votre bouche. Vous devez les rencontrer demain à midi au quartier général. Par ailleurs, vous êtes en congé pour les trois prochains jours.”
“Trois jours de congé ? Je n’ai passé que deux jours sur le terrain.” La nouvelle surprit Lith.
“Je sais, mais les ordres sont les ordres. Retournez à Belius dès que possible et profitez de vos vacances.”
Après avoir éteint son amulette de communication militaire, Lith sortit son amulette civile et appela son rendez-vous potentiel.
“Bonjour, Kamila.”
“Bonjour, Lith. Je ne m’attendais pas à avoir de tes nouvelles si tôt”. Répondit-elle avec un petit rire. Son ton était différent de celui d’avant. Elle était plus détendue.
“Moi non plus. Cette emmerdeuse d’administratrice m’a donné trois jours de congé à l’improviste. Tu y crois ?”
“Vraiment ? Trois jours ?” S’esclaffa t-elle. “Que vas-tu faire de tout ce temps libre ?”
“Ça dépend. Es-tu libre pour dîner ce soir ?”
